FamiliLettres

FamiliLettres : Correspondances de Jean-Baptiste André Godin et Marie Moret


Jean-Baptiste André Godin (1817-1888)

Jean-Baptiste André Godin naît le 26 janvier 1817 à Esquéhéries (Aisne). Il est le fils de Jean-Baptiste André Godin (1796-1869), serrurier, et de Marie Joseph Florentine Degon (1794-1867). Aîné de trois enfants, il a une sœur, Pomme-Rose (1822-1886), et un frère, Alexandre Barthélémy (1827-1876). La famille est modeste. De 1821 à 1828, Godin fréquente l'école municipale laïque d'Esquéhéries. À 11 ans, il commence à travailler dans l'atelier de serrurerie paternel. Il aspire pourtant à une carrière intellectuelle et lit les livres de Rousseau, Voltaire ou Diderot qu'il achète avec ses économies aux colporteurs de passage. 

De 18 à 20 ans (octobre 1835-septembre 1837), il accomplit un « tour » de perfectionnement professionnel dans le midi de la France en compagnie de son cousin germain, Jacques-Nicolas Moret (1809-1868). Il prend alors la mesure de la société contemporaine et découvre la « question sociale ». 

Le 19 février 1840, Godin se marie avec Esther Lemaire (1819-1881), ils ont un fils unique, Émile (1840-1888). Suite à son mariage, Godin fonde son propre atelier de serrurerie-fumisterie. Le 15 juillet 1840, il dépose un premier brevet pour la fabrication d'un poêle en fonte de fer. La substitution de la fonte à la tôle de fer donne un avantage décisif à sa production. Godin transfère son entreprise à Guise en 1846. La production commence à prendre de l'ampleur : 80 à 100 appareils de chauffage sont expédiés quotidiennement en 1850. Godin utilise sa position de chef d'industrie comme un levier pour agir sur la « question sociale ». Au sein de l'usine de Guise, il apporte des améliorations à l'organisation du travail qui lui sont inspirées par son expérience d'ouvrier. Dès 1846, il crée une caisse de secours mutuels gérée par un comité d'ouvriers. 

En 1842, l'industriel découvre le fouriérisme à travers un exposé de la doctrine sociétaire paru dans le journal Le Guetteur de Saint-Quentin. C'est une révélation. En 1843, Godin entre en contact avec les disciples de Fourier rassemblés dans une « École sociétaire ». Il se trouve à Paris au moment de la révolution de février 1848. Le 23 février, il affiche dans les rues de la capitale un placard composé par les rédacteurs du journal fouriériste La Démocratie pacifique pour réclamer, entre autres choses, une « union et association fraternelle entre les chefs d'industrie et les travailleurs ». Victime le 4 juillet 1848 d'une perquisition domiciliaire, il publie dans la presse une déclaration : « Je suis phalanstérien », en réponse à cette intimidation. 

Après l'élection de Louis-Napoléon Bonaparte à la présidence de la République en décembre 1848, les dirigeants du mouvement fouriériste Victor Considerant et François Cantagrel trouvent refuge en Belgique. L'École sociétaire est dispersée et Godin devient l'un de ses agents les plus actifs en France. L'industriel socialiste n'est pas inquiété par le gouvernement du Second Empire (2 décembre 1852). L'usine de Guise occupe 180 ouvriers en 1852. 

Le projet de fonder une colonie au Texas réanime le mouvement fouriériste. Les séjours de Godin à Bruxelles, où il entreprend de fonder une deuxième usine, lui offrent des occasions de discussions avec les exilés sur la possibilité d'un essai pratique de la doctrine phalanstérienne. En mai 1852 le fouriériste américain Albert Brisbane, de passage en Belgique, persuade Considerant de l'accompagner aux États-Unis. Godin devient l'actionnaire le plus important de la Société de colonisation européo-américaine du Texas fondée le 26 septembre 1854 à Bruxelles. Il en assume la cogérance et participe activement à l'organisation matérielle de la colonie de Réunion (Dallas, Texas). Godin est bien décidé en 1855 à rejoindre le Texas pour mettre son expérience au service de Réunion. En mars 1856, il renonce. Désenchanté des promesses des idéologues fouriéristes, il forme le projet de tenter à Guise une expérimentation aussi radicale que possible dans les conditions données de la société. À partir de 1856, Godin se consacre à l'édification du « Familistère », un phalanstère qu'il prétend réinterpréter en passant la doctrine fouriériste au crible de la réalité. 

En 1857, Godin acquiert à Guise un vaste terrain situé dans un méandre de l'Oise, en face de son usine. L'industriel n'est pas seulement le promoteur du Familistère, il s'en fait l'urbaniste, l'ingénieur et l'architecte. Le Palais social est destiné à accueillir 1 500 personnes, les familles des ouvriers et employés de l'usine. Le projet comprend trois grandes unités d'habitation juxtaposées, édifiées chacune autour d'une vaste cour intérieure couverte, des bâtiments « d'industrie domestique » (magasins et services) et des jardins. Le premier immeuble d'habitation est complètement achevé au cours de l'hiver 1860-1861. Au printemps 1861, le Familistère compte déjà 350 résidents volontaires. Fort de ce succès, Godin peut poursuivre son programme. En 1870, le Familistère compte près de 900 habitants. Godin a déjà affecté à la réalisation du « Palais du travail » près d'1 000 000 F prélevés sur les bénéfices industriels des usines de Guise et de Bruxelles. Les logements sont spacieux et hygiéniques et les services sont nombreux et remarquables. Au départ discret sur son œuvre, il ouvre en 1865 le Familistère à la visite et s'efforce désormais de lui donner de la publicité en France et à l'étranger. 

À la faveur de la libéralisation du régime impérial, il s'engage à nouveau dans l'action publique. En février 1871, il est élu député de l'Aisne à l'Assemblée nationale sur la liste des républicains modérés. Son éloignement de Guise lui donne l'occasion d'observer comment le Familistère peut s'autogérer. Godin a pu croire un moment que l'idée d'association allait s'épanouir dans la nouvelle République. C'est avec cet espoir qu'il fait paraître en juillet 1871 ses Solutions sociales, gros volume « de philosophie sociale ». 

Godin se sépare tumultueusement de son épouse Esther Lemaire en 1863. Il forme une union intellectuelle et amoureuse avec sa petite-cousine et collaboratrice Marie Moret (1840-1908), avec laquelle il se marie finalement le 14 juillet 1886. La liquidation de la communauté de biens Godin-Lemaire, conclue en mars 1877, préserve l'usine et le Palais social. Godin achève alors la construction du palais et propose à la population de nouvelles expériences sociales « préparatoires », après celles conduites sur la reconnaissance du talent (1867-1870) et sur la participation aux bénéfices (à partir de 1873). Le 3 mars 1878, il publie le premier numéro du journal Le Devoir, hebdomadaire consacré aux réformes sociales et au Familistère. 

L'Association coopérative du capital et du travail, Société du Familistère de Guise Godin & Cie, légalement fondée le 13 août 1880, fait du Familistère et de ses usines la propriété collective de ses travailleurs. Elle est gouvernée par un administrateur-gérant ou une administratrice-gérante et un conseil de gérance élus par les membres associé·es, qui ont obligation de résidence au Palais social. En 1883 et 1884, Godin édifie deux nouveaux bâtiments d'habitation à Guise. Il entreprend aussi en 1887 la construction d'un pavillon d'habitation à Laeken. Le fondateur parachève en 1887 les statuts de l'Association coopérative par la rédaction de son testament. Il lègue à l'Association la totalité de ses biens disponibles. 

Godin meurt subitement le 15 janvier 1888. Le 29 avril 1888, l'Association décide d'ériger un monument funéraire sur la tombe de Godin et une statue sur la place du Familistère. 

D'après la biographie de Jean-Baptiste André Godin disponible sur le site du Familistère.

Pour aller plus loin:

Bernardot François, Le Familistère de Guise. Association du capital et du travail et son fondateur Jean-Baptiste André Godin, Guise : Dequenne & Cie, 1889.
Brauman Annick, Jean-Baptiste André Godin (1817-1888), Bruxelles : éditions des Archives d'architecture moderne, 1980.
Delabre Guy, Gautier Jean-Marie, La Régénération de l'utopie socialiste : Godin et le Familistère de Guise, thèse pour le doctorat d'État ès sciences économiques, Paris : Université de Paris I, 1978.
Delabre Guy, Gautier Jean-Marie, Vers une république du travail, J.-B. A. Godin (1817-1888), Paris : éditions de La Villette, 1988.
Delabre Guy, Gautier Jean-Marie (dir.), Godin et le Familistère de Guise à l'épreuve de l'histoire, Reims : Presses universitaires de Reims, 1989.
Dos Santos Jessica, L'Utopie en héritage. Le Familistère de Guise (1888-1968), Tours : Presses Universitaires François Rabelais, 2016.
Draperi Jean-François, Godin, inventeur de l'économie sociale, Valence : éditions Repas, 2008.
Godin Jean-Baptiste André, Lettres du Familistère. Photographies Hughes Fontaine, textes choisis, établis et annotés par Frédéric K. Panni, Guise : les éditions du Familistère, 2008.
Lallement Michel, Le Travail de l'utopie. J.-B.A. Godin et le Familistère de Guise, Paris : Les Belles Lettres, 2009.
Loire Marion, Le Familistère de Guise (1858-1968) : architecture, habitat, vie quotidienne, mémoire pour le diplôme d'archiviste paléographe de l'École nationale des chartes, 1998.
Mac Say Stephen, De Fourier à Godin. Le Familistère de Guise, Quimperlé : éditions La Digitale, 2005. Première édition : 1928.
Oyon Alexandre, Une véritable cité ouvrière. Le Familistère de Guise, Paris : Librairie des sciences sociales, 1865.
Panni Frédéric K. (dir.), L'album du Familistère, Guise: les éditions du Familistère, 2017.
Panni Frédéric K., Des machines au service du peuple : Godin et la mécanique : exposition, Guise, Familistère de Guise, du 7 octobre 2017 au 24 juin 2018, Guise : les éditions du Familistère, 2017.
Prudhommeaux Jules, Les Expériences sociales de J.-B. A. Godin (1967-1878), Paris, Imprimerie nouvelle, 1919.
Stumberger Rudolf, Das Projekt Utopia. Geschichte und Gegenwart des Genossenschafts- und Wohnmodells « Familistère Godin », Hamburg : VSA Verlag, 2004.
Vacher Odile, L'Expérimentalisme psychosocial et les tentatives expérimentales du fouriériste J.-B. A. Godin, thèse de doctorat d'État ès lettres et sciences humaines, Paris : Université de Paris VII, 1992.
Varii Auctores, Le Familistère Godin à Guise. Habiter l'utopie, Paris : éditions de La Villette, 1980.

Comment citer cette page

Équipe du projet FamiliLettres, "Jean-Baptiste André Godin (1817-1888)"
Site "FamiliLettres : Correspondances de Jean-Baptiste André Godin et Marie Moret"
Consulté le 23/12/2024 sur la plateforme EMAN
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Page créée par Équipe du projet FamiliLettres le 16/09/2022
Page modifiée par Richard Walter le 06/10/2022