Archives Marguerite Audoux

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Lettre de Marguerite Audoux à Paul d’Aubuisson

Auteur : Audoux, Marguerite

Description

- Paul d’Aubuisson (1906-1990) est l’aîné des trois petits‑neveux de Marguerite Audoux. C’est son fils adoptif préféré, celui qui jusqu’à sa mort veille sur la mémoire de la romancière, le flambeau ayant été repris par ses deux enfants, Geneviève et Philippe (à qui Bernard-Marie Garreau doit l’accès au fonds d’Aubuisson, qui se trouve chez lui), ainsi que par son neveu Roger. Une abondante correspondance entre Paul et sa mère adoptive s’inscrit dans le corpus des lettres familiales et familières (dont l’identifiant commence par le chiffre 0). B.-M. Garreau a rencontré paul d’Aubuisson en 1987, et réalisé plusieurs enregistrements de leurs entretiens.

- francis jourdain (1876-1958) expose des tableaux dès 1897, puis s’intéresse à la décoration (c’est lui qui dessine les meubles de la romancière, actuellement visibles au Musée Marguerite Audoux de Sainte-Montaine). L’artiste se double d’un écrivain, mettant son talent au service de monographies (sur Toulouse‑Lautrec ou Rodin) et de témoignages : Né en 76, Jours d’alarme (une chronique de la Seconde guerre), et surtout Sans remords ni rancune, où il fait revivre les heures de gloire du Groupe de Carnetin. Ses liens avec Marguerite Audoux sont donc étroits, du début à la fin de l’aventure littéraire. Son père, Frantz Jourdain, connaît Mirbeau ; Francis Jourdain va donc lui proposer le manuscrit de Marie‑Claire. Mirbeau promeut dignement (et plus que fermement) le premier roman de la couturière. Contrairement à d’autres membres de la famille littéraire, Francis Jourdain restera un ami fidèle jusqu’au bout.

- Baboulot (surnom apocopé ici en Baboul) est son dernier (Frantz-Philippe, de la même année que Paul (1906)

- André pourrait être le fils de Jeanne et Régis Gignoux.

- Menette est une amie qui apparaît régulièrement dans la correspondance Paul-Audoux. Les renseignements les moins imprécis sur cette femme se trouvent dans le Journal de Romain Rolland en date du 22 mars 1921, jour où il mentionne sa première rencontre avec Marguerite Audoux, accompagnée d’une autre femme, Madame Menet, plus jeune, couturière elle aussi. Un exemplaire de La Fiancée qui se trouve au Musée Marguerite Audoux de Sainte-Montaine contient un envoi à émile et Henriette Menet. Il est donc plus que probable qu’il s’agisse de la même personne que celle mentionnée dans la présente lettre. ces transformations de patronymes sont monnaie courante rue Léopold‑Robert (la mère de Léon‑paul Fargue ne devient‑elle pas « Farguette » ?...).

- Amélie Perrier est l’une des meilleures amies de la romancière. Voir la carte postale (366) qu’elles coécrivent de l’Île-d’Yeu, Marguerite Audoux et elle, à la mère de Léon-Paul Fargue le 7 août 1933.

- Vitali et Emma sont, rue Léopold-Robert, les vieilles voisines parisiennes de Marguerite Audoux.

- Le Docteur Palazolli, dit Pala (orthographié ici avec deux l), est l’urologue qui soigne Régis Gignoux et lui administre sa dernière dose de morphine avant qu’il ne s’éteigne (voir la lettre 349 du 13 mai 1931 de Francis Jourdain à Marguerite Audoux).

- Roger et Maurice sont les frères cadets de Paul.

- né en 1999, Georges Reyer (improprement orthographié Meyer dans la présente lettre), est le premier biographe de la romancière (Un Cœur pur : Marguerite Audoux, Grasset, 1942). C’est le manuscrit de son premier roman, destins croisés, qui va être publié dans la collection blanche de Gallimard l’année suivante (1929), que Marguerite Audoux vient de terminer

- Sculpteur et médailleur né à Marcille (en Seine‑et‑Oise) le 26 mars 1903, élève de Jean Boucher, Félix Joffre obtient le Prix de Rome en 1929 avec L’été.
Texte

22 Mai 1928

 

Tes deux cartes, mon fils, viennent d'arriver, comme toutes tes lettres 2 jours après que tu les as mises à la poste.

Je suis contente que tu aies pu te promener dimanche ; cela me prouve que tu es bien portant. Tu ne dis pas le temps qu'il fait à Strasbourg et si tu souffres du froid. Ici il fait froid comme en février, un sale temps d'orages et de pluies, et j'ai toujours les pieds gelés. Je voudrais savoir aussi à combien de distance le camp est, de Strasbourg, et si vous pouvez y aller facilement, c'est-à-dire en un quart d’heure ou moins. Baboul est assez loin de Dijon, et son père va lui envoyer une bécane pour se promener dans les environs. si j'étais riche, je t'enverrais aussi une bécane, mais peut-être que tu t'en moques.

Je vais commander aujourd'hui même ton G. et te l'enverrai aussitôt reçu. j'y joindrai les chaussettes demandées, le couteau et différentes petites choses. Je ferai le paquet de telle sorte que tu puisses te servir de son enveloppe pour m'envoyer tes effets, s'il y a lieu.

J'ai vu André, qui a dû déjà t'écrire. Menette ne va pas fort, elle doit revoir Hep (1) jeudi. Sans doute elle a dû déjà t'écrire aussi.

J'ai vu Amélie hier soir, elle t'envoie ses amitiés. Vitali et Emma de même, ainsi que Francis, qui me dit de ne pas te laisser manquer d'argent. Palla lui avait donné pour toi 150 frs que je t'enverrai sur ta demande. Je les ai pris sans rechigner. Ce vieux Palla te doit bien ça !

Roger est venu déjeuner dimanche et il est parti voir Maurice. Je ne l'ai pas vu au retour, j'espère qu'il ne lui est rien arrivé. Je comprends bien qu'il ne s'amuse pas avec moi, mais j'aurais préféré qu'il me dise : « Je ne reviendrai pas pour dîner », alors que je ne l'y obligeais pas, lui ayant seulement demandé : « Viendras-tu dîner ? » Et lui m'ayant répondu « Oh oui ! » Depuis, pas de nouvelles ! Alors, comme pour son grand frère, je mets les pouces. Je demande pardon en lui écrivant pour lui demander qu'il veuille bien me dire s'il est bien portant et s'il peut me rapporter le carnet de Maurice. Je l'embrasse très tendrement à la fin, comme pour me faire pardonner sa boulette. Tu vois, mon Paul, que rien n'est changé ici : quand l'un a fini, l'autre commence. C'est égal, j'ai passé une sale nuit d'angoisse dimanche. Amen ! Et attendons la suite.

J'ai vu Georges Meyer et son ami Joffre, tu sais, le sculpteur en question. Il est charmant. Il bûche pour obtenir son prix de Rome. Meyer a réussi à mettre au net son bouquin, qui est très bien. Je lui écris en même temps qu'à toi pour qu'il vienne chercher son manuscrit que j'ai fini de lire hier soir.

Quand tu reviendras, tu trouveras ton vêtement remis à neuf, et ton chapeau itou,

Au revoir, mon grand fils. je t'aime bien et t'embrasse de tout mon cœur

 

M. Audoux
Lieu(x) évoqué(s)Paris – Dijon - Strasbourg
État génétique« toutes tes lettres » écrit en surcharge pour remplacer un mot barré dans la première phrase – « comme je pour son grand frère »
Notice créée par Richard Walter Notice créée le 29/04/2024 Dernière modification le 14/03/2025