Espace Afrique-Caraïbe

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Chronique assassine, 1994


Auteur(s) : Sassine, Williams

Présentation de la collection

Consulter les chroniques de l'année 1994.

Après les élections présidentielles aux résultats contestés comme il se doit, Lansana Conté alias Fory Coco, est confirmé à son poste de Président. Il a bénéficié de l’annulation des résultats de Siguiri et Kankan et obtenu quelques « virgules » de plus que ses adversaires : qui a « voté ou volé pour la république » ?

C’est alors, qu’on suit les pronostics de nomination d’un nouveau gouvernement qui va ressembler fortement aux précédents et la désillusion devant l’installation de la « démocratie » : rien ne bouge. On reprend les mêmes et on continue.

Williams Sassine n’a pas été recensé, il ne s’est pas exprimé, comme de nombreux Guinéens de l’extérieur toujours perçus comme des étrangers dans leur pays qui dort et ne bouge pas, de crainte de… « On vit en restant assis ».

Les chroniques de 1994 sont ponctuées de séries. 10 épisodes de : « Une vie ça ne trompe pas », 5 de « Mémoire d’un car galant », 3 de « Labé, là bas ». 4 de « Une vie en ressort ». Ces chroniques soulignent la ruine du pays 35 ans après l’indépendance par des récits mémorables.

Chacune a son thème, mais toujours ressort le mauvais état du pays, qui malgré les promesses n’avance pas, « on est des derniers » répète Sassine, une position préférable à toute autre, parce que le progrès est possible. Il évoque la barrière de la langue, lorsque La Baïcha, Ministre des « prématurés » fait son discours en Pular à Labé, dont il ne comprend pas un seul mot. Saint Enelgui agit comme un feu follet, sans contrainte ni ordre, le courant passe en courant et ne s’arrête pas. Les sautes de puissance anéantissent les appareils télé ou radio. Le président et ses ministres communiquent par la télé, dans le vide, faute d’auditeurs.

L’insécurité règne, l’escroquerie est généralisée, la Gomme ministre de l’insécurité est toujours en cause. Les routes sont dans un état désastreux, Sassine le constate lors d’un voyage à Kankan, elles provoquent des accidents, d’autant plus graves que les voitures sont rafistolées.

Manque d’eau, mauvaise conservation des aliments, nourriture avariée, comme le Riz, alias Zir, qui rend malade. La pauvreté domine avec la maigritude : « la pauvreté n’est pas un vice, elle est une vis qui empêche de sortir de soi-même, de rencontrer l’autre. Il n’y a pas de fatalité du malheur, il n’y a que le malheur de la fatalité ».

Une épidémie de choléra se propage, il faut taire son nom pour ne pas effrayer, se tenir à distance du Soléra. L’autre maladie, le Sida, suscite une campagne de diffusion de préservatifs « Prudence ». La lutte anti-tabac stagne. Toujours ce dilemme entre la « courte » et la « longue maladie », sachant que l’espérance de vie en Guinée est de 40 ans et qu’une longue maladie suscite des soins coûteux, au résultat non garanti. La première république avait la corde, c’est mieux que le manque d’aspirine. L’OMS avait promis la santé pour tous en 2000, qu’en est-il de cette attente ?

Cependant l’argent règne, on attend le redressement national depuis 10 ans, mais c’est le redressement individuel qui s’installe, avec le « chacun pour soi » notamment des élites et hommes de pouvoir.

L’état cherche à renflouer ses caisses en levant des impôts, sur le logement, cela scandalise la population : la plupart des habitants paient un loyer, pourquoi un impôt supplémentaire ?

La guerre au Rwanda est souvent évoquée, l’ONU se montre inutile et l’OUA ne cherche même plus à aboyer : au Rwanda, on est pressé d’effacer les Rwandais.

C’est l’année de la mort de Baba Ibrahima Kaké, historien guinéen de renom, originaire de Kankan, Sassine l’avait rencontré en France où il a vécu : « Tu nous as donné ta volonté de dire non aux discours haineux ».

Le rappel régulier de la formule : nous n’avons pas de problème, nous n’avons que les solutions, souligne l’absence d’explication et d’étude des causes de ces problèmes, cet aveuglement est comme une faillite de la raison.

Williams Sassine se montre humaniste, mais pas toujours progressiste, il entame une rubrique avec le A, comme assassinat ou A comme avortement, deux termes qu’il associe, se montrant peu sensibles à la cause des femmes. De fait, il leur attribue souvent des termes dépréciateurs, tels que mammifères, p…. Il continue sur l’Apprentissage de la lecture contre l’Analphabétisme, dont il craint que cela perturbe la tradition orale, voudrait-il laisser la population illettrée ?

Par contre, il s’interroge sur les effets de la religion contre le choléra, est-ce que le virus de ce mal est un croyant ? Autres prières : il paraît qu’on prie Dieu pour nous apprendre à conduire, c’est quoi ce dieu moniteur d’auto-école ? Enfin, incongruité de l’élection du président, puisque c’est Dieu qui l’a mis là.

L’année se termine avec la perspective des élections légis-lascives : « On va se tuer pour des gens qui roulent en voiture de luxe, avec garde du corps, alors que toi tu n’as rien dans le ventre ».

Auteur de la présentationDegon, Elisabeth

Fiche descriptive de la collection

AuteurSassine, Williams
Mots-clés
  • Le Lynx
  • Williams Sassine

SourceLe Lynx
CouvertureConakry
ÉditeurElisabeh Degon, équipe francophone,​ Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)
Contributeur(s)Degon, Elisabeth

Citation de la page

Sassine, Williams, Chronique assassine, 1994, .
Elisabeh Degon, équipe francophone,​ Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle).
Consulté le 21/11/2024 sur la plate-forme EMAN : https://eman-archives.org/francophone/collections/show/255

Collection créée par Elisabeth Degon Collection créée le 04/08/2019 Dernière modification le 01/09/2022