Thresors de la Renaissance

Trésor des morales de Plutarque


Auteur(s) : Plutarque

Généralités

Titre long de la première édition identifiée (ou autre édition)Le tresor des morales de Plutarque de Chæronæ, tresexcellent historiographe & philosophe : contenant les preceptes et enseignements qu’un chacun doit garder pour vivre honnestement selon son estat et vacation : non moins necessaires & utiles à ceux qui desirent bien ordonner une oeconomie privée ou particuliere, qu’à ceux qui gouvernent les Republiques, & manient les affaires d’Estat. Avec les beaux dicts & faits, sentences notables, responses, apophthegmes, & formes de harengues des empereurs, roys, ambassadeurs, & vaillans capitaines tant grecs que romains : aussi les opinions des philosophes & gens scavans touchant les choses naturelles, pour servir d’exemple à ceux qui desirent scavoir & ensuivre les haults faicts és guerres, & de mesme leur police, conseil & gouvernemens en temps de paix. Premierement recueillis & extraicts en langue latine des Commentaires des Morales de Plutarque : & depuis redigez en bon ordre & disposition en langue françoise. Par François Le tort, angevin (Jean Poupy, 1577)
Information sur l'auteur ou les auteurs
Informations sur le traducteurLe Tort, François
Date de la première publication de l'œuvre1577

Informations sur l'œuvre

Consulter une transcription de la table des matièresTDM 1578 Trésor des morales de Plutarque Jean Poupy

Transcription et analyse des péritextes

Transcription des péritextes de toutes les éditionsA Monsieur [Jean Poupy, 1577]
Monsieur Bonvoysin, Sieur de la Chapeliere, Belligan, &c. Conseiller du Roy, & President en sa Cour de Parlement à Rhenes en Bretagne, Salut.
Monsieur, la sentence d’Ion poëte ancien, me semble pertinente & prononcée d’un meur jugement & avec grande raison : lequel souloit dire, que la Fortune & la Vertu, qui sont deux choses tres-differentes, & qui n’admettent entre soy autre accointance ou familiarité, que celle qui pourroit estre constituée & avoir lieu entre la lumiere & les tenebres obscures, produisent toutesfois de tressemblables effects, & comme naissans de mesme source & semblable origine ou commencement : Desquelles l’une & l’autre agrandissent & honnorent les hommes, les accroissent & avancent en dignité & puissance, les maintiennent, (ã 2 r°) & conservent en estat & authorité. Mais toutesfois ceste sympathie ou conformité & semblance, laquelle se rencontre ainsi en leurs effects, n’a peu faire neantmoins, pour la grande difference & contrarieté naturellement inserée entre les causes, qu’il n’y ait eu perpetuelle guerre & continuel assault entr’elles : dont est advenu que faisant leurs brigues & entreprises, les uns, comme les plus avisez, se sont tournez du costé, & ont tenu le party de la Vertu, comme a fait un Diogenes, Socrates, Solon, Bias, Thales, Anacharsis, & entre autres Alexandre, lequel dit de luy-mesme n’avoir jamais obtenu aucune victoire, ny mis à execution acte digne d’un homme magnanime & belliqueux, sinon au grand regret & à contrecoeur de l’envieuse Fortune : de façon que non seulement il faisoit guerre sans intermission contre les hommes inhumains & barbares, mais aussi assiduement guerroioit contre la Fortune mesme, qui luy estoit tousjours contraire & portoit une fascinatoire envie & inexpiable malveillance, laquelle l’eut paradventure dominé & surmonté en toutes ou partie de ses tant renommées guerres & rares entreprises, ou pour le moins beaucoup rabaissé, n’eust esté la Vertu, comme aiant le plus fort & meilleur party, & aussi à bon droit plus favorisée, laquelle de sa puissance le maintenoit tousjours & con- (ã 2 v°) servoit en son entiere & invincible perfection, avec toute pureté & sincerité, sans aide ou support d’aucune tromperie ny fraude quelconque. Ceste chose doncques ayant frappé le cœur & excité le bon zele de ces grands personnages Scipion Numantinus & Marcellus, lesquels pour plus facilement luy faire sacrifice & deferer tels honneurs qu’elle merite, luy feirent edifier & construire un temple, lequel s’appelle le temple de Vertu & d’honneur. Et ces personnages là avec plusieurs autres induitz à leur exemple & façon de faire, ont continué longuement, en telles sainctes & vertueuses ceremonies, extollant & honorant ainsi religieusement la Vertu. Les autres au contraire, considerant la Vertu estre trop simple & quasi abjecte en humilité, & ne vouloir en rien favoriser personne que premier ne l’eust merité par actions condignes : ne l’ont seulement, dis-je, quittée & abandonnée, la mesprisant & negligeant son party, mais se sont directement bandez & opposez à l’encontre, comme la mort contre la vie, les tenebres contre la lumiere, cherissant & embrassant la Fortune, se dediant du tout à elle & suivant son party, pourautant [sic] qu’elle ne refuse personne, ains favorise volontairement & à toutes mains, celuy qui premier presente sa requeste, à quelque fin que ce soit, excitant en donnant courrage aux (ã 3 r°) hommes hardis, (comme dit le poëte) & sans discretion avance aussi tost l’indigne comme le digne, & couronne aussi tost celuy qui n’a point couru comme celuy qui aura emporté le pris & la bague, ainsi qu’a sagement deduit le Poëte Latin. Cela apert evidemment en ce qu’elle a fait Darius de simple page & serviteur du Roy seigneur & maistre de tous les Perses, leurs biens & possessions : & à Sardanapalus lasciviant impudiquement & filant la laine meslé parmy les femmes, a indignement donné & livré le sceptre & diadesme Royal, & manteau de pourpre. Davantage elle se jacte & glorifit de ces Roys qui ne furent jamais blessez en guerre, & ne respandirent oncques goutte de leur sang pour la tuition & defense de leur couronne, ou amplification de leurs Royaumes & obeissances, ny pour l’asseurance & liberté de leurs subjects : Ce sont ceux-là, dit elle, qui ont esté bien fortunez, comme un Ochus, & un Artaxerxes, lesquels elle a constituez, colloquez & assis dés le premier jour de leur naissance au siege & palais royal de Cyrus. Ce que consideré, le poëte Satyrique hardiment a prononcé que la Fortune estoit Deesse, & qu’elle avoit son siege & son throsne au ciel,
Nullum numen abest, si sit prudentia : sed te
Nos facimus Fortuna deam coeloque locamus(ã 3 v°)
Et Ovide deplorant les miseres & ennuys de son bannissement, n’a pas crainct de dire avec asseurance que personne n’estoit aymé ny bien-venu, que celuy qui est favorisé de la Fortune, & auquelle elle dit bien,
Diligitur nemo, nisi cui Fortuna secundus est, 
Quae simul intonuit, proxima quaeque fugat
Ceste chose mal entendue a tant aveuglé les anciens, & iceux retenuz és tenebres d’ignorance, qu’ils ont attribué totalement leurs faicts à Fortune, comme adjutrice & fautrice d’iceux, en luy sacrifiant & deferant tous honneurs & prerogatives de leurs dieux qu’ils adoroient au temps passé. A ceste raison Servius Tullius Roy des Romains, homme en cela riens moins, mais autrement tres-vertueux & tres prudent, celuy qui fut le premier Censeur des mœurs, & Syndique ou Contrerolleur de la vie & des mœurs d’un chacun, & en public & en particulier, en cela, dis-je, estoit si peu advisé, que luy-mesme s’attribuoit à la Fortune, comme un œuvre d’icelle, & estimoit que sa puissance & grandeur Royalle dépendoit immediatement d’elle : A cause dequoy il luy feit edifier & bastir un temple magnifique & sumptueux, lequel il appelloit avec les autres Romains, le patron, la nourrice, & le soustien de la ville de Rome. Or par succession de temps non seulement les Empires, Royau- (ã 4 r°) mes & Republiques ont esté tranferées de la puissance & gouvernement de certaines nations à autres, & les uns ou du tout renversées, ou pour le moins changées avec grande diminution. les autres maintenues & de beaucoup agrandies & amplifiées : Mais aussi les esprits des humains se sont de jour à autre subtilisez & rendus plus aigus & avisez en invention, & en langage fort exquis, plein de persuasion & és choses mal-aisées artificiels, & eux assaillans à couvert, tournans leur dire aux loix, & à esmouvoir les affections populaires, visant tousjours à ce qui est le bien-seant, & de plus belle apparence. Lesquels doncques considerans qu’en tout & par tout la peau du Lyon n’estoit suffisante, y ont voulu appliquer & adjouster celle du Regnard. Car ne voulant s’asseurer & mettre totalement leur confiance en la Fortune pour son inconstance & soudaine mutation : luy ont donné pour ayde & conseil le Vice associé de tout genre d’iniquité, lequel ayant commencement d’entrée, n’a seulement obscurci la splendeur & force de la Vertu : mais aussi s’est rué sus & a renversé la Fortune sans dessus dessoubs, laquelle estoit demeurée victorieuse, & qui avoit si longuement tenu les premiers rengs, avec tout honneur & prerogative d’authorité : & par ainsi aujourd’huy la Fortune n’a plus de credit aiant cedé au Vice, & la (ã 4 r°) Vertu n’ose paroistre ny sortir en lumiere, redoutant & la Fortune & le Vice puissants adversaires & ennemis reformidables, & ainsi, jacet sopita Virtus,& erubescit victa Fortuna, Vitium autem exultat. Ce vice donques a tellement pris possession du gouvernement des hommes, & est au profond de leurs cœurs de telle façon imprimé, que la Vertu est deprimée, & le Vice auctorisé, la Fortune n’a plus de credit ny de faveur, le Vice a toute grandeur, lequel a tellement consommé l’infelicité des hommes, les ayant rendus semblables aux beste brutes & irraisonnables, que choses vilaines, iniques & deshonnestes leur plaisent & resjouissent en toute liberté & sans en estre punis : de maniere que pour iceluy effacer & arracher, ne faudroit maintenant, à mon advis, s’aider d’aucun reformateur ou Censeur des vies & des mœurs selon l’ancienne coustume, mais d’un autre non reformateur, dis-je, mais refondeur de nouveaux hommes, lequel ostast toute racine & cause de pullulation à ce germe tant infecté, d’autant que l’extirpation d’iceluy surpasse toute humaine nature, & est divine & supernaturelle. Car qu’y a il en ce monde plus excellent, plus glorieux, plus celestre, ny de plus difficile & haute conduitte, que de moderer les humeurs des hommes, dompter leurs affections desordonnées, retrencher leurs (ã 4 r°) ambitions & immoderées entreprises ? Quelle chose, le mal ayant ja pris de si profondes racines, & estant par trop inveteré, ne peut estre executée que par un Censeur ou Syndique participant de la supresme Deité & puissance divine. Mais à quel propos tout cecy ? C’est, Monsieur, que Plutarque de Chæronæe, ce grand Censeur & reformateur des mœurs & vies des hommes, selon les aages & conditions d’un chacun, me semble n’avoir esté induit ny poussé pour nulle autre fin à escrire ses Commentaires des Morales : que pour donner les preceptes & enseignements de pouvoir remedier à ce vice & mal quasi incurable, & nous monstrer la voye & enseigner le moien comme il faut imiter & embrasser la Vertu : & à negliger & ne faire compte de Fortune, & pour repoulser le vice de soy. Lequel doncques non seulement de sa rare doctrine, nous a donné les regnes & ouvert le sentier qu’il nous convient tenir pour tendre à Vertu : mais aussi a tres-diligemment recueilli les exemples & commandements des illustres & vertueux Censeurs & reformateurs de mœurs, tant Grecs que Romains : & les aiant redigez & mis par bon ordre, accompagnez toutefois de la narration & longs discours des dicts & faicts memorables de ces grands personnages, tellement qu’ils re- (ã 4 v°) quierent un homme de grand loisir, & qui prenne plaisir à ouir & à lire. A ceste occasion, Monsieur, depuis peu de temps, entre ces longs discours & rhetoriques narrations, j’ay recueilli en langue Latine briefvement & le plus succinctement qu’il m’a esté possible, & pour eviter prolixité j’ay esté contraint souvent tronquer les discours & les mettre en moins de paroles qu’ils ne falloit : J’ai colligé, dis-je, les preceptes moraux & plus necessaires, & iceux compilez & referrez en un petit livret, ny aiant que les eschantillons, par maniere de dire, ou semences extraictes d’iceux. La lecture desquels, à mon advis, n’occupera point le temps des lecteurs qu’ils doivent à leurs autres affaires & negoces : attendu qu’en peu de paroles & sans discours, ils verront le suc avec le sens des-dicts preceptes, ensemble le naturel depeint au vif de plusieurs personnages dignes de mémoire. Quoy fait, Monsieur, j’ay esté prié, de le rediger pareillement & ramasser en nostre langue Françoyse & vulgaire, afin de pouvoir non moins servir à ceux qui n’ont cognoissance de la langue Latine, qu’à ceux qui sont doctes & versez és langues. A ce doncques persuadé, j’ay tasché à mon pouvoir eslire & choisir és Morales de Plutarque, les preceptes & choses non moins notables que necessaires, pour l’instruction & conversation de (ã 5 r°) chasque personne selon sa vacation & estat, avec les beaux dicts des Roys, Empereurs vaillans Capitaines & grands personnages du temps passé : pourautant qu’ils peuvent beaucoup servir à cognoistre quelles ont esté leur nature & leurs meurs, qui apparoissent bien souvent, & se descouvrent plus clerement en leurs dicts que non pas en leurs faits, lesquels ne sont moins utiles que necessaires à tous ceux qui manient affaires d’estat & de la choses publique. 
Afin donques, Monsieur, que ce mien petit labeur, eust plus de lustre & fust mieux receu entre les hommes doctes, & pour le faire courir en tous lieux soubs vostre authorité & garder des mes-disans, je l’ay ombragé de vostre nom tant celebre & fameux, à cause de voz singuliers & rares vertus. En faveur desquelles, le preux & magnanime Roy tres-chrestien & tres-digne de ses ancestres Henry second (que Dieu absolue) prince accompli & parfaict en toutes vertus autant que nul autre, & qui estoit amateur de tous esprits genereux & gentils, tant accomplis aux sciences liberales, qu’aux arts mechaniques ou autres exercices, où il pouvoit remarquer quelque chose de beau : les aimoit, cherissoit, & gratifioit en tout ce que le divin Philosophe escrit du devoir que les Princes doivent à tels esprits, qu’il commande estre favorisez, re- (ã 5 v°) spectez, & caressez pour le bien & profit qui en peut provenir au public & entretien d’une republique : pour ceste seule, raison, dis-je, dés voz jeunes ans, Monsieur, vous constitua en l’estat & magistrat de judicature en sa ville d’Angers : en ceste charge comme vous y estes vertueusement porté & y avez droittement administré justice : pour le present je n’en toucheray autre chose, de peur que je ne semblasse vouloir chatouiller trop de pres. Je diray seulement que les partis qui ont eu differents à decider pendant vostre temps de judicature, s’estiment tres-heureuses d’avoir rencontré un juge tant equitable, & qui comprenoit si promptement le neud de leurs causes & differents, qui faisoit qu’un chacun couroit à vous demander justice de telle affection & desir que le cerf echauffé cherche les fontaines d’eaux courantes. Quoy consideré & avec meur jugement propensé, ceste grande tour & propugnacle invicible de la foy Catholique, & vray Palais orné de toute vertu, le Roy Charles neufiesme (que Dieu absolue) vous appella à son conseil & pour partie de voz labeurs emploiez à l’estude des bonnes lettres, vous recompensa d’un estat de President en sa Cour de parlement de Rhenes en Bretaigne, auquel un chacun vous admire & revere hautement pour vostre singuliere doctrine. Pour ces cau- (ã 6 r°) ses, Monsieur, je vous suppliray tres-humblement, prendre en vostre tuition & sauvegarde, ce petit labeur & prensent que je vous dedie & consacre, & le vouloir recevoir de telle volonté, que souloit faire jadis ce grand Roy de Perse Artaxerxes, ce qu’on luy presentoit : Lequel estimoit estre acte de magnanimité & insigne bonté Royale, non moins prendre en gré & avec un bon visage de petits presens, que d’en donner de grands & magnifiques. Ce qu’il feit evidemment paroistre quelque fois en passant son chemin, qu’un pauvre paysant laboureur & gaignant sa vie à la sueur de son corps, desirant neanmoins gratifier le Roy son seigneur, & n’aiant autre chose pour luy presenter, luy eust offert de l’eau qu’il venoit à l’instant de puiser en la riviere avec ses deux mains : le Roy debonnaire la receut joyeusement, en se prenant à soubrire, mesure la grace & bonn’affection de l’offre, non à la valeur du present, mais à la bonne volonté de celuy qui le presentoit. Et pourtant de mesme volonté & intention je vous offre, Monsieur, L’Anthologie ou Tresor des Morales de Plutarque en langue Françoise, vous suppliant de rechef l’avoir aggreable : ce que j’espere obtenir de vous de tant plus que je sçay, que comme plus un homme est studieux & sçavant, de tant plus aussi la douceur & courtoisie lut sont fa- (ã 6 v°) milieres : & si Dieu est flexible & ployable aux prieres humaines esquelles le cœur marche avec la bouche, les hommes sçavants & vertueux, qui sont les images de Dieu, & comme ses vicaires en terre, accepteront aussi gaiement & avec un bon œil, ce que les plus petits leur presenteront.
Monsieur je supplie le Createur joindre à voz vertus en perfaicte santé & prosperité tres-longue et tres-heureuse vie. De Paris au College de Caluy ce 26. Juillet, 1577.
Vostre tres-humble à jamais serviteur,
François Le Tort,
Angevin.
T. Lucretius C.
Floriferis ut apes in saltibus omnia libant :
Omnia nos itidem depascimur aurea dicta. (ã 7 r°)
Topoï dans les péritextes
  • abréger, colliger, réduire
  • anthologie
  • échantillon
  • exemple
  • modèle de conversation
  • ordonnancement
  • public non savant
  • public savant
  • recueillir
  • semence
  • suc
  • traduction
  • utilité
  • visée didactique
Collection créée par Anne Réach-Ngô Collection créée le 16/10/2016 Dernière modification le 10/08/2022