121. Contes à régler

Auteur(s) : Sassine, Williams

Les folios

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Sassine, Williams, 121. Contes à régler, 1994/07/11

Claire Riffard, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)

Consulté le 20/08/2025 sur la plate-forme EMAN : https://eman-archives.org/francophone/items/show/3463

Texte de l'article

Transcription

N°121, 11 juillet 1994 : « Contes à régler »

Je n’avais rien à foutre, comme la plupart des Guinéens. Le prési était en « Guinée profonde » d’après la RTG, la radio qui bégaye. Saint Enelgui venait de (lui) faire sauter tous mes appareils.

J’habite dans une maison en carton. J’ai l’agréable choix de mourir par suffocation ou de brûler. C’est Dieu qui décidera ou le prési (sans) dents. D’abord pourquoi il porte une chéchia rouge ? Avec ses yeux qui sont jaunes, et qui semblent ne regarder qu’à droite, quel calvert (sic : calvaire) pour le pays ! Mais Allah est grand ! La preuve ! C’est un arabe qui est venu récemment, sûrement avec un Cheick barré ou barry. Qui sait ? Mais c’est la vie. On chen fout !

On vit avec une chéchia rouge et des chevaux offerts. Prési, pendant que vous ramassez des cadeaux un peu partout et n’importe comment, souvenez-vous, souvenez-vous… Vous me devez un poulet ! Vous me devez 15 millions de francs CFA en 1990. Vous me devez deux canards. Vous me devez trois bics…L’affaire sera devant le public. A fakoudou !

Ce n’est pas « La-Mine » ou La Gomme, les éléments essentiels du crayon Conté, qui pourront dire autrement un jour. Cette république est en papier. Mais on chen fout ! Comme « Garafiri », ce barrage qui est du « Lafidi » pour nous. Plus c’est vilain, plus c’est bon !

A défaut de manger du beau, le «soumbara» peut faire l’affaire. On chen fout ! Le « Soumbara » est la démocratie. Un métissage. Le «soumbara» est «diaspourrie». Tout est important, même ceux qui n’ont pas été exportés. La tentation de former un discours politique, n’est certes pas nouvelle. On la trouve tout au long de l’histoire de la philosophie. Mais il ne faut pas s’égarer dans l’indistinction et dans l’imprécision. Il est vrai qu’il n’est pas beau d’être vilain. Cela est tellement évident qu’il faut à beaucoup de gens une vie d’homme, pour s’en rendre compte. Le « soumbara » est souvent plus intelligent qu’un philosophe. Car il connaît, lui, son destin. Le philosophe ne se penche que sur son passé. Sinon, il prend des courbatures. Et comme on a dissout le « comité de redressement »…

Voici ébranlées, récusées, les notions les plus fermes, les évidences les plus anciennes et les plus naturelles, défaits, les systèmes les plus stables. Voici les directions les plus confiantes de notre action et de notre esprit, qui soudain s’arrêtent, puis, bifurquent. Ainsi nous voici revenus en 1984. Déjà dix ans. Depuis on pourrait commencer notre histoire par :

« Il était une fois, il était deux fois. Il était… » On peut compléter. Car depuis dix ans nos différents gouvernements n’envoient les jeunes que dans la rue. Notre musée « imaginaire » d’après l’expression de Malraux, n’est vivant que dans les cimetières. Bernanos qui s’y connaissait en matière de cimetière ainsi que Camara Laye, sont morts loin de leurs cimetières spirituels. Ceci est un lieu géométrique quand les pensées atteignent leur midi. Nos bibliothèques idéales ne nous recommandent guère que la Bible et le Coran, après toutes les lectures.

Pourtant comme disait le vieux Houphouët « Jésus n’a pas écrit, Mahomet n’a pas écrit ». Depuis deux mille ans, je me rends compte qu’ils avaient raison. Moi qui écris tout le temps, très souvent pour des raisons alimentaires. Le président fait de même, lui qui parle pour rien. Sa calligraphie orale rejoint la mienne. A l’heure du coq-muezzin de notre Baïcha, ministre des prématurés. Libre à nous d’écarter ce qui nous semble sans résonnance. Mais notre répugnance n’est pas moindre devant les domaines de la vérité. La culture scientifique actuellement exigée d’un bachelier et même d’un polytechnicien, est encore celle qui correspond à la mathématique et à la physique, classiques. Relativité, mécanique quantique, axiomatique, théorie des ensembles, géométries para-euclidiennes. Ce ne sont là que des mystères évoqués. Le Rwanda est là… Autour de nous pourtant et devant nous, en nous, tout est changé. Le président a l’air de l’oublier avec son chéchia marocain, ses chevaux marocains et les cochons.

Notre enseignement s’acharne à prendre une route et à perpétuer un ordre de choses. Qui n’a de sens qu’en fonction des limites et de l’unité que l’extension et la transformation du savoir, viennent justement de faire éclater. Cet enseignement prolonge par une savante et désespérée gymnastique respiratoire, le nouveau corps de notre pays. Il flotte sur les eaux du nouveau déluge qui s’appelle une « culture générale ». Il n’est pas besoin d’être une poule pour apprécier un œuf.

Une personne parlait de bégaiement. Elle au-rait dû « interviouver » le président. On chen fout !

Il était un foie…Il était une fois, on a le choix!

C’est Fory Coco qui m’a conté, le président m’a aussi conté, c’est le reste qui conte.

L’opposition ne compte pas.

Elle sera à conter un jour, comme Conté.

Williams Sassine

Billet

« Un chat m’a conté »

Un coq cubain chante à minuit

Un train passe à 3 heures

Le muezzin me réveille, à 5 heures.

A 6 heures, le réveil de la femme fait… « Frères Jacques dormez-vous ? »
Saint Enelgui ne me réveille que pour me montrer aux moustiques. Hé kéla !

Sassine

Description & analyse

Auteur de l'analyseDegon, Elisabeth

Contributeur(s)Degon, Elisabeth (collecte et saisie)

Éditeur(s) de la ficheDegon, Elisabeth

Auteur(s) de la transcriptionDegon, Elisabeth

Informations générales

LangueFrançais

CoteLe Lynx, n° 121

Présentation

Date1994/07/11

GenreDocumentation - Presse

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Fiche : Elisabeh Degon, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes, CNRS-ENS ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)

Éditeur de la ficheClaire Riffard, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)

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Notice créée par Elisabeth Degon Notice créée le 30/07/2019 Dernière modification le 01/09/2022

121. Contes à régler

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