128. De tout et de rien

Auteur(s) : Sassine, Williams

Les folios

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Sassine, Williams, 128. De tout et de rien, 1994/08/29

Claire Riffard, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS) ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)

Consulté le 21/08/2025 sur la plate-forme EMAN : https://eman-archives.org/francophone/items/show/3470

Texte de l'article

Transcription

N° 128, 29 août 1994 : «De tout et de rien »

Pour faire oublier le choléra, on crée des ministères sans ministres. Je me demande d’ailleurs pourquoi chasser l’ancienne équipe. On commençait à s’habituer à leur incapacité. Est-ce qu’on a chassé le « Fini National » ? Est-ce qu’on a chassé Dan fonio, le gouverneur des poubelles ? La liste est longue.

On ne se bat plus pour les présidentielles. Dans la course, on s’est alignés… pour boiter. Hé Kéla ! Dans cinq ans, peut-être qu’on va élire un manchot ou un borgne. On chen fout ! Où est le problème ? En attendant, notre La Baïcha, le ministre des prématurés que Tonneau l’ogre, l’ex de Poly, aurait mangés à la rentrée. Donc je disais que La Baïcha fait pousser des classes partout où elle passe. Ce que je ne comprends pas, c’est qu’il y a plus de classes que d’écoliers, et pourtant les classes sont pleines comme des œufs. Fory Coco toi qui t’en fous des fous, éclaire-moi cette logique qui fait tenir le tout dans la patrie !

Kalil venait de changer de religion. A cause d’une bouteille de vodka. Des protestants cherchaient un nouveau fidèle. Ils sont bien servis à présent ! Une bouteille d’alcool par jour pour protester. A ce prix-là, on peut corrompre tous les diables de Taouyah. A fakoudou !

Mon confrère Bangoura venait de se marier. Un jour de mariage est tellement beau, qu’il est recommandé de le vivre quatre fois dans la vie. Les plus malins divorcent pour recommencer l’opération avec la même. Où est le problème ? Heureux mariage !

La pluie venait de s’arrêter. Moi j’étais dans un fossé. On m’avait rattrapé de justesse par un pied, sinon j’allais me retrouver dans un caniveau du Palais des Nations. Tout près de Fory Coco. On est tous officiers, non ? Ma chaussure doit être là-bas. Mais on chen fout ! Quand je vois des gens en tenue trainer dans les maquis, armés comme si Charles-terreur arrivait, s’enivrant comme s’ils avaient gagné une guerre…S’ils ne peuvent pas rester tranquilles dans les casernes, qu’on les aide à se recycler pour le nettoyage de la cité ! Tout chat-là, on s’en fout ! Un automobiliste venait de casser la patte à un chien. Plus l’animal gueulait, plus l’autre animal rigolait. Le malheur des uns fait le bonheur des autres, c’est connu.

Une enfant passait, avec une tonne de patates sur la tête. Elle a trébuché. Sa mère qui suivait a ramassé un bâton. La petite a fui. Le mois de l’enfance est fini. Les bonbons, c’est pour l’an prochain. Ne vous découragez pas les gosses. Vous avez même un ministère. Nous les vieux, nous n’avons pas un ministère. Mais, on tient comme des mamelles sans soutien-gorge. Que voulez-vous ?

Quelqu’un passait, en racontant des histoires. Dans une langue bizarre. Et il riait. Riait tout seul. Exercice facile. Parce que dans le pays, il est difficile de rire à plusieurs.

Le lieutenant colonel Kaba 41 passait à pieds. Toujours dans les nuages, un officier ! Pas un vélo ! Il faudrait peut-être se cotiser pour les godasses de nos officiers, en attendant les légis-lascives. Puisque nous avons plus de militaires que de civils civilisés. On ne sait jamais ! Une vieille pleurait son vieux mari. Il avait passé ses 60 ans, et on l’a enterré en 30 minutes. Hé Kéla ! Un cireur aussi passait. Avec la chaussure de quelqu’un qui ne l’avait pas payé. «Qui veut une chaussure gauche ?» Avis aux boiteux !

- Moi, dans mon village, il y a tout là-bas. C’est de la merde ici…Aidez-moi à allumer mon mégot ! Ma boite d’allumettes a fondu dans ma poche. Oh, putain !

C’était le géant de la forêt. Il ébroua son 1m-50, et puis s’étira pour gagner un centimètre de plus. Un jour, il sera plus grand que le pays, pourvu qu’il ne meure pas de courte maladie.

En attendant je devais me gratter la cervelle pour trouver quelque chose pour ma chronique. Ce n’est pas facile de trouver à bouffer. Il n’y a pas de miracle dans le pays. Même celle qui se trainait par terre pour voir le président est fatiguée. Au fait, qu’est-ce qu’elle est devenue ?

Thé Vert chameau venait d’entrer. Je me suis senti en Mauritanie. Du thé vert. A la santé de Assan Abraham Keïta, notre rédacteur en chef et poussières. Le thé ? C’est du T, une affaire de « maux » croisés. Hé kéla !

Williams Sassine

Billet

« Un chat m’a conté »

Il y avait Koïta

Il parlait de son pain

Un bon pain, très bon

Quand François lui donne du vin

Il y avait Soumah

Il sortait du port

Question de vie ou de mort

Question de sort

Un Européen passait

Il avait raté son avion depuis 10 ans

Un mourant parlait de bière et de cercueil

Une chaise avait mal aux pieds

Une capote était déchirée

Une poubelle avait mal au ventre

W.S.

Description & analyse

Auteur de l'analyseDegon, Elisabeth

Contributeur(s)Degon, Elisabeth (collecte et saisie)

Éditeur(s) de la ficheDegon, Elisabeth

Auteur(s) de la transcriptionDegon, Elisabeth

Informations générales

LangueFrançais

CoteLe Lynx, n° 128

Présentation

Date1994/08/29

GenreDocumentation - Presse

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Fiche : Elisabeh Degon, équipe francophone, Institut des textes et manuscrits modernes, CNRS-ENS ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)

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Notice créée par Elisabeth Degon Notice créée le 30/07/2019 Dernière modification le 01/09/2022

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