Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


Votre recherche dans le corpus : 53 résultats dans 3515 notices du site.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00012.jpg
N°3 Paris, Jeudi 3 Juin 1852
9 heures

Vous serez arrivée quand ceci vous arrivera, chère Princesse. Je regrette de ne pas connaître Schlangenbad. Pour ma satisfaction pendant votre absence, je vous aimerais mieux à Ems que je connais. Il faut voir ses amis en pensant à eux et on ne les voit qu’en voyant les lieux où ils vivent.
J’ai passé hier ma soirée chez Mad. de Stael. Rien de plus politique que Rumpff et Viel-Castel. Celui-ci triste quand il a donné sa démission, il ne croyait pas la donner pour si longtemps. Dieu a bien raison de cacher aux hommes l'avenir ; ils ne feraient pas la quart des bonnes actions qu’ils font s'ils savaient ce qu'elles leur coûteront. Il est vrai qu’ils feraient aussi moins de sottises. Conversation donc toute littéraire.
Vous n'avez probablement pas lu dans le Constitutionnel, M. de Ste Beuve racontant la passion rétrospective de M. Cousin pour Mad. de Longueville, et sa haine pour M. de La Rochefoucauld, son rival heureux, il y a 200 ans. M. Cousin est très irrité de cet article et en parle comme d’une publication malveillante qui lui aurait fait manquer une bonne fortune à laquelle il touchait. M. de Ste Beuve a proposé, pour son tombeau cette épitaphe : " Ci gît M. Cousin ; il voulait fonder une grande école de philosophie, et il aima Mad. de Longueville. " Vous voyez que les nouvelles manquent tout- à-fait.
On dit que le Président ira en Algérie. Ce serait hardi. J’ai vu hier deux personnes qui arrivent d’Algérie, émerveillés des progrès.
Voilà votre lettre de Bruxelles. Merci d'avoir écrit et dormi. J’espérais bien que le voyage vous reposerait.
On est très préoccupé ici de l’attitude des partis monarchiques. Je coupe pour vous, le petit leading article des feuilles d'Havas d’hier soir. Cela n’est pas écrit pour le public de Paris et la presse de Paris n'en dit rien, mais les journaux des départements le reproduisent et le répandent partout. C'est là le langage qu’on veut parler au public intérieur sur lequel on compte.

4 heures
Jules de Mornay est mort hier soir d’une congestion cérébrale. C'était une bien pauvre tête, et un assez noble coeur. Il m’a fait de l'opposition jusqu’au 24 février, mais depuis, nous étions bien ensemble. Trés fusionniste, et le disant très haut à Madame la Duchesse d'Orléans. C’est une famille bien frappée. En six mois Mad. de Mornay a perdu son père, sa mère, son mari et la fille aînée qui s’est faite religieuse malgré elle. Je vous quitte pour l'Académie. On ne remplit jamais mieux ses devoirs qu’au dernier moment. Adieu.
J’ai bien peur d'être un ou d'être un ou deux jours sans nouvelles de vous. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
MF-G-L#017_00242.jpg
63 Val Richer. Mercredi 10 Mai 1854

Le rapport du général Osten-Sacken est, au fond, d'accord avec ce qu’on nous a donné de celui de l'amiral Hamelin. Evidemment, les batteries du port de pratique d'Odessa ont été détruites, et les vaisseaux contenus dans ce port, ainsi que les magasins militaires incendiés. Je conclus aussi que la tentative de débarquement a peu réussi. A tout prendre, la flotte Anglo-française me paraît avoir fait ce qu’elle voulait. Je suppose que les journaux Anglais donneront plus de détails. Mais je n’ai ici que le Galignani qui ne répète que ce qu’on lui permet.
Vous ne penserez plus à ce premier incident de la guerre quand vous lirez ce que je vous en dis. Il sera arrivé depuis je ne sais quoi. Voilà l'absence. Nous aurions de quoi bien alimenter nos conversations du bois de la Cambre. Il fait très beau ce matin ; la promenade y serait charmante.
Voici un article de la Correspondance d'Havas qui vaut la peine d'être lu. C’est le sens que le gouvernement veut faire attacher aux deux camps qu’il vient de décréter 100 000 hommes sur la frontière du Nord ne peuvent être indifférents à la Prusse. Si la guerre se prolonge, les puissances Allemandes ne parviendront pas à rester neutres. On finira peut-être, à Vienne, par ne pas trouver Hübner trop anti-russe. Du reste Hübner à Vienne et Hübner à Paris, ce sont deux choses ; j’ai peine à croire qu’à Paris, il soit autre chose que ce que veut son gouvernement c’est-à-dire son Empereur. Mais quand les situations deviennent grandes et fortes elles n'admettent pas le double jeu. Adieu, adieu. On me dit que Paris devient désert. J'y retournerai. Mercredi prochain. Ecrivez-moi lundi 15 à la rue de la Ville L'évêque. J'y serai jusqu’au 26.

Midi
Je me suis déjà chagriné pour vous de ces deux jours sans lettres. L’ordre est rétabli aujourd’hui, et vous en aurez une tous les jours. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
MF-G-L#017_00334.jpg
86 Val Richer. Lundi 3 Juin 1854

Je ne sais où je vous écris, ne sachant pas à quelle heure vous partez après demain de Bruxelles et si vous pouvez y recevoir encore cette lettre. L’absence a mille petits déplaisirs.
Quand vous serez établie à Ems, faites-vous lire, par Mlle du Cerini, Madame de Sablé de M. Cousin. Cela vous amusera, et elle avec vous. M. Cousin exploite un peu trop sa passion pour Mad. de Longueville ; il la débite en détails dans la Revue des deux monde, puis en gros dans de gros volumes. Mais peu vous importe. Je ne suppose pas que vous ayez lu Mad. de Sablé dans la Revue des deux mondes.
Les lettres du général Brown et de Lord Raglan démentent-elles ou confirment-elles ce qu’on vous a dit sur les mésintelligences qui se glissaient dans les armées à la suite des mésintelligences entre les ambassadeurs ?
Nos marins de la Baltique sont charmés, de l'accueil que leur font les Danois. Il y a encore là des souvenirs du bombardement de Copenhague. On est bien aise que la flotte Anglaise ne soit pas seule. Il me paraît que vous aurez bien à faire en Circassie ; tous les forts que vous aviez construits là, à chaque progrès que vous faisiez dans le pays sont ou détruits, ou au pouvoir des Circassiens.
Je vous écris là une sotte lettre. Je n’ai rien à vous dire. Je n'aurai point de journaux et matin. Il est pourtant sûr que, si nous étions ensemble, nous aurions des conversations intarissables.

Midi
Voilà votre lettre. Vous avez raison de vouloir 3, 6, 9 et Génie aurait dû y penser. Je trouve indispensable que Mlle de Cerini l’apprenne elle-même à lire haut en Français. Elle parle très bien ; il ne doit pas lui être difficile de lire. Adieu, Adieu. Le courrier ne m’apporte rien. Adieu. G.
Formats de sortie

atom, dcmes-xml, json, omeka-xml, rss2