Lettre de Romain Rolland à Marguerite Audoux
Auteur(s) : Rolland, Romain
DescriptionRéponse à la lettre 279 (mise au point par rapport à certanes affirmations) - Invitation pour le surlendemain
Texte
[Paris,] Lundi 4 avril 1921
Chère Madame Audoux,
Eh bien, vous êtes gentille ! Vous faites un joli portrait de moi ! « Sombre, fermé à toute amitié, vivant dans une [sic] antre noire, et remâchant une monomanie plus noire encore… » Comparez‑moi tout de suite à Marat, dans sa cave !…
Non, tout de même. Je n'ai jamais pu vivre que dans des chambres haut perchées, en pleine lumière ; je déteste les villes ; et dès que j'avais un peu d'argent, je m'enfuyais à la campagne, à la montagne, et surtout en Italie, dans les pays du soleil. – Quant à l'amitié, pour vous punir de m'avoir si injustement prêté des sentiments inhumains, je vous condamne à lire les premières pages du livre ci‑joint[1]. (Vous ne lirez pas le reste…)
(Mais comment Alain‑Fournier pouvait‑il me décrire ? Il ne m'a jamais vu.)[2]
‑ Je serai très content de vous faire les honneurs de mon jardin. Voulez‑vous venir mercredi, vers 4h. ½ ou 5 heures ? (à moins qu'il ne fasse très mauvais temps, car j'ai mon amour‑propre : je ne veux pas, comme Debussy, vous montrer mon « Jardin sous la pluie ») – Je m'excuse d'avance des très durs étages que vous aurez à monter.
Bien affectueusement à vous.
Romain Rolland
3 rue Boissonade
[1] « Ce livre s'intitule Dans la maison, partie septième de Jean‑Christophe. Il renferme en effet d'ardentes pages sur l'amitié de Jean‑Christophe pour Olivier. Sur la page de garde, Romain Rolland a écrit cette dédicace : « A Madame Marguerite Audoux, en cordial hommage de son admirateur et ami, Romain Rolland.» » [Note de François Talva (voir la partie PUBLICATION)].
[2] Cette parenthèse est omise dans la revue Europe (voir la partie PUBLICATION). Le soulignement, qui n'est pas anodin, de jamais, n'apparaît pas dans le Bulletin des Amis de Jacques Rivière et d'Alain‑Fournier.