La correspondance inédite du géomètre Gaspard Monge (1746-1818)

La correspondance inédite du géomètre Gaspard Monge (1746-1818)


148. Monge à sa femme Catherine Huart

Auteurs : Monge, Gaspard

Transcription & Analyse

Transcription linéaire de tout le contenu
Lanslebourg, le 24 pluviôse de l'an VI de la République
 
Nous[1] arrivons, ma chère amie, au pied du Mont-Cenis ; on démonte notre voiture et dans un moment, nous allons grimper. Ainsi dans 4 ou 5 heures nous serons en Italie, et les Alpes seront entre nous deux. Notre voyage a été fort heureux. Aujourd'hui même il fait un temps superbe ; le soleil est très brillant et quoique tout soit gelé ici comme à Paris dans les plus grands hivers, et quoique le Mont-Cenis soit encore plus haut que le village où nous sommes, nous espérons qu'il y fera chaud ; du moins il y fera bien clair.[2] Il paraîtra peut-être extraordinaire à des habitants de Paris de voir le soleil si haut, si brillant, verser tant de lumière avec si peu de chaleur. Si j'étais plus jeune, ma chère amie, je te dirais que c'est à peu près comme les amoureux de nos grandes villes dont l'amour est tout en paroles et que le mien avec beaucoup moins d'éclat a plus de solidité. Mais tu te moquerais de moi si je continuais sur ce ton, et il ne faut pas être ridicule même aux yeux de sa femme.[3] C'est par cette fin qu'il faut te dire adieu, car nous autres républicains, nous croyons toujours être chez nous quand nous sommes sur notre territoire, et il me semble que je vais seulement sortir de la maison. Mille choses aimables à tous nos amis et compte sur mon tendre attachement.
 

[1] Avec Monge sont envoyés en tant que commissaires Pierre DAUNOU (1761-1840) et Joseph Antoine FLORENS (1762-1842) et leur secrétaire Louis-Pierre MARTIN de SAINT-MARTIN (1733-1819).

[2] Lors de son premier passage du Mont-Cenis en juin 1796, les nuages l’ont empêché de profiter de la vue. voir les lettres n°7 et 8.

[3] De Paris le 27 pluviôse [an 6 ] [15 février 1798], Catherine répond : « La gaieté régnait en toi lorsque tu me l’écrivais, le soleil tel qu’il est produit toujours cet effet, la galanterie qu’elle contient m’a mis moi-même en gaieté, continue mon ami. Jamais tu ne seras ridicule à mes yeux, je sais trop t’apprécier, les objets de comparaisons te rendent encore plus précieux pour moi, je remercie tous les jours le sort qui m’a unie à toi, les années que j’ai déjà passées avec toi se sont écoulées bien rapidement, je vois arriver celles qui me restent encore, avec trop de précipitation, reviens vite, ne regarde par derrière toi, aussitôt que les Romains auront une lueur de République, ils se passeront de vous. Le génie de leurs prédécesseurs les inspirer[a]. Ils se tireront d’affaires que ce soit enfin ta dernière absence. Si tu ne t’ennuies pas de ma société, viens vite rompre la monotonie de ma vie […]. »

AnalyseTranscription établie par René Taton et inscrite dans le corpus 1795-1799.

Relations entre les documents


Collection 1798 : Seconde mission en Italie Institution de la République romaine et préparation de l’expédition d’Égypte Pluviôse – prairial an VI

Ce document a pour thème École polytechnique comme :
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Collection 1796-1797 : Première mission en Italie, La commission des sciences et des arts Prairial an IV - vendémiaire an VI

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a pour thème CSA- Italie (Saisies) comme ce document
Notice créée par Marie Dupond Notice créée le 12/01/2018 Dernière modification le 11/02/2022