Mythologia

Natale Conti, Mythologia, 1567-1627 : un laboratoire éditorial


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André Wechel (15.. - 1581). Enquête bio-bibliographique

Frontispice de l'édition originale 1567

Natale Conti

Portrait Johannes Opsopoeus

Johannes Opsopoeus

Portrait Friedrich Sylburg

Friedrich Sylburg

Frontispice 1612

Jean de Monlyard

Frontipice 1627

Jean Baudoin


friseAndréWechel

marque de l'imprimeur André Wechel

Marque de l'imprimeur André Wechel
page de titre des Mythologiae libri, 1581
@ MDZ 1999 Hist.pol.1307

André Wechel est le neveu du célèbre imprimeur parisien Chrétien Wechel (1495-1553), originaire du Brabant. Né aux alentours de 1525, il est décédé à Francfort à l’automne 1581 en étant reconnu comme l’un des plus fortunés et plus influents des imprimeurs de la ville libre[1]. Chrétien et André sont les deux fondateurs d’une dynastie d’imprimeurs aux ramifications nombreuses et diverses qui perdure jusqu’à la première décennie de la guerre de Trente Ans (1618-1648)[2]. La vie professionnelle d’André ainsi que des générations suivantes de la famille Wechel est caractérisée par de nombreuses mobilités qui peuvent être expliquées par deux facteurs principaux : d’une part, l’exil et la persécution des calvinistes contraint les Wechel, famille huguenote, à relocaliser leurs activités à maintes reprises. D’autre part, les rapports étroits que l’entreprise des Wechel entretient avec l’étranger depuis sa fondation dans les années 1520, notamment par le biais de contacts variés avec des auteurs allemands, sont une porte d’entrée pour étendre leur activité à travers toute l’Europe.

Chrétien Wechel et sa femme Michèle Robillard reprennent l’imprimerie de Conrad Resch dans le Quartier Latin au cours des années 1526-1528[3]. À ses débuts, l’imprimerie Wechel diffuse tout particulièrement les œuvres d’Érasme de Rotterdam. Elle publie en outre un certain nombre de traités protestants, ainsi que le troisième livre du Pantagruel (1546) de François Rabelais, très critique envers l’institution catholique[4]. Chrétien Wechel est de plus celui qui imprime la première édition officielle de l’Emblematum libellus d’André Alciat en 1534[5]. L’emblème d’Alciat, « Virtuti fortuna comes », quant à lui, sert de modèle pour la marque typographique que Chrétien Wechel utilise à partir de 1534, en en réalisant plusieurs variations[6]. C’est cette marque qui est choisie plus tard par André Wechel : « l’emblème du Pégase, ou Cheval volant : un caducée encadré par deux cornes d’abondances, surmonté du Cheval Ailé, et soutenu par deux mains jointes en-dessous[7] ».

Après la mort de Chrétien, André reprend la maison d’édition située à Paris en 1553[8]. Jusqu’à la fin des années 1550, il est l’imprimeur principal des auteurs de La Pléiade, Pierre de Ronsard y compris[9]. C’est à cette période, en 1555, que débute la collaboration entre le philosophe huguenot Pierre de la Ramée et Wechel, lequel se consacrera sa vie durant à la diffusion de ses œuvres. Au début des années 1560, il imprime également des pamphlets anti-calvinistes[10]. Par conséquent, ses choix de publication, à l’inverse de ceux de son oncle Chrétien, ne montrent pas un alignement clair avec la Réforme française ; un fait qui peut être interprété comme un choix prudent, celui de ne pas soutenir publiquement la cause protestante, mais qui a aussi produit une discussion continue quant aux positions religieuses d’André Wechel[11]. En dehors des activités de publication, la résidence parisienne d’André devient un refuge pour les étudiants allemands, comme cela avait été le cas de la maison de Chrétien Wechel. La relation qu’entretient Wechel à partir de 1560 avec Hubert Languet, un Français qui servit en tant que diplomate pour plusieurs princes allemands, est par ailleurs d’une importance cruciale pour la carrière d’André à Francfort, après son départ contraint de la France suite au massacre de la Saint Barthélémy en 1572.

André avait déjà été forcé de fuir Paris en 1562 en conséquence du bannissement des huguenots et était revenu en 1563[12]. C’est pour cette même raison que Wechel est de nouveau contraint de quitter la capitale française en 1569 pour trouver refuge en Allemagne où il demeure jusqu’en 1571[13]. Au mois d’août 1572, il est finalement obligé de quitter définitivement Paris. Il se rend à Tongerlo et devient citoyen de Francfort le 23 décembre 1572[14]. Son épouse Marguerite Fernel se rend à Paris au début de l’année 1573 afin de fermer leur atelier en France[15] tandis que Hubert Languet les aide à fonder leur nouvelle entreprise à Francfort en leur trouvant de nouveaux auteurs et œuvres à publier[16]. Languet est aussi à l’origine de la relation entre Wechel et Sir Philip Sidney qui devient probablement le plus célèbre des invités d’André Wechel au début des années 1570[17]. Après son second mariage en novembre 1577, André meurt, vraisemblablement de la peste, et est enterré le 1er novembre 1581[18], peu de temps après la parution de l’édition de 1581 de la Mythologia de Natale Conti, préparée par les employés de Wechel : Johannes Opsopoeus et Friedrich Sylburg. Dans son épitre au « bienveillant lecteur » à la fin de l’édition, Wechel souligne fièrement les qualités de l’ouvrage, dues aux compétences philologiques et à la précision d’Opsopoeus et de Sylburg, et ne fait que brièvement allusion à l’utilité de la compilation de Conti pour les lecteurs allemands (ad iuuanda Germaniae commoda), sensée être la raison officielle de la publication d’une version augmentée de l’ouvrage.


[1] Pour des témoignages d’archives récemment compilés sur le temps passé par Wechel à Francfort, voir Michael Matthäus, « Der Frankfurter Drucker Johann Wechel », Gutenberg-Jahrbuch, n°84, 2009, p. 169-170. Pour la biographie de Chrétien Wechel et sa carrière professionnelle, voir Hubert Elie, « Chrétien Wechel, imprimeur à Paris », Gutenberg-Jarhbuch, n°29, 1954, p. 181-197, et Elizabeth Armstrong, « The Origins of Chrétien Wechel Re-Examined », Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, n°23 (2), 1961, p. 341-346. William Richard LeFanu offre un panorama des sources secondaires plus anciennes dans « André Wechel », Proceedings of the Huguenot Society of London, n°21, 1965, p. 58 ; voir aussi Jean Dominique Mellot et Élisabeth Queval, Répertoire d’imprimeurs/libraires (vers 1500-vers 1810), Paris, 2004, p. 561.
[2] Pour un aperçu historique sur la dynastie Wechel, voir Robert John Weston Evans, The Wechel Presses: Humanism and Calvinism in Central Europe. 1572-1627, Past & Present Supplements, n°2, Oxford, 1975, p. 2-6, ainsi que Ian MacLean, « L’économie du livre érudit : le cas Wechel (1572-1627) », dans Le Livre dans l’Europe de la renaissance. Actes du XXVIIIe colloque international d’études humanistes de Tours, Paris, Pierre Aquilon, 1988, p. 231-232. Pour l’histoire de la compagnie depuis 1582, voir Albert Labarre, « Éditions et privilèges des héritiers d’André Wechel à Francfort et à Hanau. 1582-1627 », Gutenberg-Jahrbuch, n°45, 1970, p. 238-250, et Albert Labarre, « Les éditions des héritiers Wechel à Francfort et à Hanau, 1582-1627 », Gutenberg-Jahrbuch, n°46, 1971, p. 209-223.
[3] H. Elie, « Chrétien Wechel, imprimeur à Paris », art. cit., p. 183. Au sujet de Michèle Robillard, voir Geneviève Guilleminot-Chrétien, « Chrétien et André Wechel, “libraires parisiens” ? », dans Printers and Readers in the Sixteenth Century […], Bibliologia, n°21, Turnhout, Bruxelles, Christian Coppens, 2005, p. 33.
[4] H. Elie, « Chrétien Wechel, imprimeur à Paris », art. cit., p. 183-184 et LeFanu, « André Wechel », art. cit., p. 63-64.
[5] Curt F. Bühler, « A Letter Written by Andrea Alciato to Christian Wechel », The Library. The Transactions of the Bibliographical Society, n°16, 1961, p. 202-205.
[6] André Alciat, Andreae Alciati Emblematum Libellus, Paris, 1534, p. 22.
[7] « […] the Pegasus, or Cheval Volant, device: a caduceus between two cornucopias, surmounted by the Flying Horse, and having clasped hands below.» LeFanu, « André Wechel », art. cit., p. 75, voir aussi p. 62. Le lien entre l’emblema d’Alciat et la marque typographique de Wechel est soulignée par Heinrich Grimm dans Deutsche Buchdruckersignete des XVI. Jahrhunderts. Geschichte, Sinngehalt und Gestaltung kleiner Kulturdokumente […], Wiesbaden, 1965, p. 198-200. Wolkenhauer quant à elle explore les rapports étroits entre les marques typographiques des imprimeurs et les emblèmes en général : Anja Wolkenhauer, « Sisters, or Mother and Daughter? The Relationship between Printer’s Marks and Emblems during the First Hundred Years », dans Typographorum Emblemata. The Printer’s Mark in the Context of Early Modern Culture, Schriftmedien, n°4, Berlin, Boston, Anja Wolkenhauer et Bernard F. Scholz, 2018, p. 3-28.
[8] H. Elie, « Chrétien Wechel, imprimeur à Paris », art. cit., p. 185, ainsi que Guilleminot-Chrétien, « Chrétien et André Wechel », art. cit., p. 29.
[9] Voir Geneviève Guilleminot, « André Wechel et la Pléiade (1555-1559) », Australian Journal of French Studies XVII, n°1, 1980, p. 65-72.
[10] Guilleminot-Chrétien, « Chrétien et André Wechel », art. cit., p. 37.
[11] LeFanu, « André Wechel », art. cit., p. 65 ; Evans, The Wechel Presses, op. cit., p. 38 ; Guilleminot-Chétien, ibid., p. 36-37 ; MacLean, « André Wechel at Frankfurt, 1572-1581 », art. cit., p. 171.
[12] Guilleminot-Chétien, « Chrétien et André Wechel », art. cit., p. 29.
[13] LeFanu, « André Wechel », art. cit., p. 68-69.
[14] Matthäus, « Der Frankfurter Drucker Johann Wechel », art. cit., p. 170.
[15] Guilleminot-Chrétien, « Chrétien et André Wechel », art. cit., p. 34.
[16] MacLean, « André Wechel at Frankfurt, 1572-1581 », art. cit., p. 168-169.
[17] Ibid., p. 167-169, ainsi que Maria Lanckorońska, « Andreas Wechels Gäste », dans Frankfurter Beiträge. Arthur Richel gewidmet, Francfort-sur-le-Main, 1933, p. 32-36. Téophile de Banos à quant à lui dédié son édition postume des Comentarii de religione christana (1576) de Pierre de la Ramée à Sidney (Guilleminot-Chrétien, « Pierre Ramus et André Wechel. Un libraire au service d’un auteur », p. 250. Voir aussi les lettres écrites par Banos à Sidney entre mars 1575 et mars 1576 dans Roger Kuin (éd.), The Correspondence of Sir Philip Sidney, vol. 1, Oxford, 2012.)
[18] MacLean, « André Wechel at Frankfurt, 1572-1581 », art. cit., p. 166 et Matthäus, « Der Frankfurter Drucker Johann Wechel », art. cit., p. 170.


Maximilian Bach
Traduit par Laure-Anne Vincent-Aponte


Voir la présentation de l'édition de 1581 (Francfort, André Wechel).
Lire l'adresse d'André Wechel au "bienveillant lecteur".