101. Une vie, ça ne trompe pas (5)

Auteur(s) : Sassine, Williams

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Sassine, Williams, 101. Une vie, ça ne trompe pas (5), 1994/02/21.
Claire Riffard, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle).
Consulté le 26/04/2024 sur la plate-forme EMAN : https://eman-archives.org/francophone/items/show/3443

Texte de l'article

Transcription

N° 101, 21 février 1994 : « Une vie, ça ne trompe pas » (5)

Bon au Burkina, on a bien rempli le contrat, puisqu’on a été battu. Une équipe qui perd, est une équipe à soutenir, avec ou sans soutien-gorge. En attendant, je vais me permettre de donner quelques conseils, pour pouvoir gagner une coupe par jour.

1) Sur le terrain, il faut donner à chacun de nos sélectionnés un ballon. On chen fout de l’arbitre ! S’il n’est pas content, il n’a qu’à dégager ! De toute façon on n’a pas besoin d’arbitre quand on est décidé à gagner. On peut même amener notre propre arbitre.

2) Chacun de nos joueurs joue avec son ballon. Où est le problème ? Le terrain est assez grand pour onze ballons, plus le ballon de l’affrontement.

3) Malgré tout, si on commence à nous battre, que chacun ramasse son ballon, et coure vers le but adverse. Si on ne peut pas utiliser les mains. Le Guinéen sportif est trop compliqué et bête. C’est avec les mains qu’on travaille dans le pays. Les caisses sont vides, les marmites vides, les poches sont vides, c’est grâce aux mains qu’on a vidé tout chat là quoi ! Hé Kéla !

Un match de foot c’est comme une élection. Avec la Gomme, et La Mine qui forment l’équipe du crayon « Conté », on pourrait gagner partout. Et n’importe quand, et n’importe comment ! Où est le problème ? Mais au lieu de ces deux là, on nous met Sali Flouflou, comme président. Je ne sais pas prési de quoi ! Il y a tellement de présidents. Ils ont même le temps de passer de ministères en ministères, pour récolter l’argent des pauvres. Le principe des vases communicants aidant, plus il y aura d’argent plus certaines personnes se rempliront les poches.

Et puis cette collecte forcenée va créer autour de nos joueurs, un climat psychologique malsain. On a de plus en plus l’impression qu’à Tunis, ce n’est pas seulement au ballon qu’ils joueront, mais leurs têtes. En cas de défaite, beaucoup ne reviendront pas de sitôt à Conakry. C’est comme si on se cotisait en faveur de l’équipe gouvernementale pour l’engager à gagner coûte que coûte et rapidement le redressement national promis il y a dix ans. Or depuis dix ans, le redressement national est plutôt oublié en faveur du redressement individuel. Et pourtant au gouvernement ils sont plus de onze.

Au temps de Sékou Touré on jouait pour le pays, et non pour de l’argent. Et on gagnait souvent. Aujourd’hui nos prestations pour la préparation de Tunis 94, ne sont pas faites pour rassurer. A Tunis, que les meilleurs gagnent ! En espérant que nous serons les meilleurs. A l’occasion nous ferons notre travail au « Lynx » comme d’habitude. Nous sommes des journalistes indépendants. Mais nous ne sommes pas neutres.

Ce que nous disions à propos de Tunis 94, est valable pour la politique. On acclame nos représentants avant qu’ils ne donnent la preuve de leur compétence. C’est dans un mois que nous serons peut-être fiers de notre équipe nationale. C’est dans cinq ans peut être, que nous serons fiers de notre nouveau président. Ça se comprend ! Nous sommes tellement habitués à être derniers partout, que nous préférons fêter d’avance les défis qui nous attendent. On ne sait jamais ! Nous au Lynx, nous attendons. Si l’on gagne, chaque joueur aura droit à un numéro gratuit de notre journal. Pour le moment nous constatons avec tristesse que toute la population est rackettée pour cette histoire d’équipe nationale. Pourtant à la tête du comité de soutien il y a un homme de droit. Mais on peut être homme de droit, et ne pas être droit. Demandez à la Basse Cour. C’était on dirait écrit dans un des « Considérant ». Ou à la Gomme. Les deux éléments du crayon « Conté ». Notre président vient de l’enterrement du premier Ivoirien. Entre temps on a oublié de mettre notre drapeau en berne. On a préféré le samedi 5 février, nous présenter une « Jeanne Mal-Collée » au pied d’un fauteuil recouvert du drapeau national. Qui devrait s’asseoir sur notre drapeau ? On le devine. Les gens qui organisent ce genre de spectacle, n’ont aucun respect pour la Guinée. Je ne parle pas des faux marabouts ou évêques qui entouraient ce faux du moment. Mais il y a des symboles qui ne trompent pas. On ne se moque pas de la vie, parce que la vie ne trompe pas. Il est plus difficile de réussir sa mort que de réussir sa vie. Houphouët a réussi les deux.

Williams Sassine

Billet

« Le chat m’a conté »

En hommages à Houphouët et pour l’enseignement de tous les roitelets.

Un jour un grand prophète dit à ses fidèles

On rencontre (sic : raconte) que jésus fait des miracles

Il signe (sic : soigne) des aveugles, des boiteux, des morts…

Moi je peux faire mieux.

Vous voyez cette montagne le bras ? (sic : là-bas)

Je peux la déplacer

La montagne ne se déplace pas.

Alors le nouveau prophète dit.

Si la montagne ne veut pas venir à nous

Nous franchirons la montagne.

Description & analyse

Auteur de l'analyseDegon, Elisabeth

Contributeur(s)Degon, Elisabeth (collecte et saisie)

Éditeur(s) de la ficheDegon, Elisabeth

Auteur(s) de la transcriptionDegon, Elisabeth

Informations générales

LangueFrançais

CoteLe Lynx, n° 101

Présentation

Date1994/02/21

GenreDocumentation - Presse

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Fiche : Elisabeh Degon, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes, CNRS-ENS ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)

Éditeur de la ficheClaire Riffard, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)

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Notice créée par Elisabeth Degon Notice créée le 30/07/2019 Dernière modification le 01/09/2022

101. Une vie, ça ne trompe pas (5)

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