197. Noème pour Noël (2è partie)

Auteur(s) : Sassine, Williams

Les folios

En passant la souris sur une vignette, le titre de l'image apparaît.

1 Fichier(s)

Texte de l'article

Transcription

N° 197, 25 décembre 1995 : « Noème pour Noël » (2^èpartie)

Qu’importe que tu parles avec des mots qui ne sont pas les tiens

Quoiqu’il en soit à tes convictions ils sont le soutien

Tu travailles, modèles, façonnes la langue française

Comme le potier manipule et maitrise la glaise

Qu’importe la matière s’il en sort l’œuvre

Dont tu es l’humble et acharné manœuvre.
Je sais que tu geins et que tu déplores

De ne pouvoir écrire dans la langue de ton folklore

Que tu brûles d’envoyer ton message et tes lignes

Dans une langue qui pour toi est aussi digne

Que n’importe quel autre langage

Mais tu sais Diomandé, l’art n’a pas d’âge

Ni de patrie, ni d’hymne ni de drapeau

Tu dois lancer ta manne à tout le troupeau

Le marbre et le manguier ont-ils une patrie ?

Pauvre, pauvre, ceux qui se les approprient…

Mais es-tu sûr à qui tu t’adresses ?

A tes compatriotes, aux « étrangers, aux colonialistes ?

Ecris tu pour les Guinéens qui se redressent

Ou à ceux qui se disent non conformistes ?

J’ai perçu je crois, ton problème

Finalement pas, tu sais pas qui tu aimes

Pris dans l’étau du continent d’ébène

Et de ton sang d’un pur alliage

Tu ne prends pas ça comme une aubaine

Mais comme un lourd maquillage…

Non, mon ami, ne te torture pas

Tu as toujours une certaine renommée

Moi pas

Ce qui me rend d’autant plus libre

De te dire avec un relatif équilibre

« Continue là-haut à labourer ton champ

Suis ton sillon ton chemin cahotant

Entre le Lynx

Et ton Sphinx »

Un an que tu nous as quitté à Noël

En nous laissant un pot vide de miel

En oubliant d’emporter ton souvenir

Qu’importe s’il nous fait toujours sourire

****

Bon voilà Diomandé, à cause de toi, je me sens poète comme tout le monde dans le pays. Il ne me manque plus que d’aller m’inscrire à notre association bidon des écrivains. Elle fait rigoler, cette association : le bureau se compose de deux membres…De temps en temps que le bureau est renouvelé, ce qui veut dire que le vice-président a voté pour le président et que le président a reconduit le vice-président après « mûre réflexion . Ensuite les deux, fêtent leur élection à 100/100 sans inviter Gomez le gommeur et Sidim le Lamineur, les deux mamelles vitaminées des sevrés de la monocratie.

Mais passons. Comme est passé l’OCI en laissant le peuple COI, désabusé, indifférent aux promesses habituelles coincées entre ciel et terre. On connaît les hommes à la sueur et à la parole donnée. A Conakry, ni sueur, nos chers invités dormant sous climatiseurs, ni parole donnée, pour avoir écouté leur séjour. Au grand soulagement des autorités fatiguées de faire semblant de travailler pour l’embellissement de la capitale, ainsi que des arbres hâtivement peints en blanc en même temps que tout ce qui est immobile, en particulier les cailloux. Quant aux caterpillards, après des acharnements nocturnes pour effacer les rides et les saletés de notre cité-dortoir…On peut retrouver les rares rescapés endormis sous les manguiers ou oubliés dans le massacre.

Les enfants dans tout ça, le demanderez vous ? Hè beh ! Ils auront droit à un congé chômé et non payé tous les 2è vendredis de décembre. Le problème est le suivant : est-ce qu’il existe encore des enfants dans notre pays ?(enfant : latin « infans » qui ne parle pas…) d’après le Robert. Dans ce sens peut-être oui. Ils n’ont plus rien à dire. Ils laissent parler les grandes dames de circonstance et les experts à leur place. Des millions de leurs semblables en Somalie, Ethiopie, Angola, Liberia, Sierra Leone, Mauritanie, Ouganda…Morts. Chaque année. Juste pour faire savoir à nos enfants qu’ils ont de la chance. Ils ont survécu la plupart à l’an 95. S’ils ne comprennent pas ce miracle, on leur expliquera que dans une année il y a 12 mois, dans un mois il y a 30 jours, dans un jour 24 heures, dans une heure 60 minutes, dans une minute, 60 secondes. Calculons la longueur en secondes de l’année de l’enfant ordinaire guinéen 12x30x24x60x60. Soit 31 millions 104 mille secondes. La durée des gifles matinales, des fessées crépusculaires et autres gentillesses non comprises. Si je calcule ainsi en secondes la vie de nos enfants, c’est parce que la durée est subjective. Passer cinq minutes dans les bras de sa mère et passer cinq minutes dans un four allumé ne sont pas comparables. Plus de 31 millions de secondes par an, à souffrir de malnutrition, de sous-alimentation, d’humiliation, d’espérance étouffée dans des classes pleines comme un œuf. Ils n’ont jamais connu la chaude paix d’une couveuse qui se refroidit dès après le baptême. D’autres, devinant déjà le drame qui les attend au sortir des entrailles de leur mère, luttent, se cramponnent pour rester dans la douceur silencieuse du plasma, jusqu’à la mort. Qu’on ne raconte pas à ces fœtus que dans l’enfer qui les attend, s’ils acceptent de la fréquenter, ils seront l’avenir de leur pays, selon les formules officielles des officiels. Rien de plus faux. Ceux qui croient au Père Noël, deviendront des enfants pour recevoir des cadeaux. Quand ils constateront que la vie ne fait pas de cadeau, ils s’érigeront en père de l’homme, pour l’éduquer.Nous avons vu au procès des gangs, procès au cours duquel nous avons surtout appris, que dans une société où n’existent pas de grands adieux dans un cimetière, l’enfant doit corriger, redresser l’homme, lui donner un support, comme on le ferait avec une plante grimpante.

L’enfant est la colonne vertébrale magique de la vie. Elever un enfant aujourd’hui, dans tous les tourments alimentaires que nous connaissons, dans les clameurs de détresse autour, dans un continent en morceaux, revient à jeter un verre d’eau pour éteindre un incendie. Le feu est allumé dans les regards, morts hier.

Il était une fois. Un homme et son enfant. L’homme était tellement pauvre, qu’il ne pouvait traverser son quartier, sans qu’on lui lance des pierres et des crachats.

Un jour son enfant décida de changer les cho-ses. Alors une nuit, il se mit à rugir. Les voisins se dirent : « Le vieux est aussi fort qu’un lion, il a bien caché son jeu »

La nuit suivante, l’enfant imita le bêlement de dix moutons. Les voisines se dirent : « le vieux est plus riche que nous tous. Il a bien caché son jeu. »

La nuit d’après, son enfant prit une cora et joua, à faire venir des moineaux. Les voisins se dirent encore : « ce n’est pas possible. Un vieux qui est lion, qui est riche, que les petits oiseaux adorent, doit diriger notre quartier ». Son père appela et pour remercier son enfant qui lui répondit : « Papa, tu es mon héritier. Papa, je ferai aussi faire venir père Noël pour toi… »

Ce conte est pour toi l’enfant, avant que les femmes stériles et des messieurs séniles, ne te convainquent qu’il y a trop d’enfants sur terre, alors que toute l’humanité peut assister à un match de football, assise dans un stade installé en Gambie, l’un des pays les plus petits du monde.

Joyeux noël les enfants, si vous voyez pas le père noël, c’est parce que c’est vous le vrai père Noël.

Quelqu’un racontait : « Les hommes sont vrai-ment méchants, et nous les amoureux vraiment bêtes. J’ai trouvé un jour mon ami dans un maquis. Qu’il sentait bon ! J’ai vu un flacon dans une de ses poches. Je le lui ai pris, croyant que c’était un flacon de parfum. Dans les toilettes, je me suis parfumé…c’était une petite bombe lacrymogène. Je suis ressorti avec une gueule gonflée comme ça. Tous les clients du maquis avaient disparu, comme après le passage d’une brigade antigang…Et ce n’est pas fini. Je retrouve mon salaud un mois après. Il s’excuse, je lui pardonne. Alors il m’offre un tube pour vernir les ongles. Mais il me dit que c’est un rouge à lèvres. Je me l’applique sur les lèvres. Deux jours sans pouvoir sortir tellement, je ne savais pas comment décoller le vernis qui avait pris pied sur ma bouche. Hé Kélà !

Communiqué Ceci et Cela

- Les journaux condamnés

- Les fonctionneurs errants

- Les enfants abandonnés

- Les fille-mères

- Les maires détrônés

- Les singes traqués

- Les minustres accrochés à leurs marabouts

Sont priés de préparer leurs cadeaux pour le père Noël, qui a été parachuté dans le pays, et il

Aimerait bien pouvoir repartir

A cause des moustiques

Billet

« Un chat m’a Conté »

Le pouvoir exécutif

Le pouvoir législatif

Le pouvoir judiciaire

Le rouge

Le jaune

Le vert

Sont à respecter

Mais attention !

Les feux de signalisation sont éteints

Le courant ne passe plus depuis longtemps

Aux carrefours de la démocratie

Les dépités de notre assemblée peuvent en témoigner

Par Williams Sassine

Description & analyse

Auteur de l'analyseDegon, Elisabeth

Contributeur(s)Degon, Elisabeth (collecte et saisie)

Éditeur(s) de la ficheDegon, Elisabeth

Auteur(s) de la transcriptionDegon, Elisabeth

Informations générales

LangueFrançais

CoteLe Lynx, n° 197

Présentation

Date1995/12/25

GenreDocumentation - Presse

Mentions légales

Avec l'aimable autorisation des ayants-droits
Avec l'aimable autorisation des ayants-droits
Avec l'aimable autorisation des ayants-droits (pour les collections, les items et les fichiers)
Fiche : Elisabeh Degon, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes, CNRS-ENS ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)

Éditeur de la ficheClaire Riffard, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)

Exporter cette fiche

atom, dcmes-xml, json, omeka-xml

Exporter en PDF les métadonnnées
Exporter en PDF les métadonnées et l'image

Notice créée par Elisabeth Degon Notice créée le 30/07/2019 Dernière modification le 01/09/2022

197. Noème pour Noël (2è partie)

Auteur(s) : Sassine, Williams

Les folios

Autres notices de la collection