Archives Marguerite Audoux

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Lettre de Marguerite Audoux à Antoine Lelièvre

Auteur(s) : Audoux, Marguerite

Description
Propos sur la santé - Lette - Huguette - Les petits-neveux - Vitali - Louise Roche - Lucien Trautmann
Texte

[Paris,] Dimanche 11 Nobre 1917[1]

Mon bien cher ami,

Il y a huit jours j'aurais peut‑être ri à la menace de votre rhumatisme, mais je suis moi‑même en pleine crise, et je pense que tout vaut mieux que cet affreux mal. Pourvu que vous y échappiez. Vous l'avez assez vu pour votre compte. Je peux toujours vous dire que je retire un peu de soulagement des frictions à l'eau de Cologne et essence de térébenthine mélangées par moitié. Essayez‑en.
Mes yeux vont mieux. Je veux dire que ma vue s'éclaircit car la souffrance demeure, mais je m'y habitue.
Pour la gentille Lette, n'oubliez pas la ceinture dont je vous ai parlé et prévenez‑moi dès qu'elle pourra la porter[2]. C'est vraiment une chose très bonne pour le ventre des femmes.
Non, bien sûr que la mignonne Huguette[3] ne se soucie pas du fort de Ham[4]. Sa kyrielle de prénoms[5] est bien connue des gens d'ici car je n'ai pas ouvert une seule fois la boîte à bonbons sans les annoncer tous à la file, ce qui a bien intéressé mes petits gars[6], ainsi que Vitali. Madame Roche a eu le sourire. Elle ne m'a[7] pas trouvée trop moche ce jour‑là, et les dragées lui ont semblé bonnes. Voici une semaine que je ne l'ai pas vue, mais je pense que son mari doit être en permission.
Je viens de voir mon vieux camarade Lucien[8], officier d'administration dans l'aviation. Il réussira peut‑être à faire entrer Vitali comme couseuse de toile dans une usine d'aéro[nautique], mais quant au bon ami que j'aime et qui mérite bien un peu de tranquillité après tant de misères endurées si[9] courageusement, il peut se taper pour une place dans le même genre. Ce bon Lucien m'a rapporté des réponses qui m'ont fait bondir. Comme on est heureux dans ces moments‑là de ne pas avoir donné le nom de son ami. Les gens s'en foutent, c'est tout simple. « Tant pis pour ceux qui crèvent. Ils n'ont qu'à employer le système D. » Voilà une réponse que je n'oublierai pas.
Au revoir, mon bien cher ami. Croyez à ma très grande affection et partagez avec Lette et Huguette le bon baiser que je vous envoie.

Marguerite Audoux

[1] Lettre envoyée le 13

[2] Il s'agit d'une ceinture ventrale destinée aux femmes qui relèvent de couches.

[3] La fille de « Lette » et Antoine Lelièvre a trois semaines.

[4] Le fameux fort (dans la Somme) d'où Napoléon s'échappa en 1846. Sans doute en rapport ici avec les activités ou les préoccupations (liées à son emploi et/ou à la guerre) du correspondant

[5] On n'en trouve que trois à l'état‑civil de la mairie de Mayenne : Huguette, Antoinette, Marguerite…

[6] Les petits‑neveux dont la romancière a en grande partie la charge. Elle s'occupe particulièrement de Paul (d'Aubuisson), l'aîné, né en 1906, qu'elle prendra définitivement avec elle en 1919. Leurs échanges épistolaires (s'inscrivant dans la correspondance familiale et familière) témoignent d'un attachement réciproque.

[7] m'a est ajouté dans l'interligne supérieur.

[8] Il ne s'agit vraisemblablement pas de Descaves, avec qui les rapports sont plus distants, mais de Trautmann, qui est également l'ami de Fargue et de Chanvin (voir le brouillon de lettre 185 de la romancière à Dusserre, de l'Île‑d'Yeu). Lucien Trautmann s'associera à Werth, Gignoux, Besson, Jourdain et d'autres pour la rente versée à Marguerite Audoux (voir la lettre 327 de Francis Jourdain à la romancière).

[9] Le si a été ajouté

Lieu(x) évoqué(s)Fort de Ham
État génétiqueVoir les notes 7 et 9 de la partie TEXTE

Géolocalisation

Notice créée par Bernard-Marie Garreau Notice créée le 17/12/2017 Dernière modification le 03/05/2024