Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val-Richer, Dimanche 5 sept. 1852

Quand quelque chose vous empêche de m'écrire, faites-moi écrire je vous prie, deux lignes par Aggy ; non pour me donner des nouvelles, dont je me passerais fort bien quand même, il y en aurait, mais uniquement pour me dire ce qui vous empêche d’écrire, et comment vous vous trouvez ; c'est là ce que j'ai tous les jours besoin de savoir, et ce qui me préoccupe quand je ne le sais pas.
J’ai eu hier des visiteurs de Trouville, des Delessert, des Mallet, Hippolyte de La Rochefoucauld, une bande ; ils ont passé ici la matinée. Il y a beaucoup plus de monde, mais pas plus de nouvelles, à Trouville qu'au Val Richer. Il y a eu de la grande compagnie ; elle s'en est allée ou s'en va ces jours-ci. La quantité reste. Le Chancelier et Mad. de Boigne toujours centre le soir, sauf pour ceux qui vont danser au salon. Et toujours très intelligents sensés et causants.
Le 15 Août a été très brillant à Trouville ; illumination de toutes les maisons sur la plage, et celle de Mad. de Boigne très bien illuminée. Et le 26 Août, elle est allée à un très modeste service dans la petite église d'Hennequeville, pour la mémoire du Roi Louis-Philippe. Il y a du bon sens et du bon goût à concilier ce qui est dû aux souvenirs du passé et aux droits du présent, au pouvoir qu’on a servi et aimé et au pouvoir qui maintient l’ordre au profit de tous. Il n’y a pas, dans ce pays-ci, beaucoup de gens qui sachent faire cette conciliation-là.
Voilà, M. de Persigny qui a repris possession de son portefeuille. Est-ce qu’on ne dit rien de l'objet de son voyage à Londres ? Il me revient qu’en dépit des articles du Times et du Moniteur, l’intelligence est très bonne entre le Président et le gouvernement Anglais, et que s’il avait à recevoir de là quelques bons offices, on les lui rendrait volontiers.
Il me revient aussi que la situation de Fould, même en son absence, devient de jour en jour meilleure. On dit, par exemple, qu'aucun ministre n’est plus admis à envoyer au Moniteur un communiqué sans l'avoir fait passer par le Ministre d'Etat. Dans le gouvernement tel qu’il est constitué aujourd'hui, c’est très sensé.
Le vote du Conseil général des Hautes-Pyrénées que Fould présidait, à dû plaire au Président. C'est à la fois le plus positif et le plus large. Quand, M. de Nesselrode, doit-il rentrer à Pétersbourg ?
Je suis impatient de savoir quelles conséquences auront les ouvertures faites à votre fils Paul et les bontés de l'Impératrice pour lui. Je crains un peu d'humeur et de jalousie ministérielle. Le bon vouloir du pouvoir le plus absolu est bien aisément distrait ou entravé.
Avez-vous entendu dire que la Constitution avait été sur le point, il y a quelques jours d'être suspendue pour deux mois, à propos de son article, très inconvenant, il est vrai, sur le duc de Parme ? Antonini s'en est plaint, avec raison. Le Constitutionnel s’est excusé comme il a pu, et on s’est contenté de son excuse publique. Mais il a eu peur. C’est probablement, pour vous une vieille histoire.

Onze heures
Merci de votre lettre. Je suis bien aise que la restauration de M. de Lamartine vous amuse. Je vous chercherai quelque autre lecture. Adieu, Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Mardi 7 Sept. 1852

Je vois que M. de Nesselrode en arrivant à Naples s'est rendu à Castelle mare, dans la maison de votre fils Alexandre où demeure son gendre Creptovitch. Votre fils, a donc prêté sa maison à celui-ci. Cela devrait mettre, M. de Nesselrode en bonne disposition pour vos fils. Mais les petits services n'étouffent pas les petites passions. On fait quelques politesses de plus, et on garde sa mauvaise humeur. M. de Nesselrode aura trouvé à Naples M. Turgot. Conversation qui ne l'aura ni beaucoup instruit, ni beaucoup amusé.
Avez-vous entendu dire qu’on rappelât notre Ministre de La haye parce que les Chambres de Hollande ont rejeté la convention conclue avec la France pour la contrefaçon et la propriété littéraire ? Ce serait un peu vif. Il est sûr qu’on n'aura pas fait grand chose en supprimant la contrefaçon, en Belgique si elle va s’établir en Hollande.
Je ne m'étonne pas que M. Molé ne soit pas content de M. de Lamartine ; il ne sera content d'aucune histoire. Les mérites, et les agréments de M. Molé sont des agréments et des mérites essentiellement contemporains ; il faut les voir de près, et en jouir soi-même d’un peu loin, ce sont des ombres pâles qui disparaissent bientôt tout-à-fait. De son temps, M. Molé aura été prise plus qu’il ne vaut, après, il ne le sera pas assez.
Le récit de Waterloo est en effet frappant et attachant dans Lamartine ; trop long et trop arrangé. Cet homme gâte ses richesses en les étalant trop, mais l'étalage est beau, comme dans les magasins de Paris.
Galignani me dit que Lady Lovolace est très malade. Jolie, savante, pédante, folle et coquette. Coquette avec ce singulier. mélange d'affectation et de naïveté que les Anglaises mettent dans la coquetterie. Bonne personne au fond, et de sentiments nobles. Son mari est ce qu’on appelle un homme de mérite.
Je n'ai point de nouvelles des Broglie si ce n’est par Mad. de Staël qui écrit à ma fille Henriette que Madame la Duchesse d'Orléans est venu les voir à Coppet avec ses enfants. Pas contente de sa santé. Les jeunes Princes très bien. Le comte de Paris étonnamment bon cavalier pour son âge. Pas d’autres détails.

10 heures et demie
Bonne longue lettre, qui me plait doublement, d'abord parce qu'elle me donne à penser que vous vous sentiez mieux hier, et puis pour elle-même. La lettre de l'Impératrice est charmante. Le voyage d’Aggy me déplait. Adieu, adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Mardi 28 sept 1852

Je ne comprends pas pourquoi votre lettre de samedi était restée en retard, il n’y avait certainement aucun prétexte. On a raison d'être frappé et attristé de l'événement de Marseille. Moi, j'en suis surtout humilié pour le pays. Le crime politique y est à l'état de manie. Que de temps de bon et fort gouvernement, et peut être que de nouveaux malheurs il faudra pour guérir ce mal, ou pour l'étouffer !
Autant que j'en puis juger de ma solitude, l'effet est général et partout le même. Redoublement de doute sur l'avenir, en même temps que dans le présent, le gouvernement en sera plus facile. On peut faire tous les Empires qu’on voudra. Si on peut établir la filiation outre la machine infernale de Marseille et les réfugiés de Londres, ou de Bruxelles, je ne vois pas pourquoi, on ne demanderait pas leur expulsion. Ce serait à ces gouvernements là, à se tirer comme ils pourraient de leurs embarras. Ellice aura raison un jour, mais pas de sitôt, et par sur des questions de cette nature-là.
Je ne crois pas, quoi qu’on vous dise, à l'abolition du suffrage universel. C’est un port de refuge qu’on ne se fermera jamais. Ce n’est pas la peine non plus de discuter la recherche de popularité qui a pu faire relever la statue et ramener les cendres de Napoléon. Il y avait au moins, dans cette recherche là plus de générosité que dans les décrets du 22 Janvier et moins de danger que dans la popularité demandée au suffrage universel.
Vous avez raison de vous moquer de moi à propos des obsèques du duc de Wellington. Je ne pensais pas à l'argent.
J’ai envie de dire comme l'Impératrice et de trouver que vous avez eu tort de ne pas rendre à la Duchesse de Mecklembourg et à sa fille leur visite ; je comprends que vous soyez impolie pour éviter d'être fatiguée ; mais il n’est pas plus difficile de faire rouler. cinq minutes votre voiture sur le macadam du Boulevard que sur celui des Champs Elysées ; et l'impolitesse par manie, sans motifs de temps ou de santé, par plaisir de dédain, c’est trop.

10 heures et demie
Mon facteur arrive un peu plutôt. Merci de la lettre de M. de Meyendorff. Je la lirai à mon aise dans la matinée, et je vous la renverrai demain. Adieu. Adieu. G.
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