1849 ( 19 Juillet - 14 novembre ) : François de retour en France, analyste ou acteur politique ?
Auteurs : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857) ; Guizot, François (1787-1874)
Le corpus s’ouvre sur la lettre que François rédige à son débarquement au Havre le 19 juillet 1849. Il revient de son exil en Angleterre causé par la révolution de 1848. (Voir les collections 1848 (1er août -24 novembre) : Le silence de l'exil et 1849 ( 1er janvier - 18 juillet) : De la Démocratie en France, Guizot reprend la parole)
De son côté Dorothée reste en Angleterre, et ne rentre à Paris que trois mois après, le 17 octobre 1849. Le corpus se termine lorsque Guizot retrouve Paris, un mois plus tard. Ainsi, les lettres de François qui constituent se corpus sont rédigées au Val-Richer et à Broglie, durant un séjour chez son ami le duc Victor de Broglie (Voir la notice Le duc Victor de Broglie)
La réception de Guizot tant dans la rue que dans les institutions publiques, et, la posture à adopter sur la scène politique sont les thématiques qui structurent le discours épistolaire des deux amants. Ainsi, le rôle de Dorothée dans l’existence sociale et politique de François apparaît alors qu’ils préparent ensemble son retour à Paris et la reprise du salon de la princesse diplomate.
Voir les mots-clés : Politique (France), Politique, Réception (Guizot), Posture politique, Relation François-Dorothée (politique), Salon, Femme (politique)
Rentrer chez soi
Il faut tout d’abord noter le plaisir de François Guizot lorsqu’il retrouve sa propriété du Val-Richer, il écrit le 20 juillet 1849 :
Ma maison et mon jardin sont en bon état, comme si j’en étais sorti hier. Des fleurs dans le salon, et dans la bibliothèque ; mes journaux sur mon bureau, les allées nettoyées, les parquets frottés. Cela m’a plu et déplu. Tant de choses m'ont rempli l'âme depuis que je ne suis venu ici ; je ne puis me figurer qu’elles n'aient laissé ici aucune trace. Et puis cette tranquillité tout autour de moi, cette non interruption du passé et de ses habitudes, cela me plaît, et même me touche, car je le dois aux soins affectueux de deux ou trois personnes, amis ou serviteurs, qui ont pris plaisir à tout conserver ou remettre en ordre, et qui m’attendaient à la porte. J’ai rencontré beaucoup d'affection en ma vie ; je voudrais en être assez reconnaissant.
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Dorothée est bien consciente du plaisir de Guizot à retrouver son bonheur domestique, son parc et son jardin entouré de sa famille, et répond deux jours plus tard :
Vous voilà donc en France ! Que c'est loin de moi. Je suis charmée de connaître le Val Richer. Je saurai où vous chercher. Vous aurez un grand plaisir à vous retrouver là, à retrouver vos arbres, votre pelouse, vos sentiers. Tout cela reposera votre âme. Vous avez là tout le contentement intérieur, de la famille, de la propriété. Je vous manquerai c'est vrai, et je crois que je vous manquerai beaucoup, mais vous avez mille plaisirs que je n’ai pas. Et certes dans cette séparation je suis plus à plaindre que vous. Vous le sentez. Je voudrais me mieux porter et j'y prendrai de la peine, pour vous faire plaisir.
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Se séparer
Ce retour détermine une séparation et un éloignement. (Sur le quotidien de François et Dorothée en Angleterre voir la collection 1848 ( 1er août -24 novembre) : Le silence de l'exil) Dorothée évoque avec nostalgie les habitudes prises en Angleterre, telles que leurs conversations intimes.
Je bavarderais bien cependant si je vous avais là dans ce fauteuil, si bien placé pour un entretien intime, comme je regarde ce fauteuil avec tendresse et tristesse !
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L’évocation de leur conversation se fait à partir du fauteuil que Guizot utilisait. Le lendemain le dimanche 22 juillet 1850, elle l’évoque encore :
Toujours ce fauteuil devant moi et vide. Comme c’est plus triste de rester que de partir.
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C’est dans une lettre du 27 juillet que François l’évoque à son tour, en exprimant nettement la coordination des pratiques de conversation et de correspondance :
Je cause comme si j'étais dans mon fauteuil du Royal Hotel. Pauvre illusion !
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François est bien décidé à continuer ses échanges avec Dorothée sans craindre qu’ils puissent être lus. Il écrit le 20 juillet le lendemain de son arrivée :
On me dit qu’il faut prendre garde au nouveau directeur de la poste de Lisieux. Je n'y prendrai point garde. On lira mes lettres si on veut. On y trouvera peut-être quelque amusement, peut-être même quelque profit. On n’y trouvera rien que je sois bien fâché qu’on ait lu. Si j’avais quelque chose à vous dire que je tinsse vraiment à cacher, je saurais bien vous le faire arriver autrement que par la poste. Faites comme moi. Ne nous gênons pas en nous écrivant. Nous n'avons aucune raison pour nous gêner, et nous avons assez d’esprit pour nous ingénier, si nous en avions besoin. Les gens d’esprit sont toujours infiniment plus francs et plus cachés que ne croient les sots.
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Réception de Guizot à son retour en France
Le retour de Guizot en France ne se fait pas sans une certaine inquiétude. Il est attendu au Havre par quelques amis, politiques, diplomates et journalistes. Il cherche à rassurer Dorothée dès son arrivée le 19 juillet :
J’ai trouvé sur le port le duc de Broglie, MM. Piscatory, Plichon, Herbet, Mallac, Léon Pillet[1], et assez de foule. Pas un mot agréable, ni désagréable. Des regards curieux ; beaucoup de chapeaux levés. De la déférence dans l’indifférence. Il reste assez de personnes devant l'hôtel de l’Amirauté où je suis logé. Leur attitude me convient.
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Dorothée n’a pas encore reçu de nouvelles de Guizot mais elle suit son retour en France dans la presse et écrit le 21 juillet :
J'attends aujourd’hui une lettre du Havre. Le Times ce matin dit que vous y êtes arrivé, et que votre réception a été des huées. Cela fait bien de l'honneur à vos compatriotes !
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En effet, Guizot complète le récit de son arrivée sur le sol Français le 20 juillet :
Je me suis vanté trop tôt hier en vous disant que je n’avais rencontré dans l’accueil du Havre rien d’agréable, ni de désagréable, de la déférence dans l’indifférence. Cela a un peu changé deux heures après. Cinquante ou soixante gamins se sont réunis sous les fenêtres de l’auberge où je dînais, et se sont mis à crier : « à bas Guizot ! » et à siffler. Cinquante à soixante curieux, ou plutôt curieuses, se sont attroupés autour d’eux. Pas l’ombre de colère ni de menace ; une curiosité mécontente de ce que je ne paraissais pas entendre les cris, et une petite démonstration malveillante organisée par le journal rouge de la ville qui l’avait annoncée le matin en annonçant mon arrivée. J'ai dîné tranquillement au bruit de ce concert, et je suis descendu dans la rue pour monter dans la voiture qui devait me reconduire à l’auberge où je couchais. J’ai trouvé autour de la voiture une douzaine de gentlemen qui en écartant les gamins, l’un m’a dit d’un très bon air : « M. Guizot, nous serions désolés que vous prissiez ce tapage pour le sentiment de la population de notre ville ; ce sont des polissons ameutés par quelques coquins. Non seulement nous vous respectons tous ; mais nous sommes charmés de vous voir de retour et nous espérons bien vous revoir bientôt où vous devez être. » […]. Cela n’avait pas la moindre gravité en soi, beaucoup comme symptôme. Rien n’est changé et je ne suis point oublié. Ce matin, sur le bateau du Havre à Honfleur, les gentlemen étaient en grande majorité et m'ont fait fête. […] Ce pays-ci est bien animé, et bien prompt à saisir les occasions de le montrer. Je n’en suis que plus décidé à rester bien tranquille chez moi. Il n’y a absolument rien de bon à faire, et ma position est bonne pour attendre.
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La réception chahutée de Guizot au Havre le conforte dans sa décision de rester en retrait au Val Richer, même si en réaction il reçoit des témoignages de sympathie en soulignant son retour sur le sol français comme un événement. Il écrit le 25 juillet :
La petite scène du Havre a bien tourné. De bons juges m’écrivent de Paris : « Tout compté et bien compté, ce n'est point à regretter. Puisqu'il n’y a rien eu de grave autant vaut au risque de quelques embarras et de quelques inquiétudes, que vos éternels adversaires vos ennemis naturels aient fait la faute de provoquer ce qui a houleusement échoué. Il ne faut pas regretter l'éclat qu’ils ont donné à votre rentrée. Votre retour en France est un fait considérable. Il est considérable pour vos amis comme pour vous-même, en raison de votre passé et probablement aussi en raison de votre avenir. On l’a compris on le comprend, et l'on n'a pas su dissimuler sa mauvaise humeur. Encore une fois, tant mieux. »
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Guizot reprend ses marques en évaluant la place et le rôle qui lui sont attribués par ses amis politiques. François commence par écouter les membres de son réseau. Il écrit le 23 juillet, quatre jours après son arrivée en France :
J’ai passé ma matinée hier à recevoir des visites. Dix-neuf. Mon impression reste la même. Rien n’est changé au fond, dans la situation générale, ni dans la mienne. Seulement tout a éclaté et s'est exaspéré. C’est toujours la même lutte entre les mêmes classes et les mêmes passions, et j'y tiens toujours la même place. Mais évidemment le moment n'est pas venu pour moi, quand je le pourrais, de la reprendre activement. Mes amis se troubleraient. Mes ennemis s’irriteraient. Et les uns et les autres saisiraient le premier prétexte pour rejeter sur moi seul la responsabilité du premier malheur. Et le public spectateur les croirait. Je n’ai qu'à attendre, si le temps, en s'en allant, n'emporte pas trop tôt ce qui me reste de forces, je puis avoir encore un grand moment. Si je m'en vais avant que ce moment n’arrive, j'ai lieu d'espérer aujourd’hui que justice sera faite à mon nom.
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Guizot comprend que la place qui lui est réservée le porterait sur le front de bataille. Il évoque un possible retour sur la scène politique tout en concluant que les conditions n’y sont pas encore favorables. Le 10 août 1849, Dorothée écrit :
Restez comme vous êtes à l’écart, tranquille. Cela a très bon air. Profit tout clair. Soyez en sûr.
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Le 15 septembre 1849, Dorothée lui fait part de sa conversation avec l’ancien diplomate Théobald Piscatory (1800-1870) qui poursuit sa carrière politique sous la deuxième République en tant que député monarchiste :
Voici votre lettre avec extrait de Piscatory. C’est un esprit [?] & qui est resté doctrinaire. Je vous en prie ne le redevenez pas.
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François y répond le 17 septembre :
Les décadences me déplaisent toujours. Soyez tranquille ; je ne redeviendrai pas doctrinaire. Fatuité à part, je ne voudrais pas redevenir rien de ce que j’ai été. Je crois que ce serait déchoir. Redevenir jeune en restant ce que je suis à la bonne heure. Et si je ne me trompe, vous en diriez autant.
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Guizot se sent fort de son expérience et de son expertise. Il n’exprime jusqu’ici aucune nostalgie de ses succès de jeunesse.
[1] Théobald Piscatory (1800-1870), Ignace Plichon (1814-1888), Edmond Herbet (1813- ?), Léon Pillet (1803-1868)
Guizot s’impatiente au Val-Richer
Plus d’un mois après, François commence à s’interroger sur la réception de son action publique. Ne sera-t-elle jamais reconnue ? Aussi, c’est en s’adressant à Dorothée qu’il s’autorise à comparer ce retour d’Angleterre avec un avenir incertain, à son retour de son ambassade à Londres en 1840 avec plus d'espoir :
Vous rappelez-vous bien le 29 octobre, il y a neuf ans mon arrivée à Paris le 26 et les trois jours qui précédèrent la formation du Cabinet ? Je suis décidé à ne pas croire que ce jour-là, et tout ce que j’ai fait du 29 octobre 1840 au 24 février 1848 m'ait été bon à rien. Mais aujourd’hui il n’y a que Dieu qui sache à qui cela a été et restera bon.
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Il semble que Guizot tienne moins à reprendre sa place ou une place qu’à ce que son œuvre politique de 40 à 48 soit reconnue. Il faut noter que Guizot considère son action de cette période et non celle du début de la Monarchie de Juillet. Et c’est cette conscience de la tâche accomplie qui lui permet d’affirmer le 30 octobre :
J'ai dit à M. Moulin, ce que je pense comme je le dirai quand je serai à Paris. J'ai acquis le droit de tout dire. Ce qui ne veut pas dire que j'en serai toujours. Mais je ne me laisserai gêner par personne.
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La reprise du salon de Dorothée permet de multiplier les éléments pour évaluer les conditions du retour de François à Paris. Le 2 novembre, elle lui écrit :
Attendez-vous à beaucoup d'ingratitude. Vous êtes le politique de la monarchie de juillet. Absurdité incrustée dans le gros du public. Il ne faut pas que vous disiez que vous n’avez jamais eu tort. Je lui ai répondu qu'il n'y a que les sots qui se croient infaillibles. Je vous répète que Ste Aulaire est excellent.
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Guizot répond le 3 novembre
Merci, merci. Cela ne me paraît pas, à tout prendre, inquiétant pour le moment. Mes tendres amitiés à Sainte-Aulaire quand vous le reverrez. Je crois plus que personne qu’il n’y a que les sots d'infaillibles, mais je suis très décidé à ne pas me laisser affubler du moindre tort prétendu pour épargner à d'autres la honte de leurs gros péchés.
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Il poursuit le 4 novembre :
La vérité est grosse comme une montagne, et moi, je ne suis pas encore mort. Il faudra bien qu’on y voie clair qu’on le veuille ou non. Et comme l’ingratitude ne me donnera point d'humeur, je prendrais mon temps et les bons moyens.
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Guizot comprend que chacun le dissuade de revenir, mais il suggère qu’il envisage de nouvelles modalités d’action publique et de présence politique. Le 5 novembre Guizot écrit :
Ils me recommandent de ne pas arriver au milieu de la crise : " Quelque réservé quelque prudent que vous soyez, on commentera votre arrivée vos paroles, en vous fera parler quand vous n'aurez rien dit. Il ne vous est pas permis, de vous renfermer dans la vie privée ; vous serez, malgré vous malgré nous, traité en homme public. " Voilà leurs paroles. Ce qu’ils disent est vrai. Je n’y vois pas autant d’inconvénients qu'eux ; et ces inconvénients, s'ils existent, existeront à peu près toujours, A quelque moment que j’arrive, il m’arrivera ce qu’ils disent. Pourtant, je crois que pour ce moment-ci, ils ont raison, et qu’il vaut mieux ne pas fixer de jour précis. Quel ennui, et quel prélude, d'ennemis ! Je suis dans une veine de tristesse profonde, pour vous, pour moi. Si j'étais là, je serais bien moins triste, bien moins inquiet. Votre inquiétude à vous me désole au-delà de ce que je puis dire. J’espère qu'elle est exagérée ; mais je la trouve bien naturelle. Si j'étais là, vous seriez moins inquiète et moi probablement pas inquiet du tout. Ah, que le monde est mal arrangé !
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Dans cette lettre, Guizot semble un peu atteint par ses perspectives pessimistes sur son retour diffusées par son réseau politique. Il semble pris dans une tension entre la volonté de revenir et de reprendre la parole et la prudence. Il ne veut pas précipiter son retour. Le 7 novembre, il écrit :
Je ne veux pas retourner étourdiment à Paris. Je ne veux pas tarder inutilement à y retourner. Ce qui est inutile en ce genre serait inconvenant pour moi. Je ne me fais pas la moindre illusion sur ce qui m'attend à Paris. L’ingratitude ne me touche point ; il n'y en aura jamais plus que je n'en attends. Les stupidités populaires, les perfidies infatigables, et infiniment détournées, des rivaux d’autant plus acharnés qu’il sont un peu honteux, les froideurs embarrassées, des indifférents, les poltronneries, des amis, je compte sur tout cela. J'étais puissant avec grand combat. Je suis tombé avec grand bruit. Si j'étais mort, encore passe. Mais je reviens. La plupart s'étonnent, quelques uns craignent que je ne sois pas mort. Ma présence est pour les uns un reproche, pour les autres, une inquiétude, pour d’autres simples spectateurs, quelque chose d'inconnu, et par conséquent d'incommode. Tout cela me fait une situation délicate, et qui aura des difficultés. Je ne puis pas la changer. Je ne veux pas l’éluder. S’il y a un bon avenir, je surmonterai ces difficultés. S'il n'y a pas un bon avenir, peu m'importe tout cela.
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François ne conditionne pas son retour à Paris à une possible reprise de son action politique directe. Il explique comment tout bien considéré, chacun sera dérangé par son retour. Après près de quatre mois au Val-Richer, sa décision est prise. Bonne ou mauvais réception, François veut faire face et ne veut pas se condamner à l’isolement en France. Le 5 novembre, trois semaines après son arrivée, Dorothée rouvre son salon parisien et fait part à François de ce qu’elle a pu sonder parmi ses visiteurs. Dorothée apparaît comme la personne avec laquelle il peut réfléchir ouvertement à son retour politique. Dorothée n’est pas seulement une oreille attentive, depuis son retour à Paris, elle est au plus près pour recueillir des informations nécessaires à l’analyse de François :
Tout le monde entrait chez moi hier en riant, une sorte de plaisir de retrouver du vieux. Cela m’a plu, le commencement m’a plu ; à la fin de la soirée, j’ai dit à Montebello, avec amertume « personne n’a prononcé le nom de M. Guizot. » Cela m’a choquée. Voilà les hommes. Voilà le temps. Montebello m’a cité une exception, le Prince Wittgenstein. Je lui en saurai gré. [..]Que vous écrit-on sur vous ? Adieu. deux choses à relever. Molé ne croit pas à l’Empire. Et en fait d'avenir, il ne croit plus qu'une Monarchie constitutionnelle soit possible autre part qu’en Angleterre.
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Et François répond le 11 novembre à ce que lui rapporte Dorothée quelques jours plus tôt le 5 novembre :
Je dis comme vous pour ce qui touche ma situation personnelle en reparaissant. Nous verrons. Nous devons avoir ce qu’il faudra d'habileté et de bon sens. Le silence qui vous choque ne m’étonne pas. C'est de l’embarras et de la platitude, faute d’esprit et faute de cœur. Deux choses, si je ne me trompe, mettront à l'aise, autant qu’ils peuvent être à l'aise, les poltrons et les sots ; d'abord ma manière, et bientôt ma situation même. [...] Je ne vois absolument aucune raison d'hésiter, et je suis décidé. Il n’y a que deux espèces de personnes qui me conseillent de ne pas revenir ; celles qui s'en iraient volontiers elles-mêmes, et celles qui ont envie que je ne revienne pas du tout.
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Le 10 novembre, Dorothée fait part à Guizot d’une réception positive de la part d’Achille Fould, Ministre des Finances entre 1849 et 1867 :
Achille Fould m’a abordée, il m’a parlé avec tristesse de la situation qu'il a acceptée, & puis tout de suite il a passé à me demander de vos nouvelles quand vous reviendrez. J’ai dit que j’espérais dans 8 ou 10 jours. Et puis, que pense M. Guizot ? - M. Guizot pense qu’il faut soutenir l’autorité tant qu’elle donne des gages d’ordre & de force. - M. Guizot a un trop bon esprit pour ne pas penser cela.
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Voir les lettres sur la posture politique à adopter par Guizot
Voir les lettres sur la réception de Guizot
Préparer le retour de Guizot à Paris : rouvrir le salon parisien de Dorothée
Voir les lettres Relation François-Dorothée (Politique)
Le retour de Dorothée à Paris à l’automne alors que François Guizot est encore au Val Richer conduit à la reprise de leur relation épistolaire politique. Guizot s’y prépare, il écrit le 16 octobre :
Quand vous m'écrirez de Paris, vous m'enverrez les faits, je vous renverrai mes réflexions. En attendant que faits et réflexions nous soient communs.
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Ce corpus met en lumière le fonctionnement du duo politique. Au travers de ses correspondances et conversations, Dorothée doit rassembler des faits sur la situation politique à Paris. Elle constitue un matériau pour l’élaboration d’une analyse par Guizot. Le 25 octobre, il exprime nettement la dynamique de leur relation et comment il pratique à deux l’analyse des faits politiques :
Quel ennui d'être loin et de ne pas avoir avec vous, sur ce point-là encore plus que sur tout autre, ces conversations infinies où à force de se tout dire, on finit par atteindre ensemble à la vérité et pas s'y reposer ! Enfin dans trois semaines nous en serons là.
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Dans une lettre du 18 octobre à propos de la politique étrangère menée par l’Angleterre, Guizot donne un exemple de conclusion établie à deux :
Les questions du Cabinet anglais ne se décident pas par la politique étrangère. Nous nous le sommes dit cent fois, et nous l’oublions toujours.
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Lorsque Dorothée rentre à Paris, François décrit comment constituer un salon où l’on puisse prendre des informations mais aussi en diffuser. D’un côté François garde encore ses distances avec la vie politique parisienne, de l’autre, Dorothée sonde et prépare le terrain en reprenant ses activités sociales et politiques parisiennes. Il écrit le 19 octobre :
Vous avez toute raison ; arrangez votre vie ; faites-y entrer comme il vous convient, les personnes qui sont à la fois indifférentes et importantes. Que chacun vienne et prenne place. Cela se fera plus aisément et plus sûrement moi n’y étant pas. Je viendrai quand ce sera fait et nous en jouirons ensemble. On ne sait pas combien on peut lever de difficultés et concilier d'avantages avec un peu d'esprit, et de bon sens, en se laissant mutuellement l’espace et la liberté nécessaires pour agir, et pour réussir. Chacun pour soi, et pour soi seul, c'est l’égoïsme, la solitude dans la glace ; chacun par soi- même et selon sa propre situation, c’est la dignité et le succès ce qui ne nuit en rien à l'affection. Je reviens à mon désir du moment. Je suis bien curieux de votre impression sur Paris et sur la situation actuelle.
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Afin que le salon de Dorothée n’apparaisse pas au service de la reprise de la vie politique de Guizot, ils agissent séparément. L’autonomie de Dorothée est manifeste, et c’est d’ailleurs ainsi qu’elle peut lui être le plus utile. Guizot n’est plus ministre des Affaires étrangères. Mais Dorothée reste une princesse russe, diplomate, anglophile et installée en France en rayonnant encore sur la diplomatie et les monarques européens. Dans la même lettre, il cite un autre exemple de femme qui mène une pratique d’action politique et diplomatique dans son salon.
Vous ai-je dit, ou savez-vous que lord Normanby[1] est très assidu chez Madame Howard ; et que c’est surtout par elle qu’il agit sur le Président ?
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Guizot note les visites de l’ambassadeur d’Angleterre en France chez Madame Howard, la maîtresse de Louis Napoléon en soulignant que c’est elle qui « agit sur » le président de la République. Dans la lettre suivante, du 20 octobre, Guizot précise les personnes importantes à convier au milieu des indifférents.
Dans l’arrangement de votre vie, indépendamment des anciennes connaissances qu’il faut reprendre, peut-être y en a-t-il aussi quelques nouvelles qu’il vous convient de faire, soit à cause de leur value personnelle, soit à cause de l’importance qu'elles ont prise dans ces derniers temps. Montalembert, Falloux (s’il vit), Bussierre, d’Haussonville, Piscatory[2]. Je ne crois pas qu’il faille étendre votre cercle, et les étrangers en sont, et doivent en être, toujours le fond. Mais vous aurez des vides. Du reste, vous jugerez mieux de cela après quelques jours de séjour que moi d’ici. J’avais pensé à M. de Tocqueville, s'il se recherchait comme de raison. Il est homme d’esprit, de bonne compagnie et sûr je crois. Mais il ne serait pas sans inconvénients. Je vous dis ce qui me passe par l’esprit.
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M. de Tocqueville a été, jusqu'ici, un homme d’esprit dans son Cabinet et dans ses livres. Il est possible qu’il ait de quoi être un homme d’esprit dans l'action et gouvernement. Nous verrons. Je le souhaite. C’est un honnête homme et un gentleman
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Deux semaines plus tard, Dorothée rend compte à François. Les deux personnes qui restent toujours importantes en 1849 sont Molé et Thiers, les deux personnalités avec qui Guizot a dû naviguer au cours de la Monarchie de Juillet.
Mon salon hier était comme il y a deux ans, excepté vous de moins, et M. Molé & Berryer[3] de plus, & quelques légitimistes. La diplomatie au complet moins l'Angleterre. […] Voici le vrai de la situation. Les ministres changent, mais deux hommes restent immuables, importants, sont Molé et Thiers. La diplomatie se tient à eux. On leur parle comme à des Ministres & on leur montre souvent plus qu'aux ministres.
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Puisque M. Hübner est enfin venu vous voir, ce dont je suis bien aise, causez un peu à fond avec lui de la Hongrie. Ce pays-là est entré dans l’Europe. On regardera fort désormais à ses affaires. Est-ce sage la résolution qu'on vient de prendre à Vienne de maintenir, quant à la Hongrie, la Constitution centralisante de mars 1849, et de considérer son ancienne constitution comme abolie, au lieu de la modifier ? Je n’ai pas d'opinion ; je ne sais pas assez bien les faits ; mais je suis curieux de m'en faire une. Puisque M. Hübner est un homme d’esprit il vous reviendra souvent.
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[1] Normanby, Constantine Henry (1797-1863 ; Marquess of)
[2] Il s’agit d’hommes politiques attachés à une droite libérale. Charles Forbes René, comte de Montalembert (1810-1870), Alfred de Falloux (1811-1886) ministre de l’instruction publique jusqu’en octobre 1849, Alfred Renouard de Bussière (1804-1887), Joseph Othenin Bernard de Cléron, comte d'Haussonville (1809-1884).
[3] Berryer, Pierre Antoine (1790-1868), journaliste, avocat et député des Bouches-du-Rhône à partir de 1848.
L’art de converser de Dorothée
Alors que Dorothée a repris sa vie parisienne depuis trois semaines et qu’elle en fait le compte-rendu à François, la qualité de sa correspondance fait écrire à François :
Vous êtes la plus excellente et fidèle glace (miroir est trop petit) qui se puisse voir. Vous me renvoyez toutes les hésitations, fluctuations alternatives du public qui vous entoure. Hier, l'Empire infaillible ; aujourd’hui, impossible. Les brusques revirements d'inquiétude et de confiance d’abattement et d’entrain, ces oublis frivoles et ces préventions entêtées, ce mouvement perpétuel qui avance si peu, ce je ne sais quoi d'immobile, je devrais dire d’incorrigible qui persiste sous ce besoin insatiable de changement et de nouveauté, tout cela, qui est la France, et surtout Paris dans la France, tout cela est dans vos lettres. Tantôt vous le peignez parce que vous l'avez observé ; tantôt vous le reproduisez sans vous en douter. Ce qui, pour vous, est spectacle devient à l’instant tableau dès que vous en parlez. Cela est rare et charmant.
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Alors que la question de l’établissement d’un nouveau régime politique, et de la transformation du Président en Empereur, François souligne avec enthousiasme la maîtrise de Dorothée dans l’art de transcrire les tendances et les fluctuations politiques mais aussi de les saisir au travers d’une analyse fine des détails. (Sur la pratique épistolaire de Dorothée voir aussi la collection
1837 (1er juillet- 6 août) : Les premières semaines de la relation et de la correspondance entre les deux amants )
Dans ce corpus de correspondance, un autre écho se laisse entendre. Alors que Chateaubriand meurt en juillet 1848, la publication posthume des Mémoires d’Outre-tombe se fait en feuilleton dans La Presse à partir du 21 octobre 1848 (Voir le numéro), Dorothée craint une critique de ses pratiques diplomatiques et politiques. En effet, la princesse de Lieven et Chateaubriand ont fait partie du même réseau diplomatique en Angleterre. Le 2 octobre Dorothée demande à François :
Et à propos encore, avez-vous lu ce que M de Chateaubriand dit de moi dans son Outre tombe.
Voir la lettre
Le 4 octobre, Guizot répond :
Je ne lis pas les Mémoires d’Outre-tombe. C’est vous qui me faisiez lire ces frivolités-là, Outre-tombe, Raphael. Quand je ne vous ai pas, je ne me doute pas qu'elles paraissent. Je vais demander les passages où il est question de vous.
Voir la lettre
C’est douze jours plus tard, le 16 octobre, que Guizot répond à Dorothée après s’être renseigné, vraisemblablement auprès d’Armand Bertin[1] du Journal des Débats qui a été au service de Chateaubriand lors de son ambassade à Londres en 1822.
Armand Bertin était attaché à l'Ambassade de M. de Châteaubriand. Un soir en rentrant M. de Châteaubriand lui dit : « Madame de Lieven me traite bien mal. Elle ne sait pas à qui elle a affaire ni quels sont mes moyens de me venger. Certainement je me vengerai ? » Votre article d’Outre-tombe a été écrit alors de verve de vengeance. Il y a ajoute depuis ce qui me regarde. Je vous dis ce qu’on vient de me dire. Je ne l’ai pas lu.
Voir la lettre
Dorothée a quelques raisons de craindre la parution des Mémoires de Chateaubriand. L’auteur consacre un portrait à Dorothée et lui retire d’emblée ce qui lui est reconnu : son esprit et son expertise dans les pratiques de cour. Chateaubriand écrit :
Comme elle était hardie et passait pour être bien en cour, elle était devenue extrêmement fashionable. On lui croyait de l'esprit, parce qu'on supposait que son mari n'en avait pas; ce qui n'était pas vrai : M. de Lieven était fort supérieur à. madame. Madame de Lieven, au visage aigu et mésavenant, est une femme commune, fatigante, aride, qui n'a qu'un seul genre de conversation, la politique vulgaire ; du reste, elle ne sait rien, et elle cache la disette de ses idées sous l'abondance de ses paroles.
Chateaubriand, F.-R. de, Mémoires d’outre-tombe, Tome 4 ; Edmond Biré (ed.), (1899-1900) p. 249
C’est à Londres que Dorothée prend sa carrure diplomatique, sans se cantonner au rôle d’une femme d’ambassadeur. Elle devient diplomate.. En quelque sorte, Chateaubriand la remet à sa place, et une fois qu’il lui a ôté ses qualités intellectuelles et politiques, il lui retire ce qui peut alors donner plaisir à fréquenter une femme : sa beauté. Mais c’est sur son esprit et sur l’intérêt de ses conversations et de ses correspondances qu’il insiste et à la vulgarité, il ajoute la puérilité de ses pratiques diplomatiques.
Quand elle se trouve avec des gens de mérite, sa stérilité se tait ; elle revêt sa nullité d'un air supérieur d'ennui, comme si elle avait le droit d'être ennuyée ; tombée par l'effet du temps, et ne pouvant s'empêcher de se mêler de quelque chose, la douairière des congrès est venue de Vérone donner à Paris, avec la permission de MM. les magistrats de Pétersbourg, une représentation des puérilités diplomatiques d'autrefois.
Le portrait continue sur la description du contenu de son discours épistolaire. Sa politique et sa diplomatie semble restreinte à organiser des mariages. Encore une fois, Chateaubriand la ramène à sa condition de femme.
Elle entretient des correspondances privées, et elle a paru très forte en mariages manqués. Nos novices se sont précipités dans ses salons pour apprendre le beau monde et l'art des secrets ; ils lui confient les leurs, qui, répandus par madame de Lieven, se changent en sourds cancans. Les ministres, et ceux qui aspirent à le devenir, sont tout fiers d'être protégés par une dame qui a eu l'honneur de voir M. de Metternich aux heures où le grand homme, pour se délasser du poids des affaires, s'amuse à effiloquer de la soie. Le ridicule attendait à Paris madame de Lieven. Un doctrinaire grave est tombé aux pieds d'Omphale : « Amour, tu perdis Troie. »
Chateaubriand, F.-R. de, Mémoires d’outre-tombe, Tome 4 ; Edmond Biré (ed.), (1899-1900) p. 250
Chateaubriand ne manque pas de terminer sur les relations de la princesse avec des grands hommes en ne soulignant que leur caractère sexuel et frivole. Le point d’orgue est atteint lorsqu’il évoque la relation entre Dorothée et François avec ironie. Le portrait est si acide qu’Edmond Biré l’éditeur de 1898 se sent obligé d’annoter ce passage en citant un témoignage d’un autre secrétaire d’ambassade de Chateaubriand :
Elle avait épousé Christophe Andréiëvitch, prince de Lieven, général dans l'armée russe, gouverneur du tsar Alexandre II et pendant vingt-deux ans ambassadeur à Londres. Le portrait qu'en trace ici Chateaubriand est trop poussé au noir. « Bien qu'étrangère, dit M. de Marcellus[2], elle dominait les filles d'Albion par une in- contestable supériorité d'attitude et 'de manières. Elle savait causer de tout ; elle avait été fort jolie, et sa taille gardait encore beaucoup plus tard une grande élégance ; elle possédait une merveilleuse aptitude pour la musique ; sa mémoire lui rappelait des opéras entiers qu'elle exécutait à ravir sur le piano. » Justement réputée par son esprit et sa rare intelligence des affaires publiques, elle a été liée avec tout ce que son temps comptait de personnages éminents, dans tous les partis et dans toutes les nationalités. Castlereagh et Canning ont été particulièrement de ses amis, ainsi que le prince de Metternich ; lord Grey lui écrivait chaque matin de son lit un billet demi-politique, demi-galant. On lui a attribué une liaison avec George IV. A Paris, où elle s'était fixée après la mort de son mari, elle a été l'Egérie de M. Guizot qui passait toutes ses soirées chez elle.
Chateaubriand, F.-R. de, Mémoires d’outre-tombe, Tome 4 ; Edmond Biré (ed.), (1899-1900) pp. 249-250
Voir encore sur ce sujet la collection 1837 (1er juillet- 6 août) : Les premières semaines de la relation et de la correspondance entre les deux amants
[1] Armand Bertin (1801-1854)
[2] Marcellus, Marie Louis Auguste de Martin du Tyrac (1776-1841 ; comte de)
Politique et histoire
François rentre en France, mais au Val Richer et non à Paris. Cette distance géographique de la scène politique permet à François de réfléchir aux modalités de son activité en France. Comme en 1837, lors de ses vacances gouvernementales (voir les collections 1837-1839 : Vacances gouvernementales et 1838 : Réflexion politique et élaboration historique) et en 1849 en exil (voir la collection 1849 : De la Démocratie en France : Guizot reprend la parole), le travail historique permet à Guizot de prendre une posture légitime d’expert. Dans sa retraite au Val-Richer, il décrit l’emploi de son temps :
Le beau temps a disparu. La pluie revient dix fois par jour. Je me promène pourtant. Les bons intervalles ne manquent pas. Je me lève de bonne heure. J’écris ; ma toilette, la prière. Nous déjeunerons à 11 heures. Promenade. Je fais mes affaires de maison et de jardin. Je remonte dans mon cabinet à une heure. J'y reste, sauf les visites. Nous dînons à 7 heures. Je me couche à 10. Quand le flot des visites se sera ralenti, j'aurai assez de temps pour travailler. Je veux faire beaucoup de choses.
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Il exprime dès son arrivée sa volonté de s’engager dans son travail historique et de profiter de ce temps au Val-Richer pour écrire :
Samedi. 4 août. 7 heures
Je vous dis bonjour en me levant. Je vais travailler. Il faut que j'aie fait deux choses d'ici à la fin de l'automne. Pour les grandes et pour les petites maisons. Le temps est superbe. Je vous aime mille fois mieux que le soleil. Adieu. Adieu. Je dors bien mais toujours en rêvant. Décidément la révolution de Février m’a enlevé le calme de mes nuits, bien plus que celui de mes jours.
Voir la lettre
Guizot est le premier à établir des liens entre ses études historiques et les principes de sa position politique. Il exprime ce va-et-vient entre l’histoire et l’actualité. Alors que la question du régime politique de la France et son système constitutionnel est en discussion, il reprend son point de vue depuis l’histoire d’Angleterre et la réussite d’une monarchie constitutionnelle.
C'est, je vous assure, une singulière impression que de vivre en même temps au milieu de tout cela, et au milieu du long Parlement, de Cromwell, de Richard Cromwell des Républicains, des Stuart & & & C'est une perpétuelle confusion de ressemblances et de différences, et de curiosités et de conjectures, qui tombent pêle-mêle sur la France et sur l’Angleterre, sur le passé et sur l'avenir. Je ne dirai pas cependant que je m’y perde. Mon impression est plutôt qu’il rejaillit bien de la lumière d'un pays et d’un temps sur l'autre. Mais soyez tranquille ; j'ai assez de bon sens pour ne pas me fier à mon impression et pour savoir que je n’y vois pas aussi clair que par moments, je le crois.
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C’est en 1850, qu’est publié le Discours sur l'histoire de la révolution d'Angleterre : pourquoi la révolution d'Angleterre a-t-elle réussi. Comme pour son essai De la Démocratie en France, publié un an plus tôt, Guizot vise une publication simultanée en France et en Angleterre. Ainsi Mad Austin vient d’Angleterre pour travailler avec Guizot au Val-Richer sur la traduction du manuscrit. Il écrit le 13 octobre 1849 :
Mad. Austin m’arrive le 19 au Val Richer, pour traduire, mon ouvrage sous mes yeux. Il me faut 36 heures pour la mettre en train. Je ne puis partir que le dimanche 21 pour vous voir lundi 22. Je ne pourrai rester à Paris que deux jours. Il faudra que je revienne ici pour achever, mon travail et surveiller la traduction. Je comptais rester au Val Richer, jusqu'à la fin de Novembre, et quelques jours employés à une course à Paris me mettront en retard, par conséquent dans l'impossibilité d'y revenir plutôt. Si au contraire, je ne me détourne pas de mon travail, le 21 Octobre, je pourrai avancer mon retour définitif à Paris. J'y reviendrai alors décidément, le 15 ou le 16 novembre. Je prends le choix des deux jours à cause de l’incertitude des diligences où il me faut beaucoup de places. Il me semble que cela vaut mieux. Si vous étiez revenue à Paris vers le milieu de septembre, selon votre premier projet, il n’y avait pas à hésiter ; notre réunion définitive était trop loin ; j’allais vous voir sur le champ, ne fût-ce que pour deux jours. Vous ne revenez que le 18 octobre. Je puis, en ne m'interrompant pas dans mes affaires d’ici, travail et traduction, retourner définitivement à Paris, le 15 novembre. Ne vaut-il pas mieux faire cela que nous donner deux jours le 22 octobre pour retarder ensuite de quinze jours ou trois semaines notre réunion définitive ? Point de mauvais sentiment, point d'injuste méfiance, je vous en conjure. Le bonheur de vous retrouver de reprendre nos douces habitudes est ma première, ma constante pensée.
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François écrit finalement le 28 octobre :
J’arriverai à Paris sans avoir fini mon travail. Il sera très près de sa fin, mais pas fini. Il me plaît, et je crois qu’il m'importe. Je ne veux le publier que bien et vraiment achevé. J'aurai besoin, chaque jour, pendant trois ou quatre semaines de quelques heures de solitude. Je les prendrai le matin, en me levant. C'est mon meilleur temps. Je ne recevrai personne avant 11 heures. On me dit que j'aurai bien de la peine à me défendre, qu’on viendra beaucoup me voir. Amis et curieux, tous oisifs. Je me défendrai pourtant. Je veux garder pleinement mon attitude tranquille et en dehors. Je n'ai rien à faire que de dire, quelquefois et sérieusement, mon avis.
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Marie Dupond (Octobre 2022)
Les documents de la collection
209 notices dans cette collection
En passant la souris sur une vignette, le titre de la notice apparaît.Les 10 premiers documents de la collection :
Fiche descriptive de la collection
- Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
- Guizot, François (1787-1874)
- 1849-09
- 1849-12
- Absence
- France (1848-1852, 2e République)
- Histoire
- Parcours politique
- Politique
- Posture politique
- Presse
- Travail intellectuel
- Anglais
- Français