Archives Marguerite Audoux

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Lettre de Marguerite Audoux à Paul d'Aubuisson

Auteur : Audoux, Marguerite

Description
- Paul d’Aubuisson (1906-1990) est l’aîné des trois petits neveux de Marguerite Audoux. C’est son fils adoptif préféré, celui qui jusqu’à sa mort veille sur la mémoire de la romancière, le flambeau ayant été repris par ses deux enfants, Geneviève et Philippe (à qui Bernard-Marie Garreau doit l’accès au fonds d’Aubuisson, qui se trouve à présent chez lui), ainsi que par son neveu Roger (fils de Roger). Une abondante correspondance entre Paul et sa mère adoptive s’inscrit dans le corpus des lettres familiales et familières (dont l’identifiant commence par le chiffre 0). B.-M. Garreau a rencontré Paul d’Aubuisson en 1987, et réalisé plusieurs enregistrements de leurs entretiens. Maurice est le plus jeune des trois petits-neveux.
- Les Perrier (dont Amélie) sont des amis à propos desquels il reste à se documenter.
- Del[ange] est journaliste à L'Excelsior (premier quotidien bénéficiant d'une illustration photographique abondante et en grandes dimensions, qui préfigure le France-Soir de Pierre Lazareff) ; on doit à Delange la prépublication de L'Atelier de Marie-Claire dans L'Excelsior, du 21 décembre 1919 au 3 février 1920.
- Huguette Garnier est journaliste au Journal et romancière. Quatre livres, assortis chacun d’un envoi (Le Cœur et la robe, Ferenczi, 1922 ; Quand nous étions deux, Ferenczi, 1923 ; La Braconnière, Flammarion, 1927 ; et La Maison des amants, La Nouvelle Revue critique, 1927), figurent dans la bibliothèque de Marguerite Audoux, visible au Musée Marguerite-Audoux de Sainte-Montaine. La rencontre entre les deux femmes a probablement eu lieu au moment de la sortie de L’Atelier de Marie-Claire.
- Francis (Jourdain) est l'un des membres du Groupe de Carnetin, demeuré fidèle à son amie, tout comme Léon Werth, jusqu'à la mort de la romancière (voir, de Bernard-Marie Garreau, Les Dimanches de Carnetin, éditions Complicités, 2021). Baboulo est le surnom du dernier de ses trois enfants (Frantz-Philippe).
- André pourrait être le fils de Jeanne et Régis Gignoux.
- Menette est une amie qui apparaît régulièrement dans la correspondance Paul-Audoux. Les renseignements les moins imprécis sur cette femme se trouvent dans le Journal de Romain Rolland en date du 22 mars 1921, jour où il mentionne sa première rencontre avec Marguerite Audoux, accompagnée d’une autre femme, Madame Menet, plus jeune, couturière elle aussi. Un exemplaire de La Fiancée qui se trouve au Musée Marguerite-Audoux de Sainte-Montaine contient un envoi à Emile et Henriette Menet. Il est donc plus que probable qu’il s’agisse de la même personne que celle mentionnée dans la présente lettre. Ces transformations de patronymes sont monnaie courante rue Léopold-Robert (la mère de Léon-Paul Fargue ne devient elle pas « Farguette » ?...).
Texte
                                                        Mardi 9 octobre 1928
Mon Paul,
Je comptais voir Amélie hier soir et j'avais préparé ton paquet de chaussettes, car j'imagine que tu ne dois pas avoir chaud aux pieds avec les guenilles qui te restent. Cette petite Am. n’est pas venue, et j'en suis réduite à l'attendre ce soir encore, puisque je ne peux sortir à cause de mon œil gauche, qui a craqué comme tu sais, ce qui m'occasionne un solide mal de tête, et aussi un manque de sûreté sur mes pattes. Ca va déjà mieux et dans deux ou trois jours il n'y paraîtra plus. - Je mêle aux chaussettes, des loukoums. Quatre. Trois, pour que vous ayez chacun le vôtre, tes deux amis et toi. Et le quatrième qui sera le loukoum de la chance, que vous partagerez en trois.
Comme je m'impatientais d'être sans nouvelle de Del., j'avais prié Huguette de lui parler et de me donner sa réponse, mais en même temps, comme je sentais le mal venir, me doutant que je ne pourrai peut être pas gambiller à ma fantaisie, je la prévenais qu'elle risquait de ne pas avoir ma visite ainsi que je le lui annonçais, et je la priais d'être assez gentille de remettre à Del. le petit mot que je glissais pour lui dans sa propre lettre. C'est à cela qu'elle fait allusion dans la lettre que je t'envoie, pour que, comme moi, tu en aies moins lourd sur la patate. - Non, certes, je ne doute pas de Del., mais les autres ne nous connaissent pas. Ils peuvent tellement s'en moquer et nous laisser tomber ! Le crâne bourré de cette idée, j'avais fait monter André pour un brouillon de demande par la voie hiérarchique. Ce qui lui a si bien réussi à lui. De plus, le matin même, Francis m'avait parlé d'un copain de Baboulo qui se desséchait d'ennui à Villacoublay, étant de Strasbourg, et qui cherchait un permutant. Selon André, c'était la bonne affaire, à la condition que ce Strasbourgeois ait le même temps que toi à rester sous les drapeaux. J'ai donc écrit tout de suite à Francis, pour avoir tous les renseignements à ce sujet. Ce qui ne demandera pas longtemps, comme tu penses. Cette idée de faire une demande par la voie hiérarchique m'était venue après la visite de Francis, qui m'avait affirmé que tu ne pouvais aller dans le Midi parce que c'était l'aviation maritime. Et, naturellement, si on doit t'envoyer où tu ne seras pas mieux qu'à Strasbourg, j'aime autant que tu sois à Villacoublay, d'où tu pourras venir t'engraisser un peu ici en faisant quelques bons repas. - Si tout va bien de ce côté, je pense que tu feras bien de faire ta demande après t’être mis d'accord avec ce garçon. Mais n'anticipons pas !
Tu pourras déchirer la lettre d’Huguette. J'ai pris l'adresse dont j'avais besoin.
Dès que j'aurai les renseignements du copain de Frantz je te les transmettrai avec le brouillon d’André, et tu décideras toi-même.
J'ai vu Maurice dimanche dernier. Il était bien et très content du changement. J'ai parlé longuement avec le directeur. Je dis longuement, c'est-à-dire 10 minutes. Mais nous avons dit des choses intéressantes et qui me font croire que les enfants seront mieux soignés. Maurice avait les mains propres. Tout de même, nous avions fait les zigotos avec Roger. Et le train qui devait nous laisser à Meudon nous a emmenés directement à Versailles. J'en faisais, un nez ! Le contrôleur a bien voulu mettre sur nos billets "Rapatrié". Et comme à Versailles nous avons eu la chance d'avoir tout de suite un train pour Meudon, nous étions rapatriés avant trois heures. Maurice a dit : "Je m'en faisais pas, je savais bien que vous viendriez !"
Menette doit aller mieux, puisque jeudi elle était dans les magasins lorsque je suis allée pour la voir. Et dimanche, à 6h I/2 du soir, lorsque j'y suis retournée, elle n'était pas rentrée, partie depuis le matin en balade ! M. recommence les histoires G. et Suz.
Je t'embrasse bien, mon fils, en attendant de te faire des petits plats.
                                                                            M.A.
Lieu(x) évoqué(s)Paris, Strasbourg, Villacoublay, Meudon, Versailles
État génétique- Page 1, premier § : ce qui m'occasionne (un et barré et remplacé par ce dans l'interligne supérieur)
- Page 2, ligne 8 : et je la priais d'être assez gentille (je la priais d'être remplace, dans l'interligne supérieur, qu'elle soit).
Les soulignements sont de l'épistolière.
Notice créée par Bernard-Marie Garreau Notice créée le 06/02/2025 Dernière modification le 14/03/2025