[1554_Par_Gort] 168 L’Amant parle

Présentation générale du poème

Titre de la pièceLa conviction de la chaste & fidelle Femme mariée.

Incipit non moderniséL’amant parle

Les pages

En passant la souris sur une vignette, le titre de l'image apparaît.

8 Fichier(s)

Présentation de l'exemplaire

Formatin-16

Imprimeur-libraireDu Gort, Robert

Date1554

Lien vers la notice du catalogue de la bibliothèque où est conservé l'exemplairehttps://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb393316955

Type de numérisationNumérisation totale

Transcription du poème

Texte

L’amant parle.
Ma Dame, priez Jupiter

Qu’il luy plaise, vous secourir,
Et ne le veillez despiter
En faisant les Hommes mourir.
   Scavez vous qui cause l’oultrage,
Ce n’est riens aultre chose fors
La beaulté de vostre visage,
De voz yeulx, & de vostre corps.
   Vous me pourrez dire cela,
Voire mais je ne me suis faicte :
Prenez vous en à ce dieu la
Qui me voulut faire parfaicte.
   Je scay que c’est perfection
D’obtenir des haulx Cieulx beaulté,
Mais c’est une imperfection
Trop grande, que de cruaulté.
   Or vous me direz de rechef,
Mais qua’ mon seul amy je plaise.
Qui est mon mary, & mon chef,
Ne me chault à qui je desplaise.
   Quand nous sommes tous seulz ensemble
Doulce luy suis, non point cruelle :
{H5v}Pour le faire brief, je luy semble
Sur toutes autres bonne, & belle.
   C’est bien dict, mais vous oubliez
Amour puissant par dessus tous,
Qui bien d’aultres en à liez
Aussi fort asseurez que vous.
   Pensez que le pouvoir d’amour
Madame, ce sont lettres closes,
Vaincre vous pourra quelque jour,
Il à faict d’aussi grandes choses.
        La dame.
   Puis que j’ay les deux yeux ouvers
Je ne feray d’aultre amitié :
Et y fut ce Dieu aux yeulx vers,
Ou un plus puissant la moitié.
        L’amant.
   Madame, vous n’entendez pas
De ce Dieu la facon de faire :
Il vient lentement pas a pas
Quand il veult a quelqu’un meffaire.
    Puis tout soubdain, soit en la rue,
En l’esglise, ou en la maison :
(Par surprise) droit au cœur rue
Sans autre cause, ne raison.
         La dame.
    Si ce Dieu que tant estimez
A pouvoir de me divertir,
Autre que moy, si vous m’aymez
{H6r}D’aymer vous pourra convertir.
    Si d’amour l’amoureuse estrainte
Contraint tous les cœurs desplier,
Bien fauldra (si j’en suis contraincte)
Que je vous vienne supplier.
    Atendez doncq’ en patience
Atendez le temps oportun,
Le vray Amant n’a pas science
Qui se montre trop importun.
         L’amant.
    Vous parlez si subtillement
Qu’a peine on vous peult contredire
Ma Dame, mais tant seulement
Oyez un point que je veulx dire.
    Ne voyez vous pas un grand vice
Pour le temps present, en usage,
Que plus se faict par avarice
Que par Amour le mariage.
    Ne voyez vous pas davantage
(O que c’est chose malheureuse)
Que l’on marie devant aage
La fille qui n’est amoureuse.
    Puis quand en temps vient assister
Cupido, qui son cœur enflame,
Pourroit elle bien resister
Contre ceste amoureuse flame.
    Pourroit elle lors s’excuser
En disant, j’ay promis ma foy
{H6v}Quand amour la vient accuser
Qui n’est subject à nulle loy.
    Sans amour, promesse ainsi faicte
Ne sert que de vaines parolles :
Telle alliance est contrefaicte
Ce ne sont que toutes frivolles.
    Amour faict tout joinct à pitié,
Ostez d’alliance l’usage
Sans consentement d’amitié
Tel usage n’est qu’abusage.
    Mieulx vault un amy voluntaire
Que ne faict un mary contrainct :
La femme est Serve, & tributaire
Soubz tel mary, & trop le craint.
    Mais en une amitié discrete
Qui procede du fons du cœur :
Combien que la foy soit secrete,
Les deux sont esgaulx, sans rigueur.
         La Dame.
   S’il est des Femmes qui varient
Quand elles ont promis leur foy,
Et s’il en est qui se marient
Par avarice, ce n’est moy.
    Je n’avois pas de l’aage tant
Qu’on diroit bien aux fiansailles :
Mais si pensois je bien pourtant
Que c’estoit que des espousailles.
    Je scay bien qu’assez on devise
{H7r}Que Cupido le cruel Dieu
Tirant de l’Arc, jamais n’advise
Qui il attaint, ny en quel lieu.
    Mais quand au sainct lieu de la messe
La nostre alliance fut faicte,
J’estois seure que ma promesse
N’estoit vaine, ne contrefaicte.
   Parquoy vostre oraison est vaine,
Aussi je ne scay qui vous meult
De prendre a aymer tant de peine
Celle la qui ne peult, ne veult.
         L’amant.
   Dame, vous estes rigoureuse
Et d’une trop haulte colere,
Vous portez face d’amoureuse :
Mais vostre parolle est contraire.
    Les gentilz cœurs des Damoyselles
Et la bonne grace des Dames,
Ne jectent responces cruelles
Contre les amoureuses flames.
    Que vouldroient elles faire aussi
Vaincre amour, par leur cruaulté :
Il ne se laisse vaincre ainsi,
Mais est gaigné par privaulté.
    Je congnoy telle dame au monde
Qui faisant de la vertueuse
S’estimoit chaste, pure, & munde,
N’ayant cure d’estre amoureuse.
    {H7v}Elle faisoit un tel effort
Contre tous, a dextre, & fenestre,
Que riens ne luy estoit trop fort,
Et tousjours telle pensoit estre.
    Entre plusieurs, un tresloyal
Elle escondit, & le chasse :
Mais a la fin, un desloyal
Le vainquit, qui la pourchasse.
    Le loyal, d’elle fut chassé,
Et le desloyal l’a chassée :
Puis elle mesme a pourchassé
Ainsi qu’elle fut pourchassée.
    Mais homme n’y eust qui de cœur
Du depuis ceste dame aymast.
Car celuy n’y eust qui rigueur
Ne luy portast, & la blamast.
    O fat certain, ô destinée,
O le vray fort tombé des Cieux
Sur femme, par trop obstinée,
O juste sentence des dieux.
    Dictes (ma Dame) s’il vous plaist,
N’estoit il pas bien raisonnable
Qu’elle souffrit ? s’il vous desplaist
Vous vous sentez doncques coulpable.
         La Dame.
    Vous me troublez, ô qu’est ce cy,
Je ne luy scay pus [[plus]] que respondre :
O mon dieu ne me laisse ainsi,
{H8r}Ne me permetz ainsi confondre.
   Elle use de conjuration, toute tremblante.
    Va arriere de moy Sathan,
Ne me viens plus ainsi troubler :
Va arriere de moy, va t’en ?
Ne me fay plus ainsi trembler.
         L’amant.
    Ha je voy bien en vous (ma dame)
Que conscience vous remord,
Ne craignez rien : car sur mon ame
Je suis vostre, jusqu’a la mort.
    Confessez donc la verité
Et me dictes bien hardiment
Si j’ay envers vous merité
D’estre traicté si rudement.
    Ne vous fondez point en raison
Pour m’accusez de faulceté,
Contre vous n’ay faict trahison,
Scandalle, ne meschanceté.
    Ayant regard à vostre honneur,
Je n’ay esté si indiscret
De parler à un Serviteur
Pour vous declarer mon secret.
    Au monde n’y a creature
(A tous les Dieux je m’en rapporte)
A qui j’aye faict ouverture
De l’amitié que je vous porte.
   {H8v}Helas aussi & que seroit ce
Quelle douleur quelle pitié,
gardez vous bien qu’il n’aparoisse
Que vous me portez amitié.
         L’amant.
    Non ma dame je vous asseure :
Fiez vous hardiment a moy,
Riens n’en diray tenez vous seure
Je le vous prometz par ma foy.
    Ma foy vous prometz : mais aussi
Que je ne veulx a vous submectre,
Ma dame, je vous prie aussi
De n’en vouloir autant promectre.
         La Dame.
   Promectre helas, mais dequoy sert
La promesse faicte de bouche,
Quand le secret n’est descouvert
Et que dedens le cœur n’y touche.
    Aussi si ne ma langue ne dict
Et promect ce que le cœur sent,
Dequoy y sert son contredit
Puis qu dedens le cœur consent.
    Contentez vous je vous supplie,
Ne soyez point tant importun,
Puis qu’a ceste foys mon cœur plie
Regardez un temps oportun.

        FIN.

Emplacement du poème

Rang dans le recueiln° 168

FoliotationH5r, H5v, H6r, H6v, H7r, H7v, H8r, H8v

Présentation typo-iconographiquePas d’illustration

Informations sur la notice

Contributeur(s)Réach-Ngô, Anne

ÉditeurÉquipe Joyeuses inventions ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)

Mentions légales

Fiche : Équipe Joyeuses inventions ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Image(s) : Source gallica.bnf.fr / BnF

Exporter cette fiche

atom, dcmes-xml, json, omeka-xml

Exporter en PDF les métadonnnées
Exporter en PDF les métadonnées et les 8 images

Notice créée par Équipe Joyeuses Inventions Notice créée le 22/06/2017 Dernière modification le 04/11/2021