- L’édition de la correspondance de Gaspard Monge en quelques dates
- Chronologie biographique de Gaspard Monge (1746-1818)
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Édition de correspondance et enjeux biographiques
- Les motifs de l'action publique des savants
- Interroger ensemble l’engagement révolutionnaire et la pratique scientifique du géomètre
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42. Monge à sa femme Catherine Huart
Auteurs : Monge, Gaspard
Transcription & Analyse
Transcription linéaire de tout le contenu
Milan, le 23 brumaire de l'an V de la République
Nous voilà, ma très chère amie, revenus à moitié chemin de Rome à Paris. C'est une assez bonne reculade que nous venons de faire ; Dieu veuille que ce soit pour mieux sauter. En arrivant ici avant-hier, où Berthollet et Berthélemy[1] étaient déjà depuis une dizaine de jours, nous avons trouvé chez la citoyenne Buonaparte la citoyenne Faipoult et la petite Julie[2] que nous avons reçues avec toute l'amitié possible. Je leur ai remis la petite lettre dont Paméla[3] m'avait fait porteur, et qui a été bien reçue. La pauvre petite Julie qui en grandissant est toujours aussi aimable, nous a fait des caresses charmantes et m'a fait bien des reproches de ce que je n'avais pas amené Paméla et Louise[4] que, disait-elle, j'aurais pu mener d'abord à Gênes, pour les y laisser jusqu'à notre retour[5]. La citoyenne Buonaparte[6] chez qui nous avons dîné tous hier, m'a parlé de la manière la plus obligeante de toi et de nos enfants, et elle m'a recommandé avec grâce de la rappeler à votre souvenir, vous ayant vues au bal chez la citoyenne Berthollet pour la prise d'Amsterdam.[7]
La citoyenne Faipoult part demain matin pour retourner à Gênes. Peut-être la prierai-je de se charger de cette lettre, quoique ce soit lui faire prendre de beaucoup [le chemin] le plus long; car le Congrès d'État de la Lombardie décachette toutes les lettres qui s'expédient par les courriers ordinaires. Je n'ai aucune répugnance à ce qu'on lise ma correspondance avec toi ; mais cette opération retarde les lettres d'une dizaine de jours au moins, et c'est un grand inconvénient. Quant à nous, nous allons être sevrés de vos nouvelles pendant longtemps, il faudra que vos lettres reviennent de Rome à Florence, et de Florence ici, et qu'à chacune de ces stations elles traînent une huitaine de jours sur les bureaux.
Notre pauvre collègue La Billardière, après avoir rassemblé avec grand peine tout ce qui était nécessaire pour conduire le convoi à Paris en passant par le col de Tende, Nice, Aix et Lyon, et étant arrivé au bas du col, a appris qu'une armée de barbets[8] l'attendait pour piller le convoi, et que son escorte n'était pas suffisante pour le protéger ; il s'est déterminé à reculer jusqu'à Coni, pour passer par le Mont-Cenis.[9] En cela il a bien fait; mais il n'a pas cru pouvoir faire passer par cette route les grandes caisses; il les a donc laissées à Coni, et il est parti avec tous les petits paquets. Il résulte de cela qu'il n'a conduit à Paris que des livres, des objets d'histoire naturelle etc., que l'on peut regarder comme les accessoires du convoi. Tous les tableaux, entre autres la Sainte Cécile et le Saint Jérôme, sont donc encore en Italie.[10] Pendant que j'étais à Livourne, mes collègues ont trouvé Escudier qui s'est chargé d'aller prendre ce convoi à Coni, de lui faire passer le col de Tende et de le conduire jusqu'à Paris.[11] Pendant ce temps-là, le convoi que nous venons de charger à Modène, se rend à Gênes, d'où le citoyen Faipoult l'expédiera par mer jusqu'à Nice où Escudier le rencontrera. Il s'en chargera encore et tout ce sur quoi nous avons mis la main en Italie va donc probablement être mis à l'abri des événements. J'espère que dans une douzaine de jours tout sera sur l'ancien territoire de la République. Cependant, pour mettre encore à cela plus d'activité, Berthollet et Tinet[12] viennent de partir ce matin pour Coni, et veiller par eux-mêmes à ce que le passage du col de Tende soit effectué dans le plus bref délai. Dans tous les entrepôts l'on ne nous a volé qu'une seule caisse, celle qui contient la donation faite à l'église de Ravenne en 490, écrite sur papyrus. Si nous allons à Rome, nous pourrons réparer cette perte, parce qu'il y en a sept ou huit pareilles, qui ont seulement une dizaine d'années de moins en ancienneté.[13]
Nous sommes ici, ma chère amie, au moment des plus grands événements. L'Empereur[14] a rassemblé une grande armée qui est actuellement en présence. Son objet est de délivrer Mantoue et de nous chasser de l'Italie. Notre position est meilleure qu'elle n'était quand Wurmser tenta la même entreprise,[15] le zèle de nos volontaires est vraiment édifiant; et nous avons la plus grande espérance du succès. Lorsque tu recevras cette lettre, vous saurez vraisemblablement à Paris le résultat qui ne doit pas tarder et dont les nouvelles arriveront à Paris par des courriers extraordinaires. Si Mantoue est délivrée, une nouvelle campagne devient nécessaire pour l'an prochain et nous ne devons pas espérer de retourner à Rome cette année. Alors il sera inutile que nous soyons ici à charge de la République ; nous retournerons en France d'où l'on pourra dans les circonstances convenables, renvoyer nous ou d'autres achever la mission. Si, au contraire, la fortune qui accompagne toujours la République, et qui couronne les vertus de nos braves défenseurs, leur est fidèle, et il ne serait pas nécessaire pour cela de détruire cette quatrième armée comme on a fait [de] celle de Wurmser ; il suffirait de la bien battre et de la renfoncer dans le Frioul. Alors Mantoue, qui ne résiste que par l'espoir du secours prochain, tomberait très promptement en notre pouvoir. Nous serions absolument maîtres de l'Italie, et nous nous mettrions en marche pour Rome[16] où nous travaillerions avec la plus grande ardeur pour envoyer le plus promptement possible à Paris un convoi triomphal pour lequel tout est disposé, et dont il ne convient pas que je te fasse ici le détail, parce que c'est la peau de l'ours.
Adieu, ma chère amie. Embrasse bien tendrement pour moi, la citoyenne Baur,[17] Louise, Paméla, Victoire[18] ; présente mes hommages à la citoyenne Berthollet; rappelle-moi au souvenir de tous nos amis et compte sur mon tendre attachement et sur l'empressement que j'ai à te revoir.
Nous ne sommes plus ici dans les pays chauds ; il y fait à peu près le même temps qu'à Lyon, et l'on ne s'y chauffe pas aussi bien.
[1] Claude-Louis BERTHOLLET (1748-1822) et Jean-Simon BERTHÉLÉMY (1743-1811). Voir la lettre n°40.
[2] Anne-Germaine DUCHÉ (1762-1815) femme Guillaume-Charles FAIPOULT DE MAISONCELLES (1752-1817) De son premier mariage avec Grandjean-Delisle, elle a une fille Charlotte-Germaine-Julie GRANDJEAN-DELISLE ( ?-1870) que Faipoult adopte en 1807.
[3] Marie-Élisabeth Christine LEROY (1783-1856) appelée Paméla, nièce de Catherine HUART.
[4] Louise MONGE (1779-1874). La famille Monge entretient des relations amicales avec celle de son ancien élève de Mézières, Faipoult. Voir les lettres n°3 et 164.
[5] C’est à Gênes que réside Faipoult avec sa famille. Il y est ministre plénipotentiaire de la République française.
[6] Marie-Joseph-Rose TASCHER DE LA PAGERIE, vicomtesse de BEAUHARNAIS (1763-1814).
[7] Marie-Marguerite BAUR (1745-1829).La prise d’Amsterdam sous le commandement du général Pichegru a lieu le 1er pluviôse an III [20 janvier 1795].
[8] Les barbets sont issus de la fusion des miliciens, originellement appelés les « chasseurs de Nice », et d’autochtones exaspérés qui résistent à l’occupation des forces françaises. La correspondance militaire évoque souvent les actions des barbets. Ces lettres insistent particulièrement sur le phénomène. Par des coups de mains spectaculaires mais aussi par l’effet de surprise qu’ils savaient ménager, les barbets inspirent la terreur. Ils furent une constante source d’inquiétude pour l’armée d’Italie. Ils sont aussi utilisés et rendus responsables des déprédations commises par d’autres. Les barbets furent souvent un alibi facile pour expliquer les gaspillages dans le domaine des charrois et des subsistances. Voir IAFELICE M. (1998), Barbets ! Les résistances à la domination française dans le pays niçois (1792-1814), Nice, Serre éditeur et CANDELA G. (2000), L’armée d’Italie ; Nice 1792-1796, Nice, Serre éditeur.
[9] Sur le premier convoi sous la responsabilité de Jacques-Julien LA BILLARDIÈRE (1755-1834), voir les lettres n°14, 15, 16, 22, 28, 33, 41, 48, 52 et 53.
[10] La Sainte Cécile et quatre saints (1515) de Raffaello SANZIO DA URBINO (1483-1520) et « La Madone de saint Jérôme » (1527-1528) de Antonio ALLEGRI, dit il Correggio (1489 ? – 1534).
[11] Jean-François ESCUDIER (1759-1819). Sur le convoi des tableaux de Lombardie voir lettres n° 41, 48, 77, 81, 92, 98 et 109.
[12] Claude-Louis BERTHOLLET (1748-1822) et Jacques Pierre TINET (1753-1803).
[13] Voir lettres n°13 et 22.
[14] François II (1768-1835).
[15] Fin juillet 1796, après le passage de Brescia. Dagobert Sigismond de WURMSER (1724-1797). Voir lettres n°22 et 25.
[16] Monge exprime ici clairement la nature décisive de la prise de Mantoue pour la poursuite de la campagne mais aussi pour ses impacts sur la politique intérieure de la République française. Voir lettres n°45. Et à propos du siège de Mantoue, voir lettres n°12, 18, 21, 22, 29, 30, 34, 45, 51, 53 et 55.
[17] Anne Françoise HUART (1767-1852).
[18] Victoire BOURGEOIS (17 ? -18 ?).
Relations entre les documents
Collection 1796-1797 : Première mission en Italie, La commission des sciences et des arts Prairial an IV - vendémiaire an VI
Ce document a pour thème CSA- Italie (Convois) comme :14. Monge à sa femme Catherine Huart
28. Monge à sa femme Catherine Huart
48. Monge à sa femme Catherine Huart
52. Les commissaires au ministre des relations extérieures
53. Monge à sa femme Catherine Huart
77. Monge au Conseil de l'École polytechnique
81. Monge à sa femme, Catherine Huart
92. Les Commissaires au ministre des relations extérieures
98. Les Commissaires au commandant et à l'ordonnateur de la marine de Toulon
109. Les Commissaires au Directoire
Ce document a pour thème Campagne militaire (Italie) comme :
18. Monge à sa femme Catherine Huart
21. Monge à sa femme Catherine Huart
22. Monge à son gendre Nicolas-Joseph Marey
51. Monge à sa femme Catherine Huart
45. Monge à sa femme Catherine Huart
53. Monge à sa femme Catherine Huart
55. Monge à sa femme Catherine Huart
Collection 1796-1797 : Première mission en Italie, La commission des sciences et des arts Prairial an IV - vendémiaire an VI
15. Les commissaires au ministre des relations extérieures a pour thème CSA- Italie (Convois) comme ce document16. Monge à Carnot a pour thème CSA- Italie (Convois) comme ce document
22. Monge à son gendre Nicolas-Joseph Marey a pour thème CSA- Italie (Convois) comme ce document
27. Monge à sa fille Émilie Monge a pour thème CSA- Italie (Convois) comme ce document
33. La Commission au ministre des relations extérieures a pour thème CSA- Italie (Convois) comme ce document
41. Les commissaires au ministre des relations extérieures a pour thème CSA- Italie (Convois) comme ce document
53. Monge à sa femme Catherine Huart a pour thème CSA- Italie (Convois) comme ce document
117. Monge au ministre des relations extérieures a pour thème CSA- Italie (Convois) comme ce document
13. Monge à sa femme Catherine Huart a pour thème CSA- Italie (Saisies) comme ce document
12. Monge à sa femme Catherine Huart a pour thème Campagne militaire (Italie) comme ce document
29. Monge à sa femme Catherine Huart a pour thème Campagne militaire (Italie) comme ce document
30. Monge à sa femme Catherine Huart a pour thème Campagne militaire (Italie) comme ce document
34. Monge à sa femme Catherine Huart a pour thème Campagne militaire (Italie) comme ce document
46. Monge à sa femme Catherine Huart a pour thème Campagne militaire (Italie) comme ce document
48. Monge à sa femme Catherine Huart a pour thème Campagne militaire (Italie) comme ce document
54. Monge à Catherine Huart
a pour thème Campagne militaire (Italie) comme ce document
66. Monge à sa femme Catherine Huart, a pour thème Campagne militaire (Italie) comme ce document