175_Lettres d'Alice Peel à François Guizot : 1857-1871
Auteurs : Peel, Alice (1799-1879)
Lady Alice Peel, par F. Grant (XIXe)
Cette collection rassemble un corpus de 56 lettres de lady Alice Peel (1799-1879) à François Guizot. Elle constitue un autre exemple des correspondances féminines de Guizot, en invitant à considérer la conversation et la correspondance, comme espace et pratique, d'action politique et sociale des femmes au XIXe siècle. Lady Alice avait plusieurs correspondants politiques non seulement Guizot mais aussi Thiers et Fould.
Lady Alice épouse en 1824, Jonathan Peel officier puis général dans la Garde, représentant à la Chambre des Communes, ministre de la Guerre de 1858 à 1859, et de 1866 à 1867. Il est le frère de Robert Peel, premier ministre anglais de 1834 à 1835, puis de 1841 à 1846. Son mariage lui permet d’intégrer l’élite brillante et mondaine des hommes d’Etat et des parlementaires. Son mari est aussi très lié avec le duc d’Orléans, fils du roi Louis-Philippe, ainsi les princes d’Orléans, leurs amis et leurs relations appartenaient au monde de Lady Alice, comme le souligne sa petite-fille, Lady Wester Wemyss.
Jolie intelligente, cultivée, d’un esprit vif et primesautier, elle sut vite s’y faire une place prépondérante et vit pendant plus d’un demi-siècle défiler dans son salon tout ce que l’Angleterre et même l’Europe comptaient alors de personnalités en vue. Aimant le monde, maîtresse de maison accomplie, elle les recevait avec toute la bonne grâce imaginable tant en sa maison de Londres qu’à Marble Hill, propriété aux bords de la Tamise, à Twickenham.
Dans la notice biographique qui introduit la publication des lettres de Guizot, elle l’intègre au réseau politique et diplomatique européen, en mettant en lumière la posture spécifique de Lady Alice dans le monde :
Lady Alice faisait presque tous les ans de longs séjours à Paris, pareille en cela à beaucoup de grandes dames anglaises de l'époque, qui envisageant Paris autrement que du point de vue des couturiers à la mode et des meetings sportifs, y cultivaient de précieuses relations, étaient souvent autant chez elles dans ses salons que dans ceux de Londres, suivaient le mouvement intellectuel et artistique et entretenaient de nombreuses correspondances avec les sommités politiques et mondaines françaises. Ainsi rendaient-elles souvent des services appréciables aux deux pays en maintenant des contacts ; en sachant au besoin expliquer les points de vue divergents ; faisant éviter maints écueils, prévenant les heurts et les malentendus, elles furent les collaboratrices discrètes et avisées de l’entente cordiale.
C’est justement Dorothée de Lieven, une autre grande dame, actrice de l’entente cordiale, qui est le point de contact entre François Guizot et lady Alice. Lady Wester Wemyss souligne l’attrait et l’estime de Lady Alice pour une femme politique :
Comme beaucoup d’autres, lady Alice, avait été complètement subjuguée par la haute intelligence, par les qualités brillantes d’homme d’Etat de la princesse.
François Guizot rencontre Lady Alice en Angleterre lors de son ambassade en 1840. Il en fait un portrait à Dorothée dans une lettre du 27 mars 1840 :
J’ai revu hier chez elle la petite Lady Alice Peel, toujours aussi vive et aussi bizarre, dans son parfait naturel. Elle était enfermée dans une petite robe de soie bariolée sans rien sur son cou, rien dans ses cheveux, pas le plus petit ornement, non absolument qu’elle et sa robe. Cela lui allait bien.
(Voir la lettre)
Dans une lettre du mois d'août 1861, Guizot copie ce passage retrouvé dans ses archives épistolaires avec Dorothée de Lieven, alors qu’il rédige le cinquième volume des Mémoires :
Je suis bien aise que le quatrième volume de mes Mémoires vous ait intéressée. Je prépare le cinquième, qui roulera tout entier sur mon ambassade en Angleterre en 1840. Je prendrai un vif plaisir à parler un peu de la société anglaise, en même temps que de la question d’Orient et de nos affaires publiques. Je suis occupé à relire toute ma correspondance de cette époque public and private. Je trouve dans une lettre du 27 mars 1840 ce paragraphe. [...] Me gronderiez-vous bien fort si je ne gardais pas pour moi seul le souvenir de cette rencontre ?
Elle lui répond le 12 septembre :
Do you not think that the paragraph of the letter of March 27th 40, wich you copy for me, should be kept “pour vous seul” !
Voir la lettre
Le 14 juin 1862, après la publication du cinquième volume, il lui écrit du Val-Richer :
Je suis bien en retard avec vous, et je ne regarde pas sans remords votre bonne lettre du 31 mars dernier. Vous aurez reçu du moins le cinquième volume de mes Mémoires, qui vous aura prouvé que j’avais pensé à vous. Vous m’avez interdit de prononcer votre nom dans ce volume…. J’y aurais pris pourtant un vrai plaisir. Tous mes souvenirs d’Angleterre me sont chers, et le vôtre est un des meilleurs.
Les liens se resserrent encore entre Guizot et lady Alice lors de l’exil en Angleterre en 1848. A son retour en France en 1849, Guizot entretient avec cette femme du monde politique et diplomatique européen une correspondance suivie dans lesquels ils abordent tant des questions personnelles que la revue des informations et des opinions autour de la vie politique intérieure et extérieure anglaise et française. Guizot lui écrit le 5 juillet 1850 à l’occasion de la mort de son beau-frère Sir Robert Peel, mort le 2 juillet 1850 à la suite d’une chute à cheval :
Vous êtes la seule personne de la famille de Sir Robert à qui je puisse me permettre d'écrire aujourd’hui ; mais j’ai besoin de vous exprimer ma profonde, ma plus profonde sympathie. Quel affreux malheur ! Bien plus pour sa famille et pour son pays que pour lui-même ; car lui, il a connu, il a goûté tout ce qu’il y a de beau et de doux en ce monde, le bonheur de la vie domestique, la gloire de la vie publique ; il a été heureux, il a été grand. On peut mourir quand on a accompli une telle destinée, quand on laisse après soi un tel nom. Mais sa femme, ses enfants, sa famille, ses amis, son pays. J’étais convaincu qu’il avait encore beaucoup de choses à faire, de grands services à rendre à l’Angleterre et au monde. Les temps sont mauvais et deviendront plus mauvais. On aura encore besoin de lui pour détourner des révolutions. Dieu en a jugé autrement. Comptez-moi, ma chère Lady Alice, parmi les hommes qui s’unissent le plus intimement à votre douleur, à celle de tout votre pays ; et lorsque que le moment sera venu où vous croirez pouvoir prononcer mon nom à la veuve, à ses enfants, aux frères de Sir Robert, n’y manquez pas, je vous prie ; vous me ferez justice ; je ne veux jamais être étranger à tout ce qui reste de ce grand et excellent homme.
Il faut remarquer que ce corpus constitué par Guizot ne rassemble que les lettres d’Alice Peel à partir de la mort de Dorothée de Lieven en janvier 1857. Alors que le corpus de correspondance s’étend de 1848 à 1873, Guizot en détermine un de 1857 à 1873. Il écrit à Lady Alice le 21 février 1857 près d’un mois après la mort de Dorothée :
Votre lettre m’a fait et vos lettres me feront toujours un grand plaisir. Quand on a le coeur malade, autant les paroles des indifférents déplaisent et blessent, autant la vraie sympathie est douce. Ecrivez-moi, je vous prie, et parlez moi d’Elle. Vous compreniez ce qu’il y avait en Elle, de bon et de grand, et vous l’aimiez. Votre tristesse n’ajoutera rien à la mienne, et je prendrai plaisir à en tendre les témoignages de votre fidèle affection. [...]
Vous serez bien aimable de me donner quelquefois des nouvelles d’Angleterre. Je porte à tout ce qui s’y passe un bien vif intérêt. Et je vous prie de m’écrire en anglais.
Voir les lettres de Guizot à Lady Peel et l'introduction de Lady Wester Wemyss in « Lettres à lady Alice Peel », dans La Revue de France, vol. 3, 1925, pp. 417-444 et 671-705.
Marie Dupond08_2024
Miss Alice Peel (1862), National portrait gallery, London
Les documents de la collection
56 notices dans cette collection
En passant la souris sur une vignette, le titre de la notice apparaît.Les 10 premiers documents de la collection :
Fiche descriptive de la collection
- 1857-02-28
- 1871-07-28
- Benckendorf, Dorothée (1785?-1857)
- Famille royale (Angleterre)
- Famille royale (France)
- Femme (politique)
- France (1852-1870, Second Empire)
- Politique (Angleterre)
- Politique (France)
- Réseau social et politique