- L’édition de la correspondance de Gaspard Monge en quelques dates
- Chronologie biographique de Gaspard Monge (1746-1818)
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Édition de correspondance et enjeux biographiques
- Les motifs de l'action publique des savants
- Interroger ensemble l’engagement révolutionnaire et la pratique scientifique du géomètre
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186. Monge à sa femme Catherine Huart
Auteurs : Monge, Gaspard
Transcription & Analyse
Transcription linéaire de tout le contenu
La division s'est embarquée hier, ma chère amie, et le vent n'étant point favorable pour sortir, nous ne nous sommes embarqués que ce matin, nous ne sommes pas plus avancés. Le port a deux passes, mais il n'y en a qu'une seule praticable pour un gros bâtiment comme notre frégate[1] ; l'autre ne peut servir que pour les navires de commerce. Il se trouve que le vent, qui souffle actuellement et qui nous mènerait droit au rendez-vous, est de bout pour sortir de la passe et nous tient ici en prison ; ce qui nous désole, car le général en chef, qui voit que le vent est le plus favorable pour que nous allions le rejoindre, nous attend vraisemblablement dans ce moment-ci et va bien s'impatienter contre nous lorsqu'il ne nous verra pas arriver. On s'occupe néanmoins des moyens de sortir malgré le vent, et l'on espère en venir à bout vers la fin de la journée si le vent faiblit un peu. Si nous avions pu sortir hier soir, nous aurions été réunis aujourd'hui à la grande flotte, et cela aurait donné de la gaîté à nos volontaires. Quant à nos matelots, cela leur est à peu près indifférent. Nos bâtiments de transport sont de toutes les nations du monde. Nous avons des Turcs, des Algériens, des Grecs, des Suédois, des Hollandais, etc. Nous avons fait flèche de tout bois et il n'a pas été maladroit de faire cet embarquement, car quand nous avons reçu les premiers ordres, il n'y avait pas un bâtiment disponible dans le port. Nous avons mis embargo sur tous les vaisseaux marchands, à mesure qu'ils se sont présentés et peu à peu nous avons eu notre nombre.[2]
Une lettre que j'ai reçue aujourd'hui du citoyen Faipoult[3], m'annonce que d'après les bruits de Milan, c'est le citoyen François de Neufchâteau qui est sorti du Directoire.[4] On est étonné ici que cet événement s'accorde si bien avec le bruit qui court depuis deux mois que c'est lui qui doit sortir.
Comme il faut s'occuper un peu de ses arrangements à bord, attendu que les petites chambres que l'on fait pour le général Desaix et pour moi ne sont pas encore terminées,[5] je n'aurai pas le temps de te faire grand récit. Cependant, je ne cachèterai la présente que quand nous serons à la voile, et je la remettrai à ceux qui feront la reconduite à l'expédition. Ainsi, lorsque tu la recevras tu seras sûre qu'en te l'envoyant, nous étions déjà partis ; mais si nous sommes encore retardés, je pourrai bien l'allonger encore.
Adieu, ma chère amie.
Monge
Je reviens, ma chère amie, cacheter ma lettre et te dire adieu. On lève l'ancre et toutes les chaloupes des navires de l'expédition arrivent pour remorquer la frégate et la faire sortir. Nous espérons qu'elles seront plus fortes que le vent, et qu'enfin nous pourrons nous rendre à notre destination. Adieu, embrasse toute la maison et celle d'Eschassériaux.[6]
Adieu.[1] La frégate « La Courageuse » appartient au groupe des dix frégates qui constituent la classe Virginie et sont construites selon les plans de l’architecte naval français Jacques-Noël Sané (1740-1831). Ce sont des navires de guerre portant des canons de 18 livres et mesurant près de cinquante mètres de long et douze de large.
[2] Monge donne à Catherine des détails sur la préparation de l’expédition maintenant qu’il n’est plus tenu de garder le secret. Voir les lettres n°153, 154, 156, 157, 158, 163, 164, 171 et 177. Sans doute aussi parce qu’elle lui a exprimé clairement sa frustration face aux non dits de sa correspondance en lui pointant des contradictions entre ce qu’il lui décrit dans ses lettres et les échos des activités des autres commissaires qu’elle obtient auprès de leurs proches. Voir les lettres n°164, 181 et 182.
Analyse
Lettre autographe non signée copiée en décembre 1877 au moment de la vente du cabinet du marquis de [Lojac Loyac] dont elle faisait partie.[R.T.]