FamiliLettres

FamiliLettres : Correspondances de Jean-Baptiste André Godin et Marie Moret


Marie Moret (1840-1908)

Marie-Adèle Moret naît le 27 avril 1840 à Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne). Elle est la fille de Jacques-Nicolas Moret (1809-1868), maître serrurier à Brie et cousin germain de Jean-Baptiste André Godin, et de Marie-Jeanne Philippe (1808-1879). Elle a un frère, Amédée (1839-1891), et une sœur, Émilie (1843-1920), sa biographe. Jusqu'à ses treize ans, elle fréquente une école religieuse puis est placée en apprentissage de lingère pendant deux ans malgré son désir de poursuivre des études. 

En mai 1856, la famille Moret quitte Brie-Comte-Robert pour s'installer à Guise. Envoyée dans un pensionnat à Bruxelles pour reprendre ses études, Marie Moret est accueillie par un couple de français, Adeline-Augustine Brullé-Tardieu (1819-1897) et Alexandre Brullé (1814-1891), sympathisant fouriériste, que Godin emploie pour diriger la succursale belge de la manufacture de Guise.  

De retour à Guise en 1860, Marie Moret s'installe dans l'aile gauche du Palais social, dans un appartement voisin de celui de Godin. Elle devient sa secrétaire, transcrit ses conférences données au Familistère, s'occupe de sa correspondance, collabore à la publication de ses ouvrages et se charge du secrétariat de rédaction du journal Le Devoir, fondé en 1878. Marie Moret devient aussi la compagne de Godin après qu'il se soit séparé de son épouse Esther Lemaire. Elle contribue, dans les échanges incessants qu'elle a avec Godin, à la formulation des idées de l'industriel réformateur. En acquérant une certaine maîtrise de la langue anglaise, elle permet à Godin d'être informé sur les expériences et les réformes sociales aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Autrice, elle publie des traductions en français de textes de réformateurs anglo-saxons. En 1878-1879, elle fait paraître en feuilleton dans Le Devoir la traduction du roman de l'américaine Marie Howland, Papa's Own Girl. En 1881, elle publie une brochure, Histoire des équitables pionniers de Rochdale, résumé en français du livre du coopérateur George Jacob Holyoake sur la première coopérative de consommation britannique. En 1882, elle fait paraître en feuilleton dans Le Devoir, puis en un volume une traduction de l'Histoire de l'Association agricole de Ralahine, récit de l'expérience sociale irlandaise par Edward Thomas Craig. 

Dès son retour de Bruxelles, elle remplit la fonction de directrice des services de l'enfance. Responsable de la bonne organisation de la crèche et de l'inspection des écoles, elle surveille l'application des principes d'une éducation moderne, bienveillante et attrayante. Elle organise la fête de l'Enfance instituée au Familistère en 1863. 

Le mariage de Marie Moret et de Jean-Baptiste André Godin est célébré à Guise le 14 juillet 1886. Elle a souhaité se marier sous le régime de la séparation de biens pour éviter les malentendus et pour manifester son indépendance. Elle détient au moment de son mariage, par voie d'héritage ou grâce aux revenus de son travail, des valeurs boursières, des titres de participation dans le capital de l'Association du Familistère, des meubles et une bibliothèque, ainsi qu'une petite propriété à Lesquielles-Saint-Germain.  

À la mort de Godin le 15 janvier 1888 et malgré ses réticences, elle est élue administratrice-gérante le 26 janvier 1888. Le 12 février, un « gérant désigné », François Dequenne, est élu à son tour pour conduire les affaires industrielles. La raison sociale de la Société du Familistère Godin et Cie change pour Veuve Godin et Cie. Elle démissionne sans surprise le 1er juillet 1888 en laissant la gérance à François Dequenne. 

Officiellement instituée dépositaire de l'héritage intellectuel du fondateur du Familistère (article 19 du testament de Godin, 1887), l'Association est tenue de lui verser 300 000 F pour « pourvoir à la publication de mes ouvrages et de mes manuscrits après ma mort et, s'il y a lieu, de publier et diriger le journal Le Devoir ». Elle peut donc se consacrer à la publication du Devoir et des manuscrits de Godin et s'attèle immédiatement à l'édition du dernier ouvrage rédigé par son mari, La République du travail et la réforme parlementaire (Paris, 1889). Si elle ne s'autorise plus, dès lors, à intervenir dans les affaires de l'Association du Familistère, elle reste une observatrice attentive de son évolution. 

Après la mort de Godin, elle vit au Familistère dans un cercle familial exclusivement féminin, restreint à sa sœur Émilie Dallet (1843-1920), associée du Familistère qui lui a succédé à la surveillance des écoles, et à la fille de celle-ci, Marie-Jeanne (1872-1941). Les trois femmes sont inséparables. Elles habitent dans deux appartements contigus de l'aile droite du Palais social. Marie Moret est la cheffe de famille. Elles reçoivent parfois quelques amis, principalement le journaliste Jules Pascaly (1849-1914), rédacteur en chef du Devoir installé à Paris, et le coopérateur nîmois Auguste Fabre (1833-1923), ancien associé du Familistère. À partir de 1891, la famille Moret-Dallet passe l'hiver et le début du printemps à Nîmes chez Auguste Fabre, auprès de qui Marie Moret retrouve une émulation intellectuelle qui lui fait désormais défaut au Familistère.

Elle décède le 14 avril 1908. Inhumée auprès de Godin à Guise, un monument à sa mémoire est érigé sur une façade du mausolée du jardin d'agrément du Familistère. Sous le buste en bronze représentant Marie Moret, l'Association a fait graver : « Marie Adèle Moret, épouse et fervente collaboratrice de Jean-Baptiste André Godin, fondateur du Familistère ». Pour ses contemporains, la vie de Marie Moret apparaît dédiée à l'œuvre de Godin. Marie Moret n'a d'ailleurs pas cessé de répéter qu'elle était la disciple du réformateur. Elle a cependant un rôle actif dans l'élaboration et la concrétisation de la pensée de Godin en plus de sa diffusion.  

En conclusion de son mémoire de Master « Marie Moret (1840-1908), collaboratrice de Jean-Baptiste André Godin et directrice des Services de l'enfance du Familistère de Guise (Aisne) », Marie-Pierre Focillon Humbaire écrit en 2012 : « En définitive, deux images contrastées de Marie Moret se superposent. D'un côté, c'est une femme appartenant au 19e siècle, assujettie à un rôle de faire-valoir, effacée, dévouée jusqu'au sacrifice, négligeant ses propres aspirations d'écrivain, abandonnant toute prétention personnelle et refusant les louanges. D'un autre côté, c'est une femme intellectuelle tournée vers le 20e siècle qui aborde les domaines de l'action et de la décision réservés selon la "nature"' aux hommes maîtrisant la culture, une femme qui étudie les sciences, qui a des opinions politiques, une rédactrice, une femme directive qui conseille et impose. » 

D'après la biographie de Marie Moret disponible sur le site du Familistère.

Pour aller plus loin:

Dallet Émilie, née Moret, In memoriam Marie A. Moret, veuve de J.B. André Godin, [Guise, 1908].

Delabre Guy [dir.], Marie Moret et l'éducation au XIXe siècle, actes du symposium de l'Association pour la fondation Godin tenu à Guise le 16 novembre 1996, Reims, Éditions et Presses universitaires de Reims, 2008, 122 p.

Focillon Humbaire Marie-Pierre, Marie Moret (1840-1908) : collaboratrice de Jean-Baptiste André Godin et directrice des Services de l'enfance du Familistère de Guise (Aisne), Mémoire de master 2 : Sciences de l'éducation, sous la direction de Madame Rebecca Rogers, Université Paris V-René Descartes, 2012.

Comment citer cette page

Équipe du projet FamiliLettres, "Marie Moret (1840-1908)"
Site "FamiliLettres : Correspondances de Jean-Baptiste André Godin et Marie Moret"
Consulté le 26/04/2024 sur la plateforme EMAN
https://eman-archives.org/Famililettres/moret
Page créée par Équipe du projet FamiliLettres le 16/09/2022
Page modifiée par Florence Desnoyers le 16/11/2023