Archives Marguerite Audoux

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Lettre de Marguerite Audoux à Paul d'Aubuisson

Auteur : Audoux, Marguerite

Description
- Paul d’Aubuisson (1906-1990) est l’aîné des trois petits neveux de Marguerite Audoux. C’est son fils adoptif préféré, celui qui jusqu’à sa mort veille sur la mémoire de la romancière, le flambeau ayant été repris par ses deux enfants, Geneviève et Philippe (à qui Bernard-Marie Garreau doit l’accès au fonds d’Aubuisson, qui se trouve à présent chez lui), ainsi que par son neveu Roger (fils de Roger). Une abondante correspondance entre Paul et sa mère adoptive s’inscrit dans le corpus des lettres familiales et familières (dont l’identifiant commence par le chiffre 0). B.-M. Garreau a rencontré Paul d’Aubuisson en 1987, et réalisé plusieurs enregistrements de leurs entretiens.
- Maurice est le benjamin de la fratrie.
- Les « Trott », désignés la plupart du temps par Paul et la romancière par ce diminutif, renvoient à Madeleine et Lucien Trautmann (dit Tatu), ce dernier étant un vieil ami de Léon-Paul Fargue et de Charles Chanvin, que l’on trouve dès 1912 à L’Île-d’Yeu avec ces quelques membres du Groupe de Carnetin. Voir la lettre 185 d’août 1912 de Marguerite Audoux à Antonin Dusserre et la lettre 247 adressée le 11 novembre à Antoine Lelièvre par la romancière.
- La Suzanne de cette lettre n’a pu être identifiée. Sont à exclure, étant donné le contexte, Suzanne Werth et Suzanne de Bruyker.
- Huguette Garnier est journaliste au Journal et romancière. Quatre livres, assortis chacun d’un envoi (Le Cœur et la robe, Ferenczi, 1922 ; Quand nous étions deux, Ferenczi, 1923 ; La Braconnière, Flammarion1927 ; et La Maison des amants, La Nouvelle Revue critique,1927), figurent dans la bibliothèque de Marguerite Audoux, visible au Musée Marguerite Audoux de Sainte-Montaine. La rencontre entre les deux femmes a probablement eu lieu au moment de la sortie de L’Atelier de Marie-Claire.
- Rappelons que Paul accomplit son service militaire à Strasbourg.
Texte
Le 6 septembre 1928
          Mon Paul,
Cette lettre-ci pour répondre aux deux tiennes, celle du 3 et celle du 5. Pour la première, j'ai bien cru que tu te fichais de ma figure en disant que la nuit avait été si froide, que ton adjudant et toi vous n'aviez pas pu dormir. Il faut te dire qu'ici elle a été si chaude, que Maurice, qui ne bouge pas d'habitude, n'a fait que se retourner dans son lit et flanquer des grands coups dans le mien. J'étais si étouffée moi même, que j'ai du me lever pour ouvrir les fenêtres. Aussi, en lisant ta lettre, j'ai pensé que tu t'étais trompé de mot et que tu avais mis froid pour chaud. Depuis, j'ai vu Tatu qui m'a dit que la nuit avait été froide dans sa campagne. Pendant que je te parle de Tatu, je t'annonce que je lui ai fait la commission de Mlle Kerdal, au sujet de son frère. Il l'avait oubliée et il a été bien content qu'on le lui rappelle. Il va s'occuper de cette affaire, mais cela ne l'amuse guère. Il a une mine superbe.
Je n'ai pas vu Madeleine, qui est auprès de sa sœur dont le mari est très malade. Tatu m'a dit que Guillemin lui avait demandé : " Qu'est ce que c'est que ce vieux trumeau que M.A. a amené ici ? " Le vieux Trumeau, tu le connais.
Pour en terminer avec ta lettre du 3, je te défends d'avoir le cafard. Cafard n'a homme. Je te défends de rire ! C'est très sérieux !
Oui, c'est assez inquiétant ces rats qui viennent se promener sur votre figure, mais peut être aussi que le copain avait mangé quelque chose de bon et qu'il en restait un petit bout dans sa dent creuse. De plus, il dormait sans doute la bouche ouverte, ce qui incitait le rat à s'offrir un petit régal. Il faut bien qu'il y ait eu quelque chose comme ça, car autrement les rats vous passent sur la figure comme ils vous passeraient sur les pieds sans songer à vous grignoter les orteils. Si tu n'es pas tranquille avec eux, passe-toi de l'eau de Cologne sur le visage avant de t'endormir. Ils n'aiment pas ça, mais garde-toi de t'endormir en suçant un bonbon, car ils aiment ça et sont, pour le moins, aussi gourmands que toi.
Maurice est retourné auprès de St Philippe sans trop faire la grimace. Il faisait une chaleur intense et je montais les marches de pierre avec peine. La malchance a voulu que nous arrivions juste comme les autres sortaient du bain. Il n'était pourtant que 4 h I/2. Il continue à faire chaud ici, et cette nuit j'ai dû laisser les 3 fenêtres ouvertes pour pouvoir dormir un peu. - Prépare le papier avec les noms nécessaires, car si ce n'est Suzanne ce sera Delange. J'ai vu Huguette, avec laquelle j'ai déjeuné. Si elle ne peut rien elle-même, elle sait à qui s'adresser. Je crois, ou du moins j'espère, que cela ne sera pas trop difficile étant donné ta diminution de poids. En tous cas, s’il y va de ta santé, nous emploierons les grands moyens. Je crois en effet que tu ne ferais pas mal d'aller voir le Major de Melle Kerdal. Mais pour ici il faut attendre la rentrée. Tant de gens sont encore hors Paris ! Il faudra marcher à coup sûr et ne pas taper dans le vide.
J’ai encore des choses à te dire, mais ce sera pour la prochaine lettre : ma vue se brouille.
Je t’embrasse bien, mon fils.
                                                                             M.A.
Lieu(x) évoqué(s)Paris, Strasbourg
État génétique
Ratures insignifiantes. Les soulignements sont de l'épistolière.
Notice créée par Bernard-Marie Garreau Notice créée le 26/01/2025 Dernière modification le 14/03/2025