Lettre de Marguerite Audoux à Francis Jourdain
Auteur(s) : Audoux, Marguerite
DescriptionSanté - Projet de livre
Texte
[Paris,] Jeudi [29 juin 1933]
Je regrette, tu t'en doutes, mon bon Francis, de t'avoir manqué dimanche[1]. Je m'absente à peu près une fois par an le dimanche, et c'est justement ce jour-là que tu viens. Tu vois comme c'est.
Pour répondre à tes trois questions[2], voici : - Je vais très bien, c'est-à-dire avec les[3] mille petites misères qui nous restent fidèles jusqu'à la fin.
Ce que je fais ? Un bouquin qui ne sera sans doute jamais fini[4], mais qui m'intéresse et m'empêche de ressasser cet ennui qui me tenaillait depuis qu'à la maison il n'y avait plus d'enfant.
Ce que je deviens ? – Une très vieille femme à cheveux blancs, qui aura 70 ans la semaine prochaine[5], et qui continue à aimer ses amis de tout son coeur.
Embrasse tous les tiens pour moi.
Ta bien affectueuse
Marguerite Audoux
[1] Le 25 du même mois
[2] La lettre de Jourdain à Marguerite Audoux n'a pas été retrouvée.
[3] les a été rajouté dans l'interligne supérieur entre avec et mille.
[4] Marguerite Audoux annonce (sur un billet) la mise en chantier de Douce Lumière le jour même de ses soixante‑dix ans, le 7 juillet suivant (cette annonce n'est donc pas un projet, mais la formulation de ce qui est déjà sur le métier). On sait que, contrairement à ce que Marguerite Audoux écrit à Jourdain, le livre sera achevé in extremis et paraîtra neuf mois après la mort de la romancière.
[5] Détail d'importance puisqu'il permet la datation. Le 7 juillet est le vendredi de la semaine suivante.
Lieu(x) évoqué(s)Paris
État génétiqueVoir la note 3 de la partie TEXTE