Lettre de Vernon Lee à Mathilde Hecht

Lettre de Vernon Lee à Mathilde Hecht - 21 Mai 1919

Auteurs : Lee, Vernon (Violet Paget)

Information générales

LangueFrançais

CoteFonds de dotation André et Berthe Noufflard

Etat général du documentBon

Les folios

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Lee, Vernon (Violet Paget), Lettre de Vernon Lee à Mathilde Hecht - 21 Mai 1919, 1919-05-21. Holographical-Lee, Sophie Geoffroy, Université de La Réunion ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle). Consulté le 11/11/2025 sur la plate-forme EMAN : https://eman-archives.org/HoL/items/show/1744

Texte & Analyse

Analyse36 Fitz James Avenue

West Kensington

Le 21 Mai XIX

Bien chère Mathilde, Voici l’adresse qui me trouvera toujours jusqu’à mon départ pour l’Italie, c’est à dire (sic), je l’espère, jusqu’au 15 Septembre. Prenez en note, n’est-ce pas ? Car les gens dont je loue ces deux chambres sont d’une négligence absolue. ………

……………

Mon départ d’ici, je veux dire de ces deux chambres où j’ai passé trois années remplies de douleur, d’angoisse, actuellement de déception atroce pour ne pas dire de désespoir, repré
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la première étape de ma rentrée au Palmerino ; je passerai l’été en partie chez la vieille amie qui me donne l’hospitalité à l’adresse ci-dessus, en partie à la campagne. Combien j’ai compté les mois et les semaines !

Combien j’ai compté les mois et les semaines !

Et voici que, alors que Florence et ma maison deviennent une réalité, il me vient un peu le frisson de ce retour dans un passé, si chéri, si vivant, et désormais si mort.

Deux de mes meilleurs amis de là bas sont morts sans métaphore ; d’autres semblent être devenus des fantômes et j’ai peur que toute l’atmosphère morale de l’Italie me sera insupportable…

Ici au moins il y a une minorité et même une minorité grandissante de personnes pour lesquelles cette soit-disant Paix est un déshonneur et une menace formidable pour l’avenir : après s’être fait tuer pour la liberté et la paix, voilà où l’on en est ! Je crois qu’au fond de l’horreur que m’a fait la participation à cette guerre, malgré toutes les raisons bonnes ou mauvaises pour l’avoir fait, il y a eu toujours l’intuition que de nos jours où tout se multiplie au-delà du concevable par l’enchevêtrement international, l’énormité des masses humaines et la complexité de toute notre civilisation, toute guerre devenait nécessairement un attentat à l’inconnu –les moyens et les circonstances concomitantes dépassent si monstrueusement toute prévision et toute volonté.

            Enfin je n’espère plus qu’une paix quelconque, qu’un régime viable, sorte de tout ce chaos de mauvaises influences et d’abominables passions que la guerre a déchaînées, du moins de notre vivant, chère Mathilde.

Personnellement je ne sais rien de ce que sera l’avenir pour moi.

Il y a quelques mois Irène m’écrivait très affectueusement, malheureuse mais non sans espoir et avec une certaine fierté pour la liberté acquise par sa patrie. Elle parlait même de venir en Italie… Mais alors on croyait toujours à ce pauvre Wilson et ses 14 points !

Je n’ose songer à ce qui pourra rester de notre amitié une fois la paix signée… Imaginez vous qu’il y a trois mois Irène me priait de passer une partie de l’hiver prochain avec elle à Bade : « Vous n’y rencontrerez aucun désagrément, » écrivait-elle, « les gens d’ici sont si raisonnables et ont tous de bonne volonté. »

Et voilà ce dont la haine et la rapacité ont fait fi ! Pour y substituer un esprit de revanche auquel celui de 1871 ne sera que ce qu’est une goutte à un lac !

Chère Mathilde, pardon de vous débiter mes tristesses ; c’est que je vous crois triste aussi au fond de votre chère âme d’européenne.

Une amie a vu Mme Cruppi lors de son séjour ici ; et je sais ses idées. Si vous la voyez dites lui combien j’ai eu de chagrin de l’avoir manquée.

            Chère Mathilde y-a-t-il la moindre petite possibilité de nous revoir ? Serez-vous par impossible à Paris vers le milieu de Septembre et pourriez vous m’y donner rendez l’hospitalité pour un ou deux jours ? Autrement j’essayerais d’aller directement en Italie sans m’arrêter. Mais une fois chez moi Dieu sait quand j’en ressortirai, car j’ai perdu un bon tiers de tout ce que j’avais, et la vie en Italie est devenue horriblement chère.

            Laissez moi quelquefois avoir de vos nouvelles, chère Mathilde. Je ne supporte pas aisément l’idée qu’en ce moment si douloureux nous soyons séparées d’âme.

Yours

Vernon

Contributeur(s)

Geoffroy, Sophie (édition scientifique)
Noufflard, Berthe (copie de la lettre originale)
Walter, Richard (édition numérique)

Présentation

Date1919-05-21

GenreCorrespondance

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Document : Fonds de dotation André et Berthe Noufflard.
Fiche : Holographical-Lee, Sophie Geoffroy, Université de La Réunion ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)

Editeur de la ficheHolographical-Lee, Sophie Geoffroy, Université de La Réunion ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle)

PublicationGeoffroy, Sophie (ed.), Amanda Gagel (assoc. ed.), Selected Letters of Vernon Lee 1856-1935, Volume IV (1914-1935), London and New York: Routledge, "The Pickering Masters", 2024 (à paraître).

Informations éditoriales

DestinataireHecht, Mathilde

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Notice créée par Sophie Geoffroy Notice créée le 21/04/2019 Dernière modification le 26/09/2023