Lettre de Marguerite Audoux à Antoine Lelièvre
Auteur(s) : Audoux, Marguerite
DescriptionPrépublication et publication de L'Atelier de Marie-Claire - Question du titre - Paul d'Aubuisson - Le père Madeleine - Lette - Huguette
Texte
[Paris,] 23 décembre 1919[1]
Mon bien cher ami,
Cette fois il n'y a pas à y revenir, comme me le dit à l'instant Madame Roche. Excelsior a commencé la publication de L'Atelier de Marie‑Claire[2], et je viens de remettre le manuscrit à Fasquelle.
Je me suis définitivement arrêtée à ce titre qui ne me satisfait pas, mais les autres ne me satisfaisaient pas davantage[3]. Celui‑ci aura au moins l'avantage de rappeler le bouquin passé, et c'est toujours autant pour la vente. Dame, c'est qu'on a besoin d'argent, mon ami. Non seulement pour cette goinfre de Marguerite A. mais encore pour son garçon. Est‑ce que je vous avais parlé d'un petit–neveu souffrant qui s'était glissé sous mon aile de mère poule[4] ? C'est déjà un grand garçon. 13 ans. J'ai en lui un compagnon délicieux. J'avais peur que ce gosse ne[5] s'ennuie à mort à côté de la vieille femme que je suis. Mais je vous assure qu'il n'en est rien. Nous nous entendons parfaitement tous deux.
Le père Madeleine[6] est bien vieux. Si vieux, qu'il m'a inspiré un peu de pitié. Pourquoi faut‑il que les vieilles gens soient obligées de gagner leur pain, surtout en ce moment où la vie est si chère ?
Que devenez‑vous ? Et Lette, et Huguette ?
Parlez‑moi de vos oreilles dans votre prochaine lettre[7]. Je pense souvent à vous, et si je ne vous ai pas écrit depuis longtemps ce n'était pas par oubli mais seulement parce que j'étais prise de tous côtés et que le temps me manquait. Vous savez bien du reste que je vous affectionne particulièrement et il n'est pas nécessaire que je vous le répète à tout moment.
Si par hasard vous aviez l'envie de relire L'Atelier[8] dans Excelsior, n'en faites rien. Il manque des pages que j'ai dû couper pour ne pas froisser certaines lectrices qui ne savent pas qu'une femme devient enceinte et qu'elle accouche. Oui, mon ami, c'est comme ça.
Le bouquin paraîtra chez Fasquelle dans le courant de février[9]. Pour l'instant je compte mes lignes dans Excelsior. Je touche 60 cent la ligne[10].
Au revoir, je vous embrasse tendrement tous les trois.
M. A.
M. A.
[1] Lettre envoyée le 26 et parvenue le 27
[2] Le 21. La dernière livraison se fera le 3 février 1920 avant la publication début mai.
Comme l'indique la suite de la lettre, ce n'est qu'au tout dernier moment que le titre définitif, qui apparaît ici pour la première fois en entier, a été décidé.
[3] Le seul autre projet de titre qui nous soit connu pour l'heure est Madame Dalignac (nom de la patronne de l'atelier).
[4] Paul d'Aubuisson, né le 5 décembre 1906. Marguerite Audoux, après la parution de son second roman, s'occupera également des deux autres fils d'Yvonne (la fille de sa sœur Madeleine), Roger et Maurice (qui ont respectivement cinq et dix ans de moins que Paul). Yvonne meurt en juillet 1926 (Voir les notes de la lettre 326 à Lelièvre).
[5] Le ne est ajouté dans l'interligne supérieur
[6] Employé chez Fasquelle [voir les lettres 110 (note 8) et 121 (note 3) ; et la lettre 265 (note 2) du 8 mai 1920, au même Lelièvre]
[7] Voir le P. S. de la lettre 257
[8] Lelièvre a donc eu connaissance du manuscrit.
[9] Il paraîtra, rappelons‑le, début mai.
Lieu(x) évoqué(s)Paris
État génétiqueVoir la note 5 de la partie TEXTE