SCHLUMBERGER, Jean
Auteur(s) : Garreau, Bernard-Marie
Dates1877-1968
Notice biographique
Alsacien par son père et normand par sa mère, Schlumberger quitte l'Alsace en 1892 pour devenir citoyen français. Il renonce au pastorat pour passer une licence de lettres à Paris. Il signe la pétition pour la révision du procès de Dreyfus. Son abnégation et son sens du travail le désignent pour assurer le secrétariat et l'administration de la NRF à ses débuts. C'est Schlumberger qui confie à Alain‑Fournier la note sur Marie‑Claire pour le numéro du 1er novembre 1910. La réaction de Gide, parfois agacé par l'auteur du Grand Meaulnes ne se fait pas attendre ; le 9 novembre 1910, il écrit à Schlumberger : « été voir hier Marguerite Audoux. N'avais pas encore lu l'article de Fournier quand je vous ai dit adieu ; regrette beaucoup que vous n'ayez pas fait sauter les deux [derniers] paragraphes de cet article ; l'un malséant avec la restriction sur les fautes d'orthog[raphe] – pour la raison qu'on ne parle pas de corde dans la maison d'un pendu ; le dernier dans l'excès ridicule de sa louange. Ou plutôt je regrette qu'un de nous, Ghéon, Drouin, vous ou moi, nous n'ayons pas écrit cette note peu qualifiée et prématurée[1]. » Une autre lettre à Ruyters, du 23, ira dans le même sens, déplorant l'initiative (très heureuse en réalité) de Schlumberger : « Jean confie, ou laisse prendre, la note à écrire sur ce livre, par le très jeune, le trop jeune Alain‑Fournier, qui s'en acquitte avec une grande maladresse[2]. »
[1] André Gide - Jean Schlumberger, Correspondance (1901-1950), Gallimard, 1993, p. 330
[2] André Gide – André Ruyters, Correspondance, Op. cit., tome second, p. 98.
Notes< importe qu'une couturière ait pu écrire un roman. Le prodige n'est pas là. Mais ce qui reste surprenant et qu'il faudrait expliquer, c'est la simplicité parfaite et l'extraordinaire grandeur de ce livre.
Maître Sylvain disait qu'il était tout le portrait de leur mère.
Alain‑Fournier, « Marie‑Claire, par Marguerite Audoux (La Grande Revue) », in la NRF, 1er novembre 1910, p. 616‑619
La littérature des trente dernières années n'a pas produit, peut‑être, un poème de la vie intérieure plus beau que la deuxième partie de Marie‑Claire qui se passe chez des paysans de Sologne.
C'est là, ne craignons pas de le dire, chez ces paysans du centre de la France, que la vie de cœur est le plus intense parce qu'elle est aussi le plus cachée. Et tel est l'art de Marguerite Audoux : l'âme, dans son livre, est un personnage toujours présent, mais qui demande le silence. Ce n'est plus l'Âme de la poésie symboliste, princesse mystérieuse, savante et métaphysicienne. Mais, simplement, voici sur la route deux paysans qui parlent en marchant : leurs gestes sont rares et jamais ils ne disent un mot de trop ; parfois, au contraire, la parole que l'on attendait n'est pas dite et c'est à la faveur de ce silence imprévu, plein d'émotion, que l'âme parle et se révèle.
<‑ C'est Gaboret qui fait ses semailles.
Il en est de même des influences : à peine trouverait‑on, ici une image, là un procédé qui fassent penser à Charles‑Louis Philippe ou à Jules Renard. ‑ Marie‑Claire est une œuvre parfaitement originale et l'on peut dire, en ce sens, comme Charles‑Louis Philippe, que c'est, sans doute, le premier roman qui soit écrit par une femme.
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[1] Les points de suspension indiquent en réalité des suppressions dans le texte de Marie‑Claire cité.