Archives Marguerite Audoux

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Collection : 1926
Auteur : Audoux, Marguerite
Archives Marguerite Audoux


L'article joint est le suivant :


« QUINZE ANS après
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Un nouveau livre de Marguerite Audoux
Quinze ans déjà !...
C'était au mois de novembre 1910, un mois avant l'attribution du Prix Goncourt. Un livre venait de paraître, qu'avait préfacé, d'enthousiasme, Octave Mirbeau.
Mirbeau n'aimait à demi ni les hommes, ni les livres, ni la peinture, ni quoi que ce soit au monde. Un roman, Marie‑Claire par Mme Marguerite Audoux, l'avait ravi : il ne l'envoyait pas dire, il le disait lui‑même à tout venant.
« Un chef‑d'œuvre ! Un miracle ! Une couturière pauvre et malade, amie de Charles‑Louis Philippe, a écrit pour elle, « pour amuser sa solitude », une histoire toute simple…, la sienne, si vous voulez… et c'est une chose admirable dont je ne puis parler que les larmes aux yeux… De cette femme du peuple qui gagne sa vie depuis l'âge de douze ans, un livre est sorti, comme un enfant râblé… La Grande Revue de M. Rouché a été son berceau… Le voilà en librairie… « Il doit » avoir le Prix Goncourt ! S'il ne l'obtenait pas, je donnerais ma démission[1] »
Les circonstances empêchèrent Mirbeau de mettre sa menace à exécution. Marguerite Audoux n'eut pas le Prix Goncourt, mais elle eut celui de « La Vie Heureuse ».
Mirbeau, bon juge, ne s'était pas trompé : le succès de Marie‑Claire fut considérable. On en vendit cent mille exemplaires, et Marguerite Audoux connut la célébrité.
Comme elle n'était pas du tout femme de lettres, Marguerite Audoux ne retira qu'un médiocre profit de la publicité qui lui tombait du ciel, à travers le toit. L'encens ne la grisait pas. Elle se réjouissait surtout de l'aubaine parce que sa vue affaiblie allait bientôt lui interdire les travaux de couture dont elle vivait, entre sa machine et son mannequin. Elle pouvait enfin « souffler un peu… » Marie‑Claire représentait dix années de loisir, de moments perdus. Elle s'était raconté à elle‑même cette histoire sans apprêt. On égrène, comme un rosaire, la vie qu'on a eue…
Orpheline dès l'enfance, elle avait été élevée dans un couvent jusqu'à l'âge de douze ans ; puis elle avait gardé les troupeaux dans une ferme solognote. À dix‑huit ans, elle avait quitté Bourges, où elle végétait, pour venir à Paris avec tout juste l'argent de son voyage. Elle avait travaillé un moment à la cartoucherie de Vincennes ; enfin elle s'était établie couturière en chambre à Paris. Elle avait connu Charles‑Louis Philippe à la crémerie. Ils s'étaient liés d'amitié. Elle lui avait soumis les premiers chapitres de Marie‑Claire, et il en avait corrigé en riant les fautes d'orthographe. C'était un autre ami, Francis Jourdain, qui avait communiqué le cahier à Mirbeau… Et voilà.
Huit années passèrent… Le temps nécessaire pour donner une suite au livre des débuts et ce fut L'Atelier de Marie‑Claire. Encore un long intervalle, et j'apprenais dernièrement que Marguerite Audoux venait de terminer une nouvelle histoire qui lui avait tenu compagnie, comme disait Mirbeau, pendant plusieurs années. J'allai voir Marguerite Audoux et je lui demandai, pour les lecteurs du Journal, cette histoire.
Je retrouvai l'hirondelle sous sa tuile, la même ; je retrouvai Marguerite Audoux telle que je l'avais connue, riche de conscience et de fierté, dans sa demeure pauvre et pure. On ne se doute pas, dans son voisinage, qu'elle est là‑haut, et l'auteur d'un chef‑d'œuvre… Elle garde encore, comme autrefois, de blancs moutons sous les étoiles ; mais de ces moutons‑là, elle ne doit compte à personne : elle est sa propre fermière.
D'abord elle hésita :
‑ Vous n'y pensez pas ! C'est une histoire trop simple, trop unie, pour intéresser vos lecteurs sans nombre, avides de péripéties. Le feuilleton au jour le jour a des exigences que je n'ai pas envisagées…
‑ Qui vous dit que ce n'est pas cette simplicité exceptionnelle qui les séduira ? Le bruit d'une source n'est pas monotone à toutes les oreilles. On écoutera précisément, peut‑être, parce que vous murmurez…
Elle se laissa convaincre, et c'est pourquoi nous avons la joie de publier : De la ville au moulin, où s'épanche un cœur altéré de sympathie pour tout ce qui vit, peine et souffre noblement. »
[Descaves (Lucien), Le Journal, 19 janvier 1926]

[1] Dans sa biographie (Un Cœur pur : Marguerite Audoux, Grasset, 1942, p. 130), Georges Reyer : ou bien a eu les mêmes sources que Descaves, ou bien s'est inspiré de cet article, en rendant plus virulents encore les propos comminatoires de Mirbeau.


Collection : 1926
Auteur : Belot, Gabriel
Archives Marguerite Audoux

Peintre et graveur, Gabriel Belot (1882-1962) a illustré la très belle édition de Marie‑Claire dans les éclectiques du livre (janvier 1932). De bonne heure orphelin comme Marguerite Audoux, il vit une enfance triste. S'il est obligé d'être relieur pour gagner sa vie, c'est aussi en autodidacte qu'il peint (dès l'âge de six ans) puis grave (à partir de 1913). Entre 1910 et 1914 il se fait petit à petit reconnaître, notamment des Indépendants. Les lettres et les enveloppes qu'il envoie à la romancière sont magnifiquement illustrées (notamment par une aquarelle) et constituent un bon exemple de ce qu'est l'art postal.

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