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Rome, le 21 juin 1845, Pellegrino Rossi à François Guizot
Collection : 1845 : 27 mars - 29 décembre
Auteurs : Rossi, Pellegrino (1787-1848)
J'ai revu ce matin le cardinal Lambruschini à l'occasion de sa fête, il a voulu entrer lui-même en matière. La conversation a été plus que jamais amicale, intime, confidentielle; je suis sûr aujourd'hui qu'il comprend les nécessités de notre situation politique, les imprudences des jésuites, du clergé et de leurs amis, et qu'il travaille sincèrement à concilier l'accomplissement de nos désirs avec les ménagements que demandent les répugnances du saint-père pour tout acte qui frapperait avec éclat une congrégation religieuse. Comme c'est _au fait_ que nous tenons et non à l'éclat, j'ai laissé entrevoir au cardinal, pour hâter l'issue de la négociation, que, pourvu que le fait s'accomplît, je n'élèverais pas de chicane sur le choix du moyen. Que nous importerait, en effet, que la congrégation des jésuites disparût par un ordre, ou par un conseil, ou par une insinuation, voire même par une retraite en apparence volontaire? L'essentiel, pour nous, c'est qu'elle disparaisse et nous dispense de l'application des lois. De quelque façon qu'on s'y prenne, la retraite ou la dissolution de cette congrégation sera par elle-même un fait assez considérable et assez éclatant pour se passer d'une sorte de manifeste. Les plus incrédules ne pourront méconnaître ni l'importance d'un résultat obtenu malgré la coalition des oppositions les plus puissantes, ni tout ce que ce résultat implique de déférence pour les voeux du Roi et de son gouvernement.
Mémoires [...], T. 7, pp. 430-431.
Mémoires [...], T. 7, pp. 430-431.
Rome, le 23 juin 1845, Pellegrino Rossi à François Guizot
Collection : 1845 : 27 mars - 29 décembre
Auteurs : Rossi, Pellegrino (1787-1848)
La journée a été laborieuse, le temps est accablant; mais, bien que fatigué, je veux ajouter quelques détails à ma dépêche et à ce que M. de la Rosière vous dira de vive voix.
Avant l'entretien de ce matin, j'avais attentivement étudié les rapports confidentiels des préfets et des procureurs généraux que m'avait communiqués M. le garde des sceaux. Cette étude m'avait prouvé combien il était opportun, dans l'intérêt de l'ordre public, surtout pour certains départements, que la mesure ne trouvât pas de résistance chez les jésuites. Aussi, tout en ayant l'air de me résigner au mode proposé, je l'acceptais, je vous l'avoue, avec un parfait contentement.
Ce n'a pas été une petite affaire, croyez-le, que d'y amener d'un côté le pape, de l'autre le conseil suprême des jésuites. Nous devons beaucoup, beaucoup au cardinal Lambruschini et à quatre autres cardinaux. Le pape, qui a, avec les chefs des jésuites, des rapports très-intimes était monté au point qu'il fit un jour une vraie scène à Lambruschini lui-même, scène que celui-ci ne m'a pas racontée, mais dont j'ai eu néanmoins connaissance. Avec du temps, de la patience et de la persévérance, toutes ces oppositions ont été vaincues. Le pape est aujourd'hui un tout autre homme. Un de ses confidents est venu ce matin me dire combien le saint-père était satisfait de l'arrangement que j'allais conclure, satisfait du négociateur, etc., etc.
Quant à Lambruschini, je ne puis assez m'en louer. Il n'aimait pas à s'embarquer au milieu de tant d'écueils; mais une fois son parti pris, il a été actif, habile, sincère. Il m'a avoué que mon _memorandum_ du 2 juin le mettait dans l'embarras: «Il y a là, m'a-t-il dit, des choses que vous ne pouviez pas ne pas dire, mais sur lesquelles nous ne pouvons, nous saint-siége, ne pas faire quelques observations et quelques réserves.--Comment? lui ai-je répondu; vous voulez que nous entrions dans une polémique par écrit? _Le memorandum_ n'est qu'un secours pour votre mémoire que vous m'avez demandé; si votre mémoire n'en a que faire, tout est dit.--Eh bien, a-t-il repris, voulez-vous que nous le tenions pour non avenu?--Oui; mais à une condition, c'est que nous terminerons l'affaire d'une manière satisfaisante. Concluons: vous me rendrez alors le _memorandum_ de la main à la main, et tout est fini.--Venez lundi, m'a-t-il dit; prenez votre heure.--Toutes les heures me sont bonnes pour le service du Roi.--Eh bien, lundi, à midi.
Ce matin, nous avons en effet terminé. Il m'a rendu le _memorandum_; et comme je ne voulais pas qu'il y eût de malentendu, je ne vous cache pas que je lui ai donné deux fois lecture de mon projet de dépêche que j'avais préparé dans l'espoir que nous terminerions. Il a discuté quelques expressions; il aurait voulu que je fisse une plus large part aux jésuites, que je misse en quelque sorte le saint siége en dehors:--Je ne pourrais le faire, Éminence, qu'en trahissant la vérité et les vrais intérêts du saint-siége lui-même. Tout ce que je puis faire, c'est d'écrire à M. Guizot pour le prier, s'il a occasion de s'expliquer sur la question, de rendre aux jésuites la part de justice qui leur est due, et que je ne veux nullement méconnaître.»--Comme vous le voyez, je tiens ma promesse et je vous prie d'y avoir égard. Le cardinal a cédé:--«Ainsi, nous sommes bien d'accord, Éminence?--Parfaitement; le général des jésuites doit avoir déjà écrit.» Là-dessus, maintes tendresses et congratulations réciproques. Nous nous sommes presque embrassés.
Mémoires [...], pp. 432-434.
Avant l'entretien de ce matin, j'avais attentivement étudié les rapports confidentiels des préfets et des procureurs généraux que m'avait communiqués M. le garde des sceaux. Cette étude m'avait prouvé combien il était opportun, dans l'intérêt de l'ordre public, surtout pour certains départements, que la mesure ne trouvât pas de résistance chez les jésuites. Aussi, tout en ayant l'air de me résigner au mode proposé, je l'acceptais, je vous l'avoue, avec un parfait contentement.
Ce n'a pas été une petite affaire, croyez-le, que d'y amener d'un côté le pape, de l'autre le conseil suprême des jésuites. Nous devons beaucoup, beaucoup au cardinal Lambruschini et à quatre autres cardinaux. Le pape, qui a, avec les chefs des jésuites, des rapports très-intimes était monté au point qu'il fit un jour une vraie scène à Lambruschini lui-même, scène que celui-ci ne m'a pas racontée, mais dont j'ai eu néanmoins connaissance. Avec du temps, de la patience et de la persévérance, toutes ces oppositions ont été vaincues. Le pape est aujourd'hui un tout autre homme. Un de ses confidents est venu ce matin me dire combien le saint-père était satisfait de l'arrangement que j'allais conclure, satisfait du négociateur, etc., etc.
Quant à Lambruschini, je ne puis assez m'en louer. Il n'aimait pas à s'embarquer au milieu de tant d'écueils; mais une fois son parti pris, il a été actif, habile, sincère. Il m'a avoué que mon _memorandum_ du 2 juin le mettait dans l'embarras: «Il y a là, m'a-t-il dit, des choses que vous ne pouviez pas ne pas dire, mais sur lesquelles nous ne pouvons, nous saint-siége, ne pas faire quelques observations et quelques réserves.--Comment? lui ai-je répondu; vous voulez que nous entrions dans une polémique par écrit? _Le memorandum_ n'est qu'un secours pour votre mémoire que vous m'avez demandé; si votre mémoire n'en a que faire, tout est dit.--Eh bien, a-t-il repris, voulez-vous que nous le tenions pour non avenu?--Oui; mais à une condition, c'est que nous terminerons l'affaire d'une manière satisfaisante. Concluons: vous me rendrez alors le _memorandum_ de la main à la main, et tout est fini.--Venez lundi, m'a-t-il dit; prenez votre heure.--Toutes les heures me sont bonnes pour le service du Roi.--Eh bien, lundi, à midi.
Ce matin, nous avons en effet terminé. Il m'a rendu le _memorandum_; et comme je ne voulais pas qu'il y eût de malentendu, je ne vous cache pas que je lui ai donné deux fois lecture de mon projet de dépêche que j'avais préparé dans l'espoir que nous terminerions. Il a discuté quelques expressions; il aurait voulu que je fisse une plus large part aux jésuites, que je misse en quelque sorte le saint siége en dehors:--Je ne pourrais le faire, Éminence, qu'en trahissant la vérité et les vrais intérêts du saint-siége lui-même. Tout ce que je puis faire, c'est d'écrire à M. Guizot pour le prier, s'il a occasion de s'expliquer sur la question, de rendre aux jésuites la part de justice qui leur est due, et que je ne veux nullement méconnaître.»--Comme vous le voyez, je tiens ma promesse et je vous prie d'y avoir égard. Le cardinal a cédé:--«Ainsi, nous sommes bien d'accord, Éminence?--Parfaitement; le général des jésuites doit avoir déjà écrit.» Là-dessus, maintes tendresses et congratulations réciproques. Nous nous sommes presque embrassés.
Mémoires [...], pp. 432-434.
Rome, le 28 décembre 1846, Pellegrino Rossi à François Guizot
Collection : 1846 : 8 juin-28 décembre
Auteurs : Rossi, Pellegrino (1787-1848)
Rome, le 10 février 1847, Pellegrino Rossi à François Guizot
Collection : 1847 : 8 janvier -28 décembre
Auteurs : Rossi, Pellegrino (1787-1848)
Rome, le 8 février 1847, Pellegrino Rossi à François Guizot
Collection : 1847 : 8 janvier -28 décembre
Auteurs : Rossi, Pellegrino (1787-1848)
Rome, le 18 janvier 1847, Pellegrino Rossi à François Guizot
Collection : 1847 : 8 janvier -28 décembre
Auteurs : Rossi, Pellegrino (1787-1848)
228. Paris, Samedi 16 décembre 1854, François Guizot à Dorothée de Lieven
Collection : 1854 (1er janvier-21 décembre) : Dorothée, une princesse russe, persona non grata à Paris
Auteurs : Guizot, François (1787-1874)
228 Paris, samedi 16 déc 1854
J’ai reçu hier, tard, vos deux lettres par occasion, 187 et 189. Leur tristesse et leur tendresse me vont au cœur. Non certainement, je n’ai pas perdu l'espoir ; il me semble impossible qu’on vous refuse ce que vous demandez aujourd’hui. Et quand une fois nous aurons obtenu cela, nous verrons. Je n’ai pas trouvé M. Hier ; il était sorti. Je lui ai écrit en rentrant ; il m’a donné rendez-vous pour ce matin avant midi. J’irai tout à l'heure, dés que ma toilette sera faite, et je vous dirai tout de suite ce qu’il m'aura dit. Je n’ai pas voulu parler de M. à Montebello, avant d'en avoir causé avec M. Je crains toujours de gâter quelque chose de ce côté-ci qui est le seul efficace. Ce soir, ou demain d'après ma conversation avec M. Je verrai Monteb, et je le mettrai en mouvement s'il le faut. Il fera certainement, et de bon cœur, tout ce qu’il pourra. Mais je doute qu’il aille vous voir avant le départ de son fils. Il ne vous l’amènera pas au moment de le perdre pour trois ans, la mère ne voudra pas s’en séparer trois jours.
J’ai vu hier Lord Mahon qui retourne à Londres, revenant de Rome, et Sir Henry Ellis qui reste toujours à Paris. Ni l’un ni l'autre ne m’a rien appris. Ellis est toujours très sensé et assez clairvoyant. Frappé du peu d'habilité et du peu de convenance du discours de Lord John qui ne peut plaire ni à Vienne ni à Paris. Frappé aussi de la principale conséquence de ce traité qui est de rendre l'Emp. Nap arbitre de la paix ; le jour où il la voudra, il sera deux contre un. Et trois, si la Prusse adhère au traité, comme on le croit en général.
Deux nouvelles d'Italie qui ne vous intéressent guère ; les Jésuites sont expulsés de Naples et le cardinal Antonelli vient de tomber à Rome. Le plus capable des cardinaux, peut-être le seul capable ; mais il a un frère dont la vénalité et le décri ont, dit-on, fait sa chute.
4 heures
Je reviens de présider la séance publique de l'Académie. Il est tard. Je vous rendrai compte un peu à la hâte de ma conversation avec M. Trois quart d'heure. Même bon vouloir de l'Empereur Nap ; mais bon vouloir mêlé de tristesse et d'humeur. On a de nouveau fortement insisté de Londres. Il a répondu : " J’ai promis ; mais il a fait la concession. Après la prise de Sébastopol. " Si Sébast. était pris demain, vous auriez demain votre passeport pour venir vivre à Paris. Mais aujourd’hui il faut attendre. On est piqué et un peu honteux ; j’ai dit " entre nous ce n’est pas agréable de n'être pas plus puissant pour une si petite chose." On en tombe d'accord. J'en suis venu au passeport pour Nice en s'arrêtant à Paris pour consulter votre médecin, et vous reposer un peu : " Cela ne peut pas être refusé ; quelle le demande directement à l'Empereur lui- même, par une lettre sur ce thème en deux parties. 1ère Partie. " Je ne puis comprendre les méfiances dont je suis l'objet ; leur conséquence me désespère et leur injustice me révolte. Quand je voyais beaucoup de monde, je n’ai jamais été, pour l'Empereur, la cause du moindre embarras, du moindre ennui. A plus forte raison quand mon intérêt m'en ferait une loi et ma reconnaissance un devoir. Je vivrais dans la retraite la plus absolue ; je ne verrais personne, je n'écrirais à personne, absolu ment à personne. 2ème partie " si, en ce moment cela est jugé impossible, je prie instamment qu’on me donne un passeport pour traverser la France, consulter à Paris mon médecin, et me rendre dans un climat doux dont ma santé, ma vie ont absolument besoin. " Nommez Nice et Pau, une ville de France dans le midi, aussi bien qu’une ville étrangère ; l’un ne sera pas plus difficile à obtenir que l'autre, et il y aura avantage à pouvoir rester en France, si cela vous convient.
Envoyez votre lettre à Fould, en le priant de la remettre à l'Emp. Comme ministre d'Etat, c’est sa charge naturelle. Il est au courant de tout ce qui vous touche, et a bonne envie de vous servir. Morny a envoyé à l'Emp. votre longue lettre, celle dont je vous avais transmis le thème. Il a écrit à l’appui en l'envoyant. Mais l'Emp. ne lui en a point parlé depuis, ni lui à l'Emp. La timidité est grande. J’ai essayé d’insinuer la prolongation, de votre séjour à Paris un passage indéfini. Je suis forcé de vous dire que cela a fait peur, grand peur. Non qu’on demande un terme fixe, au passage, un nombre de jours déterminé ; mais la tentative de profiter du passage pour le trans former en séjour à toujours ne réussirait évidemment pas. A moins qu’il ne survînt quelque événement favorable, Sébastopol pris des négociations ouvertes, un armistice. Tout cela est possible.
Je vous demande deux choses, du courage et de prendre les faits, comme ils sont aujourd’hui en en tirant tout le parti qu’on en peut tirer aujourd’hui. On en tirera davantage avec le temps. Le point capital c’est de rentrer en France d'être revue à Paris. Si Pau ne vous paraît pas trop solitaire, je l’aimerais mieux que Nice. Il est plus aisé de se rapprocher quand il n’y a pas de frontière à passer. Le traité modéré autrichien donne de l'humeur à Londres, à l'opinion passionnément guerrière.
On sent qu’il donne à la paix des chances et à l'Emp. Nap de l’indépendance. Lord John l’a bien indiqué. On ne veut pas donner à cette humeur des prétextes de plus, même les plus petits. Vous en seriez un. Tout l’essentiel est là. L’essentiel comme résumé de ce qui s'est dit, et comme indication de la conduite à tenir. Dearest, je vous le demande encore : du courage, et ce qu’il faut pour votre santé. Nous ressaisirons peu à peu le reste.
Adieu, adieu. Mon fils va porter ceci chez Hatzfeld. Adieu. Ma fille va bien. G.
J’ai reçu hier, tard, vos deux lettres par occasion, 187 et 189. Leur tristesse et leur tendresse me vont au cœur. Non certainement, je n’ai pas perdu l'espoir ; il me semble impossible qu’on vous refuse ce que vous demandez aujourd’hui. Et quand une fois nous aurons obtenu cela, nous verrons. Je n’ai pas trouvé M. Hier ; il était sorti. Je lui ai écrit en rentrant ; il m’a donné rendez-vous pour ce matin avant midi. J’irai tout à l'heure, dés que ma toilette sera faite, et je vous dirai tout de suite ce qu’il m'aura dit. Je n’ai pas voulu parler de M. à Montebello, avant d'en avoir causé avec M. Je crains toujours de gâter quelque chose de ce côté-ci qui est le seul efficace. Ce soir, ou demain d'après ma conversation avec M. Je verrai Monteb, et je le mettrai en mouvement s'il le faut. Il fera certainement, et de bon cœur, tout ce qu’il pourra. Mais je doute qu’il aille vous voir avant le départ de son fils. Il ne vous l’amènera pas au moment de le perdre pour trois ans, la mère ne voudra pas s’en séparer trois jours.
J’ai vu hier Lord Mahon qui retourne à Londres, revenant de Rome, et Sir Henry Ellis qui reste toujours à Paris. Ni l’un ni l'autre ne m’a rien appris. Ellis est toujours très sensé et assez clairvoyant. Frappé du peu d'habilité et du peu de convenance du discours de Lord John qui ne peut plaire ni à Vienne ni à Paris. Frappé aussi de la principale conséquence de ce traité qui est de rendre l'Emp. Nap arbitre de la paix ; le jour où il la voudra, il sera deux contre un. Et trois, si la Prusse adhère au traité, comme on le croit en général.
Deux nouvelles d'Italie qui ne vous intéressent guère ; les Jésuites sont expulsés de Naples et le cardinal Antonelli vient de tomber à Rome. Le plus capable des cardinaux, peut-être le seul capable ; mais il a un frère dont la vénalité et le décri ont, dit-on, fait sa chute.
4 heures
Je reviens de présider la séance publique de l'Académie. Il est tard. Je vous rendrai compte un peu à la hâte de ma conversation avec M. Trois quart d'heure. Même bon vouloir de l'Empereur Nap ; mais bon vouloir mêlé de tristesse et d'humeur. On a de nouveau fortement insisté de Londres. Il a répondu : " J’ai promis ; mais il a fait la concession. Après la prise de Sébastopol. " Si Sébast. était pris demain, vous auriez demain votre passeport pour venir vivre à Paris. Mais aujourd’hui il faut attendre. On est piqué et un peu honteux ; j’ai dit " entre nous ce n’est pas agréable de n'être pas plus puissant pour une si petite chose." On en tombe d'accord. J'en suis venu au passeport pour Nice en s'arrêtant à Paris pour consulter votre médecin, et vous reposer un peu : " Cela ne peut pas être refusé ; quelle le demande directement à l'Empereur lui- même, par une lettre sur ce thème en deux parties. 1ère Partie. " Je ne puis comprendre les méfiances dont je suis l'objet ; leur conséquence me désespère et leur injustice me révolte. Quand je voyais beaucoup de monde, je n’ai jamais été, pour l'Empereur, la cause du moindre embarras, du moindre ennui. A plus forte raison quand mon intérêt m'en ferait une loi et ma reconnaissance un devoir. Je vivrais dans la retraite la plus absolue ; je ne verrais personne, je n'écrirais à personne, absolu ment à personne. 2ème partie " si, en ce moment cela est jugé impossible, je prie instamment qu’on me donne un passeport pour traverser la France, consulter à Paris mon médecin, et me rendre dans un climat doux dont ma santé, ma vie ont absolument besoin. " Nommez Nice et Pau, une ville de France dans le midi, aussi bien qu’une ville étrangère ; l’un ne sera pas plus difficile à obtenir que l'autre, et il y aura avantage à pouvoir rester en France, si cela vous convient.
Envoyez votre lettre à Fould, en le priant de la remettre à l'Emp. Comme ministre d'Etat, c’est sa charge naturelle. Il est au courant de tout ce qui vous touche, et a bonne envie de vous servir. Morny a envoyé à l'Emp. votre longue lettre, celle dont je vous avais transmis le thème. Il a écrit à l’appui en l'envoyant. Mais l'Emp. ne lui en a point parlé depuis, ni lui à l'Emp. La timidité est grande. J’ai essayé d’insinuer la prolongation, de votre séjour à Paris un passage indéfini. Je suis forcé de vous dire que cela a fait peur, grand peur. Non qu’on demande un terme fixe, au passage, un nombre de jours déterminé ; mais la tentative de profiter du passage pour le trans former en séjour à toujours ne réussirait évidemment pas. A moins qu’il ne survînt quelque événement favorable, Sébastopol pris des négociations ouvertes, un armistice. Tout cela est possible.
Je vous demande deux choses, du courage et de prendre les faits, comme ils sont aujourd’hui en en tirant tout le parti qu’on en peut tirer aujourd’hui. On en tirera davantage avec le temps. Le point capital c’est de rentrer en France d'être revue à Paris. Si Pau ne vous paraît pas trop solitaire, je l’aimerais mieux que Nice. Il est plus aisé de se rapprocher quand il n’y a pas de frontière à passer. Le traité modéré autrichien donne de l'humeur à Londres, à l'opinion passionnément guerrière.
On sent qu’il donne à la paix des chances et à l'Emp. Nap de l’indépendance. Lord John l’a bien indiqué. On ne veut pas donner à cette humeur des prétextes de plus, même les plus petits. Vous en seriez un. Tout l’essentiel est là. L’essentiel comme résumé de ce qui s'est dit, et comme indication de la conduite à tenir. Dearest, je vous le demande encore : du courage, et ce qu’il faut pour votre santé. Nous ressaisirons peu à peu le reste.
Adieu, adieu. Mon fils va porter ceci chez Hatzfeld. Adieu. Ma fille va bien. G.
Mots-clés : Académie des sciences morales et politiques, Conditions matérielles de la correspondance, Femme (diplomatie), France (1852-1870, Second Empire), Jésuites, Napoléon III (1808-1873 ; empereur des Français), Politique (Angleterre), Politique (Italie), Politique (Russie), Politique (Vatican), Santé (Dorothée), Tristesse
