Carte postale de Marguerite Audoux à Antoine Lelièvre
Auteur(s) : Audoux, Marguerite
DescriptionTraduction italienne de Marie-Claire - Propos sur la guerre
Texte
M.A.
[Paris, 31 mars[1] 1915]
Mon cher ami,
Comment va votre grippe ?
Il fait un froid de chien ici mais heureusement, le temps reste beau, et mon logement du sixième emmagasine le soleil toute l'après‑midi.
Figurez‑vous que j'ai reçu une demande de traduction italienne. Qui diable aurait pensé à ça en ce moment ? Je ne sais si le Sir de Pacha[2] [sic] en a déjà disposé, mais s'il n'en a pas disposé, je vous jure bien que je ne lui foutrai pas un rond de l'aubaine, si aubaine il y a. On dit beaucoup ici que la guerre prendra fin en juin. Je le souhaite, et vous aussi, n'est‑ce‑pas ? J'entends dire partout autour de moi que ça va bien. L'autre soir, je n'étais pas couchée à l'heure des zeppelins. Dame ! j'ai eu un peu la tremblote, mais cela m'a vite passé et je n'ai plus quitté la fenêtre. Le ciel était d'une beauté extraordinaire et si des explosions formidables ne m'avaient pas fait penser que des malheureux recevaient les bombes dans l'instant, je me serais réjouie à voir une chose si merveilleuse. Ils peuvent revenir, j'aurai peut‑être encore la tremblote, mais je sais bien que je ne descendrai pas à la cave.
M.A.
Vous êtes bien épatant en poilu et votre état‑major aussi, mais à part le cuisinier, il ne me semble pas que tous ces poilus‑là soient bien contents de l'être.
[1] Carte reçue le 1er avril
[2] Eugène Fasquelle.
Lieu(x) évoqué(s)Paris