- L’édition de la correspondance de Gaspard Monge en quelques dates
- Chronologie biographique de Gaspard Monge (1746-1818)
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Édition de correspondance et enjeux biographiques
- Les motifs de l'action publique des savants
- Interroger ensemble l’engagement révolutionnaire et la pratique scientifique du géomètre
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- L'idée de progrès : un instrument de réforme de la pratique scientifique
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184. Monge à Bonaparte
Auteurs : Monge, Gaspard
Transcription & Analyse
Transcription linéaire de tout le contenu
Civitavecchia, le 6 prairial de l'an VI de l'ère républicaine
Mon cher général,
Nous avons reçu aujourd'hui vos derniers ordres, et j'ai tout lieu de croire que demain, de grand matin, nous serons à la voile pour nous rendre au point que vous nous avez indiqué.[1]
Me voilà donc transformé en Argonaute ![2] C'est un des miracles de notre nouveau Jason, qui ne va pas fatiguer les mers pour la conquête d'une toison dont la matière ne pourra pas beaucoup augmenter le prix, mais qui va porter le flambeau de la raison dans un pays où, depuis bien longtemps, sa lumière ne parvient plus, qui va étendre le domaine de la philosophie et porter plus loin la gloire nationale.[3]
Nous avons pris à Rome les mesures pour faire transporter le convoi des objets que nous y avons recueillis. Cette expédition se fera plus rapidement que celle de l'année passée,[4] et il est possible que le convoi mette à la voile dans deux mois. Ne serait-il pas nécessaire, mon cher général, qu'à cette époque une frégate ou deux escortassent les vaisseaux de transport pour les défendre contre des corsaires ou contre quelques petits bâtiments de guerre anglais, qui, sur le bruit de l'embarquement, ne manqueraient pas de venir rôder autour et essayer d'en enlever au moins quelque chose ? Arrivé à votre destination, si vous expédiez en France quelques bâtiments pour porter des nouvelles, ne serait-il pas possible d'employer à cela une frégate qui aurait ordre de mettre ses paquets à Civitavecchia, d'où on les expédierait par un courrier extraordinaire, et qui attendrait ensuite dans le port que le convoi fût prêt ? J'ai cru devoir vous parler de cet objet d'avance, afin que vous puissiez faire d'une pierre deux coups si l'occasion s'en présente.
Le dernier convoi de Rome sera très considérable ; le poids des objets sera au moins de 30 000 quintaux.[5] Parmi les objets précieux qui le composent se trouve une belle statue de Pallas de dix pieds de hauteur. C'est un ouvrage grec des plus beaux temps de la sculpture, et qui a été trouvé, il y a environ six mois, dans les environs de Velletri.[6] La statue est en marbre grec dur, le travail en est parfait, et il n'y a pas encore eu de statue aussi bien conservée. La tête est aussi belle que celle de l'Apollon du Belvédère[7], et la draperie est un modèle de bon genre et d'exécution. Elle est, dans ce moment, dans les ateliers de l'Académie de France, où on la nettoie, et où l'on fera les légères restaurations avant que de l'encaisser, afin qu'au déballer à Paris les amateurs puissent en jouir sur le champ.[8]
J'ai bien de l'empressement à vous rejoindre, mon cher général, et les vents, qui dans ce moment sont debout, me donneront vraisemblablement de grandes impatiences.[9] Présentez, je vous prie, mes respects à la citoyenne Bonaparte,[10] et comptez sur mon respectueux attachement.
Monge
[1] Le départ de l’expédition s’effectue à partir des ports de Marseille, Toulon, Gênes et Civitavecchia. Napoléon BONAPARTE (1769-1821) écrit deux lettres à Desaix avant de s’embarquer de Toulon. Huit jours plus tard, le 29 floréal an VI [18 mai 1798] Bonaparte écrit à Desaix : « Nous sommes, depuis le 22, sur une ancre, mon cher général, et prêts à appareiller ; mais un vent d’est extrêmement fort nous en a empêchés. Aujourd’hui il fait calme plat. J’espère donc pouvoir appareiller demain matin, à moins que les vents ne reprennent à l’est. Une fois à la voile, les vents peuvent nous pousser très rapidement ; vous devez donc toujours vous tenir prêts à appareiller à six heures. […] Je vous recommande de nous envoyer un aviso entre l’île d’Elbe et la Corse ; il aura soin d’interroger tous les bâtiments qui viendraient du Levant ou d’Espagne, pour connaître les mouvements de la Méditerranée. Bien des choses à Monge. » (2492, CGNB).
[2] Monge a d’abord montré une légère résistance avant d’exprimer pleinement son plaisir et son enthousiasme à s’embarquer pour l’Égypte. Voir la lettre n°153.
[3] Monge exprime aussi clairement son enthousiasme à l’idée de s’embarquer pour l’expédition maritime et scientifique que la nature prestigieuse d’une telle entreprise. Sur la nature grandiose de l’expédition, voir les lettres n° 163, 171, 174 et 187. La perspective de Monge est déterminée par l’idée de progrès. C’est l’extension des domaines de la connaissance, extension à la fois géographique et intellectuelle qui devient le motif de la gloire nationale. Sur le caractère adéquat des sciences pour provoquer l’enthousiasme républicain, voir les lettres n° 4 et 5.
[4] Sur les convois des objets de Rome transportés à Livourne pour y être embarqués pour Marseille, voir les lettres n°92, 94, 98, 100, 102, 103, 109, 110, 111, 121 et 122.
[5] Les objets les plus lourds ne pouvaient pas être convoyés en France par terre. Voir les lettres n°102 et 110.
[6] « Athéna » dite la « Pallas de Velletri ». Le restaurateur Vincenzo Pacetti la découvre en 1797 dans les ruines d'une villa romaine située près de Velletri, une petite ville italienne. Cette statue est une œuvre romaine d’époque impériale (Ier siècle ap. J.-C.). Elle mesure plus de trois mètres et est en marbre de Paros. Elle est rachetée par les commissaires.
[7] L’ « Apollon du Belvédère » saisi au Vatican en 1797 par la commission des sciences et des arts.
[8] Monge accorde beaucoup d’importance à l’exposition immédiate des œuvres d’art saisies en Italie. Ainsi il ajoute que les objets sont encaissés de manière à veiller à leur protection, mais aussi de manière à les montrer sans délai. Voir la lettre n°48. Voir aussi LUBLINER-MATTATIA S. (2007), « Monge et les objets d’art d’Italie », Un savant en son temps : Gaspard Monge, Bulletin de la SABIX, 41, pp. 92-109.
Relations entre les documents
Collection 1798 : Seconde mission en Italie Institution de la République romaine et préparation de l’expédition d’Égypte Pluviôse – prairial an VI
Ce document a pour thème Campagne militaire (Egypte) comme :163. Monge à son gendre Nicolas-Joseph Marey
Collection 1796-1797 : Première mission en Italie, La commission des sciences et des arts Prairial an IV - vendémiaire an VI
Ce document a pour thème CSA- Italie (Convois) comme :92. Les Commissaires au ministre des relations extérieures
94. Les Commissaires au ministre des relations extérieures
98. Les Commissaires au commandant et à l'ordonnateur de la marine de Toulon
100. Les Commissaires au ministre des relations extérieures
103. Les Commissaires au ministre des relations extérieures
109. Les Commissaires au Directoire
110. Monge à sa femme Catherine Huart
111. Les Commissaires au ministre des relations extérieures
121. Les Commissaires au ministre Faipoult à Gênes
122. Monge à sa femme Catherine Huart
Collection 1796-1797 : Première mission en Italie, La commission des sciences et des arts Prairial an IV - vendémiaire an VI
131. Monge à sa femme Catherine Huart a pour thème Campagne militaire (Egypte) comme ce documentCollection 1798 : Seconde mission en Italie Institution de la République romaine et préparation de l’expédition d’Égypte Pluviôse – prairial an VI
153. Monge à Bonaparte a pour thème Campagne militaire (Egypte) comme ce document171. Monge à sa femme Catherine Huart a pour thème Campagne militaire (Egypte) comme ce document
174. Monge au Directoire a pour thème Campagne militaire (Egypte) comme ce document
176. Monge à son gendre Nicolas-Joseph Marey a pour thème Campagne militaire (Egypte) comme ce document