Correspondance Baudelaire

Édition électronique de la correspondance de Baudelaire


Lettre à Madame Aupick, 9 juillet 1851

Auteur : Baudelaire, Charles

Texte de la lettre

Transcription diplomatique

Mercredi 9 juillet 1851.

 

Ma chère mère, tu m’as demandé de t’écrire avant ton départ un mot, quelques mots qui te témoignassent sans doute d’un état d’esprit satisfaisant, et aussi de mes sentiments vis-à-vis de toi. Tu désires sans doute avoir avant de partir une espèce de garantie de sécurité. Je ²vais te la donner assez complète, je présume.
      Tu t’es sans doute apperçue [sic] de l’infini plaisir que j’ai éprouvé à te revoir. Je te l’avoue, je n’y aurais pas cru moi-même. Je m’attendais à un accueil froid et inquisitorial. Je m’étais raidi à l’avance. Tu m’as tout à fait désarmé, et tu m’as inspiré une pleine confiance pour l’avenir. Fais tout ce que tu pourras, tout ce que la prudence et les médecins te suggéreront pour conserver ta santé, afin que tu puisses jouir des minimes plaisirs que je me propose de t’offrir en échange et en dédommagement de tant d’ennuis, de chagrins et d’inquiétudes.
      Non seulement dans mon intérêt propre, mais aussi dans le but de te donner une satisfaction légitime, je te promets de ne me permettre jamais aucun de ces désordres qui troublent si gravement la santé, l’Esprit et la fortune. Je te promets de travailler incessamment, non seulement pour acquitter des dettes qui rendent ma situation ambiguë et pénible, mais aussi pour me créer un régulateur journalier qui diminue l’influence de toute la sottise et de la passion qui bouillonne toujours en nous. Je te promets de ne plus faire de dettes. Quant aux anciennes, elles seront dures à payer. Toutefois, c’est une œuvre possible. De ce côté, je n’ose pas faire une gageure. Je ne promets que le maximum de mes efforts pour la réussite.
      Quant à M. Ancelle, mes rapports avec lui seront désormais réguliers. Je lui dois, c’est un malheur très réparable ; mais je ne lui demanderai plus de complaisances.
      Que te dirai-je de plus? Je ne garde pas copie de cette lettre. Mon expérience est aujourd’hui assez grande, et ma raison assez occupée de mes devoirs pour n’avoir pas besoin d’un texte écrit qui me les rappelle.
      Je t’écrirai deux fois par mois. Ma première lettre contiendra mon adresse nouvelle. Si tu avais le temps ce soir de m’adresser quelques mots par la poste, envoie cela à Neuilly, avenue de la République, 95, où je rentrerai ce soir, pour la dernière fois, sans doute.
      Je t’embrasse de tout mon cœur.

 

Charles.

 

Cependant, si tu es très occupée, ne fais pas de cela un devoir.

 

C. B.

 

Regarde une note que je viens d’ajouter à la quatrième page du compte que je te renvoie.

 

C. B.

Informations sur la lettre

Date exacte9 juillet 1851
DestinataireAupick, Caroline
LangueFrançais

Information sur l'édition

SourceCPl I, 173
Éditeur numériqueAurelia Cervoni ; Andrea Schellino, groupe Baudelaire, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS), EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)
Mentions légalesFiche : groupe Baudelaire, ITEM (CNRS-ENS), EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Contributeur(s)Catherine Delons
Notice créée par Groupe Baudelaire Notice créée le 24/03/2020 Dernière modification le 22/06/2021