247. Gouvernance ou la nouvelle Romance France-Afric !

Auteur(s) : Sassine, Williams

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Sassine, Williams, 247. Gouvernance ou la nouvelle Romance France-Afric ! , 1996/12/16.
Claire Riffard, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle).
Consulté le 19/04/2024 sur la plate-forme EMAN : https://eman-archives.org/francophone/items/show/3587

Texte de l'article

Transcription

N° 247, 16 décembre 1996 : Gouvernance ou la nouvelle Romance France-Afric !

J’attendais Fory Coco. Comme d’habitude à deux nous décidons du sort du pays. Chaque semaine, Wallaye, sinon, il ne lirait pas ma chronique et n’accorderait pas autant de liberté dans la vérité au Lynx. Nous ne confondons pas Liberté et Sincérité en effet. La sincérité est le produit de la subjectivité humaine. Elle est variable dans le temps, dans les cultures et peut-être entourée d’œillères tout en étant truffée de bonnes intentions.

La sincérité est sélective. Tous les hommes naissent sincères et meurent trompeurs comme le temps. Mais trois sortes de gens disent la vérité : les sots, les enfants et les ivrognes. C’est pourquoi au journal, il arrive souvent qu’on nous conduise en prison ou dans les commissariats de police.

Dans le métier, les commentaires sont libres, mais les faits sont sacrés.

Nous comprenons alors, le souci du nouveau ministre de la communication de vouloir changer les choses dans son département. En effet, les journalistes de l’unique Radio et surtout de la Télé connaissent une grande indulgence. Comment lutter contre ce que les Américains appellent la « politique des agendas », cette pratique des médias qui consiste à orchestrer des thèmes censés être ceux qui préoccupent l’opinion publique à un moment donné ? (voyages du président, arrivée d’un « ami » du pays, réunions interminables du parti au pouvoir…) A force de magnifier un certain type de nouvelles relations aux «réalisations » du gouvernement, on finit par les amplifier outre mesure.

Alors le système informel peut tourner en rond si les satisfaits répondent aux satisfaits. Ces normes peuvent tuer la reconnaissance des différences et éliminer ainsi le débat public. Le risque est grand d’avoir comme résultat, la neutralisation des minorités. Ces ex-communiés des médias officiels servent alors la pièce pour mettre en valeur la force du consensus majoritaire. Le forum médiatique devient le lieu de la «théâtralisation» suprême et convenue. Le journaliste doit résister à ce piège. « Ne pas déplorer, ne pas rire, ne pas détester, mais comprendre » disait Spinoza. Senghor préférait le mot CO-PRENDRE, prendre ensemble. Nous pensons qu’une des fonctions de la presse est effectivement d’aider à co-prendre le moment de l’histoire que nous vivons. Afin de mieux défendre ce bien fragile et si souvent éphémère, la Démocratie. Sinon, chacun finira par se persuader qu’il faut faire la politique de l’autre. Et il sera tout étonné après, d’être remplacé par ceux auxquels il voulait s’identifier.

Bon le président s’en est allé à Ouaga pour se faire recenser, après s’être fait encenser ici. Il a la situation en main. Tout est calme. A Fakoudou ! Le problème des autres, ce n’est pas son problème. Tant pis si un de nos grands hôtes de marque récent, le président yougo ne dort plus ! Tant pis si la chasse aux sorcières continue à la Ponction Publique ! De nouveaux préfets sont nommés. Comme on dit, le malheur des uns fait le bonheur des autres.

A son retour, par le hublot de son avion de commandement, habituellement mis à la disposition de monsieur tout le monde, il pourra admirer l’immobilisme des ordures. Moi je comprends la conduite des différents gouverneurs de la capitale. Si elle n’était pas sale, comment ils allaient trouver de l’argent auprès des bailleurs de fond ?On ne casse pas le canari dans lequel on boit. Il reverra certainement à côté du tapis rouge, l’ex-commissaire au Tourisme tous risques, prêt à rejoindre son poste à « Cigui-ciseaux go ».

Dans ma tête, le président des Français n’était pas très content à Ouaga. Il manquait à l’appel des gens convoqués, des gens importants : Patassé qui se faisait tabasser à Bangui par des anges, Mobutu qui se mourrait sur la Côte d’Azur, Popaul Biya le président virtuel d’une OUA invisible. Tout n’était pas perdu quand même. Les présents lui auraient offert une minute de silence à la mémoire de Tonton François Mythe Errant, après avoir chassé le fantôme de Thomas Sankara, le troublion (sic : trublion). Ce genre de cadeau mérite une récompense. Il offrit le mot « Gouvernance ». Après près de 40 ans de pouvoir héréditaire, nos illustres représentants devant Dieu et leurs sujets découvraient que pour bien gouverner, il faut une « bonne gouvernance ». CQFD ! Et Jacquot a démontré. La démocratie, ce n’est rien. Le développement, c’est pas grand chose. La transparence, c’est pour les aveugles. La communauté gaullienne un piège.

Il n’y a pas un mois, où n’éclate un scandale financier en France. Mais ça ne fait rien ! Le bossu ne voit pas sa bosse. J’ai eu la curiosité de regarder mon "Robert" . Gouvernance est un mot du 13è siècle, quand il était question de bailliages de l’Artois et de la Flandre. Bon j’ai continué à chercher dans le dictionnaire. « Bailliages vient juste avant Bâillon. Un mot prédestiné. Ça veut dire, depuis le 14è siècle : circonscription, juridiction etc..… Alors messieurs nos chefs, vous avez applaudi à un autre morcellement de l’Afrique (Berlin 1888 ; ça ne vous dit rien ?) à la formation d’une nouvelle France d’Outre-mer. Et d’ailleurs qui va contrôler votre « bonne gouvernance » ? Si ce n’est Jacquot. Un mot est comme une abeille. Il a miel et aiguillon. Nous aurions préféré "Bonne gérance" . Enfin c’est en France qu’on fabrique les « Larousse ». Quand nous mettrons en valeur l’écriture « N’ko », nous nous comprendrons. Et le chef de l’Etat Français, de continuer à marteler les mots autour de « Gouvernance » avec parfois des menaces : les bailleurs de fonds nous aideraient mieux si nous avions une bonne gouvernance de nos affaires… En attendant, les « feux de brousse » restent allumés en Centrafrique, au Rwanda, au Zaïre, au Liberia.

C’est terminé Ouaga. On attend la traditionnelle photo de famille : le plus haut personnage de l’ancienne « métropole » française au milieu de ses pairs africains. La « paristroïka » se porte bien. Ces sommets franco-Africains doublent ceux de l’Unité Africaine, cette organisation moribonde dont le Secrétaire Général, un arabe voudrait bien prendre la place, de cet autre arabe, Boutros. La candidature du Sénégalais Mustapha Niasse est heureuse. L’ONU est-elle bloquée pour le moment ? Ce n’est pas grave. Car il n’est pas de problème que l’absence de solution ne finisse par résoudre : une belle théorie sur l’immobilisme, à commenter par nos étudiants qui passeront une année blanche

Salif Keïta chantait :

« Nous pas bougé

Pas moyen bougé

Nous pas bougé »

Fory Coco, pardon envoyez cette cassette à l’Elysée, ils comprendront que vous avez compris.

Quelqu’un racontait : « Vraiment je ne comprends plus rien. Je ne sais pas si ce qui m’arrive, arrive à moi seul. J’avais un chauffeur. Et le chauffeur s’est tué. J’ai fait venir un frère du village. Le salaud, en 3 mois, a tué le véhicule. Je ne me suis pas découragé. J’ai ouvert un maquis. Comme je suis accueillant, tout le temps, c’était plein. Mais petit à petit, les gens ont remarqué que quand je donnais crédit à quelqu’un, le type mourrait peu après sans me payer. Alors tout le monde est parti. J’ai revendu le maquis et je me suis acheté une pirogue de pêche. Mes deux pêcheurs ont pris la mer un jour. Cela fait 3 semaines que je ne les vois pas. Bon, je me suis dit qu’il faut un marabout pour m’aider. On m’a recommandé un vieux, soi-disant qu’il est tellement fort, qu’il peut faire un an sans aller au WC. Donc je suis parti voir ce marabout constipé. Il m’a demandé un mouton. J’ai acheté l’animal. Après il me dit que j’aurai beaucoup d’argent, mais qu’il faut d’abord que je tombe gravement malade. Mais si je tombe gravement malade qui va payer ? Vraiment je ne comprends rien. Hé kéla ! » A Fakoudou !

Billet

UN CHAT M'A CONTÉ

Un village était régulièrement rançonné

Par des bandits

On délégua un sage

Pour recruter des mercenaires

Ils arrivèrent et ce fut un carnage

Courrez vite chez votre club vidéo K7

Et empruntez « les 7 mercenaires »

Chers lecteurs vous comprendrez

Notre histoire récente

Vous pouvez même donner un nom guinéen

A chacun des acteurs de ce Western

Pour vous aider voici dans les rôles

Fory Coco : le vieux sage

Sidya Sodia : les chef des mercenaires

Par Williams Sassine

Description & analyse

Auteur de l'analyseDegon, Elisabeth

Contributeur(s)Degon, Elisabeth (collecte et saisie)

Éditeur(s) de la ficheDegon, Elisabeth

Auteur(s) de la transcriptionDegon, Elisabeth

Informations générales

LangueFrançais

CoteLe Lynx, n° 247

Présentation

Date1996/12/16

GenreDocumentation - Presse

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Éditeur de la ficheClaire Riffard, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)

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Notice créée par Elisabeth Degon Notice créée le 30/07/2019 Dernière modification le 01/09/2022

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