Archives Marguerite Audoux

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Lettre de Marguerite Audoux à Albert Fournier

Auteur : Audoux, Marguerite

Description
  • Albert Fournier (1906 - ?), jeune journaliste de sensibilité communiste, rencontre la romancière dès la fin de la première guerre ; il s'attache dans ses articles (voir notre thèse, tome second, p. 818) et dans un ouvrage en particulier (En cherchant la petite bête, Op. cit. dans les parties SOURCE et PUBLICATION) à faire revivre l'atmosphère de fervente intimité que créait la romancière lorsqu'elle recevait ses amis, des plus illustres aux plus obscurs, dans son sixième étage de la rue Léopold‑Robert. Albert Fournier a aussi écrit sur le vieux Paris et ses petits métiers oubliés.
    C'est en automne 1934 qu'Albert Fournier présente Annie, sa fiancée, à la romancière. En mai 1936, le jeune couple rend visite à Marguerite Audoux dans son nouvel appartement de la rue de la Convention. Annie va être mère. La romancière lui dit : « Vous aurez un beau petit, je veux l'embrasser là, où il est. » (En cherchant la petite bête, p. 29). Voir à ce propos la partie DESCRIPTION de la lettre 380 (où la même anecdote est relatée par Annie Fournier).
  • « [U]n jeune écrivain, alors âgé de vingt‑cinq ans, presque inconnu, fut conquis par Marie‑Claire : Alain‑Fournier lui aussi recréait à la lueur d'un songe le réalisme de son enfance et, malgré tout son talent, ne parvenait pas à donner le ton à son livre, qu'il intitula, après avoir changé plusieurs fois de décision, Le Grand Meaulnes. Il y travaillait depuis plusieurs années et trouva, en lisant Marie‑Claire, ce qu'il avait le plus ardemment souhaité : la simplicité de la langue, si naturelle chez Marguerite Audoux, la fraîcheur, la pureté de forme, le degré même de la perfection tant recherchée, et qu'un intellectuel de la classe de Fournier n'espérait atteindre.
    Quelle surprise pour Alain‑Fournier d'apprendre que Marguerite Audoux avait été réellement bergère en Sologne ! Il revenait avec Marie‑Claire dans un monde mystérieux qui était le sien, vers ce « pays sans nom qui est à personne », dont le souvenir le hantait comme un mal inguérissable…
    L'année suivante, Alain‑Fournier ne résiste pas au désir de faire « ce beau voyage ». Il part à bicyclette de La Chapelle d'Angillon, parcourt la distance de vingt‑huit kilomètres qui le sépare de la ferme de Marie‑Claire. De retour le soir chez ses parents, instituteurs à La Chapelle[1], il adresse à Marguerite Audoux une longue lettre[2] datée du 19 juillet 1911 :
    «Je garde un précieux souvenir de cette matinée. On dirait qu'on a tout conservé pour que vous y reveniez un jour. Et, dans ce vieux domaine enfoncé entre les grands chênes, je ne m'étonne plus qu'une petite fille se soit émerveillée…»
    C'est à Marguerite Audoux que Fournier confiera les lettres, si précieuses entre toutes, qu'il avait reçues de «la jeune fille tant aimée»[3]. Marguerite Audoux m'apprit un jour qu'elle venait de brûler cette correspondance, conformément à la volonté exprimée dans la dernière lettre que lui fit parvenir Alain‑Fournier[4] :
    «Vous me tranquilliseriez en détruisant les lettres que je vous ai envoyées au mois d'août à propos de mon voyage à Rochefort… Il ne faut pas qu'un jour ces lettres puissent lui tomber dans les mains et lui faire croire qu'il a pu y avoir partage ou restriction dans mon immense amour… Je compte sur vous d'une façon absolue…[5]»
    Alain‑Fournier écrivait ces lignes (elles sont tracées au crayon sur une carte‑lettre) quelques heures sans doute avant de monter vers les Hauts‑de‑Meuse. Alors que cette lettre était remise à Marguerite Audoux – elle n'a jamais pu préciser par quel émissaire[6], ‑ disparaissait le 22 septembre 1914, et sans qu'on ait pu retrouver son corps, le lieutenant Fournier qui devait nous laisser de ce pays sans nom dont rêva le grand Meaulnes une œuvre supérieurement belle. »
    [Fournier, Albert, En cherchant la petite bête, éditions Jeheber, Genève‑Paris, 1955, p. 23‑25].
    [1] En réalité, en 1911 les parents d'Alain‑Fournier sont en poste à Paris (ils ont exercé à La Chapelle d'Angillon de 1903 à 1908).
    [2] Lettre 135.
    [3] Il s'agit en réalité de lettres d'Alain‑Fournier à Marguerite Audoux au sujet d'Yvonne de Quiévrecourt. Voir la note 5 de la lettre 218
    [4] Lettre 218
    [5] L'omission de deux passages (marqués dans la typographie par des points de suspension sans crochets) crée un nouveau contresens. Si l'on rétablit : « Il y a quelqu'un que j'aime plus que tout au monde. Il ne faut pas qu'un jour ces lettres puissent lui tomber dans les mains et lui faire croire qu'il a pu y avoir […] », l'on comprend alors que le lui renvoie à une tierce personne, en l'occurrence Madame Simone, dont Alain‑Fournier craint la jalousie.
    [6] Voir le N.B. qui suit la lettre 218
  • Article d'Albert Fournier sur Alain-Fournier (?)
Texte

[Paris,] 23 février 1934

Mon gentil ami,

Je suis bien en retard pour vous parler de votre article[1]. Il est tout simplement parfait. On dirait que vous avez connu Alain-Fournier.
Je vous remercie pour sa mémoire. Et aussi pour moi à qui vous avez fait un réel plaisir.

Bien amicalement Votre

Marguerite Audoux

[1] Le seul article que nous ayons trouvé d'Albert Fournier, écrit à cette période, qui puisse entretenir un rapport, fût‑il très indirect, avec Alain‑Fournier est du 30 mars 1934 (« Silhouettes. Marguerite Audoux », in La Liberté), mais il n'y est fait qu'une très rapide allusion à Alain‑Fournier (par Marguerite Audoux elle‑même, à qui, selon l'habitude, on prête la parole). Il est donc très peu vraisemblable qu'il s'agisse de cet article, qui eût encore été à l'état de projet. Notons de surcroît qu'aucun article d'Albert Fournier sur son homonyme n'est recensé par Alain Rivière dans son dossier de presse, exhaustif, qui occupe trois Bulletins des Amis de Jacques Rivière et d'Alain‑Fournier (nos 30, 31 et 33, 1983‑1984, le n° 31 incluant l'année 1934). En revanche, Albert Fournier a peut‑être montré à la romancière un projet d'article, non publié, qui a pu être utilisé pour son ouvrage En cherchant la petite bête, où se trouve un passage sur les relations entre Marguerite Audoux et l'auteur du Grand Meaulnes (voir, à ce sujet, la partie DESCRIPTION).

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Notice créée par Bernard-Marie Garreau Notice créée le 17/12/2017 Dernière modification le 14/03/2025