Guizot-Lieven

Correspondance croisée entre François Guizot et Dorothée de Benckendorff, princesse de Lieven : 1836-1857


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Mot(s)-clef(s) recherché(s) : Femme (diplomatie)

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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316 Paris Mardi 26 février 1840
Midi
 
Voici ma pauvre journée hier. Le Bois de Boulogne, seule, Lady Granville et Mme Appony de 4 à 6. Le soir M. de Noailles, Bacourt, quelques autres. La combinaison Thiers et Doctrinaires étaient l’ordre du jour.

[[Je n’ai point vu paraître Génie pour le confirmer ou le démentir. Je [me ravis] d’un rien. Il me semble presque que je ne m’intéresse à rien. Je suis si triste ! J’ai passé une mauvaise nuit. J’ai pensé que vous aussi, bien froid ces routes. à 6 heures je  vous verrai arrivé à Calais, car je doute que vous y soyez avant. Vous y trouverez une lettre.]] Lady Granville a été bien bonne et bien caressante pour moi hier, plus que de coutume. Son mari est toujours fort préoccupé de la crise. Il est arrivé quelque chose de très ridicule tandis que j’étais chez eux. Madame Sébastiani s’était fait annoncer une demi-heure avant, on l’attendait. Lorsqu’elle su que j’y étais, elle n’a pas voulu entrer. Ah pour le coup, c’est trop fort ? Et moi qui voulais innocemment lui aller faire visite pour apprendre des détails sur la noce ! [[Ne parlez pas de cela pas plus que je n’en parlerai. Vous concevez bien que je l’ignore. Il fait froid. Je ne sortirai pas tard.

2heures Appony sort de chez moi, il est parfaitement convaincu que l’entrevue que le roi doit avoir ce matin avec Thiers n’aboutira à rien absolument, [acquis] avant la fin de la semaine l’ancien ministre sera rétabli. M. Molé est de cette opinion aussi. [Comte Mathieu Molé].
Vous êtes à Douvres. Vous en êtes déjà parti. Comme je pense à tout, à tout. Et vous, vous pensez à moi en traversant ce riant pays, en regardant ces cottages que j’ai tant regardés [l’année 37] ! [[Je me trompe fort, où vous aimez beaucoup l’Angleterre, et vous n’aimez pas beaucoup Londres. ]]

Il a fait trop froid pour me promener hier. J’ai passé une grande heure chez Lady Granville. Mme Sébastiani en sortait. Il y avait eu une scène très vive à mon sujet, qui a fini par des pleurs de l’ex-ambassadrice et amende honorable. Vous ne pourriez concevoir toutes les pauvretés qu’elle a dites. « On m’appelle à Londres, le chef de la coalition. J’ai remué ciel et terre pour vous y faire aller. » (Moi, la seule victime de ce départ !) Lady Granville s’est fâchée et a dit tout ce qu’il fallait dire. Au surplus tout cela ne fait rien ; ce serait trop bête de m’en fâcher. [[Pardonnez moi ma mauvaise plume. Je me punis par avance après un dîner solitaire j’ai reçu une troupe de joueur de Whist que Lady Granville m’a envoyée. Cela m’a diverti et pas trop pendant un quart d’heure après quoi je suis allée causer avec le duc de Noailles, messieurs d’a et de Castellane. Le premier exhorte ton [4 mots] il m’a parlé longuement et avec chagrin de la situation, il voudrait en sortir, il voudrait être [ ? ], parler agir travailler pour la monarchie sans s’inquiéter pour le [ ?] du monarque. Voilà le programme en gros.

Midi]]
Le vent était à Thiers hier et il y a des innocents qui y croient [[Je suppose qu’on croira autre chose aujourd’hui. Point de Génie encore. Cela ressemble beaucoup au [ ?2­]

1 ½
Je viens de faire ma toilette, je reviens à vous. Mes lettres vous accueilleront. Je n’aurai rien à vous dire sans vous c’est temps perdu [ ? 2] et prendre les nouvelles. Qu’est-ce qui me reste ?
Le soleil est superbe ; mon appartement est bien gai, et je suis bien triste.­]]

Adieu, je vais remettre ceci moi-même aux affaires étrangères [[et j’irai au bois de Boulogne, et puis quelques visites, et puis et puis toujours de la solitude, toujours de l’ennui, toujours de la tristesse, toujours de l’[ ?] adieu, adieu.]]

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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317 Londres Vendredi 28 février 1840, 9 heures

Je me lève. Je suis arrivé hier à 5 heures un quart. J’ai mis un peu plus de huit heures de Douvres à Londres par un beau soleil froid qui est entré avec moi dans le brouillard de la ville et s’y est éteint tout à coup. J’espère que je n’en ferai pas autant.

La Londres que j’ai traversée m’a paru plus belle que je ne m’y attendais, les maisons moins petites, l’aspect plus monumental. Mais quelle monotonie grise ! C’est du jour sans lumière.

En débarquant à Douvres, j’ai trouvé l’Angleterre différente, très différente de la France, pays, villes, personnes, rues, tout. Après deux heures de voyage, l’impression avait disparu, je me trouvais chez moi. Au fond, c’est la même civilisation, et les ressemblances surpassent les différences.

Hertford-House est très beau, le rez-de-chaussée surtout. Le premier étage est mal meublé. J’y suis établi dans une bonne chambre sur la cour, au dessus du salon qui précède mon cabinet du rez-de-chaussée et dont on a fait une petite salle à manger. J’ai bien dormi. Mais la maison est vide, la ville est vide, le pays est vide. Rien ne les remplira.

Je verrai lord Palmerston chez lui à Carlton-Terrace, ce matin, à une heure. Il est possible que la reine me donne dès demain mon audience.
Lady Palmerston est la première personne que j’ai rencontrée dans Londres. Sa voiture a passé à côté de la mienne. Nous nous sommes regardés. Elle ne m’a pas reconnu, mais moi elle et le chancelier de l’ambassade que j’avais avec moi, me l’a nommée à l’instant. J’irai demain soir à son samedi.
 
2 heures et demie
 
Je viens de chez Lord Palmerston. La Reine me recevra, à ce qu’il paraît, demain. Point de discours. M. de Talleyrand en a fait un. Le général Sébastiani point. On aime mieux que je n’en fasse point. On m’a très bien reçu. J’ai été de la chez lord Landsdowne et lord Melbourne que je n‘ai pas trouvés.
 
Les bals de la Reine vont commencer. Lundi prochain, une petite soirée dansante. Le Prince Albert a décidément du succès. La Reine a été très bien reçue, il y a trois jours à Drury lane.
M. de Bülow arrive demain.

Ellice est venu en mon absence. J’y ai regret. Alava m’a écrit  de grand matin, désolé de ne pouvoir venir à la place de son billet. Il est cloué dans son fauteuil par un lumbago. Je viens de parcourir tout le beau quartier. Tout est petit et l’ensemble est grand, très grand. Une chose me choque, c’est la manie des ornements dans toutes ces petites maisons. Je n’ai vu nulle part tant de colonnes, de colonnettes, de figurines, d’enjolivement de toute espèce. Ce qui est charmant et point exagéré du tout dans votre dire, c’est la propreté ou pour mieux dire l’éclat des carreaux de vitre, des portes de tout ce qui paraît. À  ce degré la propreté devient de l’élégance qui donne bonne opinion des gens et se passe de bon goût.

Voilà une invitation qui m’arrive de lord et lady Palmerston à dîner pour demain samedi, avec de duc de Sussex.
Seriez-vous assez bonne pour faire venir le petit [luc] dont je n’ai pas l’adresse, et l’engager à porter chez ma mère, s’il en a encore au même prix, ou à peu près, un service de [nappage] de Saxe pour 24 couverts pareil au premier, et deux ou trois services, moins beaux pour 12 couverts. Je vois que je ne trouverai rien ici à si bon marché ; et je crois me rappeler qu’il a dit à ma mère qu’il en avait encore.

Ma maison est fort loin d’être montée. Je suffis aux premières nécessités. Ce sera cher, même resserré dans le simple convenable. Je veux dire le premier établissement ; je ne sais pas encore ce que sera le service courant ; mais j’entrevois qu’il n’aura rien d’excessif.

Le vote d’hier soir préoccupe un peu mais plus de préoccupation que de conséquences. Je n’ai encore rencontré personne qui pensât sérieusement à la possibilité d’une autre administration. 
Je vous parle bien à tors et à travers, de tout pêle mêle et sans rien dire. J’ai sur l’esprit comme sur le cœur le poids de cet Océan qui nous sépare. Mes lettres de ce matin me disent qu’il n’y a toujours rien. Quand en aurai-je de vous ? Demain, j’espère. Adieu. Dites-moi tout ce qui vous occupe ou vous ennuie. Je voudrais vous suivre dans toutes vos heures. Triste, triste effort.
Adieu. Adieu. G.

P.S. Le fils de M. de Nesselrode vient d’arriver en courrier de St Pétersbourg.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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318. Paris, le 1er mars 1840, dimanche

10 heures

Après avoir fermé ma lettre hier, je suis allée chez votre mère. Le cœur m’a battu en entrant. Elle m’a reçue avec bonté. Vous ne sauriez croire comme elle me plaît. C’est un visage si serein, un regard si intelligent et si doux, et même gai.

 Je l’ai beaucoup regardée. Quand je ne la regardais pas, il me semble qu’elle me regardait aussi. Le Duc de Broglie y était, et y est resté. Il a parlé de la situation tout le temps. Pourquoi le Duc de Broglie a-t-il cet air moqueur et désobligeant ? Je conçois qu’il ne plaise pas. Moi, je l’aime assez malgré cela, et malgré autre chose que je déteste et que j’ai découvert en lui hier. Il a commencé par dire qu’il ne savait absolument rien ; que depuis trois jours il n’avait vu personne du tout ; et puis il nous a raconté son entretien avec le Roi, la veille, et un long entretien avec Thiers le soir, et puis, et puis, tout ce qui se passe. Pourquoi commencer par mentir ? Vous savez l’horreur que j’ai de cela. Si jamais je commence, moi, je continuerai. Mais il me semble que je suis trop fière pour commencer. Les Français ont décidément l’habitude du mensonge ;  je ne connais pas d’Anglais dans lequel j’aie surpris ce défaut. Voyez bien et vous trouverez si je dis vrai!

 Mais je reviens à la rue de la Ville-l’Evêque. Vos enfants ont couru à ma rencontre dans la cour, cela m’a fait plaisir. Ils ont une mine excellente, surtout Henriette. J’ai demandé à votre mère de me les envoyer ce matin pour voir passer le bœuf gras, elle ne le veut pas à cause de leur deuil. Votre mère a été bien polie et affectueuse pour moi.

Delà je fus chez Lady Granville qui est bien malade ; elle n’avait pas dîné ni assisté à la soirée la veille. Nous avons causé pendant une heure, elle et son mari, du nouveau ministère, de votre situation ; il ne sait trop qu’en dire. Moi, je ne me permets pas d’avoir une opinion devant les autres ; j’attends que vous ayez pris votre parti.

J’ai été rendre visite à Mad. Sebastiani sans la trouver. De là chez les Appony qui sont consternés. Appony ne conçoit pas le Roi, et il ajoute qu’il n’aura certainement aucune affaire à traiter avec Thiers, et qu’il entre en conséquence en vacances.

J’ai dîné seule. Le soir la diplomatie est venue. Granville croyait savoir que la nomination du ministère avait été mal accueillie à la Chambre. Médem est enchanté de n’avoir plus Soult et d’avoir Thiers. Il est tout remonté. Brignoles n’a pas d’opinion.

Quand aurai-je mes lettres ? à propos notre correspondance ! Cela ne sera plus très commode. Cela prouve bien votre situation naturelle vis-à-vis de ce ministère.

Bulwer est très malade, je ne puis pas le voir. Il m’écrit ce matin ce matin & me dit qu’Odillon Barot est très piqué contre Thiers qui ne l’aurait pas même consulté pendant la crise. Cela n’est pas trop d’accord avec d’autres avis.

Midi

Génie sort d’ici, il a un peu ébranlé mes opinions d’hier, par les récits qu’il m’a faits de ses entretiens avec vos amis. Il faut attendre ; mais si on tire à gauche, revenir sur le champ : voilà ce qui me paraît ressortir des avis les plus sages. En attendant, la puissance de Thiers me paraît établie dans tous les départements du Ministère.

J’attends votre lettre , car on me dit qu’il y a un gros paquet au bureau de l’hôtel des Capucines.

1 heure

La lettre n’arrive pas. La voilà. Je vous en remercie.

Lundi 2 mars, I heure

Je ne sais pas trop comment vous envoyer cette lettre. Cependant, jusqu’à nouvel avis, je ferai comme vous me l’avez indiqué. Lundi et jeudi au bureau des Affaires étrangères et samedi par la poste.

J’ai été voir hier les trois malades, la petite Princesse, Lady Granville & Mad. Appony. Même fureur chez ceux-ci. Il veut aller au château ce soir.

J’ai eu à dîner M. de Pogenpohl. Ah! mon Dieu, Dimanche passé c’était autre chose! Le soir j’ai été faire visite à Mad. de Castellane; mais quoique j’aie tenu bon jusqu’à onze heures, M. Molé n’y est pas venu, je le regrette. Mad. de Castellane est fort opposition. En bonne catholique, elle a une sainte terreur de M. Vivien. Outre ces faits là, je n’ai rien relevé dans sa conversation.

Lord Palmerston mande à Lord Granville que dimanche il devait avoir un long entretien avec vous. Vous voilà lancé dans les affaires, les dîners et les fêtes. Je crains que, pour commencer, le Duc de Sussex ne vous ait fait longtemps rester à table. Je vois tout cela, et un peu tout ce que vous en pensez. Votre première impression de Londres m’a divertie. Elle est vraie; je n’oublierai pas vos colonnettes et vos figurines.

J’ai fait venir mon petit brigand et l’ai envoyé chez votre mère avec des nappes de Saxe. Elle choisira ; il a tout ce que vous demandez. Les services ordinaires pour 12 personnes, étonnamment bon marché, 129 francs.

Je n’ai de lettres de personne.

Le temps est  toujours brillant et froid. Ceci ne me plait pas ? Je crains la grippe des ambassadeurs. Je ne marche pas.Adieu, il me semble que je vous ai tout dit, tout ce que peut porter une lettre. J’aurais mieux dit à la chaise verte. Ah! que cette chambre est vide! Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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4. Au Val Richer, Mardi 15 août 1843,
7 heures du matin

Quel ennui d’être loin ! J’aurais mille choses à vous dire, votre avis à prendre, car j'ai besoin de votre avis. Il n'y a pas moyen d’écrire tout cela. J’ai une première réponse de Londres, une première conversation de Chabot avec Aberdeen, des hésitations, des embarras, des pusillanimités, des susceptibilités, des prévoyances, des méfiances à l'infini, et à travers tout cela, un désir sincère de s’entendre avec nous, un fort instinct que cela se peut, qu’il n’y a que cela de sensé que c'est pour eux, le seul moyen de sortir d'une mauvaise situation. Et c'est de si loin que j’ai à traiter avec toutes ces impressions, toutes ces nuances de dispositions qui seraient déjà bien assez difficiles à manier de près !
L’estafette m'a réveillé à 2 heures et demie J’écris depuis ce temps-là au Roi, à Chabot, à Génie. Je viens de renvoyer l’estafette et je vous écris à vous, pour me rafraîchir. J'étais venu ici pour me promener, et ne rien faire. Ce n’est pas le tour que je prends. Je me suis beaucoup promené hier. J’ai arrosé mes fleurs. J'en ai beaucoup et de charmantes, des raretés. Vous les aimeriez. Ce matin, il y a un brouillard immense. Il enveloppe tout. Il fera très beau à
Midi. Vous n’avez nulle raison d'être inquiète ; mais vous avez grande raison de m’aimer plus que jamais et de me le dire. Mon plaisir à l’entendre mérite tout ce que vous voudrez. Je crois aussi que Salvandy acceptera Turin. Pourtant il n’y a jamais à compter sur les esprits mal faits, et mal faits surtout par la vanité. Ils déjouent toute prévoyance. Je vais faire ma toilette en attendant la poste. Puis j’essaierai de dormir un peu. Je m'étais couché hier avant 10 heures. Mais de 10 heures à 2 heures et demi, c’est trop peu de sommeil.
10 heures et demie. C’est charmant deux lettres. Oui, il y a, en ce moment, un inconvénient réel à être loin et très probablement je n'attendrai pas, le 26. N'en dites rien à personne. Je suis frappé d'Espartero faisant un manifeste donc n'abandonnant pas tout-à-fait la partie. On fera de lui, si on veut, un instrument d'intrigues en Espagne, et on le voudra, si nous ne nous accordons pas. Tout cela a besoin d'être conduit avec une grande précision et heure par heure. Je suis bien aise que vous ayez reçu une lettre de votre frère. Il paraît certain que l'Empereur ira à Berlin. On l’y attend. Bresson me mande que M. de Bülow est revenu en très bon état. Je vous quitte pour Génie à qui j’ai plusieurs choses à dire. Adieu. Adieu. Soyez charmante tous les jours, Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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7. Paris Mardi, 1 heure le 15 août 1843

Je trouve ici votre bonne lettre 3. et l’incluse, excellente. Si je l'avais reçue à Beauséjour il y a une heure. Je n’aurais peut-être pas résisté à la tentation de la montrer, tellement elle est bonne, et to the point. Mais c’est trop tard. Où rattraper man chevalier errant ?

A 3 heures Beauséjour, je l'ai reçu c'est-à-dire que je l'ai fait venir. La préface a été bonne et courte. " Je vous crois un gentleman, je vous crois de l’amitié pour moi, jamais vous ne direz. Voici une occasion unique de porter la conviction dans votre esprit, et de faire par là du bien dans un moment important. Je ne veux pas balancer. "
L’étonnement et le contentement étaient visibles. Je crois, je suis sûre que j'ai bien fait. Il y a des occasions où le noir sur blanc, fait une impression bien autre que la parole. C'était comme mon K. il y a quelques semaines. Je vous renvoie, ce sera remis dans les mains de Génie. Il ne se doute pas comme de raison. Je l’ai vu ce matin, nous sommes convenus qu’Etienne ira tous les matins à onze heures prendre ses ordres c. à. d. ma lettre et qu'il viendra me l’apporter et reprendre ma réponse, demain à Versailles, après demain à St Germain. Adieu. Adieu. Je vais partir. Dites moi que vous recevez exactement mes N° celui-ci surtout. Adieu. Que j'aime votre N°3 !

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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6. Beauséjour Mardi le 15 août 1843 à 10 heures

J'ai dîné hier chez Cowley. L'humeur n’était pas trop bonne, on demandait ironiquement à Bulwer si les voitures de voyage de la Reine Christine étaient dans sa cour, d’un autre côté on espérait que le régent n'irait pas en Angleterre. Bulwer part ce soir pour Dieppe et va décidément passer deux jours à Londres. Il sera de retour ici le 24.
Plus je pense à l’affaire d’Espagne plus je vois noir. Si l’on entre une fois dans la voie des paroles aigres cela ira bien mal. Il est très évident que l'Angleterre se trouvera dans la question du mariage à la tête de tout le reste de l'Europe. C'est là ce qui va lui donner et lui donne peut être déjà courage. Or, Aberdeen sait être brutal quand il n’a pas peur. Il faudrait lui ôter l'occasion. Que je voudrais vous parler !
La pieuse contesse est ven hier me dire son dernier mot. Je la précède aujourd’hui à Versailles. Elle veut aller demain coucher à St Germain. Je ne demande pas mieux. Je lis dans le journal de Pétersbourg que le bateau qui avait touché Copenhagen était arrivé à Cronstadt le 29 juillet. La lettre de d’André était du 31. Vraiment St Priest se sera trompé. Mais nous allons voir cela bientôt. Bulwer vient de m’interrompre. J'ai écouté, et j’ai parlé ! L'Angleterre prescrit à Acton la reconnaissance du Gouvernement à Madrid. Aberdeen est dans les idées les plus douces. J’ai accepté, et puis j’ai dit qu’il me revenait de tous côtés des inquètudes sur le mariage que les grandes puissances allaient se mettre en campaqne sur cela qu’il fallait faire bien attention à une chose. C’est que la seule, l'unique chance peut-être pour que le duc d’Aumale fut roi serait le cas où les puissances s'aviseraient de l’exclure d'avance. Cette parole prononcée d'une manière tant soit peu officielle serait comme un défi, et personne en France ne supporterait cela tandis que si on laisse les choses aller d’elles mêmes ; si on ne gâte pas en tripotant et en se méfiant, il est bien sûr que cela ne se fera jamais. Je vous dis en gros ce que j’ai donné comme mon opinion mais cela est entré pour rester dans la tête de Bulwer. Il va à Londres. A propos l'Ambassade anglaise croit savoir que Sébastiani va à Londres en mission. Bulwer ne m'en paraît pas fâché car il sait qu’il est bienveillant. Je remets ceci à Génie que je vais chercher. J’aurai, j'espère une bonne lettre aujourd’hui. Adieu. Adieu. Mille fois, parlez-moi du 26 ou de quelque chose avant. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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11. St Germain, vendredi 3 heures.
Le 18 août 1843

J’ai répondu trop courtement tout à l'heure à votre lettre. J’étais pressée de renvoyer Etienne. Je suis très frappée de ce que vous me dites sur Metternich et Naples. Il faut lui enlever cette clientelle, ou plutôt ce client. Faire reconnaître par Naples. Je crois moi, en tout, que vous menerez bien cette affaire là. Elle est grande vous vous y ferez hommes. Mais il faut la surveiller et la suivre de très près.
Samedi Midi le 19 août. Je fus interrompue hier par l'arrivée des [Delosdeky], de Rodolple Appony. Ils sont restés jusque près de l'heure du dîner. Le mari va aujourd’hui à Dunckerque où il s'embarque, & la femme au Havre où elle reste. Elle a eu une lettre de mon frère par laquelle il est évident, qu'il voudrait que sa femme passât l'hiver à Paris pour se débarrasser d’elle, & il garderait Sophie. The better half, et nous aurons the worse. Nous avons eu à dîner le prince Kourakine et M. Balabine. Vous ne vous attendez pas que cela me fournisse quoi que ce soit à vous dire. Voici huit jours depuis votre départ. Et bien le temps a passé. il passe sur l'ennui comme sur la joie. Mais Dieu merci il n’y a plus que trois jour. Que vous aimeriez St Germain ! C’est charmant et un air si pur si bon. Une heure. Votre lettre m’arrive. Je suis enchantée que vous ayez renvoyé à Londres, avec le changement. Décidément c’est avec Londres qu'il faut s’arranger, et vous y parviendrez. Comment Espertaro serait vraiment en France ? C’est certainement original. Depuis votre lettre qui fixe Mardi pour votre retour je médite sur les moyens de m'échapper. Si je le puis convenablement vous savez bien que je le ferai, mais si cela devait offenser ou chagriner cette bonne jeune comtesse, je ne pourrais pas. Vous ne sauriez croire toutes les attentions qu’elle a pour moi. Adieu. Adieu. Il me semble donc que je ne vous lirerai plus que demain. Je mens, je vous écrirai, toujours puisque Genie saura bien où vous trouver. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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2. Beauséjour 5 heures jeudi 31 août 1843,

J’ai été en ville. J’ai remis à Génie ma lettre et une lettre de Lady Palmerston reçue après coup, et que vous me renverrez. J'ai fait visite aux Appony. Vraiment il est trop bête. "-Et bien, elle vient donc cette petite reine ? Caprice de petite-fille un Roi n’aurait par fait cela. - Pourquoi pas ? S'il en avait eu l’envie ? - Mais c’est que l’envie n’en serait pas venue. - C’est possible. Mais voilà toujours un grand événement et qui fera beaucoup d’effet partout. - Je ne crois pas. On dira que c’est une fantaisie de petite fille. - Fantaisie accepté par des Ministres qui ne sont pas des petites filles. - On sait qu'ils sont très plats et qu'ils tremblent devant elle. - En tous cas voilà parmi les souverains de l'Europe le plus considérable peut être, et celui qui ne se dérange jamais qui vient faire visite au Roi. C’est un grand précédent. (avec une mine et un geste très ricaneur) Il se trompe bien s'il croit pour cela que les autres feront autrement qu’ils n’ont fait jusqu'ici. Personne ne viendra. - Et bien on se passera mieux des autres visites depuis qu'on aura eu celle-ci. - Je suis bien sûr cependant que le roi eut été beaucoup plus flatté de la visite du roi de Prusse. - En vérité je ne sais pas pourquoi et certainement elle n’aurait pas fait autant d’effet que celle-ci. - à Vienne on n'y pensera pas. Je me mis à rire et je lui dis : - Savez-vous qu'il y a des rapportages en ville & que j'ai entendu moi-même dire à Molé que le corps diplomatique montrait beaucoup de dépit. Il est devenu rouge. Certainement pas moi. Nous sommes si bien avec l'Angleterre et si sûrs d’elle que nous serons même bien aises de cette visite. Je n’en avais pas assez et j'ai dit que Molé avait été assailli par des : " Avez-vous lu le National ? Décidément ceci l'a interdit. Il avait même l’air un peu colère, Armin est entré ; la conversation a fini. Il me semble que je vous envoie assez de commérages. Ce qui est bien sûr c’est que l'humeur de l’Europe sera grande et cela doit bien vous prouver que le continent sans exception est malveillant pour ici. Gardez l'Angleterre. C’est votre meilleure. pièce. Beauséjour vendredi 8 h dim. matin La journée a été bien mauvaise hier. Si vous n'aviez pas à recevoir une Reine je vous en conterais tous les incidents. Tout a été de travers, pas de fête, pas un coin et je me suis vu forcée de revenir coucher ici où j’ai failli ne pas retrouver mon lit. Je vous conterai tout cela à votre retour. Heureusement Pogenpohl était avec moi, ce qui a contenu ma colère, quoique pas trop. Il a un peu d'esprit et avant que j'eusse pris l’initiative il m’a parlé du voyage comme de quelque chose de très grand, très important et qui doit avoir un grand effet, ici et partout. Il a ajouté " à présent, les bouderies de l’Empereur n'ont plus la moindre portée. " Il ne fera peut-être pas autrement qu'il n'a fait mais cela ne veut plus rien dire. " Voilà qui est vrai. Le bon de ce voyage, c’est que tout le reste dévient égal. Ecrivez donc ou faites écrire à d’André de bien vous mander tout ce qu’il entendra dire. Vos autres après auront bien l'esprit de le faire sans attendre un ordre. J’ai fait prier Kisseleff de venir ce matin, je serai bien aise de lui parler. Fluhman viendra probablement aussi. 10 heures Que de choses utiles et bonnes à dire à Aberdeen. Vous n'oublierez surement pas de donner une bonne bais [?] à vos entretiens. Vous rappelez que le bon langage des Ministres anglais au parlement a bien puissamment contribué à calmer les folies françaises. Il me parait que vous devez, que vous pouvez vous établir sur un pied de si bonne amitié et franchise avec lui. Surement comme étranger vous lui cèderez le pas aux dîners, & & & Je vous dis des bêtises. Vous savez tout cela. Mais n’importe. Qu’est ce que l’affaire de votre consul et du drapeau français. à Jérusalem ? C’est mauvais. Sébastiani a eu je crois une affaire pareille à Vienne ou Constantinople. Ou bien n'était-ce pas Bernadotte ? Je reviens à Appony. Vraiment je suis un peu étonnée. Le meilleur !!! Metternich était bien tant qu’il croyait être seul à vous protéger car c’est bien là le sentiment. Sa vanité était en jeu et de là venait sa bonne conduite. Aujourd’hui il est débordé, son dépit sera grand, en attendant son ambassadeur est trop sot Voici votre N°1. Merci, merci. J’aime autant, et même mieux que la Reine ne vienne pas à Paris. On n’aura plus le droit de dire, petite-fille curieuse de s'amuser. Et puis. Vous serez libre plutôt. J'aurais aimé à causer avec Lord Aberdeen, mais vous n'oublierez rien, seulement j'aurais eu le contrôle. Je suis charmé que ce soit Andral j'espère qu'on choisira son meilleur rôle. Passé minuit est un peu trop leste pour la vue ; car il sort de son lit avec le stricte nécessaire. However I don't know. Les tapes sont une grande habitude en Angleterre ; peut-être par la chaleur aimera-t-elle la nouveauté d’un parquet. Si j’avais Lord Cowley sous la main je lui soufflerais la mauvaise humeur du corps diplomatique. Il se croyait si sûr de la probité autrichienne ! Nous en causions le dernier jour et il me disait : " pour ceux-là ils ne seront surement pas. jaloux. " Je regarde beaucoup le ciel. Quel bonheur s'il reste aussi beau ; ce sera superbe. Le danger qu’a couru le Roi et la famille fait faire d'étranges réflexions. Dans l’accident de l’an passé, il n’y avait pas de quoi se donner une entorse, et le Duc d'Orléans y a péri ! A présent ils devaient être tués tous, et il n'est rien arrivé qu'un bain à 3 chevaux ! Vraiment, vraiment la main du duc est bien visible. Elle protège toujours le Roi. jaloux. " Je regarde beaucoup le ciel. Quel bonheur s'il reste aussi beau ; ce sera superbe. Le danger qu’a couru le Roi et la famillie fait faire d'étranges réflexions. Dans l’accident de l’an passé, il n’y avait pas de quoi se donner une entorse, et le Duc d'Orléans y a péri ! A présent ils devaient être tués tous, et il n'est rien arrivé qu'un bain à 3 chevaux ! Vraiment, vraiment la main de duc est bien visible. Elle protège toujours le Roi. Je repense à ma conversation avec Molé. Certainement, il a retrouvé son esprit. C’est de très bon gout de dire son contentement du voyage, et il le fait avec un air très naturel, irréprochable. Le diable n’y perd rien peut-être, mais c’est égal.. Je vous écris des lettres énormes. Aurez-vous le temps de les lire ? On vient de me faire dire de Versailles qu'il y a un appartement. Je me décide donc à retourner. Si je puis entraîner Fluihman, je l’emmène si non j’irai seule. Adieu. Adieu mille fois adieu. l wish you success. Je serai bien contente d’apprendre que la Reine est actually arrived. Adieu. J'ai oublié encore à l’article Appony ceci : il me dit, j'espère que M. Guizot et ses collègues ne montreront pas trop d’orgueil de cette visite. Soyez tranquille. Ce sont des gens d’esprit. And now good bye for good. Mais encore adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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6 Château d’Eu Dimanche 3 sept. 1843,
10 heures et demie

Un mot puisque j'ai une lettre de Lady Cowley à vous envoyer ; un seul car je suis fatigué et je meurs de sommeil. Ce matin une promenade d’une heure et demie par un mauvais chemin, pour arriver à un joli point de vue. C’est notre Reine qui a le goût de ce point de vue, et n’a pas songé au mauvais chemin. L'autre Reine s'en est amusée.
Avant la promenade, une très bonne conversation avec Lord Aberdeen sur l'Espagne. L'affaire ira. Ce soir une bonne aussi sur toutes choses, dans le salon de la Reine : salon sévère, comme le Sabbath. On a regardé des images et fait des patiences. M. le duc de Montpensier y excelle. A dîner en revanche, la Reine V. s’était parfaitement amusée ; le Roi l’a fait rire tout le temps, je ne sais avec quoi. Moi, j’ai amusé Lady Cowley. Si j’avais le temps, elle m'aimerait. Adieu. Adieu. Dieu nous garde ce beau temps la semaine prochaine, pour notre dîner de St Germain. Quel plaisir ! Adieu. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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9. Beauséjour Mercredi le 6 septembre 1843

Me revoilà dans mon home et j'en suis bien aise. J’ai encore dîné hier à Versailles et j’étais ici à 8 heures, & dans mon lit à 9. J'ai bien dormi jusqu'à 6 heures. à 7 heures j’étais sur les fortifications, je viens de faire ma toilette et me voici à vous. J’attends votre lettre. Le Galignani et les journaux ont devancé votre récit. Je sais que Lundi s’est bien passé. Belle promenade & concert. Je voudrais que tout fut fini. Dieu merci c'est le dernier jour.
Kisseleff est venu me trouver à Versailles hier sur les 3 heures, nous ne nous sommes vus seuls que dix minutes. Le Duc de Noailles est arrivé. Dans les 10 minutes il m’a dit qu'il avait écrit à Brünnow ceci : " On dit que le corps diplomatique (de Paris) montre quelque dépit de l’entrevue royale, quant à moi je me tiens dans un juste milieu. Je dis que c'est un événement très favorable au Roi et à son gouvernement et voilà tout. Si les autres disent plus ou autrement je trouve que c’est de la gaucherie. " Je l'ai encore loué. Il me dit qu'Appony avait changé de langage. Je le savais moi-même de la veille. Il est évident que c’est le rapportage de Molé et La confidence que je lui en ai faite qui ont amené ce changement. C'est donc un service que je lui ai rendu. Mais il n'en sort pas sans quelque petits blessure.
J’ai régalé le duc de Noailles de tout ce récit qui l’a fort diverti. Il a jugé l'homme comme vous et moi. Je lui ai dit qu’on savait que son langage à lui était très convenable. Cela lui a fait un petit plaisir de vanité. Il est évident que tous les jours ajoutent à son éducation politique, et qu’il meurt d’envie de la compléter. Je lui ai lu ainsi qu'à Kisseleff les parties descriptives de vos lettres. Cela les a enchantés surtout le duc de Noailles. Il trouve tout cela charmant, curieux, historique, important. Non seulement il n’y avait en lui nul dépit mais un plaisir visible comme s’il y prenait part. Je lui ai lu aussi un petit paragraphe, où vous me parlez du bon effet du camp de Plélan. Il m’a prié de le lui relire deux fois. Il est évident qu'il voudrait bien qu'on se ralliât. Il suivrait, il ne sait pas devancer. Il m’a parlé avec de grandes éloges du Roi, et de vous, de votre fermeté de votre courage, de votre habileté, de votre patience sur l’affaire d’Espagne. Il est très Don Carlos il a raison, c’est la meilleure combinaison parce qu'elle finit tout et convient à tous. Mais se peut-elle ? Il regrette que la Reine ne soit pas venue à Paris. " Un jour pour Paris, un jour pour Versailles. Elle aurait été reçue parfaitement. Le mouvement du public est pour elle aujourd’hui tout à fait. Une seconde visite sera du réchauffé. Aujourd’hui tout y était, la surprise, l’éclat. " C’est égal j’aime mieux qu’elle n'y soit pas venue. Kisselef m’avait quittée à 4 1/2 pour s’en retourner par la rive droite. Comme le Duc de Noailles partait par la gauche nous avons eu notre tête-à-tête jusqu'à cinq. Kisseleff partait triste, il avait peu recueilli. Tous les deux avaient dû dîner en ville et n'ont pas pu rester. J’ai dîné ave Pogenpohl que j’ai ramené jusqu’ici. J’ai remarqué qu'il en avait assez de Versailles. Un peu le rôle de Chambellan. La promenade et le dîner, et encore par la promenade quand j'en avais un autre. Mais c’est juste sa place.

Onze heures. Voici le N°8 merci, merci. Que vous avez été charmant de m'écrire autant ! Enfin vendredi je vous verrai c’est bien sûr n’est-ce pas ? Passez-vous devant Beauséjour ou bien y viendrez-vous après avoir été à Auteuil ? Vous me direz tout cela. Que de choses à me dire ; nous en avons pour longtemps. Et puis, l’Europe a-t-elle donc dormi pendant Eu ? Comme nous allons nous divertir tous les jours des rapports de partout sur l'effet de la visite ! J’irai ce matin en ville mais tard. Je passerai à la porte de Génie pour causer avec lui. Et puis commander ma robe de noce pour lundi. Ensuite en Appony pour voir le trousseau. J’y resterai pour dîner. Voici donc ma dernière lettre. Adieu. Adieu. Adieu. Apportez-moi moi la jarretière, je m’inquiète que vous ne m'en parlez pas. Ce que vous dites de la princesse de Joinville est charmant ! Adieu encore je ne sais pas finir. Adieu. Prenez soin de vous demain. J’ai si peur de la mer. Et puis j’ai peur de tout. Revenez bien portant, revenez. Adieu. Je me sens mieux aujourd'hui.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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18 Londres jeudi le 14 août 1845, à midi

Décidément je me suis encore trompée de N° & celui-ci est le 18ème. Votre dîner hors de chez vous, dimanche dernier me dérange. Je crains une indigestion ; & puis un assassinat, ou bien, une voiture versée. Vous savez comme je suis, parfaitement déraisonnable. Je suis tranquille quand je vous ai à Beauséjour, chez moi, ou bien dans votre cabinet que je regarde.
Hier longue promenade & causerie avec Dédel qui a tout plus de good sense & d'esprit & de connaissance de ce qui se passe ici. Beaucoup de monde chez moi le matin car tout ce qui est resté vient. Bulwer je crains me fera faux bon. Il voudrait que je retarde, & moi, je suis décidée à partir après demain. Flahaut part Lundi mais tout le monde va par le rail way. Il n'y a plus que moi dans le monde qui me serve de très mauvais chevaux de poste. Je ne sais vraiment qui partira avec moi, & je ne veut pas partir seule. Lady Cowley m’attend avec impatience et curiosité à Boulogne. J’y serai sans doute dimanche à moins de mauvais temps.
Je vous ramène des yeux assez ressemblants à ceux que j'avais en vous quittant, mais il est bien avéré que ce n’est que de l’ennui, des soins, des précautions, des privations, mais point de véritable danger. Il n’y a que Verity qui sache me traiter. Il sera à Paris au commencement de septembre. Londres est parfaitement dull, plus un seul homme public, et pas une nouvelle. Adieu, adieu, j'ai des yeux très capricieux et j'y ai mal dans ce moment, il faut que je vous quitte. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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19 Londres, vendredi le 15 août 1845 dix heures.

Mauvaise journée hier. Mes yeux allaient mal. J’ai eu bien peur le matin je suis mieux. Je serai curieuse de me faire lire votre discours du dîner. J’aurai cela à Douvres sans doute. Je pars demain matin à 9 heures avec Bulwer. J’irai à Folkston peut être, mais toujours par terre et non par fer. Si le temps n’est pas mauvais je passerai dimanche. Dietrichstein est revenu hier. Décidément il me fait sa cour pour arriver à Paris ! Pas d’autres news. Londres est [?] on avait bien envie de m’entraîner à la campagne. Le genre de vie et la lumière ne me vont pas.
Que de choses à vous raconter ! Tâchez que ce soit bientôt. Adieu. Adieu. J'ai mes paquets à faire & les bills à payer. Adieu beaucoup de fois adieu. Je viens de lire votre discours. Excellent. Parfait. Adieu. excellent.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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24 Val Richer, Mercredi 20 août 1845

Comment, le feu était à bord du bateau pendant que vous passiez ! Je suis ravi que vous ne l'ayez su qu'à Boulogne. Et irrité à l’idée que vous auriez pu courir un grand danger moi n'étant pas là ! Que la vie est difficile à arranger avec un peu de sécurité !
Votre conversation avec Bulwer vaut fort la peine qu’on y pense. Ce serait excellent s’il y avait certitude, probabilité seulement que les deux mariages faits, les deux maris vivraient bien ensemble. Mais c’est le contraire qui est probable. Ce serait, je le crains une forme de plus pour la rivalité. Pourtant j’en parlerai à qui de droit.
Certainement on a envie à Londres de m’inquiéter de me tracasser sur Tahiti et en nous rendant le séjour insupportable de nous amener à l'abandon. On se trompe. Je ne le ferai pas. Je ne puis pas. Pour nous conduire là, il faut commencer par mettre quelqu’un à ma place. Je tiendrai donc bon à Tahiti dans les limites du Protectorat reconnu par l'Angleterre, rétabli comme elle l'a désiré. C’est une très ennuyeuse affaire. Je ne l’ai pas cherchée. Mais je l’ai acceptée. Je la porterai jusqu'au bout. On ferait bien mieux à Londres de l'accepter aussi simplement, et de donner aux agents anglais des instructions sérieuses pour qu'ils l’acceptent aussi, tranquillement, ce qu'ils ne font pas. Et après tout pour vous dire le fond de mon âme, on ne m'inquiétera pas. Nous ne nous brouillerons pas pour Tahiti. Nous en avons eu les plus belles occasions ; et quand nous nous sommes vus au bord de ce fossé là, ni les uns, ni les autres, nous n'avons voulu sauter. Nous ferons de même. Raison de plus pour se résigner effectivement de part et d'autre aux ennuis de cette misère, et pour travailler à les chasser, au lieu de les nourrir. Si on prenait cette résolution, à Londres comme à Paris, vous n’entendriez bientôt plus parler de Tahiti.
Je me porte très bien. Beaucoup marcher m'est évidemment très bon. Ici j’en ai l'occasion et le loisir. Le beau temps, s’est gâté. Cependant, il revient deux ou trois fois dans la journée, et on peut toujours se promener. Nous nous promènerons à Beauséjour. Bien plus doux encore qu’il n’est beau. Je le retrouverai avec délices. Vous regardez mon cabinet ; moi le vôtre. Nous nous gardons l’un l'autre.
Rothschild dit que M. de Metternich est très mécontent du Roi de Prusse qui n’a pas voulu accepter la conversation sur la constitution. Je doute que ce soit vrai. Les émeutes saxonnes refroidiront un peu, je pense, les goûts populaires du Roi de Prusse. On m'écrit de Paris : " Quel fou que ce Roi qui mécontente tous les gouvernements absolus et en même temps s'amuse à nous insulter dans ses calembours de corps de garde ! " La Duchesse de Sutherland me fait demander si je connais une honnête famille qui veuille recevoir et loger, à Paris, son fils et un précepteur. Vous en a-t-elle parlé ? Adieu. Adieu.
Etienne vous a-t-il écrit si Page était venu le voir, et lui donner son adresse ? Il faut surveiller l’exécution des lettres de Guillet comme celle des instructions du Père Roothaan. Les Jésuites ont quitté leur maison de la Rue des Postes. C'est le commencement de la soumission. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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27 Boulogne Dimanche 24 août 1845
Onze heures

C’est charmant de voir commencer la semaine où nous devons nous revoir ! Voici votre lettre de vendredi, vous y pensez aussi beaucoup. Que de bonne causerie nous aurons ensemble ! Bulwer s'annonce pour aujourd’hui, S'il veut m'accepter, nous irons ensemble ; si non, j’ai d’autres ressources. Le temps a été beau hier, je me promène mais pas beaucoup. Je suis en constante défiance de mes yeux. Je crois que l’Impératrice ira en Italie. Mad. Fréderic me l’a mandé aussi. J'ai eu à Londres, une lettre de mon bon Constantin. Il campait dans la neige, voici cette lettre. Elle vous intéresse pour lui. Gardez la moi je vous prie pour me la rendre.
Moi, j’ai peur des Montagnards. ils reculent, ils attirent, & Dieu sait ce que nous trouverons au delà. Rien de plus fin qu’un asiatique. Bulwer a dit à Londres ce qu’il pensait de Lyon, c.a.d. qu'il en a très mal parlé. On lui a répondu par le Duc de Norfolk. Je passe mon temps ici assez doucement. Ma bile s’est calmé. Je renonce tout-à-fait à Mouchy ; cela m'ennuierait. Adieu, adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Beauséjour onze heures
Dimanche 7 septembre

Beau temps, bon vent. J'espère que cette reine arrivera aujourd’hui. Mais j’espère sur tout que le changement d'air vous aura été bon pour vous débarrasser de votre rhume. Hier j’ai vu chez moi Appony, les Flahaut, Keisseleff, Malkan.
L'arrivée de la reine n'a pas l’air de surprendre. beaucoup. Mais certainement elle ne plait pas à Appony Il n’est préoccupé au reste que de son gendre. Il ne peut plus traîner longtemps.
Je m’ennuie bien sans vous. Vous pourrez compter sur cela. Je m'en vais à l’église, & puis rentrer ici pour mon lunchon. Je renonce à tenir mes assises en ville, cela me gêne. D’ailleurs le temps est trop beau pour le dépenser là. 2 heures. Je rentre. Après l'église. J’ai vu Génie chez moi Il n'ttend de vos nouvelles qu’à 3 heures. C’est long. Je. voudrais pouvoir répondre & il me semble que cette lettre-ci partira avant l’entrée de la vôtre. Je la remets à votre fille. Adieu. Adieu. What a bore to be without you. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris Samedi 6 7bre 1845 Midi 1/2

J'arrive ; j'ai reçu votre petit mot j’ai vu Génie qui vous a embarqué. J’attends le télégraphe, & quelques visites, & un cache nez brun ou bleu foncé, s'il existe.
Vous oubliez hier en faisant le programme de la marche à dîner qu'Aberdeen doit passer devant vous. Vous faites en France les honneurs au ministre Anglais. Je suis furieuse qu'on pense à toutes petites choses, les bagatelles importantes. Je me tourmente de Constantin.
4 heures, voilà le télégraphe et pas un moment de plus à vous donner. Pas de cache nez trouvable. Beaucoup de monde, Mallkan entre autres devant témoins demandant de vos nouvelles avec beaucoup de sollicitude. Adieu. Adieu mille fois.
Soignez bien votre rhume, c’est à dire envoyez le promener. Prenez garde de l’air de la mer, n’allez pas en bateau à la rencontre. Adieu

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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3 Beauséjour Lundi le 8 7bre 1845
Onze heures

Merci, merci de vos deux lettres 1 & 2. Je vous imite, celle-ci porte le N°3. Je crois la reine arrivée et vous dans le full time of conversation. J’espère que vous ressortirez de là aussi content que vous l'avez été il y a deux ans.
J’ai eu hier une très longue conversation avec Kisseleff. Le maître n’est pas changé. Caractère, opinion, tout est resté de même. Seulement de plus en plus inaccessible à tout conseil. Personne ne rêve plus à en donner. Vraisemblance qu’il ira de la mer noire en Sicile. Je pense qu'il verra le Sultan un moment. Evénement ! J’ai été chez les Appony le soir ; assez mauvaise humeur mais qu'on cache.

Paris 1 heure. Je suis ici pour un moment. Je viens de voir Vérity. Il me trouve mieux qu'à Londres. Mais ce sera tout. Pas la moindre nouvelle à vous donner. Le plus beau temps du monde. et moi adieu adieu. Voilà tout et toujours.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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4. Beauséjour Mardi le 9 septembre 1845
Onze heures

Votre lettre d’hier est charmante ful of interesting topics. Je vous vois arriver demain soir ou jeudi de bonne heure dans la journée. C'est là ce qu’il y aura de plus charmant dans ce voyage comme le temps est gracieux pour le roi !
Madame Appony, un Esterhazy cousin, Fleichman, & Mad. Rothschild, voilà ce que j'ai vu dans la journée hier à Anvers la reine d'Angleterre a encore éte maussade ; elle n’est charmante qu'a Cobourg et à Eu. On me dit que Génie est malade. Je vais voir à Paris si je peux le voir pour lui communiquer ce qu’il y a de montrable dans votre lettre, au fond tout pourvu que je n’explique pas l’adieu.
Me voilà en ville, j'ai vu Génie convalescent, je lui ai donné à lire votre lettre dont il a été charmé. No news.

Beauséjour again à 2 heures. Pas plus de nouvelles ici que là. Vous voilà dans la forêt à déjeuner. Derniere conversation avec Aberdeen. J’espère que vous vous séparez contents. Vos filles me disent que c’est jeudi que vous arrivez pour dîner. Ceci est donc probablement ma dernière lettre ; si on vous écrit encore. Je vous écrirai adieu, adieu, adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer Vendredi 26 oct. 1849
7 heures

Tout est possible ; mais certainement le coup d'Etat, c’est-à-dire l'Empire, fait à la suite d’un mouvement vers la gauche, et de concert avec elle serait une des plus étranges et des plus sottes absurdités qui se pussent voir. L'Empereur serait à peine né qu’il verrait ce que c’est que d'avoir la gauche pour parrain. Il pourrait bien ne pas aller jusqu'à la naissance, et mourir dans l'accouchement. Je croirai cela quand je l'aurai vu. Il y a encore des choses, auxquelles je suis décidé à ne pas croire d'avance. Pour l'honneur de mon bon sens. Vous avez raison de ne pas en faire plus pour l’Angleterre que pour les autres. Pourquoi auriez-vous porté votre carte là et pas ailleurs. Les autres sont bien venus. Presque tous du moins. Vous ne connaissiez pas, ce me semble, d'Autriche. Hatzfeld m'étonne aussi. Sa femme est-elle à Paris ? Vous avez bien raison aussi de prendre garde aux Holland. Faites avec eux comme Cromwell, avec le Long Parlement ; s’en servir et s’en séparer. Il excellait à cela. Je vais chercher à arranger d'ici une manière que Piscatory aille chez vous. Il me semble que Montebello serait bon pour vous l’amener. Vous ne m’avez pas dit si vous aviez vu le Chancelier. Je sais qu'il est de retour à Paris. Et Madame de Boigne, y avez-vous été ? Comment avez-vous trouvé la vicomtesse de Noailles ? On est bien questionneur de loin. J’ai des nouvelles de Madrid. La principale bien triste. On dit que Narvaez est menacé, si ce n'est déjà atteint d’un cancer dans l'estomac. Ce serait grand dommage. Je vous ai dit, je crois, qu'il y avait, dans la lettre que j'ai reçue de lui dernièrement, un air de tristesse sur sa santé. On dit aussi que Thom va rentrer dans le Cabinet. Voilà Bulwer partant pour Washington. A-t-on jamais été plus battu et plus résigné, que Lord Palmerston dans cette affaire-là ?

Midi
La poste est très tardive aujourd’hui. Merci de la lettre de Beauvale que je n'ai pas encore vue. Je vois que Narvaez est rentré aussitôt que sorti. Adieu, adieu. Je ne me figure pas tout ce que nous nous dirons quand nous nous verrons. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 31 octobre 1849

Très long tête-à-tête hier soir avec Kisselef. Il est très confiant et ouvert. Il se conduit bien. Lamoricière n’a pas fait la moindre démarche depuis le 5 octobre. Mon correspondant m’informait mal, ce jour-là le 5, il avait lu à Nesselrode une dépêches des plus anodynes mais qui touchait à la question ou lui a dit que cela ne regardait personne, & qu’on n’accepterait l'ingérence de personne. Depuis, Nesselrode n’avait plus entendu parler de lui. Il savait seulement que Lamoricière n’avait pas vu Fuat Effendi. Le courrier russe est du 20. Si vous êtes des gens d’esprit, maintenant que l’affaire la grosse au moins est réglée, vous retirerez-vos vaisseaux. Je ne sais ce que fera l'Angleterre, mais je sais que nous ne supporterons rien de ce qui ressemble le moins du monde à une menace. Molé est bon et utile. La crise ministérielle est grosse depuis avant hier. Hier soir rien de décidé encore, mais le président avait, dit-on, donné congé à ses Ministres. nous verrons aujourd’hui. M. de Persigny a dit tout haut avant-hier à un grand diner chez Changarnier, qu'il fallait un coup d’État, que tout le pays était enflammé de la gloire de l'Empire. Il disait cela à Hubuer. Très long tête-à-tête avant le dîner dune Hatzfeld. Comme tous les autres, tous, il croit au coup d’Etat, mais comment ? C’est impossible de le deviner, la majorité ne le veut pas. On ne dit pas que Changarnier le veuille. Est-ce que le Président peut faire tout seul ? Je n’ai pas revu Flahaut depuis son audience chez lui. La faveur de Normanby baisse un peu. Il y a eu des commérages d’argent qui ont blessé. Mad. Roger est ici, elle n'est pas venue me voir, elle n'était pas sur ce pied et je ne l'ai pas rencontré. Je vois toujours chez moi beaucoup de monde. Trop long à vous nommer, trop long à radoter. On parle & rabâche toujours sur le même sujet, le coup d'Etat. Ce serait ennuyeux si ce n'était si sérieux. Depuis que je suis dans la mêlée. J'ai moins peur, & cependant je devrais avoir peur & revenir à ma première impression. Les premières sont toujours les vraies. Je ne suis pas sûre de vous revoir. Qui peut dire ce qui se passera d'ici à quinze jours. Puisque vous n’avez pas encore fini d'écrire, Mad. Austin n’a pas à traduire, & puisqu’elle ne traduit pas qu’est-ce qu’elle fait chez vous ? Vous avez assez d'embonpoint sans le sien. Adieu. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris Mardi le 13 Novembre 1849

Comme je ne compte pas vous écrire demain, voici, dieu merci ma dernière lettre ! Comme c'est charmant de dire cela quand c'est pour avoir mieux ! je ne connais pas le N° de votre maison. Je vous répète que je suis chez moi entre 7 & 8 heures. Hier ce bon Kakochkine, notre ministre à Turin, qui vient me dire pathétiquement, Princesse sauvez l’Italie. Cela m’a rappelé d'Aremberg me priant de replacer Montémolin sur le trône. Je me crois aussi. impuissante à l’un qu'à l’autre. L'Italie, il s’agit d’y tuer l'Angleterre. Abercrombie à Turin veut soutenir le parlement. Sans lui ce dernier parlement italien tombe, et l’Italie serait sauvée. Et puis Kisselef venant soulager son cœur & son esprit auprès de moi. Quelle galère ici. Quel métier que celui d'un diplomate qui a quelque chose à faire ! Pour regarder c'est charmant, pour travailler, c’est impraticable. Le prince Paul toujours en critiques, toujours en bravades on dirait vraiment un brave, lui ? Que nous avons chassé de notre armée parce qu’il n’aimait pas la bataille. Le soir Mad. Swetchine qui me plait beaucoup & moi à elle. J’ai fait savoir à M. de Montalembert que je désire faire sa connaissance. Il parait que lui n’a pas envire de la mienne. Montebello toujours bien fidèle, tous les jours. Adieu. Adieu. Adieu. Et bientôt pour de bon.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Bruxelles Mercredi 2 juin 1852

Ma dernière nuit à Paris a été assez bonne. Je suis arrivée ici à 5 heures mon fils arrivait de Londres en même temps. Il reste avec moi aujourd’hui.
Trubert est très bien. Kalerdgi est arrivée cette nuit, je ne l'ai pas vue encore. Collaredo est dans le même hôtel que moi depuis hier aussi. Van Praet est venue me voir. Le tête-à-tête n’a pas réussi. [Kontornoff] & notre consul l’ont empêché. Je le reverrai ce matin. J'ai redormi cette nuit, et je suis moins fatiguée que vous ne m’avez laissée. Voilà tout ce que j’ai à vous dire et Adieu. Adieu.
Voici votre lettre merci, une aussi d’Aberdeen, très rude pour Lord Derby, & peu obligeant pour Paris. Adieu encore et le M. [?] raconte mon dîner. Evidemment il y avait un gentleman of the press dans mon salon vendredi soir. Je suis très vexée.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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2 Bruxelles le 3 juin 1852

Je n’ai pas bougé de chez moi hier. J’ai vu deux fois Van Praet. Le roi avait voulu venir, il a pris un accès de bile. Il sera dans huit jours à Wiesbade.
J'ai causé un peu avec Collaredo, bien content de retrouver Londres, & de ne plus trouver Palmerston. J'ai bien parlé à Van Praet sur la nécessité de réprimer la presse. On ne peut pas vivre avec un voisin comme celui-ci. Ce sera une grande faute si un motif pareil poussait la France à sortir de chez elle, mais en définitive et malgré toutes ses protections, la Belgique serait abîmée. Elle deviendrait le théâtre de la guerre. [Van] Praet dit qu'on fera aussitôt les élections passées dans huit jours. Il faut modifier la législation, on le fera.
On est ici très fusionniste seulement on voulait attendre, et on croyait que tel était le conseil de Paris. Moi je n’y comprends rien. Si non que ce qui est fait et fait, & que ce qui se fera peut ne pas se faire. Voilà un raisonnement de [portier] ce qui veut dire good sense.
Trubert a vu hier Changarnier. Il fait son plan pour quand il sera dictateur. Comme Broglie fait sa Constitution ! Du reste tranquille & convenable & très solitaire dans son trou de [Malines]. Adieu. Adieu.

Je pars dans une heure. L'[Impératrice], est arrivée hier soir à Schlangenbad moi, je n’y suis annoncée pour Samedi. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Je n’ai pas vu un anglais, pas un ; [?] Mistriss Austin. Les Granville sont à Spa. Aucun de mes amis dans Londres. Reeve doit y venir demain pour causer. Il est assez au courant.
Tous ceux qui la connaissent ont remarqué que Lady Alice Peel n'était pas là hier. Duchâtel dit qu'elle est à Twickenham. Mad. Graham y représentait l'Angleterre.

10 heures
Mes lettres de France sont arrivées, mais non pas la vôtre de Cologne ou de Bruxelles. Je l'espérais peu. Adieu, Adieu. Je voudrais bien vous savoir arrivée à Paris et en train de vous y reposer. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 10 octobre 1851

Pardonnez-moi hier, je n’étais plus en état d'écrire une ligne. J’avais passé ma matinée en allées & venues, consultations & & pour l’affaire de mon fils. Constantin me conseille une lettre à l’Empereur. Je l'ai écrite de suite, je l'ai fait partir. Quel sera son sort ? Je vous envoie la copie. La croyez-vous bonne ? Hélas si elle ne l’est pas, il est trop tard. M. Fould est venu hier matin. Il est décidé pour le maintien de la loi du 31 mai. Il admettrait quelque modification, mais l'abrogation jamais. Un changement de Ministère est très possible. Odilon [Barrot] sera ministre peut être. Pourquoi M. de Falloux ne le serait-il pas ? Il l'a bien été. Les Légitimistes doivent comprendre que leur intérêt est de soutenir le président.
J’ai lu un passage de votre lettre où vous prêchez cela aussi. Cela lui a fait un grand plaisir. Le coup d’état, il n’y a pas de raison pour le faire. Et après tout on a aisément raison de l’Assemblée. Elle reviendra très divisée et très impuissante. La candidature Joinville ne fait aucun progrès. Partout c’est le président qu’on nomme. Grande résolution de faire de la force. On proposera [par exemple] la déportation pour les sociétés secrètes. Voilà à peu près tout ce qu’il m’a dit je vous envoie la lettre d’Ellice, vous me la rendrez par Génie. John Russell [...]

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 17 octobre 1851

Voici vos deux lettres à la fois. Pourquoi cela ? Je n’en sais rien. La journée d’hier paisible, on trouve que la commission de permanence se conduit très sagement. Le blâme est universel. On ne comprend pas que le Président aie pu faire pareille faute. Tout le monde était pour lui, aujourd’hui c'est le contraire. Le corps diplomatique ne se gène pas de le dire. On croit qu’il ne trouvera pas de Ministres, & on dit que cela lui est égal car il a un grand mépris de l'Assemblée. Elle a un peu donné lieu à cela jusqu'ici. Je sais que tout dernièrement il a appellé M. E. Girardin un misérable. Il n'y a donc pas de vraisemblance qu'il le prenne. Avant-hier M. Fould croyait savoir que M. Billault refusait.
Hier il y avait dîner de dames russes à St Cloud. Kisseleff n'en était pas. Je n’ai pas dormi encore cette nuit, c’est bien ennuyeux . Est-ce que c’est une infirmité naturelle de mon âge. Adieu. Adieu.
Je n’ai pas encore vu Génie. C'est drôle. Adieu

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Dimanche 19 Oct. 1851

Mes visiteurs d'hier étaient assez curieux à observer. A peu près tous des Elyséens sensés. Il sont tristes et déconcertés de ce qui se passe, mais pas troublés au point de croire leur partie perdue, et de renoncer. Ils disent que le Président n'ira pas jusqu'au bout, qu’il s’arrêtera ou qu’il reviendra à temps, qu'il n'abandonnera pas définitivement le parti de l’ordre, qu'il est encore la meilleure garantie de l’ordre, &. Ils ajoutent que tous des mouvements parlementaires restent inconnus ou indifférents à la masse des paysans qui sont toujours décidés à voter pour Louis Napoléon que la candidature du Prince de Joinville ne gagne ici point de terrain, plutôt le contraire, deux choses seulement les ébranleraient tout-à-fait ; si le président. prenait décidément ses ministres et la politique à l'entrée de la Montagne, obligeant ainsi le parti de l’ordre en masse à devenir opposition ; si des lois pénales étaient rendues dans l'Assemblée contre la réélection du Président. Ceci pénétrerait jusqu'aux paysans et arrêterait beaucoup de votes. Dans cette hypothèse, à laquelle ils ne croient pas, quelques uns vont au Prince de Joinville. D'autres, les plus intelligents pensent à Changamier, beaucoup disent que le Président des rouges l'emporterait et ont peur.
Sur la loi du 31 mai, à peu près tous désirent les modifications dont il était question avant la crise et blâment beaucoup le Président de ne s'en être pas contenté. Voilà mes observations. Décidément ce pays-ci est sensé. Si toute la France, lui ressemblait, il n’y aurait pas grand chose à craindre. On dit cependant que le département de La Manche se gâte un peu. Toujours, dans la masse des paysans même méfiance et même antipathie envers les légitimistes.
Je regrette que Kisseleff n'ait pas dîné à St. Cloud avec les dames Russes. Il est bon observateur. Je suis curieux de savoir jusqu'à quel point le Président est confiant ou troublé.
Pendant que nous remettons ici tout en question, l'Europe est tranquille et se reconstitue. Je suis frappé du contraste. Quand l’Assemblée sera réunie, on devrait bien faire ressortir ce fait pour faire sentir à la France sa jolie et poser sur les honnêtes gens. Si le Président. changeait réellement de politique, l’armée Française quitterait Rome, et ce serait un petit ébranlement. Mais l’Autrichienne y entrevoit tout de suite. Je ne crois pas aux Italiens. Pourtant il y a encore là des volcans et des tremblements de terre.
A propos d'Italiens, avez-vous été à leur rentrée ? Je n'ai pas regardé dans les journaux si elle avait été brillante. Cela ne vous fera-t-il pas coucher trop tard le samedi, veille du Dimanche ?

Onze heures
Mes impressions d’ici ne sont pas en désaccord avec ce que dit M. Fould de la confiance du Président. Quand l'Assemblée sera là, ce sera autre chose. On a beau en mal parler. Sa présence réelle agit et sur le public, et sur le président lui-même. Nous verrons. Adieu, adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris lundi le 27 octobre 1851
Midi

Voilà le ministère. Vous saurez mieux que moi en décider la couleur. Je n’ai vu personne encore, rien que le Moniteur. A tout hasard je vous envoie les noms, car je ne sais pas si vous recevez les journaux du soir. Chasseloup était ici hier, ne sachant rien. La Redorte très curieux à entendre. Très mécontent. Le pays d'où il vient, ardent comme lui-même l’était, pas le Président ; aujourd’hui en blâme comme lui et très vivement. Faute énorme dont le Président [?] ne pourra pas se relever. L'Assemblée qui était très bas, est redevenue très respectée. Sa conduite tranquille a beaucoup plu. L'espoir et le conseil de La Redorte sont qu’elle continue comme cela mais qu’elle tienne bon et ferme. Jamais accorder l'abrogation. Selon ce qu'il avait recueilli dans 24 heures, grande consternation à l’Elysée du jugement si unanime de toutes les classes élevées. Heckern me disait hier que Morny & Persigny se disputent l'influence. Morny pour qu'on recule. Persigny pour qu'on avance. Je suppose que le ministère est dans l’opinion Morny.
J’ai rencontré hier le Président il avait l’air fort triste. Les diplomates curieux, inquiets de l’inquiétude de leurs gouvernements. Mad. de la Redorte a pris le deuil de la Dauphine. Mad. Roger aussi chez moi hier soir. Celle-ci blame & noir. L’autre tout noir. Les dames russes sont venues chez moi hier en deuil. Je les en ai louées. Est-ce loué ? ou louées ? La Redorte dit que ce qui cause le blâme universel c'est que la politique personnelle marche à front découvert. Adieu. Adieu.
Rien encore de Pétersbourg. Peut-être aurai-je pour toute réponse le silence. Est-il possible ! Je suis toujours misérable. Un artichaut & deux quenelles de volaille, les forces s'en vont. Adieu. Adieu.
Corbin Justice
Turgot. Aff. étrangères
Charles Giraud Instruction
Thorigny Intérieur
Casabianca agriculture
Lacrosse travaux publics
Saint-Arnaud la guerre
Fortoul marine
Blondel Finances
Maupas La police.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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37 Dieppe jeudi 15 juillet 1852

Delessert que j’avais chargé de me trouver une maison, m'en a donné une fort commode, sur la rue, un peu loin de tout le monde c’est vrai, mais enfin très bien, seulement je la trouve bien humide et je commence à avoir peur. J’aime mieux les auberges mais il n'y a pas un trou. Il faut donc rester.
J’attends Aggy avec impatience aujourd’hui enfin. Je n’ai pas de nouvelle à vous dire. J’ai écrit à l’Impératrice une longue lettre ce matin. Je puis lui écrire tendrement bien à mon aise. Je lui ai mandé mes observations de Paris, il y a un courrier prussien.

5 heures. Voilà Aggy arrivée. Dieu merci. Bien mauvaise mine, il faut que je raccommode cela. Lord Cowley croit que le parti ministériel aura 300 voix à la chambre, ce n’est pas la majorité, mais c'est un parti très compacte, et dont on pourra toujours tirer de bonnes choses. La grande aigreur est entre les Peelistes & les Derby. Est-il possible ! et Aberdeen en est ! Adieu. Adieu.
Je n’ai rien de plus à ajouter.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Samedi 21 Août 1852

On me dit que M. de Rémusat est retourné chez lui dans sa terre de Laffitte, près de Toulouse. Il n’a donc pas refusé de rentrer. Peut-être aura-t-il écrit une lettre pour constater qu’il n’avait pas demandé à rentrer. Il est fier, et taquin. Je n’ai du reste aucune nouvelle de lui, directe ni indirecte.
Si Mad. Kalerdgi veut venir à Paris, elle a tort de se mettre mal avec les autorités Française et Russe, de Paris ; à moins qu’elle ne soit sûre de réussir à les renverser. Il ne faut pas tenter ces choses-là, et ne pas réussir. Il me paraît que la part de la petite intrigue de société est assez grande dans votre monde diplomatique.
Je lis dans l’Assemblée nationale, un beau récit de la rentrée du jeune Empereur à Vienne. Y a-t-il quelque exagération ? Le succès du voyage en Hongrie et de la rentrée doit faire venir l’eau à la bouche au Président. Je doute que la session des conseils généraux rende tout ce que peut-être on en attend. Personne n'est disposé à prendre grand peine, ni la moindre initiative. On a envie de rester comme on est, rien de moins, rien de plus. L'absence, non seulement involontaire, mais volontaire, de toute prévoyance est le trait du moment.

11 heures
Je n'ai pas de lettre ce matin et rien de plus à vous dire. Adieu donc et continuez de marcher sans vous fatiguer. Il fait ici, un temps affreux. Le mois d'Août nous fait faire pénitence de nos plaisirs du mois de Juillet. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris Vendredi le 27 août 1852

La Consultation de Chomel a abouti à des bains de Vichy, des pilules, d’autres dragées, tout cela parce que j'ai le foie attaqué. Voilà par dessus mes autres maux. Je suis jaune comme une orange. J'ai fermé ma porte hier soir, je me suis couché à 9 h. et j’ai assez dormi. Le ton a subitement changé ici quand on a sû ( ce qu'on ne sait positivement que depuis avant hier ) que Petersbourg avait été comme Berlin le 15 août. On n'en parle plus, c’est mon avenir.
Voici votre lettre. Je reste dans mon lit jusqu’à midi, j’y [?], je déjeune, je lis, enfin je me repose, & rien ne me repose. Je n’ai pas de nouvelle à vous dire du tout. Il ne se passe rien, on ne parle de rien. Du mariage plus du tout. La nouvelle de salon est la mort subite d'Antonin de Noailles. Et hier soir de la musique et un bal chez Mad. de Caraman. Aggy est bien amusée. La nouvelle Duchesse de Hamilton a passé par Paris, elle ne s'y est arrêté que quelques heures. Dans une rencontre fortuite avec un diplomate dans la rue, elle lui a dit que la princesse de Wasa était partit pour la Bohème où elle passera tout l’hiver. Je vous ai dit qu'on pense pour elle à l’Empereur d’Autriche. Le général Haynau est à Paris. Beauvale m’écrit qu’il croit à la durée du ministère. Il me parle bien petitement de notre ami Aberdeen. C’est difficile de disputer. Adieu, adieu.
Votre réponse au Constitutionnel est très clever. Vous raisonnez très bien. Dans tout cela ce qu'il y a de mieux à faire c’est de se taire à droite et à gauche, mais les Français aiment à parler et à ce qu'on parle d'eux, ce qu’ils supportent le moins c’est d’être oubliées. Je généralise, et je parle pour ceux qui peuvent être oubliés.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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9 Paris le 4 juin 1853 Samedi

On savait à Pétersbourg le départ de [Menchikoff]. La lettre qui l'annonce est venue ici 5 jours. Prodige de vitesse. Un courrier est annoncé pour demain. Nous trouvons que Menchikoff a été bien mou !
En Angleterre grande alarme et embarras pour le gouvernement quant aux détails voici la lettre d’Ellice, mais de son côté Cowley me dit que si nous entrons dans les principautés c'est la guerre entre l'Angleterre & la Russie. Je ne crois pas. Heeckeren disait hier soir sur des nouvelles de télégraphe de Vienne que nous avions occupé les principautés. Le petit Nesselrode arrive ici demain de Constantinople par Vienne. Mon salon est impayable. Tous les [diplomates] y sont, & Hubner aussi tous les soirs. Tout le monde agité.
J’ai vu hier Fould, pacifique, triste, & pas amoureux de l'Angleterre.
On repart de [S.] pour le mois de 7bre.
Midi Voilà ma lettre d’Ellice partie pour Chantilly, où L. Cowley passe la journée. Vous ne l'aurez que demain. Ce qu'il me dit de plus curieux c’est que sur une étourderie de Lord John 3 Cabinet ministers allaient quitter à propos d‘une querelle catholique protestante je ne sais quoi. Mais cela pouvait s’arranger encore.
Il dit aussi que Palmerston déblatère contre la Russie & pousse à la guerre tandis que les autres procrastinent. C'est bien là ce qui fait qu’ici on est pour Palmerston contre Aberdeen.
L'agitation diplomatique et bien grande partout. Moi je suis ici la confidente de tout le monde. Entre eux ces messieurs ne se parlent plus, ou très peu. Les Allemands sont dans les perplexités, les plus grandes. Andral ne veut pas que je parte par le mauvais temps. J’attendrai quelques jours, je ne fixe rien encore.
2 heures. Une lettre de Londres. Clarendon est au pied du mur il ne peut plus nous défendre. L’ordre sera parti pour le départ de la flotte. L’Autriche nous fait des remontrances. Si Schwarzenberg vivait il ferait marcher des troupes pour nous empêcher. Voilà ce que dit Londres. Vous voyez que tout est est bien noir. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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11. Paris le 6 juin Lundi 1853

Rien de nouveau. Toute la diplomatie chez moi hier soir pas l'ombre de nouvelles nouvelles. On ne peut connaître qui jeudi le Pétersbourg décisif, la paix ou la guerre. L’attente & l’inquiétude sont énormes ce qui n’empêche pas qu'on n'aie bien ri chez moi hier, Heeckeren faisait les Frais.
2 heures
Grosses nouvelles. L’ordre est donné à la flotte de Malte d’aller aux Dardanelles. La vôtre la joindra. L'Empereur de Russie a dit aux [?] d'Angleterre qu'il insiste sur l’acceptation immédiate & sans condition de l’ultimatum de Menchikoff.. Voilà où nous en sommes venus. Croyez-vous encore à la paix ? Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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12. Paris le 7 juin 1853

Je reste certainement bien troublée des nouvelles que je vous ai données hier. On les tient très secrètes, la Russie s’entend.
Le bavardage est infini. Jamais l’occasion ne fut plus belle. Quelle confusion ! Les Allemands sont très montés aussi contre nous. Hubner surtout, mais il me le dit dans le tuyau de l'oreille. Ma tête s'en va de tout ce que j’entends je suis devenue le confesseur général. On cherche à me retenir, mais il faut que je parte. Que puis-je à tout ceci ? Le Times d’aujourd’hui est catégorique. L’Empereur persiste, la flotte anglaise. part. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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16 Bruxelles Lundi le 13 juin 1853

Adressez vos lettres à Ems ayez soin de mettre par la, Belgique en haut et près de Coblence. Quelle fatigue, mais je vais me reposer un jour. Je suis venu commodément avec Paul et Marion. Je trouve ici Hélène K. Chreptoviz part demain pour la reine. Nous allons ensemble à Cologne. Paul est un charmant compagnon de voyage. Ma dernière journée de Paris a encore été bien occupée & bien employée. Tout ira bien. Nous entrerons. Vous n’entrez pars. On négociera. On aboutira car c'est de vous & le besoin de tous. Nous sommes très contents de vous. Contents d'Aberdeen. Bien contents du roi Léopold.
Menchikoff a été maladroit & Stratford Canning détestable. Mais les cours respectives soutiennent leurs agents. La diplomatie à Paris est dans un [?] énorme, je vais bien leur manquer. Je vous ai dit que j'étais charmée de ma dernière conversation avec Fould. La France se fait & se fera un grand honneur dans cette affaire tant mieux pour elle et pour tout le monde. On a fait beaucoup d'arrestations à Paris des rouges.
Adieu, car je suis prise de tous les côtés. Hier j'étais bien malade, je me sens mieux aujourd’hui. Adieu. Adieu. L’Autriche, nous appuiera.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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35 Schlangenbad jeudi 21 juillet  1853

D'abord ma santé. Elle est comme vous l'avez vue. Ems m'a laissée comme j'étais. Attendons Schlangenbad.
J'ai eu deux longues lettres de C. Greville la dernière du 18. On avait reçu à Pétersbourg, les propositions de la France, et nous en étions contents. On voulait seulement encore l’aboucher avec l’Autriche, mais cela était fait et convenu avec elle entre temps. La proposition anglaise qu'on dit meilleure encore pour nous aura par conséquent été mieux reçu encore. Les projets pleuvent de tous les côtés. La paix ne peut pas manquer de sortir de tout cela. La réponse de Drouin de Lhuys arrivera après coup et ne dérangera rien. Voilà le point de vue de Londres et je le crois exact. Je trouve cette réponse très bien faite, on ne pouvait pas se dispenser de la faire.
Le roi de [Wurtemberg] m’a fait encore hier une longue visite, trop longue, car même avec beaucoup d’esprit Il ne faut pas me tenir trop longtemps. Je ne puis pas le renvoyer comme un autre et voilà que les impolies angoisses me gagnent. Il y a perdu son dîner et moi ma promenade. Nous arrangerons cela mieux à l'avenir. Il sait beaucoup de choses & moi je lui en apprends quelque unes. Le 22 Constantin m’est arrivé hier inopinément. Il a déserté pour deux jours. Les nouvelles sont bonnes. On va à la paix seulement cette avalanche de projets fait de l'embarras. Il faudra donner la préférence à l’un d’entre eux. Votre Empereur est très bien, tout le monde se loue de lui, Cowley aussi bien que Kisseleff. Menchikoff reste à Sébastopol chef apparent de l’armée de mer & de terre, mais au fond en disgrâce. Il voulait renverser Nesselrode. Beaucoup de petites nouvelles curieuses. Le Prince Emile de Darmstadt est venu de Wisbade hier pour me voir. Toujours charmant le plus charmant Prince que je connaisse.
Adieu. Adieu. Je me baigne tous les jours, malgré ce mauvais temps.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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68 Paris le 3 octobre 1853

Marion m’a dit que ses parents désiraient qu’elle passat Noël, avec eux ; j’ai trouvé naturel, j’ai dit tout ce que je m'étais proposé de dire sur mon remord du passé. J’ai été très affectueuse & résignée à cette séparation m'en remettant à elle de l'abréger. C’est tout en moi dont elle parle ! Je n’ai pas capitulé. Je remets à mes amis de faire comprendre que c’est bien long ! Vous y pourrez beaucoup. Il y a du temps jusqu'à l’événement. Merci de vous occuper de Monod. Les affaires se brouillent beaucoup. Je crois qu'il est venu une note austro prussienne adressée à Paris & à Londres. Elle a dû être remise hier. J’ignore encore l'accueil. Ici on ne fera que ce que voudra Londres, et là on est très monté & je crois décidé à la guerre. Les Anglais se croient trompés par nous & veulent se venger. Le pays tout entier est monté sur ce ton. Lansdowne d’abord très doux a changé de manière après avoir appris par Lord Cowley tout ce qui s’était passé.
J'espère encore que L'Empereur ici tâchera d'agir à Londres, il désire la paix vivement, mais il ne se séparera pas de l'Angleterre cela est certain, & si elle veut la guerre il la fera avec elle.
De notre côté nous ne comprenons pas cette nouvelle vivacité anglaise. Nous persistons dans notre dire, nos conditions pour évacuer les Principautés. Nous n’avons pas dit un mot encore des flottes à Constantinople.
Les trois souverains sont réunis à Varsovie, je crois du moins que le roi de Prusse y est allé aussi. L'entente est intime. Les Clauricarde sont venus me voir spontanément. Les anciennes relations très cordiales. ils sont très opposition au Ministère, ce qui fait qu'ils le sont moins à la Russie. Ils repartent pour Londres demain.
Mad. Kalerdgi est arrivée, elle m'explique un peu Pétersbourg. Au fond toute cette affaire est de l’invention de l’Empereur & pas du tout du goût de Nesselrode. C’est ce qui explique la marche boiteuse. Molé, Heeckeren , Noailles, beaucoup de monde hier soir. La rencontre de Kalerdgi & Molé touchante. C'était drôle. Tout le monde agité & croyant à la guerre. Savez-vous qu'une bonne lettre de vous à Lord Aberdeen ferait beaucoup d’effet dans ce moment de ces réflexions générales que vous savez rendre si frappantes. Lui aussi est ébranlé et penche pour la guerre, enfin je vous dis vrai, tout le monde y est en Angleterre & c’est imminent. Ecrivez, je n’ai pas revu Fould depuis la folie de son frère. Morny est de retour depuis hier. Il travaillera à St Cloud. Son Empereur est très sensé et très bon. Tous les autres détestables. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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76. Paris le 19 octobre 1853

Hübner est fort exalté & content. Son gouvernement reste neutre et le proclame, et fort de la promesse formelle que lui a donné l'Empereur Nicolas de respecter l’intégrité de l’Empire ottoman, l’Empereur d’Autriche réduit son armée du quart. Il fait sonner cela très haut. Ceci est la réponse aux soupçons qu’on avait conçus ici de la triple alliance à Varsovie. Cela me touche peu.
Je n’ai pas la moindre nouvelle de Londres, sauf une lettre spirituelle de la G. D. Marie où elle me dit qu’elle trouve nouveau et drôle d'habiter un pays ennemi.
Dumon m’a dit hier soir, que M. Bansky était très inquiet de la reine Amélie. C’est une pleurésie dont elle est atteinte. Marie Mensingue arrive avec la G. D. Stéphanie. Beaucoup de nouveaux diplomates sont priés à Compiègne, mais toujours Kisseleff & Hübner exclus. Est-ce à Broglie ou au Val Richer que je dois vous adresser ma lettre vendredi ? Il fait bien laid ici et froid. Viel Castel est parti pour 3 semaines. Grande perte pour moi. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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86 Paris Mardi le 8 Novembre 1853

Reeve est arrivé à Londres. Très sensé et ayant très bien vu toutes choses. Les Turcs se croyant sûrs qu'on les secourra énergiquement à la dernière heure, ne veulent plus entendre parler d'accommodement et croit que qu'au bout Radcliffe n’est plus écouté. Il n’a pas pu venir avec de la cour. Il se brouillera d'emblée avec Baraguey d'Hilliers. Mon correspondant de Londres a beaucoup de soupçons & on ne comprend rien à la mission de votre nouvel ambassadeur, et au cortège menaçant qui l’accompagne. On ne devine pas l'Empereur, le vôtre. On se tient sur ses gardes tout en vivant bien avec lui.
Voici votre lettre. Je crois à tout ce qu'on vous dit sur Lord Palmerston. Pacha est prié pour le 22. Je ne sais pas ce que veulent dire les répugnances de mon Empereur. Il est très pacifique mais il ne cédera rien sur le fond de ses prétentions. J’ai passé hier ma soirée en tête à tête avec Fould. Je n’avais absolument personne. Il a l’air fart tranquile, tout ce monde, le maître inclus, est content de sa situation et n’espère qu’à la faire durer.
Il n’y a pas de nouvelle du théâtre de la guerre. Si elle traîne comme les négociations il y a de quoi s’endormir. Hübner va à Fontainebleau le 14, jusqu'au 18. Kisseleff le 18 jusqu'au 22. [?] Pacha est prié pour le 22. Adieu. Adieu.
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