Lettre de Vernon Lee à Berthe Noufflard

Lettre de Vernon Lee à Berthe Noufflard - 26 juillet 1925

Auteurs : Lee, Vernon (Violet Paget)

Information générales

LangueFrançais

CoteFonds de dotation André et Berthe Noufflard

Nature du documentLettre manuscrite

Collation6 pages recto verso

SupportPapier blanc, plié en 4

Etat général du documentBon

Les folios

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La chambre de Miss Paget à Fresnay-le-Long, par Berthe Noufflard - 1925

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Citer cette page

Lee, Vernon (Violet Paget), Lettre de Vernon Lee à Berthe Noufflard - 26 juillet 1925, 1925-07-26. Holographical-Lee, Sophie Geoffroy, Université de La Réunion ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle). Consulté le 27/07/2024 sur la plate-forme EMAN : https://eman-archives.org/HoL/items/show/9

Texte & Analyse

AnalyseRemerciements de VL pour un tableau que lui a offert Berthe Noufflard. Discussion et réflexions sur le livre Proteus écrit par VL et envoyé aux Noufflard : explicitations de son engagement pacifiste pendant la Première Guerre mondiale, de son point de vue sur la guerre, la politique française et européenne. Préférence que VL affirme avoir pour le débat écrit (sous forme de livre au mieux) plutôt que pour la discussion verbale ; désir affirmé également de ne rien cacher de ses idées à ses amis, y compris lorsqu'elles peuvent les peiner ou entrer en désaccord avec les leurs. Mention de la liberté provisoire de Salvemini et des soucis afférents. Mention de petites crises cardiaques de VL.

Transcription

24 Sloane Court. London S.W.III

Le 26 juillet XXV

Chère Madame Noufflard (non pas pour exclure M. Noufflard, dont je sens si vivement l'amitié bien italienne ; mais parce que je tiens à vous dire dr sans partage combien la pensée d'avoir dans ma maison un coin de la vôtre, et fait par vous pour moi – me met dans la joie. Je n'osais pas supposer que c'était là la destination de ce petit tableau dont la nouvelle me réjouissait parce que l'intérieur me semblait se prêter si particulièrement à votre talent – surtout un intérieur aussi intérieur que celui-là...
Cette lettre que je vais tâcher d'écrire – en français malgré les fautes et les spropositi parce que je pense à vous en français et que l'anglais me n'en apporterait un élément inusité, une gêne pour mon esprit. Cette lettre, chère amie, est bien pour vous bien personnelement [personnellement], parce que la vôtre me fait sentir que au milieu mon petit livre est venu, vous faire de la peine au moment où votre amitié si inespérée m'apporte tant de bonheur.
Mon livre. Mais est-ce bien le petit livre lui en lui même [lui-même] ? Qu'y Lorsque j'essais j'essaie de me le rappeler, il ne se présente à ma mémoire qu'un seul point, une seule phrase qui pût vous froisser – et encore ! – Celle où je fais allusion à la l'obsession de sécurité qui me semble apporter dans la politique de votre pays (du moins telle que vos gouvernants et vos journaux nous la font connaître) des procédés et des attitudes propres à au contraire à compromettre cette sécurité même et à préparer pour la France et la civilisation et la liberté de l'Europe entière des dangers beaucoup pires que ceux auxquels tous nous avons non pas échappé mais déjà été immolés, car tous, nous sommes des vaincus dans ce qui importe le plus, n la sécurité spirituelle autant que matérielle, la vie de progrès ; tous de enchaînés à la guerre que nous préparons parce que nous la craignons.
Voilà à quoi je fais allusion dans mon petit livre. Et que cela ce passage (vous le multipliez en parlant de "plusieurs endroits") vous aie [ait] causé tant de peine, cela semble indiquer que cette phrase (si subordonnée à ma thèse générale) a dû éveiller en vous le souvenir de ce qu'on a pu vous dire – les Halévy par exemple et même Mary Duclaux – au sujet de mon attitude pendant la guerre. Or tout ce qu'on a pu vous dire là-dessus, (oublié depuis sans doute mais revenu à votre esprit en lisant mon petit livre) tout cela, chère nouvelle amie, n'est que la simple vérité et beaucoup moins que la vérité, parce que mes idées dépassaient, je crois, la compréhension de ceux qui en étaient les plus choqués, de même que la pensée du libre penseur est beaucoup plus hostile à celle du croyant que ne se le figure celui-ci.
Ces idées – je parle des miennes au sujet de la guerre – ont fini par rallier plusieurs de mes amis anglais qui s'en scandalisaient le plus, et à mesure que que nous laissons derrière nous ces horribles années, elles finissent par ne plus offusquer mes compatriotes. Mais Il en est nécessairement différent [différemment] chez vous, car vous avez eu la guerre jusqu'à vos foyers tandis que nous ne l'avons eue que dans les cœurs dévastés ; (il en sera (hélas différent [différemment] en Allemagne, où la revanche sournoise appelée ironiquement Paix de Versailles avec ses suites qui se continue et se poursuit toujours et maintient la mentalité de la guerre).
De cela je m'en rends compte très exactement. Et c'est pour cette raison que, de même que pendant de 1914 à 1918, je laissais [à] mes amis anglais la liberté de suspendre, tou s'ils le voulaient, tous leurs rapports avec moi, j'ai hésité à me rapprocher de mes amis français et je n'ai jamais essayé de faire de nouvelles relations dans votre pays. C'est même cela qui a ajouté à la douceur de l'amitiée [amitié] que m'offre la Fresnay : c'est pour laune rentrée dans la France d'avant guerre [avant-guerre], n'est ce-pas [n'est-ce pas] ?
Mais cette rentrée, je m'en aperçois au chagrin exprimé par votre lettre, il ne faut pas que je la fasse par l'accident de votre ignorance de mes idées et de mes sentiments. Si je vous ai fait de la peine et si je vous ai causé une douloureuse surprise, il fau la loyauté, j'oserais dire la sécurité) de nos rapports exige que je vous en fasse davantage. Si vous voulez de moi, que ce soit en pleine connaissance de cause. J'estime inutile et dangereux pour l'amitiée [amitié] et inutile pour l'entendement réciproque toute discussion verbale ; je m'en suis abstenue avec mes amis anglais, comme je m'en abstiens avec mes (hélas trop nombreux !) amis fascistes. Mais l'avantage d'être écrivain, même sans lecteurs, c'est de pouvoir me éviter tout malentendu et toute déloyauté en mettant sous les yeux des autres ce qu'on a pense en sous forme de livre. Vous voyez bien que mon petit Protée avec sa seule phrase anti-française a pu vous révéler des cho sur moi des choses peut-être connues mais oubliées. Je vais compléter le procès que vous me ferez en vous envoyant le livre que j'ai fait sur la guerre et pendant la guerre. Il n'y a rien à y ajs retrancher ni à y rajouter, si ce n'est que je les mes pires craintes ont été dépassées.
Je ne vous demande pas de tout lire, c'est long, c'est abstrait, c'est fait par acquit de conscience pour moi-même. Mais il suffira de feuilleter pour vous rendre compte et pour éloigner toute possibilité de (pardonnez moi [pardonnez-moi] la grossièreté de la pensée !) de m'être faufilée indûment dans votre amitié.
J'espère que celle-ci se remettra du choc. Sinon à présent, du moins avant l'été prochain où je voudrais frapper de nouveau à votre porte. Pour le moment ne m'écrivez pas au sujet de ce nouveau livre ; s'il vous déplait infinement, essayez de l'oublier et n pensez, dans le courant de l'année, qu'aux choses qui nous unissent et au bonheur que votre promesse d'amitié, x à de vous et de votre mari, a mis dans ma vie
Affectueusement à vous
V. P.
J'ai Je redoute beaucoup pour Salvemini cette soi-disant liberté provisoire, à moins qu'il ne puisse en profiter pour passer la frontière. Mais Et j'estime qu'à moins de cette éventualité peu probable, il sera sage de parler de lui le moins possible à l'étranger. Ses amis anglais ne lui ont que guère fait de bien. Mais j'aime mieux que Fernande, déjà si désemparée ne connut connaisse pas mes craintes, n'est-ce pas ? Non, je ne suis pas pressée de rentrer sous cet abominable régime. Mais que de petites (et je crois peu sérieuses) crises cardiaques me font désirer de rentrer chez mes domestiques et mon médecin dès que l'automne sera venu.

NotesNumérotation de chaque feuille sur leur recto : "r/" pour la deuxième, puis de 3 à 6

Contributeur(s)

Geoffroy, Sophie (édition scientifique)
Scotto d'Ardino, Camille (transcription et indexation)
Walter, Richard (édition numérique)

Présentation

Date1925-07-26

GenreCorrespondance

Mentions légales

Document : Fonds de dotation André et Berthe Noufflard.
Fiche : Holographical-Lee, Sophie Geoffroy, Université de La Réunion ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)

Editeur de la ficheHolographical-Lee, Sophie Geoffroy, Université de La Réunion ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle)

PublicationInédit

Informations éditoriales

DestinataireNoufflard, Berthe

Persons cited

famille Halévy
Fernande Dauriac
Gaetano Salvemini
Mary Duclaux (née Robinson; Mme Darmester; Mme Duclaux)
Noufflard, André

Contexte géographique

Angleterre
France
Londres

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Notice créée par Sophie Geoffroy Notice créée le 06/03/2018 Dernière modification le 18/11/2021