133. Les cancans ...de Kankan

Auteur(s) : Sassine, Williams

Les folios

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Sassine, Williams, 133. Les cancans ...de Kankan , 1994/10/03.
Claire Riffard, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle).
Consulté le 02/05/2024 sur la plate-forme EMAN : https://eman-archives.org/francophone/items/show/3475

Texte de l'article

Transcription

N° 133, 3 octobre 1994. Les « cancans ...de Kankan »

- Oh putain ! Comment tu as fait pour revenir ?
- Moi-même je ne sais pas ! Il est vrai que pour aller à Kankan et en revenir vivant, cela tient du miracle. J’avais forcé ce miracle, en prenant la route à l’aller. Jusqu’à Mamou, pas de problème ! Mais après…À 27 kms de Faranah par exemple, nous avons mis 4 heures. Sur ce tronçon, comme à Kissidougou, on dirait qu’on a versé de la sauce Gombo. Un canard y glisserait, si les brigands ne l’attrapent pas. Kissidougou est une ville tranquille à minuit, puisque c’est l’heure où les bandits se réveillent. En accord avec la « vaillante » force de l’ordre. Beaucoup de passagers avaient envie de sortir pour pisser, mais le conducteur était formel : « Si quelqu’un vous prend et vous coupe la tête, je ne suis pas responsable. Il y a trois mois, j’ai perdu un passager ici. A Fakoudou ! »

Quelqu’un passait, trainant une vache chaussée (sic). Il l’avait probablement empruntée ou volée. Où est le problème ? Je pensais moi, à ma vessie, comme les autres d’ailleurs. Pour ne pas mouiller mon pantalon, je fermai les yeux et m’imaginai dans un palace. L’imagination peut tout. Malheureusement, Fory Coco en manque. Je suis sûr que même quand il dort, il ne voit que des eaux endormies. A Fakoudou !

Bon on est parti ! En laissant derrière nous le fantôme de la Gomme, le minustre de l’insécurité. Le reste de la route, on l’a avalé. Le chauffeur de temps en temps, nous parlait de son passé ivoirien. Belles routes bien tracées, sécurité, bon salaire etc…Il rêvait de foutre le camp encore. On est tombé dans un fossé. Il fallait descendre pour pousser. Une occasion pour pisser. On chen fout ! A Fakoudou ! Comme le disait l’humoriste Alphonse Allais : « Si j’étais riche, je passerais mon temps à uriner »

Kankan n’est pas loin de Conakry. C’est la route qui est longue. Ce n’est pas seulement de la réalité. C’est une déformation de vocabulaire. Kankan est en « Haute Guinée », mais il faut descendre de la « Moyenne Guinée » pour y pénétrer. La route qui conduit aux enfers, est facile à suivre. Le chauffeur se débrouillait, pendant que je massais mes genoux bloqués sous une « mammifère » endormie.

Pour me remonter le moral, je n’arrêtais pas de me répéter : « Un jour tu finiras par voir Kankan. Un homme se doit de ne pas se décourager. Si Kankan existe, tu le verras… ». On arrivait à Tokounou, la capitale des gros rats. J’en raffole ! Enfin, mieux vaut manger ça, que bouffer son prochain comme le fait Dan Fonio, le gouverneur des poubelles de Conakry. La cuisse qu’on me sortit d’une marmite avait une peau épaisse et plus dure que celle d’un hippopotame. Je commandai une hache en pensant à mes confrères affamés du Lynx. Tant pis ! Ils n’ont qu’à avoir une maman malade à 800 kms. Pendant que je cherchais à avaler mon morceau de cuir, une poule vomit à mes pieds. Un coq, l’air dégoûté, traversa la route, pour s’en aller brouter de l’autre côté. A Fakoudou ! C’est vrai, on est en 3è Roue Publique. Vous allez voir. Les nouveaux députés et des-poux-tas, arrivent bientôt. On va bien rigoler quand ils commenceront à se gratter. Par pitié, votez pour Lapin Doré, lui au moins fait rire !

Lors de la campagne passée, pour commencer son laïus, il disait : « chers compatriotes, bonsoir ! » On lui répondait : « bonsoir » et puis on tournait les boutons de l'appareil. Fory Coco, retourne-lui ses 20 millions. Sois fair play ! Tu savais bien qu'il n'avait aucune chance de te battre. Puisque toi tu as La Gomme, ton minus-tre de l'insécurité et La Mine, « le considérant des considérés » de la Basse Cour.

Le car avait fini par démarrer. De temps en temps, de petits groupes de vieilles et de vieux, entourés d’enfants frileux, aux ventres ballonnés. Quant aux arbres, ils reculaient en même temps que l’horizon. En Haute Guinée, l'épreuve du courage n'est pas de mourir mais de vivre. Sékou y a laissé le souvenir d'une noix de coco, dur de l'extérieur, mou dedans. Son remplaçant ressemble à une mangue. Mou à l'extérieur et dur à l'intérieur comme le noyau.

Mouloukou le lézard, était à la fête. La Gomme venait de l’installer comme maire, ou plutôt de distiller ce poison à la ville. Les Kankanais se souviennent douloureusement de lui, quand il portait le drapeau du Pédégé. Le revoilà à la surface, sous marin du PUP cette fois-ci. Une stratégie peut-être de la Gomme, pour barrer la députation à certains leaders. Il a choisi le mauvais lézard. Un lézard sait monter mais il finit toujours par descendre, pour son malheur. En tout cas, il est à remarquer que partout où la Gomme passe, l’insécurité pousse. La preuve ? Dès après l’installation de l’ex-nouveau maire, des brigands, eux, se sont installés dans une paisible concession. En pleine journée et en toute impunité, oubliant le cadavre du chef de famille. La population a pu mettre la main sur l’un des bandits et l’a tué, malgré l’intervention de Mouloukou, le maire-Lézard. Ce qui prouve son manque d’autorité et son impopularité. Pour le moment, il aide la population à rénover un cimetière, ce qui est à son actif. Car un homme qui apprend et oublie, est comme une femme qui tombe en grossesse et qui avorte.

Il est quelques faits troublants qui se sont passés à Kankan.
1. Kader, maire gouverneur a été chassé par la population
2. Grand K, son remplaçant a été chassé par le pouvoir.
3. Faly, le gouverneur des élections présidentielles a été atteint de priapisme douloureux, le pauvre !
4. Celui qui devait prendre la place du troisième, s’est cassé la jambe et est hospitalisé à Ignace Deen. La liste est longue, plus longue que ma mémoire. Et je ne voudrais pas que ma mémoire soit aux ordres de mon cœur. Il était temps de rejoindre Conacrime, la capitale des poubelles. Je ne suis pas pessimiste pour Kankan, ni pour ma « vieille ». Ce sont mes deux mamans. Le cœur d'une mère est l'école pour l'enfant.

Ma petite fille m'a montré un arbuste qu'elle a planté. Lors de la campagne présidentielle, elle a failli se faire enlever pour un sacrifice rituel. Un jour j'aurai besoin d'elle pour apprendre à écrire, parce que la plume peut être plus cruelle que l'épée.

Des jeunes de l’ADEEK (Association des élèves et étudiants de Kankan) s’occupent d’écologie, sans aucune aide du minus-tre de l’aigri-culture. Mais si le brin de paille flotte à la surface de l’eau, la pierre précieuse tombe au fond. On verra !

Les cinémas VOX, REX, RIO, de vieux souve-nirs encore vivants, malgré les avortons de l’audio-visuel. Les cancans de Kankan, ça vous permet de voyager gratuitement. Kankan bonjour !

- Oh putain ! Comment tu as fait pour revenir ? Et la maman ?

Je sortis de mes rêveries

- Oh putain ! Si tu étais venu hier, j’avais de la bonne viande de singe. Il y avait un bras gros comme ça ! A Fakoudou !
- Est-ce que ce n’était pas un bras de…
- Oh putain ! Ne dis pas de nom…moi je ne suis pas dans la politique. Le sac de riz pèse déjà une tonne dans ma poche. Oh putain, on va tous crever ! le dernier ira à son enterrement lui-même. On chen fout ! A Fakoudou ! Qui peut me payer un peu d’alcool ? A ma mort, je veux être conservé. Je ne veux pas être enterré à 14h, après la prière. Moi c’est à 14h, que j’ai soif. A Fakoudou !
Je demandais quelque chose à crédit. Parce que qui boit à crédit, s’enivre deux fois.
- Oh putain ! tu es mon frère Lynx. Qui n’est pas d’accord avec le Lynx ? S’il y a un candidat, qu’il lève son petit doigt !

Je venais de retrouver Taouyah, ma capitale. On ne s’insulte pas à Taouyah. Parce que, qui t’insulte, n’insulte que l’idée qu’il a de toi, c’est à dire lui-même. Le Colonel Kaba 41 passait. A pied ! Fory Coco, paie lui au moins une brouette. C’est quelle façon ça, d’abandonner ses officiers dans la rue ? Tu veux les transformer en « occasion peinturée » ?

Il est un des rares officiers à savoir écrire, toi tu t’en fous ! Ce n’est pas ton problème, puisque tu n’as que des solutions glissantes.

« Malien » passait. Un cas médical intéressant ! Trente ans, à peu près, qu’il buvait en (sic:à) raison de 10 litres de « tamba » par jour. Calculez un peu. Il avait même oublié de manger. Mais il était vivant. Ou peut-être qu’il est mort sans le savoir comme la 3è roue publique.

A Fakoudou ! Le « Tamba » est, pour les existants, l'équivalent du formol pour les morts. Ça concerne ceux qui n'ont rien à perdre, Fory Coco en sait quelque chose.Viens prendre un pot dis-donc ! « Malien » t’attend pour un concours. Fory Coco c’est un défi. Ne te comporte pas comme le « Fini national ».

Williams Sassine

Billet

« UN CHAT M'A CONTE »

Le prix du taxi

Le prix du riz

Le prix d’un rire

Quand est mort le sourire ?

Un chat gris

Un caméléon prit

Un poisson frit

Quand il est pourri

Partout des cris

N’est-ce pas Conakry

Chacun à son prix

Demandez à courte maladie

W.S.

Billet

« UN CHAT M'A CONTE »

Un homme dit à une tortue :

Si tu votes pour moi

Je laverai ta tête

Je laverai ta carapace

Je laverai tes pattes

Qui lavera ma queue

Qui remplira mon ventre ?

Qui élèvera mes enfants

Je m’en vais, bonhomme

Car le chemin est long par les préceptes

W.S.

Description & analyse

Auteur de l'analyseDegon, Elisabeth

Contributeur(s)Degon, Elisabeth (collecte et saisie)

Éditeur(s) de la ficheDegon, Elisabeth

Auteur(s) de la transcriptionDegon, Elisabeth

Informations générales

LangueFrançais

CoteLe Lynx, n° 133

Présentation

Date1994/10/03

GenreDocumentation - Presse

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Fiche : Elisabeh Degon, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes, CNRS-ENS ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)

Éditeur de la ficheClaire Riffard, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)

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Notice créée par Elisabeth Degon Notice créée le 30/07/2019 Dernière modification le 01/09/2022

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