Lettre de Marguerite Audoux au Dr Élie Faure
Auteur(s) : Audoux, Marguerite
Élie Faure (1873‑1937) est à la fois médecin et auteur d’une Histoire de l’art (1909‑1921). C’est lui qui, dans la clinique de son frère Jean‑Louis, soigne en décembre 1910 Charles‑Louis Philippe mourant, véritablement désespéré de ne pouvoir rien faire pour lui [Voir Gide, André, Journal, Pléiade, 1940, p. 281]. C’est donc un familier du groupe de Carnetin, d’autant que ses idées de gauche le rapprochent de Philippe, Jourdain et Werth. Il lutte inlassablement pour les moins favorisés, et ce sont ses cours, prodigués dans les Universités ouvrières, qui donneront naissance à son grand ouvrage.
Francis jourdain (1876-1958), élève d’Eugène Carrière, est peintre, décorateur et écrivain. Il est un intermédiaire efficace auprès d’Octave Mirbeau pour l’édition et le succès de Marie-Claire. C’est lui qui dessine les meubles de Marguerite Audoux. Avec Léon Werth, il demeurera, jusqu’à la fin l’ami fidèle de la romancière.
Agathe est l’épouse de Francis Jourdain.[…] Je sais que Francis doit vous écrire, mais je ne sais si cela sera demain ou après-demain, et je suis pressée de savoir ce que vous pensez de la santé, ou plutôt de la maladie de la personne que je vous ai envoyée.
Ici tout va bien, les enfants sont aussi méchants que possible ; Agathe, qui a une extinction de voix, ne peut se faire entendre d’eux. Francis est toujours paisible comme un Dieu malgré les petits ennuis du voyage et nos plaintes de bonnes femmes. Naturellement, nous trouvons que la maison qu’il a choisie est trop grande, que les plafonds sont trop hauts, que nous entendons des bruits singuliers pendant la nuit. Enfin mille et mille reproches ainsi que les femmes ont l’habitude d’en faire aux hommes. Cela n’empêche pas que nous ayons une vue splendide sur la mer, un temps magnifique qui nous permet de déjeuner dehors, et un jardin plein de citrons où nous pouvons nous coucher sur l’herbe et les brindilles de bois.
Au revoir, mon cher Faure, donnez-nous des nouvelles de votre santé, et croyez à ma très sincère affection. […]