Lettre à Alphonse Baudelaire, 6 août 1832
Auteur : Baudelaire, Charles
Texte de la lettre
[Lyon] Lundi. Le 6 août [1832].
Mon frère,
Pardonne à ma paresse qui m’a fait oublier le premier du mois ; mais tu es indulgent. Apprête [-toi] à apprendre bien des choses.
Notre logement est charmant ; je t’engage à y venir ; nous y avons reçu il y a quelques jours M. Chevassu et le frère de Mme Barthe. Mes places sont meilleures ; nous composons maintenant pour les prix. Ce qu’il y a d’enrageant, c’est que si j’avais mis un E au lieu d’un A, j’aurais à coup sûr eu quelque chose et cet A dérange tout ; ce qui me fait le plus enrager, c’est que le reste est bien ; au reste, le professeur prendra peut-être cela pour une faute d’orthographe. Nous composons demain en thème ; j’espère que je me relèverai. J’espère beaucoup en grec, pas du tout en géographie ancienne. Toujours, je ferai ce que je pourrai. J’ai été à la campagne hier (dimanche), ce qui m’a empêché de faire cinquante lignes mot-à-mot en pensum. Le bonheur a voulu qu’[on] oubliât de me les demander. Je tâcherai de les faire pour ce soir. Je me suis levé ce matin à 9 heures pour faire tous mes devoirs, si je le pouvais, car hier je n’avais fait que mon thème. Je viens de faire ma première communion. J’espère que je serai plus sage, et moins bavard en classe ; c’est ce qui m’a valu le pensum des cinquante lignes mot-à-mot. Dans la promenade d’hier, j’ai bien mangé des pralines, des poires et des abricots. C’était aux eaux minérales de Charbonnières. Nous avons goûté de cette eau ferrugineuse, maman l’a trouvée détestable.
Adieu. Mille amitiés à toute la famille, embrasse ma sœur.
Maman et papa se rappellent à ton souvenir.
Ton cadet.
CHARLES.