105. Une vie, ça ne trompe pas (9)

Auteur(s) : Sassine, Williams

Les folios

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Sassine, Williams, 105. Une vie, ça ne trompe pas (9), 1994/03/21

Claire Riffard, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)

Consulté le 20/08/2025 sur la plate-forme EMAN : https://eman-archives.org/francophone/items/show/3447

Texte de l'article

Transcription

N° 105, 21 mars 1994 : « Une vie, ça ne trompe pas » (9)

Il était assis en face, son éternel petit chapeau noir bien vissé sur le crâne. Il avait des problèmes, ça se voyait.

- Bon qu’est ce qui ne va pas Alpha ?
- J’ai des problèmes.

- Tu as de la chance, lui répondis-je. Le président lui, ce sont les solutions qui l’embêtent.

Il fit semblant de ne pas entendre.

Je n’ai plus un sac de riz. La famille a tout bouffé à la fin du Ramadan. En un jour…Si je n’avais pas caché mon matelas, elle l’aurait fait bouillir, Wallahi !

Chat devenait sérieux !

- Je peux te prêter ma cane, lui proposai-je.

Il dévissa son petit chapeau pour s’essuyer le crâne et réfléchir.

- Bon, si je n’ai pas le choix…Mais combien d’œufs fabrique par jour, ton animal. Parce qu’on est huit, sans compter mon oncle que je croyais mort.

Il me fallait trouver une autre solution. Si au moins ma cane était une vache hollandaise…À tout hasard, je lançai :

- Alpha, ton beau frère dans le temps, occupait un poste important dans un ministère. Je crois qu’il y est toujours. Va le voir, supplie-le, à cause des enfants que ta sœur lui a faits.

- Bon je vais essayer. D’ailleurs, il habite juste à côté.

Je lui souhaite bonne chance. Le temps de ranger quelque papier. J’entendis deux coups de feu. Alpha revint en courant.

- Alors ça marche ?

- Bon Dieu, j’ai eu de la chance. Dès que mon beau-frère m’a vu au portail, il m’a dit de l’attendre. Il est revenu avec un fusil. Regarde mon chapeau.

Il pouvait faire passer un bras à travers un des nombreux trous de son ridicule petit chapeau noir.
- Tu vois Alpha, il ne faut pas te plaindre tout le temps.

- Arrête ! Tu ne pourras pas me consoler. Parce qu’en plus il a traité ma sœur de pute. J’irai raconter ça, au marabout de ma sœur.

Je lui tendis un morceau de sparadrap.

- Alpha, prends ça ! Tu boucheras les trous de ton chapeau. C’est tout ce que je peux faire pour toi. Tu gardes le bureau. Si on a de la chance, on aura quelque chose, très bientôt.

Quelqu’un me devait quelque chose. Je savais où le trouver. Effectivement il était chez Solo, à la Minière, entouré de deux espèces d’êtres humains.

- Monsieur du Lynx, I am very content to voir you. D’abord you drink champagne ?

- Non, moi veux mon argent.

- No problem ! Samuel Doe, doit envoyer money to me.

- What Samuel Doe ?

- Samuel is my frère. Lui patron là-bas, au Liberia.

Ou il se foutait de ma gueule pour rire ; ou il se foutait de ma gueule carrément.

- Vous écoutez radio ?

- Moi comprends pas radio. Radio is langue difficult, because radio menti too much.

Non, le type ne se foutait pas de moi. J’aurai préféré qu’il se foute. Le type était tombé sur la tête et ses fusibles avaient sauté dedans.

Comment j’allais annoncer au pauvre Alpha que le type recherché attendait Samuel Doe pour me rendre mon argent.

- Okay my frère ! Give me your champagne.

Il mit une main dans une de ses poches, et me sortit une bouteille bizarre ? Quand je reniflai le contenu, je faillis m’évanouir. Apparemment c’était de l’acide.

- It is very good, si toi tu as problème.

Après tout, je n’avais pas perdu ma journée pour rien. J’emportais la bouteille sans dire merci.

Je ne donnerai pas d’argent à Alpha, mais plus de problème.

Au retour, le taxi renversa un aveugle. Rien de grave. Le type nous demanda la direction de Dakar.

- Il me faut retourner chez moi. Ici c’est trop dur même pour un aveugle.

- Tu as de l’argent ? Demanda le chauffeur.

- Non, mais j’ai la foi

On lui indiqua la plage. C’était tout près. Avec sa foi, peut-être qu’il atteindrait le Sénégal à la nage. Il nous remercia. Il faut toujours aider son prochain.

Je m’arrêtais dans un restaurant. Le patron était un ami toujours accueillant. J’y prenais parfois un sandwich au goût bizarre. Il faut préciser peut-être que le dit-restaurant est situé en plein cimetière ; mais comme dirait Birago Diop :

« Les morts ne sont pas morts » Il aurait pu ajouter : « tant qu’ils peuvent servir ».

A mon entrée, il m’embrassa, m’offrit à boire, et sortit avec une pelle. « Je reviens tout de suite » promit-il.

On chen fout !

Williams Sassine

Billet

« Le chat m’a conté »

52° sous le climatiseur

Je recueille ma sueur pour me laver

Conakry c’est frais

Quelqu’un pisse à ma porte

Un autre chie à côté

Conakry c’est parfumé

On continue à casser

Moi aussi j’ai envie de me casser

Conakry c’est gai

La circulation circule mal

Les routes se perdent

Conakry c’est grand

Il faut 3 citrons pour un œuf

Et 60 œufs pour une poule

Conakry c’est riche

Sassine

Description & analyse

Auteur de l'analyseDegon, Elisabeth

Contributeur(s)Degon, Elisabeth (collecte et saisie)

Éditeur(s) de la ficheDegon, Elisabeth

Auteur(s) de la transcriptionDegon, Elisabeth

Informations générales

LangueFrançais

CoteLe Lynx, n° 105

Présentation

Date1994/03/21

GenreDocumentation - Presse

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Fiche : Elisabeh Degon, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes, CNRS-ENS ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)

Éditeur de la ficheClaire Riffard, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)

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Notice créée par Elisabeth Degon Notice créée le 30/07/2019 Dernière modification le 01/09/2022

105. Une vie, ça ne trompe pas (9)

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