Lettre à Alphonse Baudelaire, 23 août 1839
Auteur : Baudelaire, Charles
Texte de la lettre
Vendredi 23 [août 1839].
Mon bon frère,
Voici une année finie, et je t’écris pour t’annoncer quelques nouvelles. D’abord la nomination de mon père que tu sais déjà sans doute — ? puis ma nomination au grade de bachelier ès lettres ? puis, que je n’ai rien au concours ? un jour que je faisais une visite à M. Pierrot, il me dit qu’il m’avait vu avec plaisir au concours, mais que c’était seulement pour la forme, attendu que, n’étant pas resté un trimestre entier à Saint-Louis, je mériterais d’être nommé, que la règle universitaire m’empêchait de l’être.
Je ne dis en aucune façon ceci pour m’excuser, attendu que sans cet obstacle même, il est extrêmement probable que je n’eusse pas été nommé.
Voici donc la dernière année finie, et je vais commencer un autre genre de vie ; cela me paraît singulier, et, parmi les inquiétudes qui me prennent, la plus forte est le choix d’une profession à venir. Cela me préoccupe déjà, me tourmente d’autant plus que je ne me sens de vocation à rien, et que je me sens bien des goûts divers qui prennent alternativement le dessus.
Les conseils que je demande ne me sont pas d’un grand secours ; car pour choisir il faut connaître, et je ne connais en aucune façon les différentes professions de la vie. Pour choisir, il faut tâter, essayer, d’où il suit qu’avant d’embrasser un état, il faudrait avoir passé par tous, ce qui est absurde et impossible.
Je serais bien content si tu voulais m’écrire une lettre sur tout cela, une lettre où tu me parlerais aussi de ma belle-sœur, de ton fils, et de M. Ducessois. On m’a dit qu’elle se portait mal maintenant et qu’elle était d’une mauvaise santé.
Ma mère va revenir de Bourbonne-les-Bains dans quelques jours, et mon père un peu plus tard.
Adieu.
CHARLES.