Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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316 Paris Mardi 26 février 1840
Midi
 
Voici ma pauvre journée hier. Le Bois de Boulogne, seule, Lady Granville et Mme Appony de 4 à 6. Le soir M. de Noailles, Bacourt, quelques autres. La combinaison Thiers et Doctrinaires étaient l’ordre du jour.

[[Je n’ai point vu paraître Génie pour le confirmer ou le démentir. Je [me ravis] d’un rien. Il me semble presque que je ne m’intéresse à rien. Je suis si triste ! J’ai passé une mauvaise nuit. J’ai pensé que vous aussi, bien froid ces routes. à 6 heures je  vous verrai arrivé à Calais, car je doute que vous y soyez avant. Vous y trouverez une lettre.]] Lady Granville a été bien bonne et bien caressante pour moi hier, plus que de coutume. Son mari est toujours fort préoccupé de la crise. Il est arrivé quelque chose de très ridicule tandis que j’étais chez eux. Madame Sébastiani s’était fait annoncer une demi-heure avant, on l’attendait. Lorsqu’elle su que j’y étais, elle n’a pas voulu entrer. Ah pour le coup, c’est trop fort ? Et moi qui voulais innocemment lui aller faire visite pour apprendre des détails sur la noce ! [[Ne parlez pas de cela pas plus que je n’en parlerai. Vous concevez bien que je l’ignore. Il fait froid. Je ne sortirai pas tard.

2 heures Appony sort de chez moi, il est parfaitement convaincu que l’entrevue que le roi doit avoir ce matin avec Thiers n’aboutira à rien absolument, [acquis] avant la fin de la semaine l’ancien ministre sera rétabli. M. Molé est de cette opinion aussi. [Comte Mathieu Molé].
Vous êtes à Douvres. Vous en êtes déjà parti. Comme je pense à tout, à tout. Et vous, vous pensez à moi en traversant ce riant pays, en regardant ces cottages que j’ai tant regardés [l’année 37] ! [[Je me trompe fort, où vous aimez beaucoup l’Angleterre, et vous n’aimez pas beaucoup Londres. ]]

Il a fait trop froid pour me promener hier. J’ai passé une grande heure chez Lady Granville. Mme Sébastiani en sortait. Il y avait eu une scène très vive à mon sujet, qui a fini par des pleurs de l’ex-ambassadrice et amende honorable. Vous ne pourriez concevoir toutes les pauvretés qu’elle a dites. « On m’appelle à Londres, le chef de la coalition. J’ai remué ciel et terre pour vous y faire aller. » (Moi, la seule victime de ce départ !) Lady Granville s’est fâchée et a dit tout ce qu’il fallait dire. Au surplus tout cela ne fait rien ; ce serait trop bête de m’en fâcher. [[Pardonnez moi ma mauvaise plume. Je me punis par avance après un dîner solitaire j’ai reçu une troupe de joueur de Whist que Lady Granville m’a envoyée. Cela m’a diverti et pas trop pendant un quart d’heure après quoi je suis allée causer avec le duc de Noailles, messieurs d’a et de Castellane. Le premier exhorte ton [4 mots] il m’a parlé longuement et avec chagrin de la situation, il voudrait en sortir, il voudrait être [ ? ], parler agir travailler pour la monarchie sans s’inquiéter pour le [ ?] du monarque. Voilà le programme en gros.

Midi]]
Le vent était à Thiers hier et il y a des innocents qui y croient [[Je suppose qu’on croira autre chose aujourd’hui. Point de Génie encore. Cela ressemble beaucoup au [ ?2­]

1 ½
Je viens de faire ma toilette, je reviens à vous. Mes lettres vous accueilleront. Je n’aurai rien à vous dire sans vous c’est temps perdu [ ? 2] et prendre les nouvelles. Qu’est-ce qui me reste ?
Le soleil est superbe ; mon appartement est bien gai, et je suis bien triste.­]]

Adieu, je vais remettre ceci moi-même aux affaires étrangères [[et j’irai au bois de Boulogne, et puis quelques visites, et puis et puis toujours de la solitude, toujours de l’ennui, toujours de la tristesse, toujours de l’[ ?] adieu, adieu.]]

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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317. Paris, vendredi 28 février 1840, midi

Votre lettre de Calais m’a fait tant de plaisir ! Comme vous avez été vite ! Vous voilà donc vraiment à Londres. Votre chambre à coucher donne-t-elle sur le square ou le jardin ? Vous devriez prendre le square, l’air doit y être meilleur. Comment supportez-vous l’odeur de Londres ? J’ai mille et une question à vous faire ; mais vous me direz tout. J’ai eu longtemps hier matin les Granville et les Appony. En fait de nouvelles ici, ni les uns ni les autres ne savaient la moindre chose. Mais l’un attendait patiemment le dénouement, et l’autre, avec une grande horreur de Thiers, et une presque certitude de retourner au Marechal.

Je ne me suis point promenée il faisait trop froid, je n’ai pas fait d’autres visites, j’ai manqué celle de Mad. Sébastiani dont j’ai trouvé la carte en rentrant ; je vous dis cela comme suite à ce que je vous mandais dans mon dernier n°. J’ai dîné à 6 heures seule, et je suis allée à l’opéra où j’avais donné rendez-vous à M. Molé et le duc de Noailles. Le dernier est venu et Lord Grainville nous avons entendu Mozart [ ? ] Les noces de Figaro mais charmant, chanté à ravir. Cela m’a plu j’y retournerai. Medem, [ ? ] et d’autres étaient venus chez moi. Je suis fâchée d’avoir manqué Médem. [Comte Paul] Je vous raconte tout et cela fait peu de choses. Je dus à Paris ce matin chez M. Jaubert, comme de raison j’ai été très effrayée.

2 heures
Je vais dîner et passer la soirée chez Lady Granville. En attendant l’émeute dans les rues, on s’occupe beaucoup d’une émeute chez Thorn, à une répétition où Mme de Ségur a presque boxé avec Rodolph Appony, Directeur du bal costumé qui aura lieu lundi. Décidément Génie n’a pas reçu d’instructions claires, ou il n’y veut pas obéir. Je n’entends pas parler de lui, d’après cela je vous conseille de ne point vous adresser vos lettres. On me dit que vos amis sont très hostiles contre moi ; qu’est-ce que je leur ai fait ?

5 heures
J’ai vu Appony chez moi ; il venait de chez le Maréchal. L’impression qu’il en remporte est qu’il restera ministre. Dans ma tournée des visites j’en ai fait une  à Mad. de la Redorte. Thiers y est venu . Il verra le Roi demain, « il n’est point encore chargé de faire un Ministère. C’est demain que le mot sera dit ou pas dit. Son ministère est tout prêt. Ce sera original de voir renaître le 11 octobre, mais séparé par la mer.» Voilà ce que j’ai recueilli dans un langage un peu embrouillé. Il fait excessivement froid. Il me semble que vous dinez demain chez Lord Palmerston ou au moins que vous y serez ce soir.
Dimanche vous dînerez chez Lord Holland ? [ ?]

Samedi 29 à 11heures.
Un petit billet d’Henriette m’annonce que vous êtes arrivé à Londres, et que vous n’avez pas souffert du mal de mer. Lord Grainville me disait hier à dîner que selon des nouvelles sûres venues du Château, c’est Thiers qui serait nommé président et ministre des aff. etr. Il le croyait parfaitement, les autres diplomates en doute. Ils ont foi en la mine sereine du Maréchal. On dit que nous verrons aujourd’hui. Il me semble que si c’est Thiers qui gouverne, quand même il y aurait une petite infusion de petits doctrinaires, comme c’est sur la gauche qu’il aurait à s’appuyer, vous ne pourriez pas rester à Londres. Tout l’intérêt de la crise ministérielle pour moi, est là.
Ce soir il y avait [ ?] et [ ? ]. Évidemment Médem serait charmé que le Maréchal n’y fut plus. Il ne voit pas un grand inconvénient à Thiers. Appony et [ ? ] y verraient la guerre. Il n’y a point de nouvelles du dehors, que je sache. Je vous prie de me mander beaucoup de choses. Racontez-moi [ ?], dites-moi tout ce qu’aurait sinon dit Génie, et une autre fois ne vous fier à des Génies. Moi je m’y fiais puisque vous me le disiez - mais il [faut­­] que j’apprenne à ne pas croire à tout ce que vous me dîtes. Je vous ai dot que j’étais rancunière et je vous le prouve. Cela n’empêche pas autre chose.
M. Molé est venu me chercher hier, mais je n’y étais pas.

1 heure. Enfin Génie est venu. Je lui fais amende honorable dans ma lettre. Il n’a voulu venir qu’avec quelque chose. Et bien, il a pris quelque chose de bizarre ! Il m’a raconté tout ce qu’il ne vous écris. Je n’ai rien à changer à ce que je trouve sur une 2ème page, mais à [ ? ]. C’est un moment important pour vous, prenez-y bien garde, votre parti se divise ; les braves gens iront au bon drapeau car c’est à la gauche  que tout cela tire. Vous qui avez toujours combattu la gauche vous resterez avec les braves gens. Vous ne les avez quittés qu’un moment, qu’une erreur, une faiblesse, une distraction, comme vous voudrez ; voilà ce qu’a été l’hiver dernier ; c’est le moment de réparer. Et vous ne pouvez pas rester neutre. Vous êtes un Ambassadeur des plus extraordinaires. Vous êtes le seul Français qui soit appelé à suivre la méthode anglaise. Les autres peuvent rester quand même. Vous ne le pouvez pas.
 
Savez-vous pourquoi je vous dis tant ? C’est que vous êtes faible pour vos amis !
Adieu. Adieu. J’attends vos lettres avec une si vive impatience !

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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317 Londres Vendredi 28 février 1840, 9 heures

Je me lève. Je suis arrivé hier à 5 heures un quart. J’ai mis un peu plus de huit heures de Douvres à Londres par un beau soleil froid qui est entré avec moi dans le brouillard de la ville et s’y est éteint tout à coup. J’espère que je n’en ferai pas autant.

La Londres que j’ai traversée m’a paru plus belle que je ne m’y attendais, les maisons moins petites, l’aspect plus monumental. Mais quelle monotonie grise ! C’est du jour sans lumière.

En débarquant à Douvres, j’ai trouvé l’Angleterre différente, très différente de la France, pays, villes, personnes, rues, tout. Après deux heures de voyage, l’impression avait disparu, je me trouvais chez moi. Au fond, c’est la même civilisation, et les ressemblances surpassent les différences.

Hertford-House est très beau, le rez-de-chaussée surtout. Le premier étage est mal meublé. J’y suis établi dans une bonne chambre sur la cour, au dessus du salon qui précède mon cabinet du rez-de-chaussée et dont on a fait une petite salle à manger. J’ai bien dormi. Mais la maison est vide, la ville est vide, le pays est vide. Rien ne les remplira.

Je verrai lord Palmerston chez lui à Carlton-Terrace, ce matin, à une heure. Il est possible que la reine me donne dès demain mon audience.
Lady Palmerston est la première personne que j’ai rencontrée dans Londres. Sa voiture a passé à côté de la mienne. Nous nous sommes regardés. Elle ne m’a pas reconnu, mais moi elle et le chancelier de l’ambassade que j’avais avec moi, me l’a nommée à l’instant. J’irai demain soir à son samedi.
 
2 heures et demie
 
Je viens de chez Lord Palmerston. La Reine me recevra, à ce qu’il paraît, demain. Point de discours. M. de Talleyrand en a fait un. Le général Sébastiani point. On aime mieux que je n’en fasse point. On m’a très bien reçu. J’ai été de la chez lord Landsdowne et lord Melbourne que je n‘ai pas trouvés.
 
Les bals de la Reine vont commencer. Lundi prochain, une petite soirée dansante. Le Prince Albert a décidément du succès. La Reine a été très bien reçue, il y a trois jours à Drury lane.
M. de Bülow arrive demain.

Ellice est venu en mon absence. J’y ai regret. Alava m’a écrit  de grand matin, désolé de ne pouvoir venir à la place de son billet. Il est cloué dans son fauteuil par un lumbago. Je viens de parcourir tout le beau quartier. Tout est petit et l’ensemble est grand, très grand. Une chose me choque, c’est la manie des ornements dans toutes ces petites maisons. Je n’ai vu nulle part tant de colonnes, de colonnettes, de figurines, d’enjolivement de toute espèce. Ce qui est charmant et point exagéré du tout dans votre dire, c’est la propreté ou pour mieux dire l’éclat des carreaux de vitre, des portes de tout ce qui paraît. À  ce degré la propreté devient de l’élégance qui donne bonne opinion des gens et se passe de bon goût.

Voilà une invitation qui m’arrive de lord et lady Palmerston à dîner pour demain samedi, avec de duc de Sussex.
Seriez-vous assez bonne pour faire venir le petit [luc] dont je n’ai pas l’adresse, et l’engager à porter chez ma mère, s’il en a encore au même prix, ou à peu près, un service de [nappage] de Saxe pour 24 couverts pareil au premier, et deux ou trois services, moins beaux pour 12 couverts. Je vois que je ne trouverai rien ici à si bon marché ; et je crois me rappeler qu’il a dit à ma mère qu’il en avait encore.

Ma maison est fort loin d’être montée. Je suffis aux premières nécessités. Ce sera cher, même resserré dans le simple convenable. Je veux dire le premier établissement ; je ne sais pas encore ce que sera le service courant ; mais j’entrevois qu’il n’aura rien d’excessif.

Le vote d’hier soir préoccupe un peu mais plus de préoccupation que de conséquences. Je n’ai encore rencontré personne qui pensât sérieusement à la possibilité d’une autre administration. 
Je vous parle bien à tors et à travers, de tout pêle mêle et sans rien dire. J’ai sur l’esprit comme sur le cœur le poids de cet Océan qui nous sépare. Mes lettres de ce matin me disent qu’il n’y a toujours rien. Quand en aurai-je de vous ? Demain, j’espère. Adieu. Dites-moi tout ce qui vous occupe ou vous ennuie. Je voudrais vous suivre dans toutes vos heures. Triste, triste effort.
Adieu. Adieu. G.

P.S. Le fils de M. de Nesselrode vient d’arriver en courrier de St Pétersbourg.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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318. Paris, le 1er mars 1840, dimanche

10 heures

Après avoir fermé ma lettre hier, je suis allée chez votre mère. Le cœur m’a battu en entrant. Elle m’a reçue avec bonté. Vous ne sauriez croire comme elle me plaît. C’est un visage si serein, un regard si intelligent et si doux, et même gai.

 Je l’ai beaucoup regardée. Quand je ne la regardais pas, il me semble qu’elle me regardait aussi. Le Duc de Broglie y était, et y est resté. Il a parlé de la situation tout le temps. Pourquoi le Duc de Broglie a-t-il cet air moqueur et désobligeant ? Je conçois qu’il ne plaise pas. Moi, je l’aime assez malgré cela, et malgré autre chose que je déteste et que j’ai découvert en lui hier. Il a commencé par dire qu’il ne savait absolument rien ; que depuis trois jours il n’avait vu personne du tout ; et puis il nous a raconté son entretien avec le Roi, la veille, et un long entretien avec Thiers le soir, et puis, et puis, tout ce qui se passe. Pourquoi commencer par mentir ? Vous savez l’horreur que j’ai de cela. Si jamais je commence, moi, je continuerai. Mais il me semble que je suis trop fière pour commencer. Les Français ont décidément l’habitude du mensonge ;  je ne connais pas d’Anglais dans lequel j’aie surpris ce défaut. Voyez bien et vous trouverez si je dis vrai!

 Mais je reviens à la rue de la Ville-l’Evêque. Vos enfants ont couru à ma rencontre dans la cour, cela m’a fait plaisir. Ils ont une mine excellente, surtout Henriette. J’ai demandé à votre mère de me les envoyer ce matin pour voir passer le bœuf gras, elle ne le veut pas à cause de leur deuil. Votre mère a été bien polie et affectueuse pour moi.

Delà je fus chez Lady Granville qui est bien malade ; elle n’avait pas dîné ni assisté à la soirée la veille. Nous avons causé pendant une heure, elle et son mari, du nouveau ministère, de votre situation ; il ne sait trop qu’en dire. Moi, je ne me permets pas d’avoir une opinion devant les autres ; j’attends que vous ayez pris votre parti.

J’ai été rendre visite à Mad. Sebastiani sans la trouver. De là chez les Appony qui sont consternés. Appony ne conçoit pas le Roi, et il ajoute qu’il n’aura certainement aucune affaire à traiter avec Thiers, et qu’il entre en conséquence en vacances.

J’ai dîné seule. Le soir la diplomatie est venue. Granville croyait savoir que la nomination du ministère avait été mal accueillie à la Chambre. Médem est enchanté de n’avoir plus Soult et d’avoir Thiers. Il est tout remonté. Brignoles n’a pas d’opinion.

Quand aurai-je mes lettres ? à propos notre correspondance ! Cela ne sera plus très commode. Cela prouve bien votre situation naturelle vis-à-vis de ce ministère.

Bulwer est très malade, je ne puis pas le voir. Il m’écrit ce matin ce matin & me dit qu’Odillon Barot est très piqué contre Thiers qui ne l’aurait pas même consulté pendant la crise. Cela n’est pas trop d’accord avec d’autres avis.

Midi

Génie sort d’ici, il a un peu ébranlé mes opinions d’hier, par les récits qu’il m’a faits de ses entretiens avec vos amis. Il faut attendre ; mais si on tire à gauche, revenir sur le champ : voilà ce qui me paraît ressortir des avis les plus sages. En attendant, la puissance de Thiers me paraît établie dans tous les départements du Ministère.

J’attends votre lettre , car on me dit qu’il y a un gros paquet au bureau de l’hôtel des Capucines.

1 heure

La lettre n’arrive pas. La voilà. Je vous en remercie.

Lundi 2 mars, I heure

Je ne sais pas trop comment vous envoyer cette lettre. Cependant, jusqu’à nouvel avis, je ferai comme vous me l’avez indiqué. Lundi et jeudi au bureau des Affaires étrangères et samedi par la poste.

J’ai été voir hier les trois malades, la petite Princesse, Lady Granville & Mad. Appony. Même fureur chez ceux-ci. Il veut aller au château ce soir.

J’ai eu à dîner M. de Pogenpohl. Ah! mon Dieu, Dimanche passé c’était autre chose! Le soir j’ai été faire visite à Mad. de Castellane; mais quoique j’aie tenu bon jusqu’à onze heures, M. Molé n’y est pas venu, je le regrette. Mad. de Castellane est fort opposition. En bonne catholique, elle a une sainte terreur de M. Vivien. Outre ces faits là, je n’ai rien relevé dans sa conversation.

Lord Palmerston mande à Lord Granville que dimanche il devait avoir un long entretien avec vous. Vous voilà lancé dans les affaires, les dîners et les fêtes. Je crains que, pour commencer, le Duc de Sussex ne vous ait fait longtemps rester à table. Je vois tout cela, et un peu tout ce que vous en pensez. Votre première impression de Londres m’a divertie. Elle est vraie; je n’oublierai pas vos colonnettes et vos figurines.

J’ai fait venir mon petit brigand et l’ai envoyé chez votre mère avec des nappes de Saxe. Elle choisira ; il a tout ce que vous demandez. Les services ordinaires pour 12 personnes, étonnamment bon marché, 129 francs.

Je n’ai de lettres de personne.

Le temps est  toujours brillant et froid. Ceci ne me plait pas ? Je crains la grippe des ambassadeurs. Je ne marche pas.Adieu, il me semble que je vous ai tout dit, tout ce que peut porter une lettre. J’aurais mieux dit à la chaise verte. Ah! que cette chambre est vide! Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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338. Paris Lundi 6 avril 1840,
9 heures

J’avais oublié de vous dire que samedi 4 j’ai été chez mes pauvres. Eh bien, là même, mon guignon me poursuit. Je m’étais attachée à eux, à ces quatre petits enfants. La mère vient à moi bien joyeuse me dire qu’elle part elle et tous les enfants après demain pour l’amérique. Je ne puis pas me chagriner de ce qu’elle regarde comme un bouheur, mais moi, je perds encore cet intérêt au moment où je commençais à m’y attacher. Et voilà comment tout m’échappe. Je vous ai écrit hier, je ne dérange pas pour cela notre ordre établi. M. de Pogenpohl est venu me voir un moment avant ma sortie. Je ne me suis point promenée, le vent était très aigre. Je suis allée chez Mad. de Talleyrand qui m’avait mandé qu’elle était malade dans son lit. J’y ai trouvé ses enfants. Elle me demande si je suis d’un diner chez la Redorte et si je sais qui y dîne. Je dis : "Mad. la duchesse de Talleyrand et M. Thiers. " "M. Thiers !!!! est-il possible êtes-vous bien sûre ? Comment ? M. Thiers, me faire rencontrer Mr Thiers mais c’est trop fort. " Enfin toute la comédie. Comme elle a vu à mon regard que je ne croyais ni à son étonnement ni à son désespoir, elle m’a confié après les enfants partis, qu’elle le savait en effet ; mais qu’on ne l’en avait prevenue qu’après lui avoir fait prendre l’engagement d’y venir. J’ai dit : "Mais c’est bien perfide ou bien sot à votre amie Mad. d’Albufera.
- Mais oui, elle est une sotte. Cependant que voulez vous ? Faire un éclat maintenant, n’y pas aller mais ce serait me brouiller avec Thiers.
- J’ai cru que vous l’étiez depuis deux ans ?
- C’est vrai nous ne nous sommes plus vus depuis la mort de M. de Talleyrand. Mais la Duchesse d’Albufera m’a dit
que vraiment maintenant qu’il est un homme si important. Elle trouvait qu’il valait beaucoup mieux que je saisisse une occasion de me rapprocher de lui. Que lui d’ailleurs le désire vivement. Il a demandé à M. de Bacourt de mes nouvelles enfin il fait toutes les avances & & "
Je ne puis pas continuer. C’est trop shabby, trop pitoyable. Au bout de tout cela, elle me supplie de ne pas parler de ce dîner, de n’en pas faire une plaisanterie de salon. Je lui ai répondu que comme il devait se faire, comme on le saurait, comme on savait le brouille depuis deux ans elle devait se résigner à apprendre qu’on en riât, sans que je m’en mêle. Elle me dit : " Après tout, je puis être malade. je puis être dans mon lit? Je l’ai regardée en riant, et je lui ai dit: "Non ma chère duchesse, vous ne serez pas malade."
Enfin je ne lui ai pas laissé la plus légère espérance de m’avoir donné le change après cela, elle me confia qu’après
son retour d’Allemagne à Paris, elle ira passer l’hiver en Italie, et elle me propose voyage et aménagement commun avec elle l Bien obligée, rien de commun, avec Mad. de Talleyrand. Je vous ai conté longuement cette pauvreté.
J’ai eu à dîner hier la Princesse Wolkowsy pour la dernière fois car elle part pour la Suisse. J’ai été ensuite chez les Appony qui m’avaient beaucoup prié de venir à la suite d’un dîner intime qu’ils donnaient à Thiers, l’idée de lui donner un dîner intime. J’avais dit, mais donnez donc grand dîner officiel, c’est bien plus convenable et commode : [de vibur est loflet éutd]. Vraiment ce sont de droles d’Ambassadeurs
et bien donc voilà, M. & Mad. Thiers, Mad. Caramau, les Brignoles, [Rumpf], Médem, la petite Princesse Solkovitz. Médem s’était échappé. J’ai trouvé la société endormie. Thiers s’est réveillé, il est venu s’établir auprès de moi. Il m’a raconté l’Angleterre, à Naples. Il n’en revient pas. La menace sous huit jours que Stopford s’y présente avec la flotte, c’est bien fort. Nous avons encore parlé Orient, toujours dans le même sens. Il n’y a pas moyen de faire des variantes la dessus, vous ne pouvez pas. D’où vient qu’on ne veut pas comprendre cela à Londres. Il m’a parlé de vous, de tout son contetement. Il va vous envoyer le grand cordon de la légion d’honneur je lui ai trouvé l’air triste. Les convives ensuite m’ont dit, qu’il l’avait été excessivement à dîner. A propos de lui, Mad. de Talleyrand m’a dit qu’elle tenait de M. Cousin le récit de ce qui s’est passé au conseil chez le Roi Mercredi dernier au sujet du départ de M. le duc d’Orléaans. Thiers ne voulait pas qu’il partit ; le Roi soutenait le contraire; et Thiers aurait été si dur et si impérieux et si insolent, que deux Ministres ont eu pitié du Roi, et s’étant rangé de son avis le départ a été arrêté. Cousin était l’un des ministres.
Autre anecdote.
Le Maréchal va assez souvent chez le roi. Thiers en a demandé raison au roi, et le roi aurait nié les visites. Voilà, de Mad. Talleyrand, après Appony, j’ai été chez Lady Granville et après elle [chez] Castellane. M. Molé a vraiment l’air bien déconfit. C’est même drôle. Il m’a demandé si vous voyiez M. de Brünnnow, j’ai dit que je n’en savais rien. Ah, je reviens à Thiers ; sur l’Orient il me dit : " Si on nous pousse à l’isolement, eh bien nous ferons."  J’ai dit : " Comme disait Cousin ? "
"Oui, il faudra bien, mais avec la différence que cela sera tout naturel, et sans le proclamer! "
- Le fait sans la menace ?
- C’est cela. "
Brignoles a été chez le Roi avant hier. Il l’a trouvé excessivement accablé, triste disant : "Vous le voyez je ne suis plus rien, rien du tout." Un ambassadeur là eut l’air bien abatu. Je vous écris énormement ne trouvez vous pas ? Je vous raconte les autres ; si je vous racontais moi ce qui se passe en moi, dans mon cœur, je serais bien plus longue.
Je suis à Londres sans cesse, je n’ai pas cru que j’y serais tant. On ne se connait jamais tout-à-fait.
Adieu, j’attends une lettre. J’attends aussi Verity, je vous l’ai dit, je ne suis pas bien. Ecrivez-moi de douces lettres, cela me vaudra, encore mieux que Verity.
Votre déjeuner de cuisine me parait un peu fort, et quand viendront les grands dîners ce sera bien autre chose. Pourquoi donnez-vous d’emblée un dîner aux Cambridge, avez-vous dîné chez eux ? Je ne me rapelle pas. Les Londonderry ne me paraissent pas devoir y figurer, ce serait bien plus que d’aller chez eux à un bal et puisque vous ne croyez pas devoir faire cela comment les inviter chez vous à dîner, cela est trop fort. Il me semble que vous n’êtes pas encore assez orienté sur la valeur morale d’un diner en Angleterre. Et savez-vous qu’en général il faut une longue pratique de ce pays pour se retrouver dans toutes les nuances des usages, des personnes, apprécier toute la portée et les conséquences de choses qui paraissent très peu importantes au premier coup d’oeil. Je vous aurais été utile pour cela ; Je voudrais bien que vous [m’usiez] à mieux de l’être d’ici ; et c’est facile, quatre jours pour question et réponse. Vous vouliez le faire, vous avez oublié.
Adieu. Adieu, une quantité de fois.
Fini à l’heure. La lettre n’est pas venue.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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340. Londres Samedi 11 avril 1840
8 heures

Je me lève de bonne heure. Il fait du soleil, ce que les Anglais appellent un beau soleil, blanc et pâle. Lord Mahon me contait hier soir qu’une femme, peu savante voulant lier conversation avec le dernier Ambassadeur Persan et croyant les Persans toujours de la religion de Zoroastre lui avait parlé du culte qu’ils rendaient au soleil. " C’est ce que vous feriez aussi, Madame Si vous le voyiez. "
Je fais comme les Anglais ; j’appelle cela du soleil, et je m’en rejouis ce matin pour ma course à Kensington, car c’est à Kensington que demeure M. Senior et que je vais déjeuner avec l’archevêque de Dublin.
On s’attendait, pour lundi, à une scène curieuse de l’archevêque de Dublin. Il devait parler à la Chambre des lords sur la question des Clergy-reserves au Canada, contre l’archevêque de Cantorbery et l’Evêque d’Exeter, et très vivement.
« Je ne suis pas sûr me disait Lord Holland, qu’il ne dise pas qu’il ne sait point de bonne raison pour qu’il y ait à la chambre haute un banc des Evêques." Mais il ne parlera pas. Tout ce débat va tomber. L’attorney général a découvert que c’était une question-of law à décider par les juges, non par le Parlement.
Je dinerai aujourd’hui, chez l’évêque de Londres, avec je ne sais combien d’évêques. Il m’en a déjà annoncé deux. Et il m’a demande d’aller un dimanche avec lui dans sa voiture assister à l’office solennel de St Paul. L’église veut prendre possession de moi. Malgré son intolérance ; elle est quelquefois de bonne composition. Avant-hier, chez M. Hallam dinaient avec moi d’une part, l’évêque de Londres et M. Gladstone, le champion le plus ardent de l’Eglise dans les communes de l’autre M. Grote, le plus obstiné radical. Il étaient très bien ensemble.
Il n’est pas le moins du monde question de la translation du corps de Napoléon en France. M. Molé me paraît peu au courant des Affaires étrangères. Car ici je ne vois pas pourquoi il mentirait. Du reste je ne suis pas surpris qu’il soit peu au courant. On ne l’aimait pas du tout dans le département, et parmi les gens qui y restent toujours, je n’en sais aucun qui prenne soin de l’instruire.
L’Angleterre a fait le geste pour Naples ; à l’heure qu’il est, l’amiral Stopford doit avoir saisi des bâtimens napolitains et les avoir envoyés à Malte où ils resteront en dépôt jusqu’à l’arrangement. Lord Palmerston est pourtant un peu préoccupé des conséquences possibles du coup. Nous nous emploierons à les prévenir et à amener un accommodement.
J’ai été hier soir un moment chez Lady Jersey ; un petit rout. J’ai causé avec Lady Wilton. Vous avez raison. Elle a de l’esprit. Lady Jersey fait les honneurs de la beauté de ses filles d’une façon vraiment plaisante, comme un marchand d’esclaves.
Au drawing-room, elle n’avait point la robe de Mad. Appony, mais une robe qu’elle a prise à Londres et qu’elle a absolument voulu me faire trouver belle.
3 heures
Je comptais sur une lettre aujourd’hui. Pourquoi ne l’ai-je pas ? J’ai cru jusqu’à présent que vous me l’aviez adressee chez mon banquier qui me les envoie toujours plus tard. Mais il commence à être trop tard. Ecrivez moi sous le couvert de mon banguier moins souvent que sous les autres. Ce n’est pas plus sûr et c’est plus long. Aurai-je au moins une lettre demain Dimanche ? Je me crois bien sur de vous avoir dit que le dimanche même on distribuait les lettres du corps diplomatique vers 1 heure. Vous pouvez donc m’écrire aussi pour le dimanche quand vous le voudrez seulement sous mon propre couvert. Une fois par semaine cela se peut très bien.
Voilà le n°340 que vous avez intitulé 330. Je suis bien aise que vous vous trompez quelquefois. Il m’arrive en effet par mon banquier. Vous voyez que ce n’est pas le plus prompt. Je l’aime bien, car je ne l’espérais plus. Je ne l’aime pourtant pas autant que le 339. Voulez-vous que je vous dise pourquoi ? Comme vous m’aviez écrit deux jours de suites vous pensiez que j’en aurais fait autant et vous avez eu jeudi un petit mécompte de n’avoir pas une lettre de moi écrite mardi, n’est-ce pas vrai ? Pourquoi ne pas me le dire ? Vous me reprochez de vous tromper. Je vous reproche de me cacher. J’ai plus raison que vous.
Je compte faire venir ma mère et mes enfants au mois de Juin mais pourvu que je puisse les ramener avec moi en France au commencement d’Octobre. Je n’ai pas le moindre doute à cet égard. Il faut absolument, pour mes affaires économiques et quand je n’aurais nul autre motif, que j’aille passer à Paris quatre ou cinq mois du commencement d’octobre au milieu de Février. Cela est convenu avec le Roi, le Cabinet, ma famille tout le monde. Je ne doute pas et personne ne doute, amis, médecin & que je ne puisse ramener ma mère et mes  enfants dans les premiers jours d’octobre sans le moindre inconvénient. Et probablement au mois de Février, quand je reviendrais ici, je les laisserais encore à Paris jusqu’au mois de Juin. Je ne me soucie pas de leur faire passer des mois d’hiver à Londres. Je crains un peu pour ma mère, le charbon dans sa chambre. Elle est disposée à des mouvements vers le cerveau, à des lourdeurs de tête. Elle sera fort bien ici dans la belle saison. L’hiver je ne sais pas. Je suis persuadé que la traversée sera peu de chose pour elle. Mon médecin l’accompagnera. Je ne prévois point de difficulté, ni d’inconvénient à cette venue en juin et à ce retour en octobre ; du moins pour la première fois, nous verrons ensuite.
J’ai renoncé, bien contre mon goût et mon naturel, à la prétention de tout régler d’avance et pour longtemps. Mais pour ceci et dans les limites que je vous dis c’est parfaitement décidé. Il n’y a donc rien là, absolument rien qui dérange nos projets ni qui puisse nous causer aucun mécompte. Tenez pour certain que sauf les plus grandes affaires du monde ce qui ne se peut pas à Londres à cette époque.
Je serai à Paris d’octobre en Février avec ma mère et mes enfants. Il faudrait donc que je ne les fisse pas venir du tout d’ici là ce qui leur serait et à moi aussi un vif chagrin. Ils viendront donc en Juin, Notre seul dérangement portera, sur nos visites, de châteaux qui en seront, nullement supprimées mais un peu abrégées. Ces visites-là seront pour moi une convenance et presque une affaire. Ma mère le sait déjà et en est parfaitement d’accord. Je ne la laisserai pas seule à Londres. Mlle Chabaud viendra l’y voir au mois d’aout. Je ferai donc des visites, nos visites seulement un peu plus courtes. Il faut bien quelques sacrifices. Je voudrais bien sur cela, n’en faire aucun.
Que signifie cette phrase : "Je ne veux pas que votre première pensée soit pour moi "? Si vous parlez de mes devoirs, de mes premiers devoirs vous avez raison. Est-ce là tout ? Dites-moi. Et puis dites-moi aussi que vous vous associez à mes devoirs, et que vous m’en voudriez de ne pas les remplir parfaitement.
Répondez-moi exactement sur tout cela. Vous ne répondez pas toujours. Et soyez sure que je n’essaierai plus jamais de vous tromper même pour vous épargner un chagrin, même quand j’espérais réussir. Je commence à vous aimer trop pour cela.
J’ai été au Zoological garden avec toute mon ambassade qui m’y a mené. J’aurais mieux aimé y aller seul. Ne me dites pas que vous n’y retournerez jamais avec moi.
Ne vous ai-je pas dit que Brünnow était venu me voir mardi ? Je lui ai rendu hier sa visite. Nous nous parlons de fort bonne grâce. C’est fini.
Je viens de chez Lady Palmerston. J’y ai été à pied. Il me faut une demi-heure. Je l’ai amusée de la reconciliation de Mad. de Talleyrand avec Thiers et de la robe de Lady Jersey. Elle ne les aime ni l’une ni l’autre. Elle est charmée du dernier succès de son mari.
Mon archevêque de Dublin est étrange, le plus dégingandé, le plus distrait le plus familier, le plus ahuri, le plus impoli et à ce qu’on dit le meilleur des hommes. Il en a l’air.
Adieu. J’ai encore deux lettres à écrire et quelques visites à faire. Adieu. Adieu. Commeil y a trois mois comme dans deux mois

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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354. Londres, Mercredi 29 avril 1840
9 heures

Le petit comité de Holland house s’est transformé hier en 14 ou 15 personnes. Toujours au grand déplaisir de Lady Holland dit-elle ! Elle continue de me soigner comme un enfant favori. J’avais Lord Melbourne et Lord John Russell. Nous avons causé. La conversation est difficile avec Lord John ; elle est très courte. Je vois que M. de Metternich est extrêmement préoccupé de Naples de notre médiation autant que de ce qui a fait notre médiation. L’Angleterre et la France sont bien remuantes. Il n’y aura jamais de repos, en Europe tant qu’elles y seront. En sortant de Holland house, j’ai été un moment chez Lady Tankerville. Elle avait déjà vu Lady Palmerston arrivée à 5 heures. Leur intimité est grande. Elle croit au mariage de Lord Leveson et de lady Acton. En savez-vous quelque chose ?
La mort de Lady Burlington afflige bien du monde. On dit que la Duchesse de Sutherland est désolée. Voilà sa maison fermée pour quelque temps. Mais plus sa maison sera fermée, plus elle sera heureuse de vous y avoir. Dites-moi positivement ce que vous ferez, le jour. Je n’abandonne rien de ce qui est convenu. Je n’ai pu encore renvoyer à Clapham et à Norwood. Demain ou samedi, on ira. Mais répétez, répétez.

Une heure
Ce que vous a dit M. Molé me revient de bien des côtés. On me l’écrit. On me le fait écrire. Il faut laisser dire et écrire. Je suis étranger à toute rancune envers mon parti ; mais je ne me hazarderai pas légèrement. Ma position actuelle est bonne, bonne en elle-même, bonne pour tous les avenirs possibles. J’attendrai une nécessité criante, si elle doit venir. Et je tâcherai de faire, en attendant de la bonne politique, au profit du Cabinet, comme au mien.
Ne croyez pas à la guerre pour Naples, en dépit des fous ou du fou, s’il n’y en à qu’un. Je n’ai jamais vu tout le monde si loin de la guerre si effrayé d’en entendre parler. Elle n’est ni dans la nécessité des choses, ni dans le penchant des personnes. Elle ne reviendra pas encore Génie ira vous voir un de ces jours.
Tout ce que je vous dis la n’empêche  que je ne trouve la séance sur la réforme des éligibles bien mauvaise. Les mesures proposées, et les paroles dites sont peu de chose. Ce qui est grave, c’est la rupture de plus en plus profonde entre le Cabinet, et le parti qui a été, est et sera toujours, au fond, le parti de gouvernement.
Il n’y a pas en France deux partis de gouvernement. On peut bien faire osciller le pendule du pouvoir mais seulement dans de certaines limites. S’il penche tout à fait vers la gauche, la machine se détraque. Je regarde et j’attends non sans inquiétude.
Ce soleil est vraiment miraculeux. Je n’en jouis pas. Je ne vous redirai jamais assez que je ne sais jouir de rien seul. Quand je pense au soleil, quand je trouve l’air doux la verdure charmante, à l’instant mon désir d’en jouir avec vous devient si vif que la jouissance se change en souffrance. Regents Parh est joli ; mais le bois de Boulogne vaut mieux.
Ma mère n’a dû recevoir qu’aujourd’hui la lettre où je renonce à son voyage. Elle pouvait s’en douter ; mais elle ne m’en a pas encore dit un mot. Je suis heureux qu’elle le prenne bien. On m’écrit et elle m’écrit elle-même qu’elle est un peu fatiguée. Elle a marché jusqu’au Tuileries, et a trouvé que c’était trop. Elle ne marche qu’au Val Richer, en passant la journée dehors. Je l’ai engagée à y aller vers le 15 mai. Mes enfants prendront le lait d’ânesse jusques là. A la rigueur, ils pourraient le prendre au Val-Richer ; mais ce serait un peu difficile à arranger, et j’aime mieux qu’il n’y ait pas d’interruption.
On fait prendre des bains à Henriette. On me dit qu’elle avait un peu d’échauffement sur une joue. L’avez vous remarqué? Adieu. J’ai un rendez-vous à 2 heures pour voir un télégraphe par l’électricité. On dit que c’est merveilleux. Une nouvelle serait le tour du monde en deux minutes ; à la lettre le tour du monde. Adieu. Adieu. Comme en revenant de Chatenay.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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375. Londres. Jeudi 21 mai 1840
10 heures

On est venu m’éveiller cette nuit à 3 heures, pour m’apporter la division de la Chambre des Communes, et j’ai expédié sur le champ un courrier à Calais pour qu’on le sût à Paris par le télégraphe. Non qu’il doive, je crois, en résulter ici aucun evènement. C’est pourtant un gros fait. On me dit que Peel a très bien parlé et O’Connell médiocrement. Il a voulu être modèré. On l’avait fort sermoné à ce sujet. C’est Lord Duncannon qui est son prédicateur. Et O’Connell répond toujours : " you are right ; I won’t do it again." Il a trop bien obéi hier. On prévoyait ce résultat, même à Holland House où j’ai été hier soir au lieu d’aller à la chambre. Devinez qui j’y ai trouvé? Mr Mrs Grote qui y avaient dîné. C’était un coup monté. Peut-être vous en ai-je déjà parlé quand ils ont été partis, j’ai demandé à lady Holland si elle avait un privilège contre les poursuites, for treating and bribery.

2 heures
Je viens de chez Lord Aberdeen. J’aime sa conversation, et je crois qu’il aime la mienne. Il y a beaucoup de shyness dans sa froideur. Et aussi de sadness. Il est préoccupé de cette affaire Napoléon. On commence à l’être ici, beaucoup plus qu’au premier moment & plus que moi. Je suis accoutumé aux apparences, et aux démonstrations bruyantes. Cependant, il est sûr que des embarras viendront de là. Ce qu’il y avait de bien est déjà recueilli ; il faudra subir le mal. Mais je ne crois pas au danger. Pourvu qu’il y ait un pouvoir qui s’en défende. En tout cas, la question est lointaine. Le retour n’est pas possible avant le mois de Novembre.
L’Orient est stationnaire. Je reste toujours sur mon terrain. On n’y vient pas. Mais on n’ose pas avancer sur le sien. Je m’applaudis du parti que j’ai pris de dire dès le premier moment, ce que je devais dire à la fin. Plus j’y pense, plus je suis convaincu que notre politique est la seule sensée. Rallumer la guerre entre les Musulmans, et courir le risque de l’allumer entre les Chrétiens pour la question de savoir si quatre ou seulement deux Pachalih de la Syrie appartiendront au vieillard qui règne à Alexandrie ou à l’enfant qui dort à Constantinople, en vérité c’est bien léger. Et je tiens pour certain qu’ici il n’y a pas trois personnes qui ne soient au fond de mon avis. De celles qui y ont pensé, s’entend. Il n’y en a pas beaucoup.
Les Affaires Etrangères occupent bien peu le public anglais. Je dis beaucoup sur cette question d’Orient ce qui est parfaitement vrai ; la politique que nous soutenons ne nous causera aucun embarras, à l’intérieur, car tout le monde, en France en est d’avis ; aucun embarras à l’extérieur, car le jour où l’on voudra agir sans nous, les embarras seront pour ceux qui entreprendront de faire, et non pour nous qui regarderons faire. L’hypothèse la plus défavorable ne nous met donc pas dans une position redoutable.
M. de Metternich a eu certainement beaucoup d’humeur pour Naples ; et dans son humeur, il s’est montré plus disposé à faire ce que voudrait Lord Palmerston en Orient. Mais sa disposition est vague, comme tout dans l’affaire. Quant au Pacha, il dit que si on le bloque dans Alexandrie, il sautera par dessus le blocus, c’est-à-dire pas dessus le Taurus. Je connais ces petites biographies, les premiers cahiers, le mien compris, qui était très bienveillant, et assez spirituel. Je connais Thiers, aussi ; mais non pas, le Duc de Broglie, ni Berryer, ni Dupin, ni Lamartine, vous serez bien aimable de m’envoyer ceux-là. L’ouvrage m'a paru écrit à bonne intention. Sait-on par qui?
Certainement, je porterai la santé de la Reine, le 25. Je suis en pension chez lady Palmerston. Elle dine samedi chez moi ; moi dimanche chez elle en petit comité, et lundi en full house. Je l’ai beaucoup vue depuis quelque temps et plus je la vois, plus je la trouve aimable. Elle dit qu’à présent je plais beaucoup à M. de Brünnow et qu’il parle de moi tendrement. Adieu.
J’ai le cœur à l’aise depuis hier à votre sujet. Je voudrais que ma grande lettre vous fût arrivée avant la petite. Je ne l’espère pas. Adieu.
Vous devriez vous arranger pour être ici le samedi 13 Juin. Au plus tard le Dimanche 14. Vous ne vous faites pas scrupule, je pense, de voyager le dimanche. Je ne trouve pas qu’on soit aussi austère ici à ce sujet, qu’on me l’avait dit. Le gros Monsieur vient passer quelques jours à Londres et vous en avertira. Ce que vous pourriez lui remettre passera de sa main dans la mienne. Que j’ai de choses à vous dire ! Et que de choses à entendre, que j’aime mille fois mieux !
Adieu, encore ; jamais pour la dernière fois.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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410. Stafford house samedi 8 août 1840
8 heure du matin

Je ne puis pas dormir, je me lève et j’ai été au jardin. Il y a un brouillard épais et froid un temps anglais bien triste, triste comme moi. J’ai vu hier lord Harry Vane longtemps. Homme sensé voyant les choses comme elles sont sans passion. Il regrette la querelle de personnes et trouve que les journaux français ont été maladroits sur ce rapport. Le discours de lord Palmerston avant-hier a eu du succès à la chambre du commerce. On l’a trouvé clair et satisfaisant. Lady Clauricarde prétend que M. de. Brünnow n’en est pas content quant à la partie qui nous regarde. J’ai vu Munchhausen, des bêtises. Lady Palmerston, très sereine, très contente. Les Russes ne disant et ne sachant rien. J’ai dîné trois avec lord & lady Clauricarde. Le soir la promenade en calèche avec elle, et je me suis couchée à 10 1/2. J’ai pu dormir. J’ai oublié hier, la duchesse de Bedford (régnante) et lady William Russell. La première était évidemment venue pour me sonder et apprendre si je connaissais la Reine des Belges. Ils arrivent ce matin, Il y a une soirée pour eux lundi, et mercredi la cour s’établit à Windsor. Lady William Russell dit qu’on est de bien mauvaise humeur à Holland house. Depuis que je sais Louis Bonaparte arrêté je suis plus tranquille.
Personne ici ne croit à votre retour. Moi je ne crois à rien dans le monde qu’à une seule chose.
Midi. Je me sens bien nervous aujourd’hui, plus que de coutume. Le brouillard est dissipé la chaleur est venue, elle ne me réchauffe pas.

1 heure
Je viens de recevoir votre petit mot de Calais. Je serais bien curieuse, bien anxieuse de celui que vous m’écrirez d’Eu. J’ai eu une longue visite de Benckhausen. Mes fils sont en règle. C’est la loi. Je suis charmée, Benckhausen affirme qu’à la cité personne ne croit à la guerre et qu’on pense que le Général français a fait toutes ces démonstrations pour pouvoir en jouir plus dignement. S’il en était autrement nous avons 28 vaisseaux de ligne à Cronstadt qui peuvent être ici dans 8 jours, et 14 à Sébastopol qui peuvent aller rejoindre la flotte anglaise dans le Levant, voilà les dires de la cité, et on est parfaitement tranquille. Je voudrais être calme et me bien porter, mais cela ne va pas M. de Bourqueney n’est pas venu me voir, je le regrette. Je suis assez seule et cela ne me vaut rien. Adieu. Adieu. J’ai une horreur d’écriture. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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803 Du Val-Richer, mardi soir 29 oct. 1839

J’ai écrit ce matin quelques pages qui m'ont amusé. La famille de Mad. de Rumford m’a demandé de parler d’elle dans quelque Biographie. J’ai recueilli quelques souvenirs. Les souvenirs sont un grand amusement. Mad. de Rumford avait été très bonne pour moi, il y a trente ans, quand j'étais un petit jeune homme bien inconnu. Elle a fait les deux choses qui touchent le plus en pareil cas ; elle m'a témoigné en tête-à-tête beaucoup de bienveillance dans le monde, beaucoup de considération. Je le lui ai bien rendu. Quand elle a mis à me voir souvent chez elle, plus d'importance pour elle-même que pour moi, j’y suis allé très souvent, je l’ai beaucoup soignée, et j’ai contribué à l'agrément de son vieux salon comme elle avait contribué à l'agrément de ma jeunesse. Elle en a été touchée. Elle m'a dit deux ou trois fois, en me serrant la main, avec son ton bref et rude : " Vous êtes bien aimable. "
Il y a trente ans, 25 ans, 20 ans son salon valait beaucoup ; tous les étrangers de quelque distinction y venaient. C’était une arche de Noé de bonne compagnie. Salon très peu politique, mais d’une conversation très animée, très variée. J’ai vu là les dernières lueurs de la sociabilité élégante, spirituelle, facile du dernier siècle. Il s'en fallait bien qu’elle en fût un modèle elle-même ; elle était brutale, despotique ; mais elle avait de bonnes traditions et qui attiraient tous les bons débris.
Vous me montrerez votre petite Ellice. La pauvre enfant me parait en train de déchoir. Je lui saurai toujours gré de vous avoir un peur soutenue à Baden. Savez-vous que vous m’avez vraiment inquiété pendant ce temps-là, physiquement et moralement ? Pour une personne d’un esprit aussi ferme et aussi précis que le vôtre, vous avez quelquefois, sur vous-même, la parole singulièrement exagérée ; sans le moindre dessein d’exagérer, mais parce que votre imagination et vos nerfs s’ébranlent outre mesure. De là me vient à votre sujet, un déplaisir quelque fois très pénible ; je ne sais jamais bien ce qu’il faut croire de vos impressions sur votre propre compte ; je crains de me trop rassurer en me disant que vous vous inquiétez trop. Donnez-moi un moyen de savoir exactement ce qui est ; je ne puis supporter l'idée de me tromper dans ce qui m’intéresse si vivement. Quand nous sommes ensemble, je m'en tire ; je vois. Mais de loin le doute est intolérable.

9 heures et demie
Vous avez raison sur mon préfet, et je ne pouvais pourtant pas passer le fait complètement sous silence. Je vous dirai pourquoi. Mais la chose va finir et j’espère qu’il n’en restera qu'une bonne impression. Je vous enverrai bientôt une date. Je ne veux pas vous la dire avant d'en être sûr. Je conviens de notre maladresse. Trois cents lettres en moins de deux ans et demi, c’est horrible. Adieu. Adieu. Il faut que j'écrive quelques lignes à Génie à propos de ce Préfet. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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312 Du Val Richer, jeudi soir 7 Novembre 1839
9 heures

Je pense que depuis plusieurs jours, je ne vous écris que de courtes lettres. Cela me déplaît. Au moment où je vous écris, la perspective de Mercredi soir m’apparaît et je m'arrête. Ma lettre m’ennuie. Quand elle est partie, sa brièveté me choque ; tout ce que j’aurais pu vous dire me revient à l’esprit. C’est une conversation qui me manque. C’est presque vous qui me manquez. Presque quasi. Vous dites que le cœur n’a pas d’esprit. Ce n’est pas vrai. Je ne connais rien qui en ait autant. Rien qui en donne autant. Quel est l'amoureux qui n’a pas d'esprit. M. de Sainte-Beuve en a, sans être amoureux ; mais du plus alambiqué, quintessencié, un peloton embrouillé qui se dévide dans un labyrinthe.
Je vous vois d'ici immobile, grave étonnée, regardant les interlocuteurs, et vous en allant. Vous avez raison. C’est un défaut Français de s'adonner tout entier à une idée, une fantaisie, une conversation, une personne et de ne plus faire attention à rien ni à qui que ce soit. Défaut aggravé de notre temps par les habitudes de coterie. Les habitués d'une coterie sont peu polis. Ils se voient tous les jours, et ne se gênent plus entre eux. Delà à ne se gêner pour personne, il n’y a pas loin. Puis, il y a un argot dans une coterie, & ceux qui le parlent oublient que tout le monde, n’est pas initié. M. le Chancelier, en sa qualité d’ancien parlementaire, se croit obligé d’être pour les Jansénistes d’aimer les Jansénistes. Il ne les connait, ni ne les aime. Rien ne ressemble moins à un Janséniste que cet esprit tout d’expédients, de billets du matin, de visites du soir, avisé, expérimenté, glissant beaucoup et ne tombant jamais. Pascal l’aurait mis dans ses Provinciales. Mais n'importe. Ses pères étaient Jansénistes. Il n'en entendra pas parler avec indifférence. Il ne cessera pas d’en parler. M. de Ste Beuve n’a pas les mêmes raisons de passion. Il a les raisons contraires, ce qui vaut tout autant. Il est, lui, un converti à l'amour du Jansénisme, un ancien libertin et incrédule qui s’est épris d’un enthousiasme littéraire pour austérité et la dévotion. Il a le zèle du novice comme M. le Chancelier, celui de l’hérédité. Vous qui n’avez ni l’un ni l'autre, vous ne vous êtes pas trouvée de la coterie. Après avoir concédé, il faut résister. Il y a des impolitesses nationales. Chaque pays a les siennes. Quand nous serons ensemble, je vous dirai celles que je trouve aux Anglais. Pour le moment, je ne parle de M. de Ste Beuve qu'à vous. Je n'en veux pas parler légèrement. Il écrit à mon sujet une espèce de brochure qui doit paraître cet hiver dans la Revue des deux mondes. On m'a dit cela.

Vendredi 7 heures et demie
Je me lève par un singulier effet de lumière. Le ciel est rouge comme au plus chaud soleil couchant du midi. Il fait froid. Le temps ne me fait plus rien. Il n'y a point et il n’y aura point de querelle sérieuse entre le Roi et son Cabinet. Ils se céderont toujours assez l’un à l'autre pour que le dissentiment n'aille jamais au delà de l'humeur. Et comme ils n’ont pas la prétention d'être amoureux l'un de l'autre entre eux l'humeur ne fait rien.

10 heures
Je ne me résigne pas à ces affaires de Péterbourg, à ces entraves de Paul, à ce renouvellement perpétuel de procédés inouïs. Il m’est venu de là depuis six mois, plus de vraie colère intérieure que d'aucune autre source depuis bien des années. Adieu. Adieu. Les jours s’écoulent. Trop lentement, mais ils s’écoulent. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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311 Du Val-Richer, jeudi 7 Novembre 1839
8 heures

On emballe autour de moi. Il part après demain, par le roulage des caisses de livres, d'effets, de fruits. C’est un vrai déménagement tous les ans. Mais celui-ci me plait.
Le Journal des Débats et le Moniteur sont en effet assez amusants. Et comme il arrive, ils ont tous deux raison. Ce qui me frappe aussi, c’est le Constitutionnel d'avant-hier mardi. Il est bien à la gauche. Depuis quelque temps Thiers avait paru chercher à se rapprocher du centre. Le voilà qui s'en éloigne fort. Je m’y attendais. Nous causerons de tout cela. J’ai perdu l’habitude de causer. Mais je la reprendrai avidement. Viendra-t-il beaucoup de vos Anglais, cet hiver à Paris ? Il me semble que non puisqu'ils partent pour l'Italie. A présent que vous voilà fixée à Paris, vous deviendrez une étape pour tout ce qui ira d’Angleterre sur le continent. Personne ne passera sans vous voir.
J’en suis fâché pour Bulwer. C'est peu aimable de la part de Lady Granville. Est-ce qu’ils ne l’ont pas vu, avec plaisir succéder à Aston ? Le leur a-t-on donné sans leur demander, si le choix leur convenait ?
Je comprends qu'on ait de l'humeur contre le Roi Guillaume. Mais en conscience, il ne doit rien aux trois Puissances. Elles lui ont donné de belles paroles et l’ont complètement abandonné en toute occasion. Politique à part, et ne fût-ce que par malice, il a bien fait. Il a bien fait aussi au fond. Il est rentré dans sa position naturelle. Il appartient, par toutes sortes de raisons à la politique occidentale. L'affaire de la Belgique, l’en avait seule éloigné. Et puis c’est la condition d’un peuple de négociants de rester étrangers aux querelles des trônes et des races, et de faire partout ses affaires. Du reste soyez sûre qu'avant de reconnaître il a consulté le Johannisberg.

10 heures
Mes lettres ont tort de vous arriver tard. Je ferai mieux moi-même. En attendant, je vous quitte pour donner les livres que je veux remporter. Vous avez bien raison de ne trouver aucun salon bon, ni personne aimable. Ne soyez bien que chez vous et avec moi. Adieu. Adieu dearest. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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3. Beauséjour dimanche 9 1/2 le 13 août 1843

J’ai eu hier une visite très longue de M. de Barante. Pendant une heure j’ai été pleine de vivacité. Cela allait très bien. Et puis cela a langui et puis cela n’allait plus de tout. Il faut plus que Barante pour m’intéresser et m’occuper au delà d'une heure. Il n'a rien encore d'André il attend. M. Molé lui écrit de ? tristement, mécontent de sa santé et de tout. Il sera ici sous peu de jours. Barante est convaincu que Salvandy prendra Turin avec joie quoiqu'il continue à dire qu'il ne peut accepter que Madrid. J'ai vu le prince de Dolgoronky, il ne croit pas au voyage du Gal Oudinot. Il avait vu avant hier le Gal Pajol qu'il a interrogé à propos de ce que disent les journaux. Pajol s'est mis à rire. Oudinot est allé à Ems trouver sa fille malade. De là à Vienne. Il n’y a pas un mot de vrai au voyage à Pétersbourg. Dalgorondy de son côté dit que tel qu’il connait Oudinot c'est impossible nous verrons très incessamment. Appony chez qui j’ai dîné, m’a dit que le prince Metternich avait fait beaucoup de vœux pour Espartero et que sa chute lui causerait certainement beaucoup de peine. Voilà probablement le sentiment dans les cours d’Allemagne. Et je crois que cela se traduit par le chagrin du triomphe de la France. Je vous ai assez parlé des autres. à nous maintenant. Je ne me console pas, je ne me pardonne pas de vous avoir laissé partir. Il y a plus dans ce regret qu’il n’y avait autre fois. Cela me fait frissonner. Mon cœur me remonte à la gorge, j’étouffe et je pleure. Est-ce que je vous aime plus que je ne vous aimais ; est-ce pressentiment ? Nous verrons cela le 26. Il y a treize jours jusque là ; demain il n'y en aura plus que 12. Soyez bien assuré que je ne pense qu’à cela, et que cela ne me fera pas engraisser. J'ai revu mon salon hier pendant une demi-heure avant mon coucher. Je n’ai pas pu rester en place. J’ai joué du piano tristement, beaucoup de ? J’ai assez bon dormi. Avez-vous dormi ? pas de brigands ? Avez-vous pensé à moi, au chagrin que vous me donnez. Adieu. Je porte ceci en ville. Le dimanche on ne sait rien faire parler d'ici. J'irai à l’église. Vous savez pourquoi j’y vais à 4 heures je m'embarque avec Pogenpohl pour Versailles. Trouverai-je votre lettre à Paris ? Adieu. Adieu, tous les jours une lettre n’est-ce pas. Et dans chacune après l’adieu répétez le 26. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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6. Beauséjour Mardi le 15 août 1843 à 10 heures

J'ai dîné hier chez Cowley. L'humeur n’était pas trop bonne, on demandait ironiquement à Bulwer si les voitures de voyage de la Reine Christine étaient dans sa cour, d’un autre côté on espérait que le régent n'irait pas en Angleterre. Bulwer part ce soir pour Dieppe et va décidément passer deux jours à Londres. Il sera de retour ici le 24.
Plus je pense à l’affaire d’Espagne plus je vois noir. Si l’on entre une fois dans la voie des paroles aigres cela ira bien mal. Il est très évident que l'Angleterre se trouvera dans la question du mariage à la tête de tout le reste de l'Europe. C'est là ce qui va lui donner et lui donne peut être déjà courage. Or, Aberdeen sait être brutal quand il n’a pas peur. Il faudrait lui ôter l'occasion. Que je voudrais vous parler !
La pieuse contesse est ven hier me dire son dernier mot. Je la précède aujourd’hui à Versailles. Elle veut aller demain coucher à St Germain. Je ne demande pas mieux. Je lis dans le journal de Pétersbourg que le bateau qui avait touché Copenhagen était arrivé à Cronstadt le 29 juillet. La lettre de d’André était du 31. Vraiment St Priest se sera trompé. Mais nous allons voir cela bientôt. Bulwer vient de m’interrompre. J'ai écouté, et j’ai parlé ! L'Angleterre prescrit à Acton la reconnaissance du Gouvernement à Madrid. Aberdeen est dans les idées les plus douces. J’ai accepté, et puis j’ai dit qu’il me revenait de tous côtés des inquètudes sur le mariage que les grandes puissances allaient se mettre en campaqne sur cela qu’il fallait faire bien attention à une chose. C’est que la seule, l'unique chance peut-être pour que le duc d’Aumale fut roi serait le cas où les puissances s'aviseraient de l’exclure d'avance. Cette parole prononcée d'une manière tant soit peu officielle serait comme un défi, et personne en France ne supporterait cela tandis que si on laisse les choses aller d’elles mêmes ; si on ne gâte pas en tripotant et en se méfiant, il est bien sûr que cela ne se fera jamais. Je vous dis en gros ce que j’ai donné comme mon opinion mais cela est entré pour rester dans la tête de Bulwer. Il va à Londres. A propos l'Ambassade anglaise croit savoir que Sébastiani va à Londres en mission. Bulwer ne m'en paraît pas fâché car il sait qu’il est bienveillant. Je remets ceci à Génie que je vais chercher. J’aurai, j'espère une bonne lettre aujourd’hui. Adieu. Adieu. Mille fois, parlez-moi du 26 ou de quelque chose avant. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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8. Versailles Mercredi onze heures
Le 16 août 1843

J’ai quitté Beauséjour à 4 heures. Je suis venue dîner seule ici, à 8 la jeune contesse est arrivée. Elle ne m’a pas ennuyée. Mais voici de son côté. Elle me dit tout à coup - Il doit être bien tard chère Princesse. - Quelle heure pensez-vous qu'il soit ? Près de onze heures. Il était huit heures 3/4. Vraiment j’ai peur qu’elle ne supporte pas longtemps le tête-à-tête.
Je me suis couchée à 10 h. J'ai très bien dormi. A 8 h, j'étais sur la Terrasse. Il faisait frais et beau. J’ai déjeuné, j’ai fait une toilette et me voici. La jeune comtesse est allée se promener dans les galeries, déjeuner chez Mad. de la Tour du Pin. J’y étais conviée aussi, mais je reste. Je vous écris et j’attends votre lettre.
Bulwer parle très sérieusement. Au fond il trouve le Cadiz ce qu’il y a de mieux et de plus pratique surtout. Le fils de Don Carlos impossible. Naples peu vraisemblable comme disposition espagnole. Dieu garde dit-il que qui que ce soit mette en avant un prince étranger quel qu'il soit. Car aussitôt la France serait forcée de lui opposer un Prince d’Orléans. Il ne faut pas à tout prix que la lutte de candidats s'engage. Il ne faut se mêler de rien. Il dit cependant que l'Angleterre doit agir pour empêcher que les Cortès ne nomment le duc d’Aumale, car malgré la résolution du Roi le cas pourrait devenir embarrassant. Si l'Angleterre veut en finir, je crois bien qu’elle arriverait au résultat contraire, mais enfin ce n’est que le dire de Bulwer. Il a beaucoup répété que son gouvernement était dans les meilleures dispositions d’entente avec la France. Il a insisté sur le bon effet qu’aurait la présence de Sébastiani, fort respecté à Londres. Cependant ne sera-t-il pas un peu trop Whig pour les gouvernements actuels ?
Tout ce que vous me dites dans votre N°3 me plaît. Vous avez pris si doucement mes reproches. De la manière dont vous me répondez, je trouve bon toutes vos faiblesses. Mais voici ce que je ne pourrais jamais trouver bon c’est que je fusse renvoyée au delà du 26. Vous pouvez être faible pour votre mère, mais vous ne serez pas injuste et dur pour moi. Je reste donc ferme dans ma foi pour le 26.
Midi et demie. Voici le N°4. Je comprends fort bien la première page, car Génie m’avait confié ce qui était venu de Londres. J’espère que vous aurez consenti à rétrancher le petit mot déplaisant. Il ne faut pas que vous ayez à vous reprocher un seul fait ou geste qui empêche de s’entrendre. Mais quel dommage que vous ne soyez pas ici. Je le répète : un jour de retard dans des affaires comme celle-ci c’est beaucoup risquer et vous dites mieux que moi. Je vous copie. " tout cela a besoin d'être conduit avec un grande précision et heure par heure." Et vous êtes à 46 lieues ! Mais au moins vous reconnaissez l’inconvénient, tout le monde le pensait, et moi aussi, par dessus toutes les autres choses. Revenez, revenez. Ceci est votre grand moment vous n'avez rien eu de si grave, de si important, et de si directement posé sur vos épaules depuis 3 ans bientôt que vous êtes ministre. Et c’est là le moment que vous avez choisi pour vos vacances. Pardonnez-moi si je reviens. Mais vraiment je voudrais impress upon your mind combien cela est sérieux pour vous. Je comprends toutes vos jouissances au Val-Richer, & j’essaie même de n'être pas jalouse ; mais je suis désolée de ce que votre sommeil soit toujours troublé. Enfin votre mère en vous voyant comme cela accablé de travail, vous laisserait bien partir, car elle reconnaîtrait que la politique est sa vraie rivale Adieu. Adieu.
Je renvoie Etienne avec ceci. Je regrette que mon N°7 soit arrivé à Génie trop tard pour vous être envoyé par la poste. Je l’avais donné à [?], à 4 pour le poster de suite. Il ne s’est présenté qu’après 6. Nouveau grief. Par dessus la glace & & Adieu. Adieu. Aujourd’hui variante avant le 26. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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11. St Germain, vendredi 3 heures.
Le 18 août 1843

J’ai répondu trop courtement tout à l'heure à votre lettre. J’étais pressée de renvoyer Etienne. Je suis très frappée de ce que vous me dites sur Metternich et Naples. Il faut lui enlever cette clientelle, ou plutôt ce client. Faire reconnaître par Naples. Je crois moi, en tout, que vous menerez bien cette affaire là. Elle est grande vous vous y ferez hommes. Mais il faut la surveiller et la suivre de très près.
Samedi Midi le 19 août. Je fus interrompue hier par l'arrivée des [Delosdeky], de Rodolple Appony. Ils sont restés jusque près de l'heure du dîner. Le mari va aujourd’hui à Dunckerque où il s'embarque, & la femme au Havre où elle reste. Elle a eu une lettre de mon frère par laquelle il est évident, qu'il voudrait que sa femme passât l'hiver à Paris pour se débarrasser d’elle, & il garderait Sophie. The better half, et nous aurons the worse. Nous avons eu à dîner le prince Kourakine et M. Balabine. Vous ne vous attendez pas que cela me fournisse quoi que ce soit à vous dire. Voici huit jours depuis votre départ. Et bien le temps a passé. il passe sur l'ennui comme sur la joie. Mais Dieu merci il n’y a plus que trois jour. Que vous aimeriez St Germain ! C’est charmant et un air si pur si bon. Une heure. Votre lettre m’arrive. Je suis enchantée que vous ayez renvoyé à Londres, avec le changement. Décidément c’est avec Londres qu'il faut s’arranger, et vous y parviendrez. Comment Espertaro serait vraiment en France ? C’est certainement original. Depuis votre lettre qui fixe Mardi pour votre retour je médite sur les moyens de m'échapper. Si je le puis convenablement vous savez bien que je le ferai, mais si cela devait offenser ou chagriner cette bonne jeune comtesse, je ne pourrais pas. Vous ne sauriez croire toutes les attentions qu’elle a pour moi. Adieu. Adieu. Il me semble donc que je ne vous lirerai plus que demain. Je mens, je vous écrirai, toujours puisque Genie saura bien où vous trouver. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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12. St Germain dimanche midi
Le 20 août 1843

Hier un gros orage, point de visites de Paris. J’ai été voir madame [Svétehein] qui a une maison à St Germain. Elle est trop pédante, cela ne me va pas. Je crois l’avoir déroutée un peu, car pour le plaisir du contraste je suis plus que jamais restée simple. Cependant à tout prendre nous ne nous sommes pas ennuyée. Madame de Nesselrode ne vient pas. C'était un conte. Savez-vous qui ne m’ennuie pas et ne m’ennuiera jamais ? C'est la jeune comtesse. Sa bonté sur [?] tellement qu'on se sent le cœur tout réjoui avec elle, et mon esprit, je l'oublie.
Le N°8 m'arrive dans cet instant ; c'est donc à mercredi, pas plus tard je vous en prie. Je suis frappée de ce que vous me dites que les Espagnols pourraient vouloir un grand mari. Dans ce cas là, et s'il n’y avait pas d’autre alternative, il faudra bien que vous soyez le grand mari, better you would or not.
Nous attendrons Kisseleff à dîner aujourd’hui. L'air est fort rafraîchi mais il fait beau. Je griffonne mais la jeune comtesse entre et sort. Je ne sais pas ce que j'écris. Qu’est-ce que cette nouvelle aventure avec l'Angleterre ? Un français tué. On va vous donnez encore bien de l'ennui. Albert Esterhazy arrive après demain. Cela fait de grandes joies et de grands chagrins, car au fond les parents en pleurent. Toute la famille Kotchouby mère & tous les fils arrivent aujourd’hui au Havre. Hélène y arrive aujourd’hui aussi, de sorte que l’à propos est complet. La comtesse Strogonoff sera ici dans quinze jours. La mauvaise chair qu'on fait ici m’a un peu dérangé l’estomac. N’était cela je me porterais parfaitement bien, car certainement l’air me convient. Adieu. Adieu.
Je ne vois point de nouvelles dans les journaux ! L’arrivée d’Espartero n’est pas confirmée est- elle vraie ? Adieu. C'est long encore jusqu’à mercredi ! Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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13. St Germain Lundi, midi
Le 21 août 1843

Nous avons fait une promenade charmante dans la forêt avant le dîner. C’est superbe, je ne conçois pas que tout le monde ne vienne pas habiter St Germain. Rien ne manque pour en faire la plus belle, la plus ravissante habitation d'été. Pauvre Beauséjour il est en grande décadence. Kisseleff et Pogenpohl sont venus dîner. Pas l’ombre de nouvelle seulement Kisseleff m'apprend que le Maréchal Sébastiani a passé son temps à Ems avec le général Oudinot. Voilà qui est catégorique, & St Priest est un écervelé. Vous ai-je dit que Madame de Castellane est à Paris depuis huit jours ? Elle y est venue le jour où vous êtes parti. Elle me l’a fait dire en me priant de passer chez elle. Je n'y ai pas été. Elle reste encore quinze jours je crois. Aujourd’hui elle dîne chez les Appony avec Molé je suppose. Albert Esterhazy devait arriver hier. Je quitterai St Germain après demain entre 10 & 11 heures.
Voici votre lettre, j’espère bien en avoir encore une demain. C’est vrai, point de nouvelles, rien. Cela m'est égal. Je n’y pense pas. C’est étonnant comme un changement de localité change la direction de mes idées. Je n’assiste plus au spectacle du monde. Je suis très absorbée par la belle vue, la nouveauté des objets qui ne me rappellent rien. La conversation de la jeune comtesse. L'incertitude d'un bon ou d'un mauvais dîner. La journée se passe de la façon du monde la plus tranquille et la plus bête ; et cela me plait puisque vous êtes au Val-Richer. Mercredi à midi cela ne me plairait plus.
J'ai attaqué le dernier paquet de plumes que vous m’avez donné. Elles sont détestables, et j’ai toute la peine du monde pour écrire ceci. Vous le voyez je crois. Je voudrais bien écrire quelques lettres d’ici mais cet obstacle m'arrête. Adieu, adieu. Je vous écrirai encore demain. Adieu dearest.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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14 St Germain Mardi onze heures
Le 22 août 1843

Je n’ai pas vu une âme hier et je m'en suis très bien passée. Une seule me suffit, c’est drôle quand cela s’applique à la jeune comtesse, qu'on dise après cela que je suis difficile à vivre ! Le temps s’est un peu gâté cependant nous avons fait comme de coutume nos trois ou quatre promenades. Chacun de nous a ses chevaux et sa calèche, et ses jambes et rien à faire. Cela fait aller !
Je vois par les journaux ce matin qu'à Barcelone, cela s'embrouille. encore, et à Saragosse un peu aussi. C’est dommage, car vraiment les gouvernants à Madrid se conduisent très bien. Je suis curieuse des détails que vous devez avoir reçus de Glüsberg. Voici donc ma dernière lettre Dieu merci, je l'envoie toujours à Génie. Peut-être a-t-il encore une occasion de vous la faire parvenir : je dînerai vraisemblablement seule aujourd’hui. La jeune comtesse veut se divertir à sa manière qui n’est pas la mienne. Elle ira dîner à l’auberge avec une société qu’elle a invitée. Le soir il y a le concert Murad [?] dans le jardin. Celui-là j'en jouirai très bien de notre salon jusqu’ici c'est moi qui ai donné la musique car la jeune comtesse m’avait fait la galanterie d'un piano.

1 heure. Je reçois votre lettre au moment où je suis forcée de fermer ceci. Quel plaisir demain. J'ai eu une longue lettre de Bulwer. Il s'embarquait à Boulogne ; il m'écrira de Londres aussitôt après avoir vu Aberdeen. Mon même Constantin m'annonce sa prochaine arrivée à Paris ! J'en suise fort aise. Adieu. Adieu. Voilà mad. Schitchein, il faut que je vous quitte. Adieu mille fois. Vous ne me dites pas l’heure de votre arrivée ! Ni quand vous viendrez me voir. Je serai à Beauséjour entre midi et 1 heure. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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1 Beauséjour jeudi 31 août 1843
6 heures

Je commence par le récit de ma visite hier soir qui a été divertissante mais autrement que je ne pensais. M. Molé était la évidemment m’attendant de pied ferme. Il n'y avait personne. Pendant la première demi-heure, on chercha tous les sujets indifférents. J’étais fort déterminée à ne pas parler de la Reine d'Angleterre pour voir jusqu’où ils pousseraient le mauvais goût de ne pas faire mention de la chose qui les préoccupait le plus. Enfin, je nomme le duc d'Ossena [?] que je venais de voir, M. Molé me demanda s'il m'avait parlé du voyage de la Reine. Non, ce qui était vrai. Alors, il dit : Pour mon compte je suis enchanté de ce voyage. C'est un excellent événement. Et puis mon plaisir est double par le dépit que cela cause à certaines gens. C’est même fort drôle. Comment ? Qui ? Ah, d’abord le faubourg St Germain. Ils en crèvent et puis on en crève dans toutes les langues. Ah. Ah ! "
Hier à la soirée des Appony, c’était impayable. Ces pauvres diplomates ! Quand je disais à l’un d'eux, (et je me suis donné le plaisir de le dire à chacun) eh bien la Reine d'Angleterre arrive. On me répondait par " Avez-vous lu le National ? - Non Monsieur je ne le lis jamais tout ce que j’ai pu obtenir d'eux c'était ceci. C’est un grand événement et puis ils baissaient la tête avec un air capable. Ensuite c’est trop peu déguisé, et tous étaient comme cela. Evidemment c'est une grande déroute, mais c’est trop le montrer. - Vous souvenez vous Monsieur le conte d'une petite confidences que vous m'avez faite il y a quelques années ? Vous me disiez le corps diplomatique n’a pas d'esprit. - Oh, pour cela, c’est vrai. Et bien la seule personne convenable dans le salon Appony était le Duc de Noailles. Il me dit : c’est un événement très important, un grand raffermissement pour la dynastie, et je comprends que le roi et toutes les personnes, qui lui sont attachées ne soient fières et contentes. " Je vous ai redit tout Molé sur ce sujet.
Mad. de Castellane qui avait été de la soirée Appony confirme tout et renchérissait. Pour le coup Molé n’a pas menti car je ne doute pas un instant de la mauvaise humeur mais vous voyez qu'il a pris le bon côté dans l’affaire. Ou du moins qu'il le montra. Il m’a dit encore, c’est votre Empereur surtout qui sera furieux. J'ai simplement répondu, c'est une leçon. Il a encore fort blâmé l’article de la presse, du premier jour qu'il a trouvé de très mauvais goût. Il pense que si la reine vient à Paris, elle y sera très bien reçue. Enfin il était très gai, et n’aurait pas mieux parlé s'il était votre Ambassadeur. J’ai vu longtemps les Cowley. Ils sont dans le troisième œil.
Les lettres de Londres hier de Henry Greville disaient que la Reine ne passerait à Eu qu’un jour et qu’elle viendrait décidément à Paris. Aujourd’hui il attendait son courrier avec quelque chose, comme vous les verrez demain vous saurez avant moi. Vraiment plus on pense à cet événement plus on le trouve grand, immense. Soyez en bien content, et pas trop orgueilleux. Amenez bien la reine, soignez bien le Prince vous ne saurez trop faire dans ce genre. Every Thing short of another Cobourg. Il me semble que vous feriez bien de vous arranger de façon à faire parler le télégraphe. Faites donc stationner un directeur là où il passe le plus près d’Eu. Vous gagneriez toujours huit heures au moins, et plus, et il serait bon qu'on sût ici l'arrivée de la Reine à Eu ; puis que Duchâtel sût très vite si elle vient à Paris. Je vais parler de cela à Génie. Il en donnera peut-être l’idée à Duchâtel. Les Cowley étaient en peine d’une loge à l'opéra, pour le cas où la Reine y irait. Je leur ai dit de s'adresser à vous. En général il faudrait que le corps diplomatique peut être pourvu, car malgré leur mauvaise humeur. Il faut leur supposer un peu de curiosité.
Je vais en ville un moment. peut-être passerai-je chez les Appony. Je suis jalouse du divertissement de Molé. Je vais à Versailles pour dîner et coucher. Si je trouve Pogenpohl je l’emmènerai dîner et pour le cas où il n’y aurait pas de fête pour moi, ce qui est possible, je ne ferais au moins pas le retour seule dont j ai un peu peur dans l'obscurité. Je crois que Madame de Castellane viendra passer un jour chez moi à Versailles. Mais au fond je suis si curieuse d’Eu que je ne sais si je tiendrai loin de Paris. Ecrivez-moi bien les nouvelles. Je suis encore à m'étonner et à m’inquiéter de la joie de notre séparation, à m'inquiéter parce que j’ai pleuré chaque fois, et toujours je vous ai retrouvé bien portant et bien. Aujourd’hui que je ne pleure pas qu’est-ce qui m'attend ? On sait si peu prévoir ! Tout est si incertain dans ce monde ! Vous n'avez pas besoin de mes exclamations et de mes méditations. Vous voilà dans grand [?]. Je pense avec plaisir à la joie de tout votre camp. Adieu Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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2. Beauséjour 5 heures jeudi 31 août 1843,

J’ai été en ville. J’ai remis à Génie ma lettre et une lettre de Lady Palmerston reçue après coup, et que vous me renverrez. J'ai fait visite aux Appony. Vraiment il est trop bête. "-Et bien, elle vient donc cette petite reine ? Caprice de petite-fille un Roi n’aurait par fait cela. - Pourquoi pas ? S'il en avait eu l’envie ? - Mais c’est que l’envie n’en serait pas venue. - C’est possible. Mais voilà toujours un grand événement et qui fera beaucoup d’effet partout. - Je ne crois pas. On dira que c’est une fantaisie de petite fille. - Fantaisie accepté par des Ministres qui ne sont pas des petites filles. - On sait qu'ils sont très plats et qu'ils tremblent devant elle. - En tous cas voilà parmi les souverains de l'Europe le plus considérable peut être, et celui qui ne se dérange jamais qui vient faire visite au Roi. C’est un grand précédent. (avec une mine et un geste très ricaneur) Il se trompe bien s'il croit pour cela que les autres feront autrement qu’ils n’ont fait jusqu'ici. Personne ne viendra. - Et bien on se passera mieux des autres visites depuis qu'on aura eu celle-ci. - Je suis bien sûr cependant que le roi eut été beaucoup plus flatté de la visite du roi de Prusse. - En vérité je ne sais pas pourquoi et certainement elle n’aurait pas fait autant d’effet que celle-ci. - à Vienne on n'y pensera pas. Je me mis à rire et je lui dis : - Savez-vous qu'il y a des rapportages en ville & que j'ai entendu moi-même dire à Molé que le corps diplomatique montrait beaucoup de dépit. Il est devenu rouge. Certainement pas moi. Nous sommes si bien avec l'Angleterre et si sûrs d’elle que nous serons même bien aises de cette visite. Je n’en avais pas assez et j'ai dit que Molé avait été assailli par des : " Avez-vous lu le National ? Décidément ceci l'a interdit. Il avait même l’air un peu colère, Armin est entré ; la conversation a fini. Il me semble que je vous envoie assez de commérages. Ce qui est bien sûr c’est que l'humeur de l’Europe sera grande et cela doit bien vous prouver que le continent sans exception est malveillant pour ici. Gardez l'Angleterre. C’est votre meilleure. pièce. Beauséjour vendredi 8 h dim. matin La journée a été bien mauvaise hier. Si vous n'aviez pas à recevoir une Reine je vous en conterais tous les incidents. Tout a été de travers, pas de fête, pas un coin et je me suis vu forcée de revenir coucher ici où j’ai failli ne pas retrouver mon lit. Je vous conterai tout cela à votre retour. Heureusement Pogenpohl était avec moi, ce qui a contenu ma colère, quoique pas trop. Il a un peu d'esprit et avant que j'eusse pris l’initiative il m’a parlé du voyage comme de quelque chose de très grand, très important et qui doit avoir un grand effet, ici et partout. Il a ajouté " à présent, les bouderies de l’Empereur n'ont plus la moindre portée. " Il ne fera peut-être pas autrement qu'il n'a fait mais cela ne veut plus rien dire. " Voilà qui est vrai. Le bon de ce voyage, c’est que tout le reste dévient égal. Ecrivez donc ou faites écrire à d’André de bien vous mander tout ce qu’il entendra dire. Vos autres après auront bien l'esprit de le faire sans attendre un ordre. J’ai fait prier Kisseleff de venir ce matin, je serai bien aise de lui parler. Fluhman viendra probablement aussi. 10 heures Que de choses utiles et bonnes à dire à Aberdeen. Vous n'oublierez surement pas de donner une bonne bais [?] à vos entretiens. Vous rappelez que le bon langage des Ministres anglais au parlement a bien puissamment contribué à calmer les folies françaises. Il me parait que vous devez, que vous pouvez vous établir sur un pied de si bonne amitié et franchise avec lui. Surement comme étranger vous lui cèderez le pas aux dîners, & & & Je vous dis des bêtises. Vous savez tout cela. Mais n’importe. Qu’est ce que l’affaire de votre consul et du drapeau français. à Jérusalem ? C’est mauvais. Sébastiani a eu je crois une affaire pareille à Vienne ou Constantinople. Ou bien n'était-ce pas Bernadotte ? Je reviens à Appony. Vraiment je suis un peu étonnée. Le meilleur !!! Metternich était bien tant qu’il croyait être seul à vous protéger car c’est bien là le sentiment. Sa vanité était en jeu et de là venait sa bonne conduite. Aujourd’hui il est débordé, son dépit sera grand, en attendant son ambassadeur est trop sot Voici votre N°1. Merci, merci. J’aime autant, et même mieux que la Reine ne vienne pas à Paris. On n’aura plus le droit de dire, petite-fille curieuse de s'amuser. Et puis. Vous serez libre plutôt. J'aurais aimé à causer avec Lord Aberdeen, mais vous n'oublierez rien, seulement j'aurais eu le contrôle. Je suis charmé que ce soit Andral j'espère qu'on choisira son meilleur rôle. Passé minuit est un peu trop leste pour la vue ; car il sort de son lit avec le stricte nécessaire. However I don't know. Les tapes sont une grande habitude en Angleterre ; peut-être par la chaleur aimera-t-elle la nouveauté d’un parquet. Si j’avais Lord Cowley sous la main je lui soufflerais la mauvaise humeur du corps diplomatique. Il se croyait si sûr de la probité autrichienne ! Nous en causions le dernier jour et il me disait : " pour ceux-là ils ne seront surement pas. jaloux. " Je regarde beaucoup le ciel. Quel bonheur s'il reste aussi beau ; ce sera superbe. Le danger qu’a couru le Roi et la famille fait faire d'étranges réflexions. Dans l’accident de l’an passé, il n’y avait pas de quoi se donner une entorse, et le Duc d'Orléans y a péri ! A présent ils devaient être tués tous, et il n'est rien arrivé qu'un bain à 3 chevaux ! Vraiment, vraiment la main du duc est bien visible. Elle protège toujours le Roi. jaloux. " Je regarde beaucoup le ciel. Quel bonheur s'il reste aussi beau ; ce sera superbe. Le danger qu’a couru le Roi et la famillie fait faire d'étranges réflexions. Dans l’accident de l’an passé, il n’y avait pas de quoi se donner une entorse, et le Duc d'Orléans y a péri ! A présent ils devaient être tués tous, et il n'est rien arrivé qu'un bain à 3 chevaux ! Vraiment, vraiment la main de duc est bien visible. Elle protège toujours le Roi. Je repense à ma conversation avec Molé. Certainement, il a retrouvé son esprit. C’est de très bon gout de dire son contentement du voyage, et il le fait avec un air très naturel, irréprochable. Le diable n’y perd rien peut-être, mais c’est égal.. Je vous écris des lettres énormes. Aurez-vous le temps de les lire ? On vient de me faire dire de Versailles qu'il y a un appartement. Je me décide donc à retourner. Si je puis entraîner Fluihman, je l’emmène si non j’irai seule. Adieu. Adieu mille fois adieu. l wish you success. Je serai bien contente d’apprendre que la Reine est actually arrived. Adieu. J'ai oublié encore à l’article Appony ceci : il me dit, j'espère que M. Guizot et ses collègues ne montreront pas trop d’orgueil de cette visite. Soyez tranquille. Ce sont des gens d’esprit. And now good bye for good. Mais encore adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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8 Versailles Mardi le 5 Septembre 1843
Midi

Voici ma seconde lettre aujourd’hui en vous expédiant vite la première pour ne pas faire attendre l’homme de Génie. Je n’avais pas lu encore ce que vous m'avez envoyée. Je viens de le lire avec attention, c’est excellent et vous êtes vraiment très vertueux. La pièce jointe est parfaite à lire et même à donner. Il y a dans le compte-rendu des choses qu'il faudrait soustraire ce qui fait que je me bornerai au récit. Je ne sais pas encore, si je m'en chargerai moi-même où si le dirai à mon petit homme. Je vous rendrai votre papier " Si j'avais le temps, elle m'aimerait " vous me disiez cela hier en me parlant de Lady Cowley. C'est charmant et cela a fait éclater de rire l'Autriche et la Prusse.

Une heure.
Vraiment je me sens très souffrante, et je partirai. J’attendrai 5 heures parce que je crois que le duc de Noailles doit venir me voir. Adieu Je n'ai rien à ajouter. Je trouve tous les journaux aujourd’hui fort bons. Les fonds ont beaucoup haussé. Enfin ce voyage est ce qu’il devait être un grand et bon événement. God bless you et revenez. Je vous conjure de ne point vous embarquer du tout jeudi si le temps était gros ou seulement pas bon. C'est des bétises. Il ne faut rien rien risquer. Que je serai heureuse de vous revoir ! Vous ne me dites pas quand ? Je doute que vous reveniez avant jeudi minuit ainsi vendredi de bonne heure. Mais vous me ferez dire que vous êtes arrivé vendredi à mon reveil n’est-ce pas ? Ayez bien soin de vous je vous en conjure. Adieu. Adieu. Vous concevez que si vendredi à 8 h. du matin, je n’ai pas un billet de vous qui me dise que vous êtes à Auteuil j'irai me jeter dans la Seine. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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9. Beauséjour Mercredi le 6 septembre 1843

Me revoilà dans mon home et j'en suis bien aise. J’ai encore dîné hier à Versailles et j’étais ici à 8 heures, & dans mon lit à 9. J'ai bien dormi jusqu'à 6 heures. à 7 heures j’étais sur les fortifications, je viens de faire ma toilette et me voici à vous. J’attends votre lettre. Le Galignani et les journaux ont devancé votre récit. Je sais que Lundi s’est bien passé. Belle promenade & concert. Je voudrais que tout fut fini. Dieu merci c'est le dernier jour.
Kisseleff est venu me trouver à Versailles hier sur les 3 heures, nous ne nous sommes vus seuls que dix minutes. Le Duc de Noailles est arrivé. Dans les 10 minutes il m’a dit qu'il avait écrit à Brünnow ceci : " On dit que le corps diplomatique (de Paris) montre quelque dépit de l’entrevue royale, quant à moi je me tiens dans un juste milieu. Je dis que c'est un événement très favorable au Roi et à son gouvernement et voilà tout. Si les autres disent plus ou autrement je trouve que c’est de la gaucherie. " Je l'ai encore loué. Il me dit qu'Appony avait changé de langage. Je le savais moi-même de la veille. Il est évident que c’est le rapportage de Molé et La confidence que je lui en ai faite qui ont amené ce changement. C'est donc un service que je lui ai rendu. Mais il n'en sort pas sans quelque petits blessure.
J’ai régalé le duc de Noailles de tout ce récit qui l’a fort diverti. Il a jugé l'homme comme vous et moi. Je lui ai dit qu’on savait que son langage à lui était très convenable. Cela lui a fait un petit plaisir de vanité. Il est évident que tous les jours ajoutent à son éducation politique, et qu’il meurt d’envie de la compléter. Je lui ai lu ainsi qu'à Kisseleff les parties descriptives de vos lettres. Cela les a enchantés surtout le duc de Noailles. Il trouve tout cela charmant, curieux, historique, important. Non seulement il n’y avait en lui nul dépit mais un plaisir visible comme s’il y prenait part. Je lui ai lu aussi un petit paragraphe, où vous me parlez du bon effet du camp de Plélan. Il m’a prié de le lui relire deux fois. Il est évident qu'il voudrait bien qu'on se ralliât. Il suivrait, il ne sait pas devancer. Il m’a parlé avec de grandes éloges du Roi, et de vous, de votre fermeté de votre courage, de votre habileté, de votre patience sur l’affaire d’Espagne. Il est très Don Carlos il a raison, c’est la meilleure combinaison parce qu'elle finit tout et convient à tous. Mais se peut-elle ? Il regrette que la Reine ne soit pas venue à Paris. " Un jour pour Paris, un jour pour Versailles. Elle aurait été reçue parfaitement. Le mouvement du public est pour elle aujourd’hui tout à fait. Une seconde visite sera du réchauffé. Aujourd’hui tout y était, la surprise, l’éclat. " C’est égal j’aime mieux qu’elle n'y soit pas venue. Kisselef m’avait quittée à 4 1/2 pour s’en retourner par la rive droite. Comme le Duc de Noailles partait par la gauche nous avons eu notre tête-à-tête jusqu'à cinq. Kisseleff partait triste, il avait peu recueilli. Tous les deux avaient dû dîner en ville et n'ont pas pu rester. J’ai dîné ave Pogenpohl que j’ai ramené jusqu’ici. J’ai remarqué qu'il en avait assez de Versailles. Un peu le rôle de Chambellan. La promenade et le dîner, et encore par la promenade quand j'en avais un autre. Mais c’est juste sa place.

Onze heures. Voici le N°8 merci, merci. Que vous avez été charmant de m'écrire autant ! Enfin vendredi je vous verrai c’est bien sûr n’est-ce pas ? Passez-vous devant Beauséjour ou bien y viendrez-vous après avoir été à Auteuil ? Vous me direz tout cela. Que de choses à me dire ; nous en avons pour longtemps. Et puis, l’Europe a-t-elle donc dormi pendant Eu ? Comme nous allons nous divertir tous les jours des rapports de partout sur l'effet de la visite ! J’irai ce matin en ville mais tard. Je passerai à la porte de Génie pour causer avec lui. Et puis commander ma robe de noce pour lundi. Ensuite en Appony pour voir le trousseau. J’y resterai pour dîner. Voici donc ma dernière lettre. Adieu. Adieu. Adieu. Apportez-moi moi la jarretière, je m’inquiète que vous ne m'en parlez pas. Ce que vous dites de la princesse de Joinville est charmant ! Adieu encore je ne sais pas finir. Adieu. Prenez soin de vous demain. J’ai si peur de la mer. Et puis j’ai peur de tout. Revenez bien portant, revenez. Adieu. Je me sens mieux aujourd'hui.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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6 Chateau d’Eu Dimanche 3 sept. 1843,
10 heures et demie

Un mot puisque j'ai une lettre de Lady Cowley à vous envoyer ; un seul car je suis fatigué et je meurs de sommeil. Ce matin une promenade d’une heure et demie par un mauvais chemin, pour arriver à un joli point de vue. C’est notre Reine qui a le goût de ce point de vue, et n’a pas songé au mauvais chemin. L'autre Reine s'en est amusée. Avant la promenade, une très bonne conversation avec Lord Aberdeen sur l'Espagne. L'affaire ira. Ce soir une bonne aussi sur toutes choses, dans le salon de la Reine : salon sévère, comme le Sabbath. On a regardé des images et fait des patiences. M. le duc de Montpensier y excelle. A dîner en revanche, la Reine V.. s’était parfaitement amusée ; le Roi l’a fait rire tout le temps, je ne sais avec quoi. Moi, j’ai amusé Lady Cowley. Si j’avais le temps, elle m'aimerait. Adieu. Adieu.
Dieu nous garde ce beau temps la semaine prochaine, pour notre dîner de St Germain. Quel plaisir ! Adieu. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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16. Bade Jeudi 15 août 1844, 6 heures

Je me réjouis bien de me retrouver auprès de vous dans quelques jours. Nous aurons de quoi parler. Votre nouvelle d'Alexandre est très curieuse. elle a beaucoup frappé mon frère. Il ne pense guère qu'à ce qui nous regarde directement. Il s'en suit donc que ceci nous regarde ou au moins nous intéresse. N’y a-t-il pas là quelque parti à tirer pour Tahiti ? (cela ressemble un peu à l'attentat contre le Roi de Prusse que je pensais qui devait déranger mon voyage !)
Vraiment c’est très curieux comme l'Afrique est devenu le théâtre de la politique. Alexandrie, Turin. L’Algérie. Le Maroc. Cette rivière Gabon où je ne sais quoi : votre nouvel établissement près de Madagascar. Une certaine guerre au cap de bonne Espérance.
C’est drôle que Nesselrode retrouve à Londres précisément dans ce moment de tension dans vos rapports avec l'Angleterre. Le hasard le favorise. Je pense cependant qu’aucun grand cabinet ne peut désirer une rupture. Il y a trop de périls pour chacun attachés aux conséquences de cette rupture, mais il faut convenir que l’entente cordiale a été courte.

Vendredi 16. à 7 heures du matin
Mon frère continue à aller bien. Le changement est miraculeux. Je lui ai annoncé hier que je partais demain, il a essayé de causer un peu plus que de coutume, mais cela lui coute ou cela l’ennuie, je ne sais lequel. Au reste il est comme cela pour tout le monde. Hier des averses continuelles. Aujourd'hui s'annonce de même. Je crois que je vous arriverais à la nage. La Colonie s’est réunie hier soir chez Madame [?]. Annette a chanté. J'y ai passé une heure. A 9 heures je me couche tous les jours. J'éprouverai un vrai chagrin à me séparer de Constantin. Bon, excellent, jeune homme, et qui a, je crois, vraiment de l'attachement pour moi. Tous ses petits soins de tous les instants me manqueront beaucoup. Mon frère restera encore trois semaines à Bade. Hélène partira avant lui. Le pauvre petit Hennequin ne sera pas fort édifié de son séjour ici. Il n’a pas pu faire une seule bonne promenade. Il partira le même jour que moi, mais je veux qu'il me voie partir. C’est plus sûr. Je peux à peine croire que je suis si près du moment de vous revoir. Cela me parait si charmant que voilà toutes les terreurs qui recommencent : il m’arrivera quelque chose en voyage. Je suis d’une poltronnerie ! Le Tolstoy qui m’accompagne est aussi effrayé que moi, et demande de tous côtés des renseignements. Il a peur de moi. Adieu, Adieu.
Je vous écrirai encore un mot demain avant de me mettre en voiture. Et puis de la route pour vous mander un accident, s'il arrive. Adieu mille fois adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Merci du billet. Pas de St Germain pour moi. à 1 1/2 Madame de la Redorte, à 3 heures Thiers.
Je viens de me promener aux Tuileries. J’ai rencontré Mackau, il a l’air un peu épouffé mais cependant stout. Hier Harry Vane a dit à Kisseleff " dans quinze jours l'Angleterre peut avoir 300 bateaux à vapeur pour bloquer la France. " Greffulhe est dans la plus grande épouvante. Moi, je ne suis pas du tout tranquille. Adieu. Adieu.
Grande semaine, mauvaise semaine. Bonne soirée j'espère. Adieu.

Midi
Paris Mardi 3 7bre midi

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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J'ai déjà vu du monde, des Français seulement. Le succès comme il arrive des vrais succès, devient plus clair tous les jours. J’ai eu des nouvelles de 2, par quelqu’un qui avait passé hier une heure avec lui. Il est frappé au point d'être abattu. Il dit que c’est très brillant que ce ne sera point usé à l'ouverture de la session qu’il faut se résigner et attendre autre chose. 6 est parti, tout aussi abattu, d’autant qu’il avait beaucoup d'espoir et se préparait déjà à abandonner Tahiti. Il avait tenu dimanche matin deux personnes pendant trois heures, à leur en développer les motifs, avec sa verve accoutumée. Point de nouvelles d'ailleurs.
Je vais passer ma matinée à rabâcher, sur la même chose. Cela ne me plaît qu'avec vous. Promenez-vous. Il fait beau. J’espère que votre estomac vous laisse en paix. Adieu. Adieu à ce soir. Adieu. G.

Auteuil Mardi 10 sept.1844
Midi.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Je vous remercie d’avoir bien dormi, de n’avoir plus de mal de tête. Cependant il me semble qu'il faudrait encore de votre bouteille d’eau je ne sais quelle. Voyons ce qu’en pensera Behier. Je serai chez vous bien sûr à quatre heures.
Je suis allée hier à 8 heures chez les Appony. Une demi-heure après les enfants arrivaient. La pauvre Annette bien touchante, elle était si contente de me trouver là. Ce matin, ils viennent tous ici dans l’espérance de trouver une lettre de Constantin. Ce que Rodolphe me raconte est effrayant. Il est impossible qu'il arrive vivant à Pétersbourg !
De là j'ai été chez Madame de Castellane. Molé l’avait chargée d’arranger avec moi Champlatreux. Je promets pour octobre. Rossi est venu, pas de conversation politique du tout. L’histoire ancienne réveillée, par Lord Malmesbury. A 10 heures je suis rentrée, & Génie est venu me donner de vos nouvelles. Il espérait la bonne nuit qui est venue. Adieu. Adieu. Je vous en prie portez vous bien, faites tout pour cela. Adieu, à quatre heures.

Dimanche 9 heures le 22 7bre 1844

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Je voyais bien cela hier, et j’en suis triste. Il me semble que Béhier prend mal votre mal. Il fallait vous nettoyer franchement, et pas avec de la limonade, et puis vous fortifier. Dites lui donc cela. Je serai bien impatiente de 4 heures. Restez tranquille, prenez du bon bouillon. Je vous en prie portez vous bien. l am so miserable !
J’ai passé ma soirée chez les Appony. Ils étaient seuls. Cinq du nom. Pas un mot intéressant. Le pauvre Planta a eu une sorte d'apoplexie avant-hier. J’ai vu Lady Cowley, elle ne savait rien non plus, & se désole de votre indisposition. Adieu, adieu, à quatre heures. Adieu.

10 heures Mercredi 24

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris, dimanche 13 octobre 1844, 9 heures

Quelle excellente lettre que celle de vendredi ! Evidemment vous êtes content ; cela me rend toute heureuse. Cela aura été un bon et utile voyage. Pour beau, c’est clair. Les journaux anglais sont dévorés par moi, je lis tout. Je suis ravie, et la Cité par dessus le marché. Tout cela se fait grandement, royalement. Il est impossible que cela n'impose pas un peu ici, et beaucoup sur le continent. Dans tous les cas cela sert plus que de compensation aux mauvaises manières du continent. Enfin c’est excellent. J'espère que vous lirez cette lettre-ci tranquillement à Eu. Non, je me trompe, elle ira sans doute vous chercher a Portsmouth. C’est donc décidément Portsmouth. Je regrette. Je vais encore passer une nuit blanche, c’est-à-dire noire car toutes les idées de cette couleur assaillait mon esprit. Vous avez vent contraire et du vent trop fort, aujourd’hui cela ne vaudrait rien. Fera-t-il mieux demain ? Comme je serai dans l'anxiété mardi !
J’ai vu longtemps Génie hier, & puis la jeune comtesse, revenue depuis une heure seulement et qui est tout de suite accourue. Mad. de Strogonoff, quelques autres indifférences. Je me suis promenée dans le bois mais un moment seulement, j'avais des crampes d’estomac. J’ai été dîner chez le bon Fagel, personne qu’Armin, Bacourt, Kisseleff. Je les avais nommés. A huit heures je les ai envoyés dans ma loge aux Italiens, et je suis allée comme de coutume chez Annette. En rentrant à 10 heures j’ai trouvé Marion m’attendant sur le perron. Elle venait d’arriver avec ses parents. Joyeuse, charmée et charmante.
J’ai assez mal dormi, mais mes douleurs sont un peu passées ce matin. une heure. Je rentre de l’église. J'ai bien prié, remercié, demandé. Génie était venu avant dans la crainte de ne pas me rencontrer plus tard. Il est content aussi du voyage. Il parait que l’effet est excellent. Mon avis est que vous preniez à l’avenir votre politique sur un ton plus haut. Oui, la paix. Oui, l’alliance de l'Angleterre ; la seule bonne, la seule possible. Que vous dédaignez toutes les misérables chicanes que vous défiez vos adversaires, que vous les réduisiez ainsi ou à se taire ou à vous renverser. Prenez grandement votre parti là dessus. Vous en aurez l’esprit plus tranquille et le corps mieux portant. Tout le monde est venu me faire visite ces jours-ci, ( non pas que j'ai vu tout le monde ) Salvandy même ; mais pas de mad. de Castellane. Adieu. Adieu, que le ciel vous protège et vous ramène en bonne santé. Adieu.
Génie me dit cependant que cette lettre va vous attendre à Eu. Adieu encore dearest.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris lundi le 14 octobre 1844, onze heures.

Vraiment vos lettres sont the most satisfactory imaginable. Tout est parfait. Il ne me reste plus qu’un bon passage, et une journée sans accident Mercredi, et je serai merveilleusement contente et heureuse. J’ai regardé déjà cent fois le ciel. Il y a des images, il y a des vents ! Je suis sortie hier quoiqu’un peu malade, j'ai eu tort. Je ne bougerai pas aujourd'hui. Outre mes crampes d'estomac je me suis enrhumée et je tousse beaucoup. Mais ce ne sera rien. Que les journaux sont charmants à lire. Comme cela fera enrager bien loin d'ici. Quel contraste. J’ai vu hier matin les Appony. Bacourt, Fleichman, Lady Cowley, le diplomates croient que le voyage fera un immense effet en Europe. Certainement il ne restera indifférent pour personne. Les meilleurs en resteront embarrassés. Pourquoi ont-ils peur, pourquoi en viennent ils pas rendre hommage ici ? Voilà le premier pays du monde comblant le roi de respect au delà de ce qu'on a jamais vu pour un monarque étranger. Quant aux malveillants imaginez ! Je ne sais pas vous parler d’autre chose d'ailleurs je ne sais rien. J’ai encore passé la soirée chez Annette. Elle se remet.
J’attends Génie. Il n’est pas si exact que vous. Hier il était bien content des nouvelles de Windsor. Il ne le va pas [l'être] moins aujourd’hui.

3 heures. Voilà Lady Cowley & Kisseleff dan ma chambre. Pas possible de continuer. Le temps est noir, du vent, ah mon Dieu, que je vais être inquiète. Adieu. Adieu. Adieu. Mille fois, ayez une bonne traversée. Revenez bien portant. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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18 Londres jeudi le 14 août 1845, à midi

Décidément je me suis encore trompée de N° & celui-ci est le 18ème. Votre dîner hors de chez vous, dimanche dernier me dérange. Je crains une indigestion ; & puis un assassinat, ou bien, une voiture versée. Vous savez comme je suis, parfaitement déraisonnable. Je suis tranquille quand je vous ai à Beauséjour, chez moi, ou bien dans votre cabinet que je regarde.
Hier longue promenade & causerie avec Dédel qui a tout plus de good sense & d'esprit & de connaissance de ce qui se passe ici. Beaucoup de monde chez moi le matin car tout ce qui est resté vient. Bulwer je crains me fera faux bon. Il voudrait que je retarde, & moi, je suis décidée à partir après demain. Flahaut part Lundi mais tout le monde va par le rail way. Il n'y a plus que moi dans le monde qui me serve de très mauvais chevaux de poste. Je ne sais vraiment qui partira avec moi, & je ne veut pas partir seule. Lady Cowley m’attend avec impatience et curiosité à Boulogne. J’y serai sans doute dimanche à moins de mauvais temps.
Je vous ramène des yeux assez ressemblants à ceux que j'avais en vous quittant, mais il est bien avéré que ce n’est que de l’ennui, des soins, des précautions, des privations, mais point de véritable danger. Il n’y a que Verity qui sache me traiter. Il sera à Paris au commencement de septembre. Londres est parfaitement dull, plus un seul homme public, et pas une nouvelle. Adieu, adieu, j'ai des yeux très capricieux et j'y ai mal dans ce moment, il faut que je vous quitte. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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26. Boulogne Samedi le 23 août 1845
Onze heures

Bulwer n’est pas arrivé encore ; Madame de Flahaut non plus. Voilà une chance de compagnon de voyage. En attendant. on cherche à Boulogne quelque amateur pace qu’après tout, faire venir de Paris est bien long et vraiment trop fort. Lady Alice Peel m’est arrivée hier. Elle demeure chez moi. Elle n'est venue que pour moi, quelle idée ! Enfin c’est de la société de plus. Cowley a aussi quelques visites d'Angleterre. Il est venu & part pour Londres après demain. Je ne puis assez vous dire combien il est bien sur Tahiti. Il veut aller là parler au Duc & à Peel.
Je fais ma promenade en voiture dans la journée avec Lady Cowley & sa fille. Je ne risque de marcher que là où il y a de l'ombre, & pas de vent. & cela est rare à rencontrer à Boulogne. Dans huit jours, quel bonheur ! Vos nouvelles sur la reine d'Angleterre me divertissent. à Londres on s'inquiétait un peu de sa perpétuelle agitation Mais il n’y a pas lieu. Ce n'est que de la fantaisie de principe & de despotisme. Les ministres sont trop complaisants & le public très soumis en renonçant on veut bien contrarier un vieux roi, cela vaut la peine. Mais une jeune femme ! Cela ne compte pas. Brignole est vraiment bien plat. Mais les vrais courtisans sont sincères dans le moment où ils flattent. J'ai été comme cela.
Cowley a envoyé à Lord Aberdeen le petit mot que vous lui avez répondu sur Tahiti. Il veut que cette affaire soit traitée & s'il se peut coulée à fond entre vous et lui sans autre intermédiaire. Il sera à Paris le 10 septembre. Il tremble de la Chambre quand il faudra demander l’argent, & moi aussi. N’y a-t-il pas un moyen d'arranger cela ? Voici Lady Cowley qui me prie de la rapeller à vous. Adieu. Adieu.
Je ne sais vraiment quand je partirai de Boulogne. Je compte toujours sur le lendemain. La seule chose sûre est que je serai à Beauséjour avant vous, si Dieu le permet. Vraiment. Il arrive des accidents si inattendus si effroyables qu'il est presque impie de se croire sûre de quelque chose. Vous ne me parlez pas de cette affreuse catastrophe de Rouen ? Adieu. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris Samedi 6 7bre 1845 Midi 1/2

J'arrive ; j'ai reçu votre petit mot j’ai vu Génie qui vous a embarqué. J’attends le télégraphe, & quelques visites, & un cache nez brun ou bleu foncé, s'il existe.
Vous oubliez hier en faisant le programme de la marche à dîner qu'Aberdeen doit passer devant vous. Vous faites en France les honneurs au ministre Anglais. Je suis furieuse qu'on pense à toutes petites choses, les bagatelles importantes. Je me tourmente de Constantin.
4 heures, voilà le télégraphe et pas un moment de plus à vous donner. Pas de cache nez trouvable. Beaucoup de monde, Mallkan entre autres devant témoins demandant de vos nouvelles avec beaucoup de sollicitude. Adieu. Adieu mille fois.
Soignez bien votre rhume, c’est à dire envoyez le promener. Prenez garde de l’air de la mer, n’allez pas en bateau à la rencontre. Adieu

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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4. Beauséjour Mardi le 9 septembre 1845
Onze heures

Votre lettre d’hier est charmante ful of interesting topics. Je vous vois arriver demain soir ou jeudi de bonne heure dans la journée. C'est là ce qu’il y aura de plus charmant dans ce voyage comme le temps est gracieux pour le roi !
Madame Appony, un Esterhazy cousin, Fleichman, & Mad. Rothschild, voilà ce que j'ai vu dans la journée hier à Anvers la reine d'Angleterre a encore éte maussade ; elle n’est charmante qu'a Cobourg et à Eu. On me dit que Génie est malade. Je vais voir à Paris si je peux le voir pour lui communiquer ce qu’il y a de montrable dans votre lettre, au fond tout pourvu que je n’explique pas l’adieu.
Me voilà en ville, j'ai vu Génie convalescent, je lui ai donné à lire votre lettre dont il a été charmé. No news.

Beauséjour again à 2 heures. Pas plus de nouvelles ici que là. Vous voilà dans la forêt à déjeuner. Derniere conversation avec Aberdeen. J’espère que vous vous séparez contents. Vos filles me disent que c’est jeudi que vous arrivez pour dîner. Ceci est donc probablement ma dernière lettre ; si on vous écrit encore. Je vous écrirai adieu, adieu, adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Samedi le 19 août 1848
1 heure

Hélas, voilà mon fils parti ! J’en ai le cœur bien gros. Il l’a vu, et je crois qu'il en est touché. Il va à Bade, de là à Castelamane, & il veut revenir à Brighton à la fin de Novembre. Je n'ose y compter. Le temps est affeux. Tempête et pluie. Comme c’est triste quand on est triste et seule ! Pierre d’Aremberg m’est resté sur les bras hier pendant cinq heures, c’était long. Ce qu'il m’a dit de plus intéressant est la ferme croyance de son parti que dans trois mois Henri V sera en France, Roi. Nul doute dans son esprit et il est entré dans des détails qui m'ont assez frappée. Ce qui a donné de la valeur à ses propos, c'est que une heure après, j’ai vu Lady Palmerston à Kew, qui me dit avec étonnement qu'ils venaient de recevoir de Paris la confirmation de ce que leur disaient depuis quelques temps les lettres particulières que le parti légitimiste avait gagné énormément de terrain, et qu’il était presque hors de doute que le duc de Bordeaux serait roi, & sous peu. Après l’étonnement venait le plaisir. Evidemment le premier intérêt là est que la France redevienne une Monarchie. Enfin je vous redis Lady Palmerston, me donnant cela comme une nouvelle officielle du moins venant de source officielle. Son mari n’a pas paru du tout au dîner donné à G. de Beaumont. Il était retenu à la Chambre. Beaumont a été fort causant, cherchant à faire deviner qu’il n’était pas républicain du tout, et disant très haut qu'on l’était très peu en France. ça et là, quelques propos très monarchistes. On ne lui a pas trouvé la tournure d'un homme du grand monde. Mais convenable, l’air honnête. Tournure de littérateur. Il a bien mal parlé de Lamartine, Ledru Rollin & & D’Aremberg affirme positivement que la Duchesse d’Orléans a pris l’initiative à Frohedorff et qu’elle a écrit une lettre de sympathie, se référant à ce qu’elle avait toujours éprouvé pour eux, & demandant que dans une infortune commune ou confondue les douleurs, & les espérances, & la conduite. Il affirme.
Lady Palmerston très autrichienne disant que l’affaire est entre les mains de l’Autriche, qu'ils sont les maîtres. Espérant qu’ils se sépareront du milanais mais ne se reconnaissant aucun droit pour ce disposer contre le gré de l’Autriche. Impatiente de recevoir les réponses de Vienne. Inquiète de Naples. Mauvaise affaire pour Gouvernement anglais. Le Danemark, espoir, mais aucune certitude de l’arrangement. Toujours occupée du manifeste [?] qu'on trouve plus bête à [?] qu'on y pense. Voilà je crois tout. Je reçois ce matin une lettre de Lord Aberdeen pleure de chagrin de ce que vous ne venez plus. & puis beaucoup d’humeur des articles dans le Globe où Palmerston lui reproche son intimité avec vous. Comme je n’ai pas ce journal je n’ai pas lu.
J'oubliais que G. de Beaumont annonce une nouvelle bataille le dans les rues de Paris comme certaine. J'oublie aussi qu’il tient beaucoup au petit de avant son nom. Le prince Lichnovsky, (celui de Mad. de Talleyrand) est arrivé à Londres, on y arrive comme pendant à Lord Cowley à Francfort. Nothing more to tell you, excepté, que je trouve le temps bien long, bien triste, et qu’il me semble que vous devriez songer à me marquer le jour de votre retour. Depuis le 31 juillet déjà. C’est bien long ! Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Dimanche 20 août 1848

Je crois vraiment que j'ai fait une bêtise en envoyant à l’Impératrice votre lettre du 16. Ce que vous dites d’elle est charmant, mais vous mettez les révolutionnaires et les autocrates sur un même plan, vous parlez de timidité, d’excuses. Comment n’ai je pas été frappée de la pensée que cela ne devait pas être envoyé ! Tout cela m’est revenu depuis la lettre partie. Si l’Empereur est tout-à-fait heureux d’esprits, il trouvera que vous avez raison. Mais comme avant tout il a beaucoup d'orgueil et il est possible que cela ne fasse pas fortune du tout. Il faut songer à réparer & voici ce que je vous propose. Ecrivez très naturellement dans une lettre, où vous me parleriez de l’attitude des grands cabinets, deux mots sur le nôtre. Dites ce qui est vrai, que quand on est si grand on a quelque mérite à être si sage, si modéré. Enfin vous savez bien ce que vous pourriez dire qui serait dans la vérité & qui ferait plaisir. Je vous prie faites cela tout de suite afin que je l'aie ici au plus tard lundi, car j'ai ce soir là une occasion.
J'ai été hier soir chez Lord John, j’y ai trouvé M. de Beaumont. Lord Palmerston, qui était là aussi me l’a présenté. Je l’ai trouvé comme on me l’avait dit. Sa conversation m’a paru un peu lourde. Il dit les choses longuement. Il ne me fait pas l’effet d’un homme de beaucoup d'esprit, il est un peu naïf. Je lui ai fait un accueil poli. Sans empressement. Lui avait l’air charmé de causer. Le dialogue a duré plus d’une demi-heure. Moi en interrogations. Difficultés immenses. L'édifice fragile. Cavaignac très républicain. " Lamoricière républicain comme moi. " ! - Je vais donc supposer, Monsieur que vous ne l’êtes pas beaucoup ? Il a éludé en disant qu’avant tout & pour le moment il fallait soutenir sincèrement ce qui donnait de l’ordre.
Eloge encore de Lamoricière. Si on s’avise de bouger, il mitraillera tout, on veut en finir avec les tapages de la rue. Il croit beaucoup à cela tout de suite. Très pacifique, charmé des dispositions qu'il rencontre ici, fâché qu’on ait si brusquement renvoyé Tallenay. Il s'en est expliqué avec Cavaignac qui lui a dit qu'on ferait des contes absurdes sur une rencontre avec vous. D’abord qu'elle n’était pas vraie, & puis le fût-elle, Tallenay n’aurait fait que son devoir en vous montrant des égards. Lui Beaumont si le hasard le met sur votre chemin, ira non seulement à vous, mais vous vous tendrez la main si vous voulez la prendre, quoiqu’il ait été toujours votre adversaire politique. Tallenay aura Francfort. Je lui ai demandé des nouvelles [?]. Je l’ai vu à l'Assemblée. Voilà tout ce qu’il m'en a dit, & puis, que Thiers était particulièrement décidé, exécré, par les factions et les partis que certainement on en voulait à sa vie. Que celle de Cavaignac était sans cesse menacée. Il est retourné au passé pour déplorer, pleurer, l’aveuglement respectif, dit-il, eux, avoir ignoré qu'ils faisaient les affaires de la république, vous que le mal avait de si profondes racines. Je crois vous avoir dit tout Beaumont au total il n’a pas l'air d'un mauvais homme, au contraire. Et on aurait pu moins bien choisir.
Il y avait là Minto, que, je n'avais jamais vu. Bien pressé de causer avec moi de me raconter l’Italie comment il n’avait cessé d'y prêcher le bon accord des peuples avec les Princes disant beaucoup de mal du roi de Naples, un menteur. Je n’ai pas trouvé la mine des trois ministres très radieuse. La session ira jusqu'à la première dizaine de septembre. Montebello a eu hier une lettre de Paris de vendredi, dans laquelle on lui dit que le télégraphe venait d'annoncer une insurrection à Nîmes & à Montpellier aux cris de Henry V. Ce serait trop tôt.
C’est ennuyeux de penser que tout ce que je vous écris là ne peut partir que demain soir.

Lundi 21, midi
Bulwer et G. Greville sont venus me voir hier matin. Le premier ne m'a rien dit de bien nouveau il n’a vu littéralement personne à Paris que Normanby un moment, qui lui a dit beaucoup de mal de Lamartine maintenant après lui en avoir dit le plus grand bien au mois de Mai. Rien sur Paris. Seulement une observation : c'est que le peuple est poli, respectueux, dans les rien pour tout ce qui est au-dessus de lui, & que le bourgeois s'empresse de donner les titres ne parlant aux personnes qui en ont. Ainsi on n’avait jamais appelé Guiche autrement que Monsieur. Maintenant Monsieur le duc. Les classes se dessinent & y ont goût. Serait-il possible que le goût de l’égalité passât en France ? Cela me paraitrait la plus grande des révolutions. On parle beaucoup d’intrigues légitimistes. On craint qu’ils n’agissent trop tôt. Bulwer d'assez mauvaise humeur. Il voudrait Rome. Je lui ai ri au nez [?] mais enfin il me semble évident que si on ne lui donne pas quelque chose et du bon, il fera du mischief contre ceux qui lui refusent. Greville pas grand chose, d’ailleurs nous n'étions pas seuls. Il y avait Montebello qui est charmant mais qui ne remarque pas qu'on causerait plus à son aise sans lui. Comme le tact est une chose rare ! J'ai été à Holland house. Toute sortie de monde. Syracuse, Petrullo. Les Flahaut. Les Jersey. Dumon. Aubland. Beaucoup d’autres. On ne parle que d’Italie. De la médiation. Quel bon article dans la spectateur de Londres de Samedi ! Syracuse prétend que l’expédition est partie de Naples. Reste à voir si les Anglais se seront opposés au débarquement en Sicile. On dit que oui indubitablement Flahaut croit à propos de la médiation que Palmerston n’aura pas songé à prévoir le cas où l’Autriche se refuse rait à ce qu'on va lui demander. D’abord personne ne sait ce qu’on va lui demander. Et puis com ment s'engager sans être d’accord France & Angleterre sur ce qu'on fera au cas de refus ? Cela me paraitrait par trop étourdi. Tout le monde attend un événement à Paris, personne ne croit à du trop gros dans la rue, mais l'Assemblée qu'est-ce qui s’y passera ?

Morny est revenu, il ne dit rien que ce que dit tout le monde. L’Empereur a été reçu avec le plus vif enthousiasme à Vienne. Je répète 40 fois 50 fois par jour, pourquoi n’êtes-vous pas là pour causer de tout. Il y a tant et tant ! On parle de Beaumont. On trouve qu'il manque de mesure, & qu’il est de mauvais goût de montrer du dédain pour la République. Du reste ses manières ne déplaisent pas. Il a fort l’envie d'être poli.

2 heures. Merci de la bonne nouvelle. Le 2 ou 3 Septembre ! Comme je vais attendre cela, & compter les jours, les heures ! Voici une lettre intéressante renvoyez-la moi, je vous prie. Car je n’ai fait que la parcourir. Brignoles proteste officiellement contre l’armistice. Qu’est-ce que cela veut dire ? Le temps va de mal en pire. Aujourd’hui effroyable tempête & des torrents de plus. Hier un froid de Sibérie. Quel climat ! Adieu. Adieu. Je ne sais si je vous ai tout dit. Probablement non. Car il y a trop. Mais pour finir merci, merci de votre retour, n’allez pas changer ! Adieu, adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond le 25 août 1848
Dix heures

Nous rabâchons toujours Montebello et moi de 9 à 10 le soir. Il est plein de sens. Il ne croit pas à la République, mais la conduite de Cavaignac lui parait très bonne. Seulement il l’attend au moment où il faudra choisir entre le parti modéré qui est nécessairement monarchique, et la république rouge. C'est à ce moment là qu'il voit la fin de régime actuel, dans quelque camps que Cavaignac se jette, et il le croit plus disposé au rouge qu'au blanc. Comme cet homme pourrait jouer un grand & noble rôle s'il n’était pas un enragé républicain ! Je commence à croire tout à fait aux tendresses de l’Empereur pour lui. Je vous ai toujours dit que l’Empereur avait le plus profond mépris pour les monarchies constitutionnelles ces deux mots lui semblent pire. Une franche république lui parait tout à fait logique. Il n’a pas tort. L'Angleterre seule est capable de supporter le disparate. Et encore, c’est bien une république ceci, république aristocratique. Car vous conviendrez que le Roi n'y compte que comme décoration. Retournez à Louis 14, ou bien résignez-vous à la perpétuelle confusion.
Les Holland vont partir, pour, ils ne savent où, le fidged anglais. Elle en pleure. Lui s'ennuie. L’arrangement de Holland house l’a occupé, passionné ; c’est fini, il est déjà blasé de la jouissance, car ce n’est par la question d’argent qui les chasse. Je les regretterai c'est une ressource. Je voudrais bien n’avoir plus à spéculer sur les ressources en Angleterre. Le Times de ce matin est encore très curieux de toutes les façons. J'espère que vous ne croyez pas un mot de la révolution à Pétersbourg ?

2 heures.
Voici votre lettre si courte & vous la promettiez longue. Pour quoi ne pas écrire par provision, vous avez du loisir ? Merci des incluses. Il me faudra du temps et des intervalles pour les lire (attendu mes yeux) je ne vous les renverrai donc que demain. Je suis très curieuse de Paris, aujourd'hui. Les modérés diraient que c’est palpitant. Adieu. Adieu, nous aurons encore un très mauvais jour le Dimanche, et les bons faute de mieux au nombre de 7 et puis et puis. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond le 30 août 1848,

Reconnaissez-vous cette date ? Toujours nous sommes séparés ce jour-là, Et toujours par votre faute. Enfin vous revenez après demain, & cela me fait tout pardonner. Neumann m'a fait une longue visite hier. Italie & Autriche pas d'autre conversation sur la médiation. Il ne comprend aucune des trois alternatives. Si on fait de Milan un duché séparé, fut [?] un archiduc, c'est un second Cracovie. Un foyer d’insurrection où se donnent rendez-vous tous les révolutionnaires de l'Europe. Polonais & & Le donner à la Toscane ? Cela n'a pas de sens, il n’y a pas contiguïté. Modène et Parme sont là debout et veulent le rester. Et la Sardaigne ? C'est une monstruosité. Jamais l'Allemagne & l’Autriche n'y consentiront. En définitive Milan doit rester à l’Autriche. Neumann arrive d’Autriche et vient de causer avec Wessenberg à Francfort. A Vienne situation déplorable. L’Empereur est revenu trop tôt. Il devait rentrer avec Radsky et 30 mille hommes. Il n’y a que cela pour faire tout rentrer dans l’ordre. A Vienne comme à Paris, gouvernement militaire. Il faut y arriver! Le Ministère Autrichien pitoyable, tous des gens qu'on peut payer, il n'en excepte pas même Wessenberg. Cela me parait trop fort.
Lutterotte écrit à Montebello que toute l’affaire à Paris a été une comédie, tous les rôles étaient appris. Cela n’a pas grand air et cela fera du tort à la réputation & rigide droiture de Cavaignac. Le fait est qu’il est gouverné par la coterie du National, & il subira ce joug jusqu’au bout. J’attends votre lettre après quoi j’irai peut être à Londres for a change, et pour quelques emplettes. L'opéra italien rouvre à Paris le 3 octobre. J’ai bien envie de reprendre ma loge pour ne pas perdre mon droit. Je la sous-louerai. L'idée de renoncer là à ce que j'y ai eu m’est insupportable. Quant à mon appartement nous en causerons. Vous ai-je dit que Lutterotte croit qu'on le donnera pour 800 francs ?

Midi.
Voici votre lettre comme vous jugez bien ce qui s’est passé à Paris ! C’est merveilleux. Adieu. Adieu. Dernière lettre à Lowestoft. Vous trouverez la suivante à Brompton. Si vous pouviez encore me dire que vous irez surement par Putney, j’irais vous chercher moi-même au port de Putney samedi, c'est une promenade. Je serai là à 4 h. 1/2. Vous savez que je suis exacte.
Adieu. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Mercredi 13 septembre 1848
4 heures

Voici une lettre de Lord John que vous me rapporterez demain. Je viens de faire mon luncheon chez la Duchesse de Cambridge. La princesse de Parme était venue la voir hier. Très grand éloignement de Louis Philippe. Rien n’indique qu’elle consente à les voir, au contraire. Le choix de la maison, pur hasard, étonnement de se trouver si près. Je vous dirai plus au long demain. Pahlen vient dîner chez moi aujourd’hui. Quel froid. Adieu. Adieu.
Il me semble que cela devient bien gros à Paris contre la dictature. Article bien fort dans les Débats au reste, je n’ai pas lu, j'ai parcouru. Adieu encore à demain. J’ai de bien mauvaises nouvelles sur mon appartement à Paris.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton, Mardi 19 sept 1848
Une heure

Bugeaud commence assez bien. L’armée des Alpes l’a adopté. Pourtant je ne crois pas au succès. Je doute que les débats se fussent compromis comme ils l’ont fait pour la liste de conciliation, s’ils n’y étaient pas poussés par l'opinion d’un grand nombre de conservateurs. Si Bugeaud ne passe pas, outre l'échec, il y aura le mal de la rancune entre conservateurs. Je ne comprends pas la manœuvre des Débats. On les accuse d'être trop bien avec Cavaignac. On nomme des intermédiaires. Qu'ils aient fait ce qu’il faut pour n'être jamais en péril, cela se peut, et je ne m'en étonne pas, quoique je ne crois pas, que, pour eux ce fût nécessaire. Mais je ne pense pas qu’ils soient allés plus loin. L’Assemblée nationale est très irritée et jalouse contre eux.
C’est l’Autriche qui est un curieux spectacle. Vienne près d'échapper au moment ou Venise est près de tomber. L'impuissance anarchique au centre, la victoire monarchique aux extrémités. Avec quoi paie-t-on l'armée et combien de temps la payera-t-on ? D'après mes journaux français. Messine n’a point été repris et on n'a point égorgé 20 000 Autrichiens sur 10 000. Je n'ai pas encore vu le Times. Ni personne. Point de nouvelles donc, et je vous ai donné hier toutes mes réflexions. Je crois bien que si nous étions ensemble, nous ne resterions pas court. Mais on n’écrit pas le quart de ce qu’on dirait.
Je suis assez curieux de votre visite à la Princesse de Parme. Et plus encore de ce qui nous viendra de Paris à son sujet. J'ai peur que la cour de ce parti-là ne soit ce qu’elle a toujours été, ingouvernable pour les chefs du parti et mettant à cela sa dignité et sa vanité. Tant pis pour la France certainement ; mais tant pis surtout pour le parti. Il a déjà manqué bien des chances de se remettre en France, là où il aurait toujours dû être. S’il manque encore celle-ci ce sera grand dommage. Mais après tout, la France, tant bien que mal, s'est déjà tirée d'affaires bien des fois sans lui et malgré lui. Elle en viendra encore à bout, s’il le faut Adieu. Adieu.
Je viens de me promener une heure et demie Je vais travailler. Ce que je fais me plaît. Adieu. Vous aurez songé n'est-ce pas à me donner des nouvelles de vos yeux. Il ne vous font pas mal certainement après dîner, dans la chambre obscure. J’aime la chambre obscure. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond vendredi [jeudi] le 28 Sept. 1848
4 heures

Ne venez pas demain. Je suis obligé d’aller en ville. J’irai vous soir. J’ai reçu une longue lettre de Lady Palmerston. Elle ne m’a pas l'air content des affaires. Elle dit que rien ne se terminera, & que les embarras s'accroissent. Je viens de déjeuner chez la duchesse de Cambridge. La princesse de Jarnac y vient sans cesse. Elle me semble une petite personne un peu légère, fort gaie. Elle veut acheter une terre, s’établir en Angleterre tout-à-fait. Elle ne croit plus du tout à son retour à Parme. Je trouve tout ce qui se passe à Paris triste, car cela promet d’être bien long. Je suis très découragée. Et voilà le choléra à Hull, trois personnes attaquées, toutes trois mortes. Il ne faut pas rester à Londres, pensez-y. Nous en causerons.

Samedi matin 10 heures.
J'avais laissé ma lettre pour la fermer au dernier moment. Je me suis trompée de 5 minutes, et la voilà encore je réponds à la vôtre reçue dans ce moment, je vous attends donc à dîner, c'est charmant. Et, cela vaut mieux, car me voilà prise pour le luncheon chez La Duchesse de H[ ?]. Il y a certainement quel qu'évènement à Holland house. Lequel ? A tantôt. Ma voiture sera au chemin de fer à 5 3/4. J’envoie Jean pour vous porter ceci. Adieu.
Le Times disait hier soir ces trois choses. Le vote pour la chambre unique sera rapporté. Thiers sera président. Cavaignac est entré dans l'Assemblée tenant Louis Bonaparte sous le bras.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton. Vendredi 29 Sept. 1848
10 heures

J’ai eu hier soir des nouvelles de Claremont. Détaillées. Toujours la même disposition. Très sensé, prêt à tout ; mais disant ce que nous disons. Expliquant bien la disposition de Mad. la Duchesse d'Orléans ; indiquant le langage qu’il convient de lui tenir. Du reste, plutôt en veine de confiance et regardant de plus en plus la durée de la baraque de Paris comme impossible. Montebello vous aura probablement donné les mêmes renseignements. Je viens de lire Lamartine et Odilon Barrot sur les deux Chambres. Les Débats ont raison. Les deux meilleurs discours qu’ils aient jamais faits l’un et l'autre. Mais empreints l'un et l'autre d’un vice mortel. Ni l'un ni l'autre ne croit à la durée de la République. L’un veut une assemblée unique, l'autre en voudrait deux pour la faire durer. Et tous les deux se répandent en compliments hyperboliques pour la République qui ne durera pas, et pour la démocratie qui ne sait pas faire ce qu’il faut pour la faire durer. Moins de fois que jamais et plus de flatterie que jamais pour la République et pour la Démocratie. Esprits très superficiels parlant du ton le plus sérieux, et une incurable faiblesse sous les apparences du courage. Toujours le même spectacle ; des médecins atteints de la maladie qu’ils veulent guérir, et ne la voyant pas, ou n’osant pas l'appeler par son nom parce qu'alors ils seraient obligés de la voir est eux-mêmes et de se traiter eux-mêmes comme malades. Encore une fois les évènements seront les seuls médecins de la France.
Brougham va pourtant tenter la cure. Je reçois ce matin de lui une lettre où il me dit : « Je commence [à] faire imprimer. Si mon ouvrage est différé, ceux qui, par amour pour la France, ont élu l'homme le plus stupide que je connaisse et qui ne fait jamais parler de lui que pour se faire moquer de lui Louis Napoléon, sont capables de renverser la République tricolore par la République rouge, et je ne ferais alors que l’éloge funèbre de leur République ! » Il ne s'attendrit pas aussi aisément que vous sur Louis Napoléon.

Une heure
La République badoise n’a pas fait longue vie. J'attends impatiemment des nouvelles de Berlin. Je commence à désespérer un peu moins de l'Allemagne. Il semble qu’un parti de résistance s'y prépare. Je doute que Paris et Londres acceptent le congrès, n'importe où, sur les Affaires d'Italie. Je le voudrais pour réhabiliter les congrès dans le monde républicain. Si le congrès à des questions territoriales à vider, Pétersbourg à Berlin y seront certainement, s’il ne s’occupe que de gouvernement intérieur de l'Italie, Londres et Paris suffisent. Dîtes, je vous prie à Montebello qu’il y a dans mon quartier, Pelham Crescent, Brompton Crescent, Onslow square, Thurloe square, plusieurs maisons à louer. Peut-être quelqu'une lui conviendrait. Je viendrai demain, samedi, dîner avec vous. J'aime mieux cela. C'est plus sûr et plus long. Mon rhume s'en va tout-à-fait. Adieu. Adieu. Je ne fermerai ma lettre qu’après 4 heures.

4 heures un quart
Je ne sais rien de nouveau sinon le billet qui m’arrive de Lady Holland. « Mon cher M. G., ne venez pas dîner dimanche et croyez au chagrin que j'éprouve de devoir vous faire cette prière. Je suis malade et Lord Holland est obligé d'aller visiter quelques parents. » Qu’est-ce que cela veut dire ? Vous avez sans doute reçu quelque chose de pareil. Adieu. Adieu. A demain. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton lundi 30 octobre 1848

Je suis tout à fait triste de ne pas savoir un mot de vous depuis vendredi soir, triste et fâchée. J'ai vu hier Aggy. Effrayante. Une vielle femme. Le front ridé, les dente noires, quelques rares cheveux, du ventre, du reste un squelette. Pâle comme un linge et cependant elle a plutôt l’air convalescente que malade. Alvandy bien vieilli, ne pouvant pas bouger. Mais l’esprit serein, drôle, sensé. Je n’ai pas été chez la Metternich. Ils sont venus chez moi sans me trouver. Aujourd’hui j’irai là, si l'avenir m'y pousse. M. Morrier est venu me voir. Homme d’esprit, homme du monde. Sachant causer de tout, parlant très bien le français et très mal de Lord Palmerston. Je n’ai pas vu de journal encore aujourd’hui.
Mon ménage n’est pas monté. Je vous écris aux sons de la voix de Jenny Lyard, elle est au dessus de ma tête. Voix bien pure, bien juste très remarquable vraiment, méthode un peu allemande et imitant très bien, un violon bien doux. Ce n’est pas ce qu'on demande à une voix.

4 heures. Pas un mot. Tout est venu de Londres pour tout le monde. Rien pour moi. Je suis bien misérable. Avez- vous voulu me punir d’être venu à Brighton ? Je ne vous dirai plus rien. Je ne sais rien. Je m’agite et m’inquiète. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Cambridge. Trinity Lodge Mardi 31 oct. 1848
5 heures

Je viens de passer ma matinée, en visites universitaires. Malgré les règles de silence, les jeunes gens mont cheered vivement dans la salle du sénat. Tout se passe à merveille, sauf le brouillard qui est très épais et l'ennui des compliments qui est très lourd. Je ne sais ce qu’on me fait faire demain. Je me mets à la disposition de mon hôte. Ce soir a very large party.
Demain vaudra mieux qu'aujourd’hui. J’aurai une lettre. Je ne trouve rien dans mes journaux. Je suis frappé de l'opposition si rude d’Emile Girardin à Thiers au milieu de sa faveur si chaude pour Louis Bonaparte. Je crois en vérité que Girardin fera concurrence à Thiers, pour être premier Ministre du neveu de l’oncle. En tous cas, son intimité sera pour Thiers un embarras. Il y aura bien des embarras, dans ce régime-là, et je doute que ceux qui s'en chargeront y grandissent. Milnes affirme que Louis Bonaparte sera très modéré. Il est de ses amis.
Je serai à Londres Vendredi pour dîner. J’ai bien envie d’aller vous voir samedi. Je partirais à 2 heures pour être à Brighton à 4, et j'en repartirai le dimanche à 7 heures 45 m. du matin pour être à Londres, à 10 heures un quart. Cela vous convient-il et aurai-je une chambre dans Bedford Hôtel ?
Mercredi 1 Nov. 7 heures et demie
J’ai eu hier au soir votre lettre de lundi. Je suis désolé, désolé. Et je ne comprends pas. Je vous ai écrit samedi ; ma lettre a été mise à la poste avant 5 heures Je vous ai écrit lundi avant de partir. Vous aurez certainement eu deux lettres, mardi matin. Mais il est inconcevable que celle de samedi ne vous fût pas arrivée Lundi à 4 heures. J’étais sûr qu’il nous arriverait quelque chagrin pareil. C’est sur vous qu’il est tombé. Sans faute de moi. Si j’étais en train de gronder, je vous gronderais bien fort d'avoir pu imaginer un moment que j’avais voulu vous punir d’être allée à Brighton. Vous avez l’esprit capable de tout croire, sinon de tout faire. Mais je ne vous gronderai que lorsque je vous saurai tranquille. Je n'aurai que ce soir votre lettre d’hier. J’ai été effrayé de votre description de cette pauvre Aggy. J’ai toujours bien peur pour elle, malgré les ressources de la jeunesse, dites-lui, je vous prie, ou envoyez-lui par Marion un mot d’amitié de ma part.
Tout Cambridge hier soir. Je suis resté dans le salon jusqu'à 4 heures et demie. Personne que vous connaissiez, si ce n’est Lord Northampton, un fils de Lady Westmoreland, un jeune M. Fane, grand, beau, parlant Français à merveille et aimable. Beaucoup de masters, professors, students && et beaucoup d’airs spirituels et honnêtes. Plus je regarde à l’Angleterre, plus je l’honore, et elle me convient.
Voilà mes journaux, et on me demande ma lettre pour la première poste qui part de très bonne heure. Je la donne pour quelle vous arrive le plutôt possible. Vous aviez raison d'être triste et tort d’être fâchée. A quoi sert donc ce que nous sommes, l’un pour l’autre depuis plus de onze ans. Adieu Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton, vendredi le 3 Nov. 1848
Je vais un peu mieux aujourd’hui, mais il faut que cela se soutienne. Comme de coutume votre lettre hier soir. Je vous recommande encore et encore l’exacte remise de vos lettres dans la letter box, à Brompton. Je n’ai vu hier que la Princesse Metternich, mais bien longtemps. Elle est restée chez moi trois grandes heures. (Le mari était malade comme moi.) et bien, elle ne m’a pas ennuyée. Elle a parlé tout le temps, parce que je le voulais bien, car au besoin je crois qu’elle saurait écouter. J’ai appris par elle assez de choses curieuses, plutôt sur les relations avec la Russie qu'autre chose. Nous étions bien mal ensemble. " L’Empereur traitait mon mari de chiffon." Voilà la mesure. Elle a l’air bonne femme et ne parle jamais de son mari que les larmes aux yeux. Une vrai adoration.
Voici un article de la presse du 1 Nov. Si vous voulez démentir ce qu'il vous attribue à propos de la candidature de Louis Bonaparte. J’espère que vous le ferez dans les termes les plus simples et abrégés. Vous êtes loin, vous n'êtes dans le cas d’émettre votre opinion ni sur les choses, ni sur les personnes. Je vous prie n’entrez pas en discussion. Restez étranger à tout jusqu' après le procès.
J’ai écrit hier au Duc de Noailles, je lui demande des nouvelles. Sir Robert Peel m’écrit aujourd’hui & m'envoie une vieillerie, mais que je ne connaissais pas de George Sand sur le Prince de Talleyran à Valençay écrit en 1837. Comme il dit " better and clever." C’est détaché de sorte que je ne sais à quel ouvrage cela appartient.
2 1/2 Je vous envoie ceci avec l’idée que vous pourrez le recevoir ce soir. Mandez-moi si j'ai raison. Adieu. Adieu. Je vous écrirai encore ce soir, et vous aurez donc des remarques & mes dire aussi quand cela vous arrive.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton vendredi 8 heures du soir

Voici Aberdeen, renvoyez le moi. J’ai vu Alvandy chez lui, la Princesse Meternich & M. Morrier chez moi. Rien de nouveau. Envoyez-moi du nouveau, Metternich persiste à douter qu'on bombarde Vienne. La Duchesse de Glocester est arrivée, le temps est affreux. Je vais un peu mieux Ceci est la seconde lettre aujourd’hui. N'oubliez pas de me dire à quelle heure vous l’avez reçue, Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton Mercredi 8 Nov. 1848
4 heures

Flahaut et Lavalette sortent de chez moi. Très troublés des nouvelles de Paris d'hier. Baisse énorme à la Bourse ; plus de 40 sous sur le 3 et sur le 5 pour 100. Anxiété générale comme la veille du 28 juin. Les républicains disant tout haut " Nous ne nous laisserons pas renverser. " Les modérés : " Nous ne nous laisserons pas déporter. " La garde mobile et la ligne tout près d'en venir aux mains non plus par des duels, mais en corps. La revue de l’armée ajournée, point à cause du temps mais parce que plusieurs régiments annonçaient qu’ils crieraient : " à bas Cavaignac ! Vive, Louis Bonaparte ! " Tous les symptômes de l'approche d’une lutte, d’une crise. Morny écrit : " J’ai de l’or ; j’aurai un passeport ; si nous sommes battus, je m’en servirai. " Duchâtel a trouvé hier le Roi sérieusement inquiet du Prince de Joinville. Et même un peu de la Reine. Leur arrivée à Richmond aura été triste.

Jeudi 9 Nov. 8 heures
J'ai dîné hier chez Lady Coltman, des magistrats et Macaulay. Moins abondant que de coutume. Préoccupé de son livre (Histoire de la révolution de 1688) qui paraîtra le 4 décembre. Lord Jeffrey, qui en a lu des fragments, dit que c'est excellent au-dessus de ce qu’il attendait. Cela vous est égal. Vous aimez assez les vieilles gens, point les vieux temps. Il faut que vous-même, de votre personne, vous ayez été de quelque chose dans les choses pour vous y intéresser. Vous êtes très personnelle. Point de nouvelles là. Ni Anglaises, ni Françaises. Presque tout le monde content du résultat de Vienne. En gros, le public anglais veut du bien à l’Autriche. Le libéralisme de Macaulay se satisferait en espérant l'affranchissement des Slaves et un affaiblissement pour la Russie.
Je mettrai moi-même cette lettre-ci à la poste tout-à-l’heure avant 9 heures. Je veux voir, si elle vous arrivera ce soir. Vous me le direz. Si j’apprends dans la journée quelque chose qui en vaille la peine, je vous écrirai un mot avant 5 heures. J'attends, M. Vitet qui a dû arriver hier de Paris. A moins que le mauvais temps ne l'ait arrêté à Boulogne.
On dit qu’hier il y avait tempête. L’avez-vous eue à Brighton ? Jai rapporté de Brighton une impression très agréable. Probablement plus agréable qu'il ne mérite. Je vois par ce qui me revient de Paris que là dans Paris, la perspective de la chute de Cavaignac déplait à pas mal de gens. Par terreur de la transition. Et aussi parce que, sans aimer la République pas mal de gens se disaient qu'après tout, peut- être, en entourant Cavaignac, en le soutenant la république modérée serait possible. On les jette dans un danger et on leur retire une chance. Ils en voudront beaucoup à Thiers d'avoir poussé à Louis Bonaparte. M. de Tocqueville est fort prononcé dans ce sens. On recrute ouvertement chez lui pour Cavaignac. Les Anglais qui vont à Paris vont beaucoup là. L’armée des Alpes est, pour Cavaignac et le républicain, un grand sujet d'inquiétude. Ils craignent qu’un beau jour, tout à coup, le maréchal Bugeaud n'aille se mettre à la tête et ne marche sur Paris. Je recherche tous les bruits, tous les petits propos pour vous les envoyer. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton le 12 Novembre. Dimanche

Vous avez été charmant hier deux lettres. J’ai reçu la première hier soir. La seconde à mon réveil ce matin, et toutes les deux très intéressantes. Je suis bien contente qu'on ne vous porte pas pour le Calvados.
Je n’ai pas lu le journal des Débats depuis le 8. Il se promène en Angleterre. J’ai écrit à Paris pour me plaindre. Rien de nouveau d'ici. Une lettre de Lord Brougham de Cannes du 6 amusante mais rien de nouveau. Le militaire à Lyon, fanatique pour la Bête impériale.
Je me réjouis extrêmement de Mardi. Je suppose que vous arriverez comme l'autre jour. S'il y avait un changement dans les heures mandez le moi demain. Nicolay est venu ici pour la journée. Je le fais dîner avec moi. On meurt assez à Pétersbourg et encore du choléra, entre autres ce Prince Dolgorouky homme d’esprit dont vous devez-vous souvenir, et que j’aimais beaucoup. Lady Holland vient me voir tous les jours. Je vous raconterai quelque chose sur elle qui vous divertira organiser l’état de siège, pourquoi pas la révolution, pourquoi pas le bombardement de Paris. Il faut tout prévoir. C'est trop de non sens. Adieu. Adieu

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton vendredi 17 Novembre 1848
11 heures

J'ai bien peur que mes craintes ne se vérifient et que nous ne voyons arriver Cavaignac. Comment pardonner jamais aux Débats l’énorme faute qu’ils viennent de faire ? Comment se fier à la parole d'un français ? I've your pardon. Il y a toujours des exceptions à la règle. Mais la règle est cela. Ou bien quelles têtes de linottes ! Je suis enragée. Le roi a tort de trouver 1000 francs par jour trop. C'était bien là dans mes proportions ce que je payais et au-delà ; pour deux, miss G. & moi. Car mes gens sont à part. 2 d'entretien. Et bien, ils sont 19 maîtres sans les valets. C’est cela, et de plus ils sont chauffés. Et moi je ne faisais pas de feu.
J'ai eu une lettre du petit Welloughby, sans rien en raison. S'il a cru que je la montrerais. Il se trompe ; je n’en ai seulement pas parlé. elle essaie de toutes les façons de me raconter ses chagrins. J'esquive. J'avais copié quelques passages frappants de la lettre de votre hôtesse de Paris, et je les ai envoyés à Metternich pour attraper de ces réponses qui nous amusent tant. J’ai été attrapée, car sa réponse est spirituelle. Voici la copie. La Coterie de Bedford hôtel grossit. Lady Charlotte Greville est venue. La Duchesse de Cambridge vient samedi prochain. Le Prince & la princesse de Parme aussi vers ce temps-là. Cela sera drôle. Moi, je n'ai plus de visite à faire.
Je vous prie soignez-vous je crois que je vous ai mal dit hier. C'est warming pan, qu'il faut dire pour bassinoire. J'espère que vous aurez cette lettre demain matin. Adieu. Adieu.
On me répète que Melbourne est mourant, & Beauvale bien malade. Le fils de Lord Cattenham colportait ici la nouvelle que Lord John se retire que Clarendon sera premier ministre, Palmerston leader de la Chambre basse et Hardinge vice roi d'Irlande. La France est mieux placée que les autres parties du continent que le feu, qui a si longtemps été pris pour la lumière a gagné. Elle a eu sa faveur, l'habitude des chutes. Cette habitude quelque chère qu'elle soit à contacter, finir par offrir un bon côté pour les corps politiques. Ils se retrouvent avec plus de facilité dans la déroute. Je suis ainsi moins en peine pour la France que pour l’Allemagne. Entre Vienne, Berlin et Francfort, c’est Vienne qui est le mieux placée, car les théories se sont présentées en armes dans les rues. A Berlin la position ressemble à une partie aux échecs entre le Roi, par la grâce de Dieu, et le pouvoir par la grâce du peuple. Francfort enfin ne ressemble qu'à lui même. Une assemblée constituante à la recherche de l’état à constituer est un spectacle nouveau dans les fastes de l'histoire. Dieu seul connait le terme auquel arrivera ce gâchis général. Je n'ai à cet égard plus une idée après avoir usé toutes celles que j’ai trouvé à ma disposition pour retarder, sinon pour empêcher que le mal n’arrive à son comble.
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