248. L’exclusivité dans l’inclusivité, on se confie !

Auteur(s) : Sassine, Williams

Les folios

En passant la souris sur une vignette, le titre de l'image apparaît.

1 Fichier(s)

Citer cette page

Sassine, Williams, 248. L’exclusivité dans l’inclusivité, on se confie !, 1996/12/23.
Claire Riffard, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle).
Consulté le 24/04/2024 sur la plate-forme EMAN : https://eman-archives.org/francophone/items/show/3588

Texte de l'article

Transcription

N° 248, 23 décembre 1996 : L’exclusivité dans l’inclusivité, on se confie !

Fory Coco, votre discours, lors de la pose de la 1ère pierre du futur palais, était musclé

- Et moi, je ne suis pas musclé ? Pendant des années j’ai porté au dos, des sacs de 50 kg, quand j’étais soldat.

- Mais Fory, pourquoi humilier vos compatriotes devant des étrangers ?

- N’Fatara, j’ai bien fait ! Et je le répète, les ouvriers qui seront embauchés, sont des pauvres. Je leur donnerai à manger, mais si jamais une brique disparaît sur le chantier, j’enferme les coupables. Nos voleurs manquent d’ambition. Pourquoi voler une brique ? Alors qu’ils peuvent prendre tout le palais et tout ce qui est dedans, quand les travaux seront terminés. Je n’aime pas les gens qui ne cherchent à manger que pour un jour. Moi je commande depuis 10 ans. Et je n’ai pas l’intention de partir, sauf si Allah m’appelle.

- Fory, les Malais vont venir pour construire des hôtels et des piscines. Les Russes et les Italiens font les routes. Les Cubains sont concentrés à l’hôpital Jean-Paul. La Côte d’Ivoire essaie de nous débarrasser de la guerre en Sierra Leone. Le Sénégal nous fournit des véhicules pour les grandes rencontres. La Fondation Frédérique est riche, nous finance au nom de l’Allemagne, pour nos ateliers, rencontres, symposiums, conférences, colloques…La Mecque nous donne des moutons déjà immolés. La Thaïlande nous donne du riz. L’Espagne nous envoie du vin. L’Angola nous présente des excuses. Le Libéria ses réfugiés. La Codemerde ses victimes. Votre parti ses divisions…

- Ça va comme chat ! Je sais qu’on est tellement heureux qu’on en devient malheureux. En tout cas, c’est mon cas. Je passe des nuits entières à pleurer. Quand je pense à mes cochons. Qu’est-ce que ma radio et mes animaux ont fait à ces gens-là ? Ma vengeance sera terrible ? Je construirai des palais partout. A Fakoudou ! C’est pour tout le monde, que je prenne un jour quelqu’un couché dans un de mes lits.

Parce que le Guinéen est trop bête. Il aime faire l’idiot pour être bastonné. On appelle chat masosotomatoto…Aide moi un peu imbécile.

- Fory, c’est masochiste.

- C’est ça que je disais. C’est comme le journaliste de la Bibici que j’ai fait arrêter. Il voulait me poser des questions sans demander mon autorisation. Mais je vais le libérer avant Noël. Parce que je viens d’apprendre qu’on vole même le manger des prisonniers. Comme au temps de Saliflouflou, l’ancien minustre. Aujourd’hui, on me signale que chat va mieux. Saliflouflou, je ne sais pas encore ce qu’il a fait de l’argent de Tunis 94. On a même pas pu franchir le 1^ertour. Je sais qu’il n’est pas le seul dans cette affaire. Il y a par exemple Don Arafat, le minustre que je garde encore pour que sa chute soit applaudie comme celle de La Gomme. Mes collaborations sont comme des piles. Elles ne s’usent que si l’on s’en sert. J’ai lu chat quelque part. Les gens croient que je ne sais même pas lire. Mais je suis abonné à votre journal. Par exemple j’ai beaucoup aimé là où vous parlez de mon « faux-dé ». Je prépare quelque chose. D’ailleurs, il doit s’en douter, quand il a vu s’installer un adjoint, sans son avis.

- Fory est-ce que je peux vous parler de votre santé l’an prochain ? Donnez moi votre main.

- AH NON ! Vous allez me parler de malheur. Il n’y a que les cons qui meurent en bonne santé. C’est connu. Et puis Biro alias Ibro, de notre Assemblée est plus âgé que moi. Mais il peut battre encore l’Alpha Oméga du Répégé, aux cent mètres, surtout si je mets à leur poursuite des bérets rouges quand ils sont bourrés de « Béré, euh…de vin je veux dire.

- Fory, le pays est grand. Pourquoi avoir choisi la place de l’ancienne présidence pour bâtir votre palais?

- J’ai assez pardonné, pour être pardonné par le fantôme de Sékou. Aucune main n’est pure quand le chef a changé. J’ai fait partie du Pédégé. Je reconnais Si je m’écoutais, je me couperais tous les membres. Je ne me trompe pas sur mes flatteurs. Car je sais qu’à force de coiffeurs, la fiancée devient chauve. Demain, ils m’insulteront, comme aujourd’hui ils insultent Sékou. Je n’ai pas demandé à mes concitoyens, leur avis sur l’oppopotutounité de la construction de ce palais. Car la maison qui est bâtie au goût de tous, n’aura pas de toit. A Fakoudou !

- Que pensez vous de Sidya Sodia, votre premier…

- Je l’aime bien ! J’aime le voir souffrir à cause de sa petite taille, quand je le place à côté de moi pendant que nous saluons notre drapeau. Je peux dire qu’il est plus grand, assis que debout. Hi ! Hi ! Et puis, disons nous la vérité. Si je lui ai donné un visa d’entrée en Guinée, j’espère qu’il me fera une porte de sortie. Parce que sur sa carte de visite, un jour, il pourra toujours mettre ex-premier minus-tre.

- Fory, quand vous jetez en regard en arrière…

- Sassine, quand je vins au monde, je pleurais, et chaque jour me montre pourquoi. Mais il faut nourrir sa vie si la mort nous console de vivre, la vie nous console de mourir. L’homme vient au monde les mains closes, et le quitte les mains ouvertes. Ma mère me disait tout chat. De toute façon, la vie est un rêve dont la mort nous réveille.

- Fory, êtes-vous satisfait ?

- Il faut attendre le soir pour louer le beau jour, et la mort pour louer la vie. J’ai eu la chance, la baraka, parce que j’ai toujours respecté mes parents. Oui, de la chance, j’en ai eu. Quand j’étais petit, je suis sorti un jour pour voler, et la lune a brillé toute la nuit. Aujourd’hui mon soleil se lève. Quand je me coucherai, avec lui, dans mes paumes, vous lirez ce que j’ai fait. Je sais qu’un jour le soleil ne se lèvera pas pour moi. Ce soleil-là, brillera pour les témoins. Je m’entretiens déjà avec moi-même. Cette conversation est la plus importante et pourtant la plus négligée dans la vie des hommes.

- Votre vie privée ?

- Dieu merci ! J’ai une épouse chrétienne, la seconde est musulmane. Elles prient toutes les deux pour moi. Alors, si je vais en enfer, c’est de leur faute.

- Fory, vous êtes vraiment très fort. Vous faites toujours tout pour gagner à tous les coups. Bon ! Noël et le nouvel an approchent. Que souhaitez vous recevoir ?

- La fête de Noël peut-être renouvelée à Pâques. Les réjouissances ne sont pas attachées à une saison. Quant au nouvel an, je me sens déjà fatigué de recevoir les vœux de bonne année des nombreux hypocrites qui vont défiler dans le palais.

- On va vous nommer « l’homme de l’année »

- Oui. J’écoute la radio. Mais je me méfie. Mon minus-tre de l’insécurité l’avait reçu, et ça lui a porté malheur.
La vie est drôle quand même ! Parce que si en février les obus m’avaient tué, ce sont les mêmes journalistes-là qui auraient nommé le chef de mes assassins, l’homme de l’année. Mais chat ne fait rien ! Ce sont les tortues qui savent où se mordre.

Il se leva, sans me dire au revoir comme d’habitude. Le dos voûté, comme s’il continuait à porter son sac rempli de 50 Kg de cailloux quand il était simple soldat. Un pied claudiquant, il franchit mon portail. En voyant disparaître sa silhouette point d’interrogation, je pensai que peut-être le proche avenir parle le même langage que le lointain passé. Je savais qu’il ne m’avait pas tout confié, «l’homme de l’année 96 », la personnalité d’un certain mois d’avril 84. C’est le signe de notre temps et de notre culture de faire déboucher toutes les observations actives sur une vision de la transcendance.

Cette personnalité d’origine plus que modeste, aime rappeler que c’est Dieu qui lui a donné le pouvoir. En cela, il a raison. Mais il oublie que la personnalité n’est qu’un instrument donné à l’homme pour éveiller son entourage. L’œuvre faite, l’instrument doit disparaître. Car si nous avions des miroirs capables de nous montrer cette « personnalité » à laquelle nous attachons tant de prix, nous n’en supporterions pas la vue, tant de monstres et de larves y grouilleraient. Nous n’avons pas encore, dans ce sens, de visage. C’est pourquoi les dieux, se refusent de nous parler face à face. Excepté les grands prophètes.

Oui, l’œuvre faite, l’instrument doit disparaître. Monsieur le président, ne vous représentez pas aux élections de 98. Le goût du pouvoir ne se perd pas. Faites comme Senghor. Ne faites pas comme Bourguiba. Faites comme Toumany Touré. Ne faites pas comme Mobutu. Vous avez libéré le pays. Ca suffit, retirez vous ! La terre ne s’arrêtera pas de tourner. Retirez vous ! Dans ce cas, nous aurons besoin de vous, toujours. Comme arbitre. Si vous vous représentez en 98…..Si le charmeur de serpent se fait mordre, à qui est-ce la faute ? Retirez-vous. La justice du prince importe plus au peuple que la bonne récolte. Merci pour tout.

Bon le petit bandit Niaré Souleymane dit Solo m’avait encore échappé. Je devais retrouver mon cabanon en carton et ses principaux locataires. Les rats dans le plafond, les souris sous le plancher. Et au milieu, les moustiques…

Quelqu’un essayait de raconter : « Moi…je ne suis pas chou. Hic ! Chou, soul…Hic ! Qui d’entre…entre vous, disait que…que…Moi, je chuis pas…pas…Bata fait son pas… pas…à pas ? Je ne chuis pas sou…Je vé dire que…qué je ne chuis pas…pas soul…Hé kéla ! J’ai vomi !... Hic ! qui a vomi à ma…ma…ma place ? C’est moi qui fais vomi, après…hic ! Après c’est un autre…un autre qui dit que chaletés c’est pour moi…Mais démocratie c’est …c’est…mo…Hic ! Mauvais. A Fakoudou ! Tous les jours, tu vois nouveau journal…Hic ! A boire…A Fakoudou ! Le président n’a rien fait du tout…Vous voulez que je, je répète ? Hic ! Le prési, il a tout…Hic ! Tout fait ».A Fakoudou !

Billet

UN CHAT M'A CONTÉ

Quand on a bien bu

Bien mangé

Bien rôté

Bien parlé

Il faut savoir se lever

Quand la table est desservie

Au risque de se voir privatiser

Par les courtisans.

Par Williams Sassine

Description & analyse

Auteur de l'analyseDegon, Elisabeth

Contributeur(s)Degon, Elisabeth (collecte et saisie)

Éditeur(s) de la ficheDegon, Elisabeth

Auteur(s) de la transcriptionDegon, Elisabeth

Informations générales

LangueFrançais

CoteLe Lynx, n° 248

Présentation

Date1996/12/23

GenreDocumentation - Presse

Mentions légales

Avec l'aimable autorisation des ayants-droits
Avec l'aimable autorisation des ayants-droits
Avec l'aimable autorisation des ayants-droits (pour les collections, les items et les fichiers)
Fiche : Elisabeh Degon, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes, CNRS-ENS ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)

Éditeur de la ficheClaire Riffard, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)

Exporter cette fiche

atom, dcmes-xml, json, omeka-xml

Exporter en PDF les métadonnnées
Exporter en PDF les métadonnées et l'image

Notice créée par Elisabeth Degon Notice créée le 30/07/2019 Dernière modification le 01/09/2022

248. L’exclusivité dans l’inclusivité, on se confie !

Auteur(s) : Sassine, Williams

Les folios

Citer cette page

Autres notices de la collection