Constitution d’une cartographie informatique
Les outils numériques développés dans le cadre du projet FFL ont permis non seulement un accès plus direct à l’archive, mais également une utilisation différenciée de ces documents, ce qui nous aide à saisir, à travers la visualisation de données, l’utilisation que fait Foucault des références collectées. À partir de données renseignées sur la plateforme collaborative du projet – pouvant être d’ordre archivistique (titre de la fiche, informations sur les références, mention de personnes) ou liées à notre travail personnel de recherche (comme c’est le cas pour les concepts et mots-clés tirés de la fiche) –, cartographie informatique a pu être produite, donnant à voir des graphes qui à la fois répartissent spatialement et mettent en réseau différentes catégories d’informations : auteurs, références, concepts, fiches. Le réseau de données, mis alors en forme par cet outil cartographique, permet de montrer, dès le premier regard, l’existence de deux thèmes ou concepts centraux, liant les quatre principales références de Foucault dans le cadre de ses lectures sur le néolibéralisme allemand : Bilger, Hayek, Röpke et Erhard. Ce sont les concepts d’« État » et d’« intervention », le premier étant présent dans quatorze fiches et le deuxième dans une douzaine.
[en bleu les fiches de lecture, en vert les auteurs, en jaune les références bibliographiques et en rouge les concepts.]
Ces cartographies se dessinent, bien entendu, en fonction du point de vue adopté lors de l’annotation des fiches. Bien que nous ayons cherché à extraire les concepts les plus importants, il faut relever que le travail d’annotation n’est pas exhaustif, ce qui implique une sélection des termes. Cette sélection dépend ainsi des choix effectués au sein de notre recherche, la cartographie présentée constituant donc un parcours de lecture possible parmi de nombreux autres. Nonobstant ces restrictions, l’importante occurrence des deux concepts mentionnés et l’analyse des titres des fiches nous permettent de renforcer l’hypothèse selon laquelle les lectures de Foucault se sont organisées, très souvent, autour de la question del’action de l’État – dans le sens d’une action gouvernementale, donnant origine à des processus autant d’intervention que d’organisation de l’appareil étatique. On peut bien sûr y voir le reflet des principales préoccupations des néolibéraux eux-mêmes, qui cherchaient à penser l’État à partir d’une délimitation très précise de son champ d’action, visant à protéger cette instance des dangers du planisme et du collectivisme – selon leurs propres termes. Il est intéressant d’observer, cependant, comment Foucault, en collectant certaines informations et citations, tend à focaliser son attention sur tout un ensemble de conseils ou recommandations concernant les types d’actions considérées comme nécessaires pour construire cette nouvelle réalité étatique souhaitée.
La première citation copiée dans cette fiche sur La crise de notre temps, de W. Röpke, touche précisément à ces thèmes : « La liberté du marché nécessite une politique économique active et extrêmement vigilante, mais aussi pleinement consciente de ses buts et de la limitation de son champ d’activité, une politique qui ne soit jamais tentée de dépasser les limites qui lui sont assignées par un interventionnisme conformiste »[1].
[1] W. Röpke, La crise de notre temps, Hugues Faesi et Charles Reichard (trad.), Neuchâtel, Éditions de la Baconnière, 1945, p. 261.