Carte postale de Marguerite Audoux à Suzanne Werth
Auteur : Audoux, Marguerite
Le 26 juillet 1918 Ma Suzon – Au moins, vous avez mis de la route entre vous et les Boches. Voilà ce qui s’appelle se mettre à l’abri ! Pour mon compte, si je suis aussi à l’abri des Boches, je ne suis pas à l’abri des Américains. Ce qu’il y en a par ici ! Seigneur, ce qu’il y en a ! Ils ne sont pas méchants bien sûr, mais ils sont comme les sauterelles d’Algérie : ils bouffent tout, et ne laissent rien au pauvre monde d’ici ! Ma santé n’est pas merveilleuse ; pourtant, je vais mieux, mais ce sera long. J’ai la chance d’avoir un bon médecin ; il me soigne énergiquement, et s’il ne peut m’enlever mon mal en soufflant dessus, comme je le désirerais, il s’applique du moins à me couvrir le dos de pointes de feu, ce qui me permet de respirer plus à l’aise. Un bon baiser à vous deux M.A. Il y a ici une cavité peu profonde, dans la pierre même, qui garde toujours de l’eau, même par les plus grandes sécheresses. On ne s’explique pas comment cela peut se faire, étant donné la hauteur du rocher. Si on y trempe le bout de son pied, on a un enfant dans l’année. |