Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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N°17 Val Richer, Vendredi 18 Juin 1852

On m’écrit que la décision du conseil d'Etat dans l'affaire de la maison d'Orléans est vendue ; elle ne sera publique que demain samedi ; mais le conflit a été confirmé, à 10 voix contre 6. C'est ce que j’attendais. Ce nouvel échec exercera-t-il, à Claremont, quelque bonne influence ? Dieu le veuille ; si j’avais eu besoin de preuves pour être convaincu que j’avais bien raison de ne pas laisser mener les affaires du pays comme les auraient, mêmes les personnes qui mènent, depuis deux ans, celles de la maison d'Orléans, j'en aurais de surabondantes.
Ce que vous me dites de l'Impératrice est charmant, et me fait grand plaisir pour vous. Rien n'est plus doux que de voir confirmées, les affections, et les confiances de sa première vie. C’est un grand charme aussi, et un charme bien rare dans une personne souveraine que d'inspirer à ceux qui l’approchent, ce sentiment de sûreté dont vous me parlez ; c’est en général le sentiment contraire qu’on éprouve auprès des rois, même quand ils sont bienveillants, il semble toujours que tout auprès d'eux tienne à un fil. De la sécurité dans les relations égales, c’est déjà beaucoup pour les misères de notre cœur ; de la sécurité auprès d’une personne royale, c’est une merveille.
Je ne comprends guère pourquoi la rencontre à Coblentz avec le Roi Léopold n’a pas eu lieu et par quels motifs on a pris soin de l'éviter. Je croyais que, la question des officiers Polonais vidée, il n’y avait plus de nuage entre les deux cours. Dans l’intérêt Européen, je regrette qu’il en soit autrement. Ce petit royaume de Belgique est une grosse pièce, et le Roi Léopold un personnage considérable dans les affaires générales.
Il me revient qu’il a un profond sentiment du peu de bon vouloir qu’il y a pour lui du côté de l'Orient, et qu’il cherche et prend toujours à l'occident son principal point d’appui. Sa partie, en cas de danger, est étroitement liée, dit-on, avec l'Angleterre et la Hollande ; tout est prêt en Angleterre pour le soutenir, et l’alliance et l’armée hollandaises lui sont assurées. Ce serait une triple alliance qui mettrait tout de suite en ligne 120 000 hommes qui donneraient à d’autres appuis le temps d’arriver, mais de n’arriver que les seconds. Qu'y a-t-il de sérieux dans ce qui me revient ? Vous pouvez en juger mieux que moi.
Ma lettre à Marion est partie hier. Vous en seriez contente. Je voudrais bien qu’elle fût efficace. Voici un petit fait qui mérite d'être remarqué. On a mis en vente quelques prairies de Neuilly, par petits lots estimés à une valeur de 400 fr, pour tenter les paysans. Au lieu de s'élever, les lots sont tombés à 120 fr, faute d'enchérisseurs quelques uns même, dit-on, à 60 francs. Le sentiment public, on pourrait dire populaire reste le même sur cette triste affaire.

11 heures
Je calomniais un peu le conseil d'Etat. Il y a en partage ; 8 contre 8 ; c’est la voix de M. Baroche qui a décidé la question. On m'envoie les noms qui ne vous font rien. Point d'autre nouvelle. Adieu, princesse. Je n’ai pas encore ouvert mes journaux. Il me paraît que vous n'en avez plus du tout. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00006.jpg
N°2 Paris Mercredi 2 juin 1852
9 heures

En revenant hier de l'Académie j’ai vu vos fenêtres fermées et j’ai passé devant votre porte sans entrer. Cela m'a souverainement déplu, j'en ai été attristé le reste du jour. L'affection et l'habitude, ce sont deux puissants Dieux.
L'Académie elle-même se dépeuple. Hier M. Molé, M. Cousin, M. de Montalembert, le Chancelier n’y étaient pas. Barante part demain. Je partirai probablement le 12. Je suis pressé d'aller m'établir dans mon nid de campagne. A défaut des douceurs de la société au moins faut-il avoir celles de la solitude, le grand air et la liberté.
Montebello est revenu hier de sa Champagne. Il l'a trouvée froide, l'humeur renaissant un peu dans les villes et l'indifférence dans les campagnes, mais un grand parti pris de tranquillité. Tant que le gouvernement fera passablement son métier de gendarme et d'homme d'affaires, il n’a rien à craindre, on ne lui demande, et on n'en attend rien de plus. On ne sent nul besoin de l’aimer, ni de l'estimer. Je ne me résigne pas à cet abaissement et du pouvoir et du public.
J’ai rencontré hier M. de St Priest. Toujours le même modéré inintelligent, fait pour être l'esclave des fous de son parti et la Dupe des intrigants du parti contraire. Il avait, m'a t-il dit de bonnes nouvelles de Claremont. Le capitaine, Brayer envoyé à Frohsdorf avec de très bonnes paroles ; il aurait l’air d'en douter, par décence de légitimiste, mais au fond, il y croyait. Il était sûr aussi que le petit article des Débats, sur Changarnier, était faux et avait été inséré, sans l'autorisation du Général.
Je n'ai moi, aucune nouvelle de Claremont. J'en attends ces jours-ci. Je vois que la Reine, les Princes et M. Isturitz sont allés recevoir à Douvres le Duc et la Duchesse de Montpensier. L'entrevue sera assez curieuse entre les nouveau débarqués et la Reine Victoria ; ils avaient bien de l'humeur quand ils ont été obligés de quitter précipitamment l'Angleterre dans les premiers jours de mars 1848. Mais le temps, la chute de Palmerston et l’amitié de la Reine Victoria pas à cet abaissement et du pouvoir et du pour la famille effaceront tout.
Le Constitutionnel publie ce matin, sauf quelques phrases, la lettre de Fernand de la Ferronnays et la commente avec convenance et perfidie. C’est tout simple. Je persiste dans mon opinion. Le comte de Chambord a eu raison, au fond ; sa lettre l’a grandi, lui, et contribuera beaucoup à isoler de plus en plus le président en France, comme votre Empereur l'isole en Europe ; mais il fallait un autre langage ; il fallait se montrer plus touché des sacrifices et des tristesses qu’on imposait à son propre parti, et en mieux présenter les motifs.
Vous m'avez peut-être entendu dire qu’on disait que M. Duvergier de Hauranne allait fonder à Gênes un journal, dans l’intérêt de son opinion. Il paraît que ce n’est pas, M. Duvergier, mais le Roi de Naples qui veut fonder ce journal, intitulé Il mediterraneo, et écrit en Italien quoique rédigé par un réfugié Français ; et ce n’est pas au profit des opinions et du parti de M. Duvergier, mais contre le gouvernement Piémontais qu’il sera rédigé. On en a beaucoup d'humeur à Turin et on y parle aigrement de l’ambition et des intrigues du Roi de Naples.

4 heures
J’ai des nouvelles de Claremont. de bonne source, et malgré votre scepticisme et le mien elles me paraissent bonnes. On se dit décidé à ne pas attendre l'Empire et à saisir l'occasion du retour du Duc de Montpensier à travers l'Allemagne pour faire une démarche décisive. Nous verrons. Le porteur, si vous avez le temps de l'écouter, vous donnera des détails.
Dumon, qui sort de chez moi est très frappé de ce qu’on nous dit. Il paraît que la situation de Flahaut à Londres est bien désagréable. On dit que le 5 mai, la Reine l’avait invité à Buckingham Palace, et qu’il n’y est pas allé, à cause de la date. On a trouvé que, pour Walewski, c'était bien, mais que pour Flahaut c'était trop. On ne l’invite plus dit-on.
Vous ririez bien si je vous disais les inquiétudes que cause à quelques personnes, à quelques uns de vos amis, votre voyage. Ils craignent votre action auprès de l'Empereur en faveur du Président ; ils disent que l’Elysée compte tout-à-fait sur vous. Si l'Empire se fait en votre absence, c’est vous qui l'aurez fait. Adieu.
Ceci vous sera remis demain matin. Je vous écrirai demain à Schlangenbad. Je serai bien content quand je vous saurai arrivée, et sinon reposée, du moins calmée. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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26 Val Richer Vendredi 22 août 1845

Temps charmant ce matin. Par un si beau soleil, dans un si joli pays, je ne me promène pas seul sans un vif regret. Je cherche à chaque instant ce je sais bien quoi qui me manque. Quand je dis seul, j’ai tort. Désages vient de m’arriver, et je me promenais, tout-à-l'heure avec lui. Mais ce n'est pas Désages qui me manque. Peut-on se promener à Boulogne ? Il ne m’a pas paru que le pays fût beau aux environs.
On m'écrit de Hambourg que décidément votre Impératrice, va passer l’hiver à Palerme, et que le Pince Wolkonski aux eaux de Pyrmont a reçu des instructions, pour prendre les informations, et faire les préparatifs nécessaires. J’ai peine à y croire. N'avez-vous point de nouvelles de Constantin ? Vous me l'auriez dit. Je suis impatient à cause de lui, que cette campagne finisse. Il me paraît que les difficultés sont toujours grandes. L'Empereur a fait un grand pas en acceptant. la publicité de ces bulletins. Il ne pourra plus cesser de parler. A la vérité, il n’est pas obligé de dire la vérité, personne n'étant là, pour le contredire.
Au moment où la Reine d’Angleterre est arrivée à Mayence, les Rothschild avaient été faire quelque chose de fort galant en envoyant pour elle, au débarcadère, trois superbes voitures. Le Prince Guillaume de Prusse s’est fâché, a renvoyé ces voitures de l’enceinte du port, et la Reine est montée dans la sienne. Elle a été, dit-on, beaucoup plus gaie et de meilleure humeur à Mayence qu'à Brühl. Pas d’autres détails intéressants. Je vous quitte pour faire ma toilette. Je vous reviendrai après déjeuner. De demain Samedi en huit jours, je ne vous quitterai que pour retrouver en une minute. Adieu. Adieu.

10 heures et demie
J'aurai des embarras en Gréce. Colettis et Métaxa se brouilleront. J’espère que Colettis et Mavrocordato se racommoderont. Si cela arrive, j’aurai gagné au change. Si au contraire Metaxás et Mavrocordato se coalisant Colettis seul sera-t-il assez fort et assez sage ? Je n'en sais rien. Piscatory a confiance. Et s’il ne s’agissait que d'Athènes, j'aurais bien confiance aussi. Mais Paris, Londres et Pétersbourg ! Nous verrons. En tous cas malgré ses défauts Piscatory est un très bon agent, et puissant là Que de choses moi aussi j'aurai à vous dire. Quand on est ensemble on ne sait pas tout ce qu’on se dit. En tout, nous ne sentons jamais, le bien assez vivement, assez complètement quand il est là. Qu’est allé faire Lord Cowley à Londres ? Rien que pour ses propres affaires à coup sûr. Lord Aberdeen prend-il plaisir à ses voyages ? S’il a le goût des questions religieuses, il trouvera en Allemagne de quoi le satisfaire. Ce sera sérieux d'ici à peu de temps. Adieu.
Le déjeuner sonne. J’espère que Page vous fera de bons déjeuners. Adieu. Adieu. G.
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