Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Enjeux éditoriaux, histoire et nature du corpus

L’immense correspondance de François Guizot : son plus beau titre littéraire ? 

Énorme est l'importance de la correspondance dans la vie de Guizot, de même que le temps qu’il y a consacré, son rôle dans son information et la formation de sa pensée. Méticuleux le soin qu’il a pris de conserver les lettres reçues et la copie de celles qu’il écrivait et parfois demandait le retour de ses propres lettres.

G. de Broglie, “L’itinéraire Guizot” in Association François Guizot-Val Richer (dir.), François Guizot et la culture politique de son temps, Paris, Gallimard le Seuil, 1991., pp. 293-308. 

Même si de nombreuses études de la pensée historique et politique de François Guizot (1787-1874) ont été écrites, en 1987 Guizot n’avait pas encore sa biographie, de même, en 2023, le fonds Guizot n’a pas encore fait l’objet d’un inventaire analytique, systématique et exhaustif. Gabriel de Broglie, son premier biographe, explique alors ces lacunes historiographiques lorsqu’il trace l’itinéraire Guizot :

L’impopularité qui depuis 1848 l’a entouré a rebuté le biographe, comme l'immensité des sources a rebuté le chercheur.  (De Broglie, 1987)

Plutôt que le tout biographique et chronologique, en 2008, Laurent Theis choisit alors de dresser un portrait de Guizot en éclairant des points saillants de sa personnalité, de son œuvre et de son action en prenant pour fil directeur, l’art et le goût de la représentation de l’historien comme du politique :

Aussi plutôt qu’un récit biographique déjà fait […], je propose de visiter Guizot dans différents aspects de son existence, de son comportement et de son tempérament, au contact de l’histoire, de la société et des gens de son temps. (Theis, 2008)

Ce parti-pris méthodologique est assumé par l’historien en soulignant que « la vie de Guizot est d’une telle richesse, la production d’archives à l’origine desquelles il se trouve est telle, qu’il aurait fallu un volume au moins trois fois supérieur, si il avait voulu réaliser une biographie, à l’anglo saxonne. » (Theis, 2009)

Le seul fonds Guizot aux archives nationales est constitué par sept dépôts successifs par les descendants qui représentent six séries d’archives selon la nomenclature archivistique.

Histoire du fonds Guizot conservé au Val-Richer

Le fonds d’archives Guizot, d’abord conservé par la famille au Val-Richer a fait l’objet de dépôts successifs aux archives nationales, aux archives départementales du Calvados et à l’Imec (Caen).

Les archives Guizot avaient fait l'objet, lorsqu'elles se trouvaient au château du Val Richer, d'un premier classement établi par François Guizot. Il est décrit brièvement par Charles H. Pouthas en 1923 dans son ouvrage Essai critique sur les sources et la bibliographie de Guizot pendant la Restauration. Paris, Plon, 1923, 121 p. in 8°, pp. 29-41.

Comme il est indiqué dans la présentation du fonds des Archives nationales, l'ensemble des dépôts est couvert par plusieurs instruments de recherche ; les descriptions sont assez diverses, de l'inventaire analytique à un état sommaire. Depuis 60 ans le fonds a été très consulté et utilisé avec les cotes établies au fur et à mesure des dépôts. La 3ème et la 4ème série d’archives ont fait l’objet d’une description plus précise. 

En visant la médiation des archives Guizot, l’Association François Guizot a d’abord fait numériser les 80 bobines de microfilms qui correspondent à deux dépôts successifs aux Archives Nationales : les 3ème et 4ème séries. Le projet est ambitieux. Il y avait 47 000 folios numérisés à traiter pour les rendre accessibles et publics pour des fins culturels, artistiques, pédagogiques et historiographiques.

En 2017, la numérisation des copies micro film dans la perspective d’une édition numérique a été la première phase du projet. C’est bien dans ce premier moment technique de « virtualisation » par la « numérisation » de l’objet physique que le document rentre dans le processus d’éditorialisation et de patrimonialisation.

L'éditorialisation de la correspondance Guizot-Lieven

Ce premier corpus de correspondance est constitué de plus de 3.000 lettres (plus de 11.000 folios) échangées pendant 20 ans.

L’association François Guizot a financé une première phase du projet de janvier 2019 à décembre 2023. Avec le soutien de la plateforme EMAN, les 11 000 folios de la 3ème série déposée aux Archives nationales sont publiés ou en cours de publication sur ce site.

Le site est envisagé comme une bibliothèque numérique structurée en collections biographiques et thématiques. 

Voir La correspondance croisée Guizot-Lieven et ses enjeux éditoriaux

Guizot épistolier

Il reste 36 000 folios à traiter. La méthodologie établie et testée au cours de l’éditorialisation de la correspondance croisée entre François Guizot et Dorothée de Lieven, de 1836 à 1856 a permis d’envisager un traitement éditorial adéquat au grand volume du fonds de correspondance.

L’étendue et le volume ne constituent pas les seules difficultés posées par le fonds Guizot. Il faut en souligner la richesse thématique qui rend nécessaire une indexation analytique. L’association a décidé de poursuivre son action afin d’offrir un accès à des ressources qui considèrent tant les périodes révolutionnaires, le premier empire, la monarchie de Juillet, la deuxième république et le second empire.

L’objectif est donc la réalisation de l’inventaire et de l’indexation analytique de la 4e série 42AP/120-286 (documents confiés temporairement pour microfilmage en 1961-1962 et gardés ensuite en dépôt aux Archives nationales sans numéro d'entrée). Correspondance de François Guizot, personnelle et de fonction. 1806-1874.

Il s’agit de rendre accessible un corpus exhaustif constitué de la correspondance active et passive de François Guizot en donnant accès aux autographes numérisés, enrichis et documentés par des métadonnées d’identification et de description, et indexés afin de répondre aux normes des pratiques archivistiques.

La description archivistique est associée à une perspective scientifique au service de la médiation du fonds, pour en déterminer des entrées thématiques et des parcours au travers de l’indexation. Cela est déterminant pour stimuler des usages culturels et pédagogiques.

L’éditorialisation des correspondances passives et actives de Guizot cherche à valoriser ce corpus en l’ouvrant à de nouveaux usages en enrichissant les ressources documentaires et les contenus thématiques et biographiques du site Guizot.com.

L’enjeu est méthodologique. Établir des principes et objectifs éditoriaux précis a permis de déterminer des phases successives de réalisation dans une perspective pragmatique et économique. La méthode définie permet de traiter d’autres gros volumes d’archives en visant une accessibilité rapide, sans sacrifier les exigences archivistiques et scientifiques et en répondant à des besoins culturels et patrimoniaux.

L’enjeu est technologique. La production de données pérennes et interopérables permet d’envisager leur usage pour le perfectionnement de dispositifs numériques pour la médiatisation de contenus culturels : outils de publication, de transcription, d’indexation, de visualisation et d’étude de réseau.

L’enjeu est tant épistémologique que culturel. Offrir une représentation matérielle et numérique de ce corpus cherche à stimuler le renouvellement et la diversification des usages des archives comme l’émergence de nouveaux objets culturels et scientifiques.

Marie Dupond Janvier 2024