Thresors de la Renaissance

Trésor des faits et dits mémorables des hommes saints et illustres


Auteur(s) : Marulić, Marko

Généralités

Titre long de la première édition identifiée (ou autre édition)Le thresor des faictz et dictz memorables des hommes saincts et illustres du vieil et nouveau testament, pour servir d’exemples à bien & sainctement vivre ; avec un traicté tresexcellent du jugement dernier ; recueillys premierement en six livres latins, par Marc Marulus, personnage fort devot & de grand sçavoir. Depuis mis en françois par Paul Du Mont, douysien. Hiremie chap. 6 ver. 16. Tenez vous sur les voyes & regardez, interroguez des anciens sentiers, quelle est la bonne voye, & cheminez en icelle ; & vous trouverez soulas pour voz ames (Jean Bogard, 1585)
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Date de la première publication de l'œuvre1585

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Transcription et analyse des péritextes

Transcription des péritextes de toutes les éditions
  • A METTRE A JOUR, notamment avec édition de 1604.
  • [Jean Bogard, 1585, verso de la page de titre]
    Nous soubz-signez Commis à la visitation des livres en la Ville et Université de Douay, par Monseigneur D. Matthieu Moullart R.me Eveque d’Arras, certifions avoir veu et visité ce livre nommé le Thresor des faicts et dicts memorables des hommes saincts et illustres, composé en six livres Latins par Marc Marulus ; depuis traduitz en François par PAUL DU MONT, auquel et en l’Epistre dedicatoire y joincte nous n’avons trouvé aucune chose qui ne soit bonne, ensemble tresutile & tresprouffitable pour la discipline Chrestienne et maintenement de nostre saincte Foy Catholique Apostolique et Romaine. En approbation dequoy avons icy mis noz noms, ce xxve de Juing 1585.Guilielmus, S. Theologiæ Doctor. Balthazar Seulin, Doyen de S. Amé en Douay.
    Antoine Surius, Licentié en Theologie, et Curé de S. Pierre en Douay. (ã 1 v°)
  • A Monseigneur, Monseigneur le R.me Evesque de Tournay, messire Maximilien Morillon, treshumble salut. [Jean Bogard, 1585]
    Je ne sçay, Monseigneur, si nous nous debvons plus louër ou plaindre, de ce que nostre siecle abonde et foysonne ainsi, en tant de sortes de livres, [1]que nous avons pour le jourdhuy en tous genres de sciences & en toutes manieres de langues. Il est bien vray qu’il n’y a livre de si petite importance, que l’on n’en puisse bien recueillir quelque fruict, & que c’est un argument dont l’on doit plus tost presumer le bien, que non pas aultre chose : d’autant que toute science est du genre des choses bonnes, et que le grand nombre des livres donne aucunement à cognoistre qu’il y a beaucoup d’hommes sages, [2]estant la multitude des sages la santé de la terre, comme dit Salomon : Mais quand je considere bien, que ceste science qui produit tant de livres, n’est ny temperée et mesnagée comme il convient, ny la vraye sagesse dont parle Salomon, Je ne sçay si nous n’aurions point occasion de nous plaindre et dire avec luy, [3]De faire plusieurs livres il n’y a point de fin ! Et si ceste complaincte (ã 2 r°) n’auroit point plus de lieu en nostre siecle, que non pas au temps mesme de Salomon : lequel ne se plaignoit point tant, comme j’estime, de la multitude des Escrivains de son temps, qu’il vouloit dire, servant de bouche de ceste Eternelle sapience, que tant de livres n’estoient point necessaires ; et que c’estoit bien le meilleur et le plus seur de s’addonner et s’arrester à ceux-là seulement qui servoient pour l’advancement du salut eternel de l’homme. Chose pour vray de tresgrande importance, et qui merite bien estre meurement considérée en la Republicque Chrestienne pour le jourd’huy. Car certainement, s’il fut onc heure de veiller et se donner garde en cest endroit, il me semble qu’il l’est plus que jamais : estant les temps telz comme ilz sont : et signamment apres avoir experimenté tant de tournoyemens et d’erreurs. Attendu que l’esprit de l’homme n’eut jamais autant d’objectz divers, variables & dangeureux : [4]à cause d’une infinité de nouvelles inventions qu’il a par livres exquis et nouveaux que l’on faict, et que l’on luy met en avant, pour luy parfumer les sens et l’entendement en toutes sortes de plaisirs : principalement en langue Françoise, l’une des plus communes, et plus exquises, entre les vulgaires de nostre Europe Chrestienne. Je ne parle point des livres touchans les heresies et autres desvoyemens de la verité Catholique, à quoy nostre mere saincte Eglise à tresprudemment prouveu [sic], par l’arrest de ses Synodes & Conciles, exterminant les faulses et erronées doctrines comme il estoit necessaire ; [5]Et si ne veux-je point aussi me plaindre icy des bons livres politiques, et aultres de bonne et saine doctrine ; ny encore moins empescher les excellens espritz à mettre en avant leurs bonnes et haultes conceptions, bien sçachant que c’est le propre de l’homme de raisonner et de sçavoir, et que [6]ce grand Dieu à mis le monde en la dispute des enfans des hommes, moyennant que le tour se face avec bon jugement, et soubz auctorité (ã 2 v°) publique : Ainçois je me plains d’un grand nombre d’autres livres, principalement en langues vulgaires, qui ne contiennent que des choses vaines et curieuses, pour plus tost faire tresbucher l’homme que le redresser, & de quelques autres fabuleux plein de fictions controuvées, composées et mises en avant par fard de Rhetorique, seulement pour plaisir et delectation, et pour apprendre à bien parler et escrire, pour entretenir, courtiser et mignardiser les dames, avec propos que l’on y succe, resentans à pur et à plein le muguet. [7]Telz que font, pour le dire en somme, tous ces Poetes lascifz de nostre temps, avec leurs folles amours ; Ces Rolands furieux, et l’amoureux ; ces Palmerins et ces Regnaults, et sur tout ce friand et mignard Amadis, lequel remplyt quasi tous les boutiques des libraires de ses Tomes tant accruz et multipliez ; avec encore grand nombre d’aultres de pareille estoffe pleins d’histoire tragiques, soyent vrayes soyent fabuleuses, choysies tout à propos sur le ton de l’amour, que nous y voyons pour le jourd’huy tant souvent és mains des jeunes damoyseaux et damoyselles qui ont les oreilles alterées apres la vanité, pour leur servir de chatoüillement et de poison tout-ensemble. Que l’on loüe ceste sorte de livres autant que l’on voudra ; tant pour leurs inventions, que l’on estime gentiles et gaillardes, et qu’aucuns vouldroient maintenir estre chastes, à cause de l’honnesteté qui s’y garde comme il semble par ambages et circuitions de parolles en aucuns faictz bien estranges, qui sont couverts par beaux et polys discours ; comme pour la bien-seance et proprieté du langage ; Tant y a neantmoins que nul ne peut nyer que ces Poëtes lascifz pleins de feu et de flammes d’amours, et ces histoires tragiques, ne mettent du bois au feu, comme l’on dit, pour enflamber la concupiscence de ces jeunes gens qui les lisent ; que ce ne soyent vrays maquereaux bigarrez, pour corrompre la chasteté des dames qui s’y (ã 3 r°) delectent ; [8]Et que ces Amadis et autres semblables ne soient narrations vaines, proposées et mises en avant sinon pour veritables, ainsi que veritables pleines de beaucoup de contes vray-semblables, aventureux, subtilz, plaisans, peu chastes et dangereux, qui ne servent à autre chose qu’à chatoüiller les entendemens et esmouvoir les affections de ceux qui les lisent, là où ilz panchent le plus ; Et qui finablement s’impriment au dedans des espritz qui les emboyvent, lesquelz par-apres estant ainsi embeuz de choses fausses dés leurs tendres ans, s’en resentent quasi toute leur vie. De sorte qu’ayans esté ainsi abbreuvez de lasciveté, de mensonges et de bourdes ; ilz n’en sont pas tant amateurs de verité, [9]Besongnant en eux, comme dit S. Paul, l’operation d’erreur, à ce qu’ilz croyent au mensonge ; pour-ce qu’ilz n’ont point aymé et caressé ceste saincte verité comme il convenoit. Ou au contraire, l’on ne leur devoit rien proposer et mettre au devant que purement veritable, ou morale. Car si jamais il est necessaire de ce faire, c’est en ce jeune aage là qu’il le fault faire principalement plus à bon escient. [10]Alexandre d’Alexandre autheur tresgrave, parlant à ce propos en ses jours geniaux, dit que les Perses vouloient sur toutes choses en l’education et nourriture de la jeunesse, que leurs enfans fussent nourrys et accoustumez à dire la verité : sans que jamais ilz vinssent à dire ny escouter le mensonge. [11]Ce grand politique Platon vouloit aussi cela mesme estre observé par les nourrices alendroit des petitz enfans : à ce qu’elles ne leurs vinssent à rien instiller és oreilles que veritable. Conseil de vray, tresprudent et tressalutaire à la chose publicque, s’il estoit bien maintenu et observé : d’autant que suivant cest ancien dicton d’Horace,
    Le pot neuf abreuvé premier d’une liqueur,
    Entretient longuement la primitive odeur.

    A raison dequoy, ce sont livres non seulement vains et (ã 3 v°) inutiles, ains tresdangereux et trespernicieux, si l’on y veult bien penser : et qui meritent estre mis au rang de ceux qui n’ont point de lieu entre les Catholiques, selon le jugement de tous hommes sages et prudens. [12]Entre aultres, ces deux honorables personnages Espaignolz, Pierre Messie gentilhomme de Seville, Chroniqueur de ce grand Charles Empereur, lequel a mis en lumiere fort dextrement l’histoire Imperiale, contenant les vies des Empereurs jusques ce Charles conquiéme, Et Gonçalo Illescas, Abbé de S. Frontes, celui qui a composé et agencé fort excellentement l’histoire Pontificale avec la suitte de celle de l’Eglise, depuis sa naissance jusques Gregoire XIIIIe, ensemble l’histoire et l’origine de noz Roys d’Espaigne, jusques ce tresvictorieux et trescatholique Prince Philippes, pour le jourd’huy regnant, s’en plaignent fort aygrement, disans que ce sont livres que l’on ne doibt nullement endurer en une Republique bien ordonnée. Pierre Messie parlant de cest Amadis et aultres de pareille estoffe, dit que ce sont vrays patrons de deshonnesteté, de cruauté et de mensonge ; que l’on ne doit donner nul credit à telz livres, ny à leurs autheurs : car comme il ils se sont, ce dit il, accoustumez à mentir, à grand peine pourront ilz plus dire la verité apres avoir tant de fois offensé Dieu en travaillant à inventer leurs mensonges, à les faire lire, et mesmes à les faire croire à plusieurs. [13]Jean Loys Vives homme de grand sçavoir et singuliere pieté en dit tout autant, s’esmerveillant de la follie et rage des hommes sur ce faict : appelant les livres d’Amadis et aultres semblables livres tresinfames et pestilentieux, et leurs autheurs pareillement. En parlant des poëtes lascifs, Platon ce dit il, a jecté hors de sa Republicque Homere et Hesiode, et nous caressons Ovide et autres semblables ! les enseignans aux enfants ! [14]Cesar Auguste homme Payen, l’a banny et envoyé (ã 4 r°) en exil, à cause de sa lascivité ; et nous, di-je qui sommes Chrestiens, nous lui escrivons des commentaires, nous le traduisons et retraduisons, l’ayans bien souvent és mains, pour corrompre et destruire nostre jeunesse. Toutefois l’on banny (et à bon droit) en noz Republiques ceux qui ont usé de faulx poix et fausse mesure, l’on chastie tresseverement ceux qui falsifient et corrompent la monnoye : Et ces charmeurs et corrupteurs de jeunesse avec leurs beaux-vers y sont receuz, ces inventeurs et composeurs de bourdes y sont caressez et honorez ! Maistre Jean Gerson jadis docteur et chancelier de Paris homme tresgrace, a eu aussi de son temps fort en mespris telles sortes de livres. [15]Car il a escry bien asprement a l’encontre d’un nommé le Roman de la Rose, l’appelant libelle diffamatoire de verité et de chasteté. Le detestant merveilleusement à cause de ses fictions, et de la lascivité dont il use soubz honneste couverture, empoisonnant et induisant ceux qui le lisent à l’amour de volupté, et à je ne sçay quelle hayne de toutes vertus. [16]au moyen dequoy il dit, qu’il ne prieroit non plus pour l’ame de l’autheur d’icelui (s’il pensoit qu’il n’en eut point faict penitence) que pour Judas. Et comme aucuns le voulans excuser, disoient que le livre estoit eloquent et recreatif, et que l’on le lisoit seulement par maniere de passtemps ; Il eur respond, que l’on ne se doit jamais joüer de quatre choses, à sçavoir, de la verité de la foy, de la chasteté, de l’œil, et de la renommée[17]Pour-ce que ce sont choses par trop dangereuses et tant precieuses et delicates, qu’elles ne peuvent endurer ny jeu, ny raillerie. Adjoustant davantage, que ceux qui le sont, sont en partie imitateurs de ce puant Mahomet, lequel s’est malicieusement joué de la verité de la Foy et Religion, meslant ses putes loix avec quelque brins de celles de Jesus-Christ, pour attirer à lui les hommes charnelz et brutaux ; Concluant finablement et disant que la chose mauvaise de sa nature est de tant pire et plus dangereuse, d’autant qu’elle (ã 4 v°) est plus couverte et parée de choses bonnes. Au dire vray, telz livres lascifs et mensongers sont un grand esclandre aux bonnes histoires. Pour-ce que comme les escriptz des hommes sont inconstans et variables, aucuns plus grossiers et plus lourdz, mal-instruictz en la Religion, et confictz en ces vanitez, sont en fin autant de cas de ces narrations feinctes et controuvées, qui ne meritent nullement nom d’histoires, qu’ils sont des autres veritables : [18]le monstrant par effect, d’autant qu’ilz s’adonnent entierement à ces mensongeres (soit qu’ilz les lisent par plaisir ou autrement) et ne se mettent jamais à lire les aultres bonnes, pour y voir et admirer les effectz de ceste haulte Providence, demourant tousjours endormys en leurs fables et ordures. Pareillement ces poësies lascives sont que la vraye poësie vient à estre mesprisée. Car comme elles sont pleines de mignardises et d’amadoüemens qui amolissent les esprits des hommes, elles les rendent ne sçay comment plus effeminez et du tout ineptes à l’exercice de la vertu. [19]C’est la raison pourquoy Democrite appeloit la poësie infanoe et maladie de rage. [20]Boëce homme illustre, en son livre de la consolation de philosophie, appelle aussi ces lascives muses poëtiques, sereines et paillardes publiques ; disant que lerus vers sont des infructueuses espines qui suffoquent et etouffent le bon grain, accoustumans les esprits des hommes à mal, tant s’en faut qu’ilz en ayent aucune allegeance. [21]Ce grand S. Augustin en ses Confessions nomme ceste poësie vin d’erreur, que ceux qui enseignent donnent à boire aux jeunes gens. [22]Et plus, S. Hieromme escrivant à Damese Pape de Rome, interpretant la parabole de l’enfant prodigue, dit que les escosses de pourceaux dont se nourrissoit ce desbauché estoient les vers lubriques de ces poëtes, lesquelz il appelle viande de diables. En parlant aussi de ceste sorte de poësie en autre lieu, sur ces versetz de David, [23]Il envoya sur eux des mouches qui les ont mangé, et des raynes qui les ont destruict :[24] et, la terre produisit des raynes jusques aux chambres secretes de leurs roys, il en- (ã 5 r°) tent mystiquement par ces raynes et ces mouches les vers impudiques de ces poëtes, et les escrits chatoüilleux de ces composeurs de fables, esloignez de la regle de la foy ; [25]disant que ce sont ces vers lascifz et ces escris mensongers plein de blandissemens et de flatteries, qui corrompent et soüillent les cœurs des Princes et des Roys. Et certes à bon droit ; Car tout ainsi que ces raynes soüillent incontinent ceux qui les attouchent de leur salle et gluante humeur, ne faisant que grenoüiller, et ces mouches, que donner un bruit vain et inutil ; ainsi en est-il de ces vers penetrans au dedans de l’ame par leur doulceur, ilz n’y laissent nulle bonne faveur, ny de justice, cy de verité. C’est à ces livres en fin que S. Paul en a, escrivant à Timothée, quand il dit : [26]Respectez les fables mal-seantes et inutiles, semblables à celles des vieilles. Il preveoit pour certain de loing ce mal à venir, quand escrivant au mesme Timothée il disoit, [27]Un temps viendra que les hommes ne souffriront la saine doctrine, et qu’ayans les oreilles chatoüilleuses ilz s’assembleront des docteurs selon leurs desirs : destournant leurs oreilles de la verité, ilz s’addonneront aux fables. Car de long temps n’at on veu livres vains et fabuleux autant en vogue comme ilz sont pour le jourdhuy, que nous en avons de tant de sortes, tant en vers comme en prose. [28]Je sçay bien qu’il y aura aucuns des mignons de ces poëtes lascifs et quelques vains amateurs et suittiers de cest amadis, qui diront que ces poëtes sont pleins de beaux et excellens vers, et que les livres de cest Amadis et aultres semblables contiennent une infinité de beaux-dictz et de beaux secretz, mesmes de choses naturelles ; plusieurs hautls[sic]-faictz d’armes, et beaucoup de bons traicts politiques : que l’on y trouvera aussi grand nombre des notables exemples, de belles harangues, cartelz et aultres missives excellentes, dont l’on peut apprendre plusieurs choses fort utiles et proffitables pour le gouvernement de la (ã 5 v°) chose publique. Je respons à cela, que je veux bien croire qu’il y a en ces poëtes impudiques et amoureux plusieurs beaux vers et beaucoup de bons traicts poëtiques ; et qu’il y a en ces Amadis plusieurs beaux cartelz et beaucoup de belles harangues ; [29]Mais comme ces beaux-vers sont mis et meslez au mylieu de choses vaines et sales, qui ne seroient pas mesmes bien-seantes en bouche de gens publiquement infames ; Et que ces belles harangues, cartelz et missives sont appliquez vainement à choses feinctes et imaginaires, mal-propres et convenables aux hommes Chrestiens, que la saincte Escriture appelle, [30]generation esleu, sacrificature royalle, gent saincte, et peuple d’acqueste, pour annoncer les vertus de celui qui nous appelez à son admirable lumiere, elles apportent beaucoup plus de dommage que de proffit, plus de poison et de fiel que de miel. Et pourtant est-il malaisé de succer de là ceste noble et saincte poësie, sans estre soüillé grandement. Il la fauldroit apprendre et succer de [31]ce grand David que l’on pourroit à bon droit dire Poëte Lirique, et aultres, qui à l’imitation d’icelui ont escry des doctes et chastes vers. si comme, [32]S. AmbroisePrudencePaulinJuvencus et BoëceVidasMantuan, et aultres de nostre temps qui les ont ensuivy en langue vulgaire. L’on ne peut se veautrer et s’abandonner ainsi au mensonge sans soüiller ce sacré Temple de Justice et de verité ; qui est l’ame de l’homme. Quant aux beaux stratagemes et faictz d’armes, traicts politiques et aultres exemples, que l’on peut tirer des uns et des aultres, comme ce sont choses vaines, feinctes et controuvées, qui ne furent jamais en cours de nature ; comme ce sont di-je, idées et fantosmes mensongers, procedans ordinairement d’ames impures, soüillées et noircies de sales et infames concupiscences de pechez, les exemples en estant faulx et sans fondemens ne sont ny imitables, ny asseurez ; quoy qy’ilz puissent avoir (ã 6 r°) quelque raison, à cause qu’estans bastys sur une vaine pourvoyance humaine et sur une feincte invention, ilz ne procedent point de la source de ceste providence divine qui regit et gouverne tout le monde : les effectz de laquelle l’on peut prendre pied et fondement pour addresser ses conseilz. Et partant doivent estre telz livres entierement rejectez et supprimez. [33]Comme de vray sont tous livres lascifz, par l’auctorité du sainct Concile de Trente, pour le grand dommage qui en provient et resulte, au prejudice de nostre saincte Foy et Religion Catholique ; à l’exemple aussi et imitation des anciens. Platon mesme Philosophe Payen, avoit bien conceu et comprins l’importance de ceste besoigne, escrivant les livres de sa Republique. Car considerant de pres le dommage que pouvoient approter telles vaines et inutiles poësies et fictions, il voulut que les poëtes en fussent bannys et rejectez, et par consequence toutes telles sortes de livres quant et eux. Aristote fut bien aussi de pareil advis alendroit de telles manieres de livres. [34]Car comme il recompte en ses Politiques, que l’on avoit statué et ordonné peine tresjustement alencontre de ceux qui viendroient à mettre en publique des images, ou statues, par le regard desquelles les hommes pourroient estre incitez et esmeuz à paillardises, Il ne faut pas douter qu’il ne jugea ceux-là estre beaucoup plus dignes de punition, qui venoient à ce faire par publication de livres pleins de vers et de discours sales et impudiques, pour corrompre et empoisonner la jeunesse. Voyla les exemples de deux grans politiques Payens. Venons maintenant aux nostres. [35]On trouve par escry és Actes des Apostres, que les Ephesiens ayant ouy les graves harangues et predications de S. Paul, bruslerent tout à coup publiquement pour cincquante mille deniers de livres curieux et inutiles : livres apparamment sem- (ã 6 v°) blables à ceux dont nous parlons, selon l’etimologie du mot Grec et l’interpretation des docteurs : ce que nous doit servir d’exemple en ce faict. [36]Car si ces bons Ephesiens estant freschement convertys à la foy, encore à demy Chrestiens par maniere de dire, se feirent quictes et consumerent en cendre incontinent tous les livres curieux et inutiles qui avoient, que devrons nous faire, nous di-je qui sommes Chrestiens profés en ceste saincte Religion, des livres pernicieux et pestilentieux ? estans advertys de nous en donner garde, et de les rejecter par le mesme S. Paul ? [37]Nous lisons en l’histoire Ecclesiastique d’Heliodore Evesque de Trice en Thessalie, comme il avoir escry en sa jeunesse certain livre d’amour, qu’il appela histoire Ethiopique, contenant les feinctes amours de Theagenes, et de Chariclea, que ceste histoire ayant esté condamnée par les Evesques en certain Synode, à cause qu’elle incitoit les jeunes gens en amour impudique, pour n’y avoir  voulu consentir, il fut desmis et deporté de son Evesché par un Synode de provincial, demourant au reste son livre condamné au feu. Et certes, je ne sçay comme ces Poëtes lascifz et les Escrivains et traducteurs de telles manieres d’histoires, ensemble les libraires de nostre temps, qui tant curieusement les font imprimer, estant Chrestiens comme ilz sont, pourront respondre devant Dieu au jour du Jugement, d’avoir ainsi empoisonné tout le monde par leurs sales et folles amours, et par leurs feinctes, impudiques et pernicieuses inventions, qu’ilz multiplient et font accroistre de jour en jour par nouvelles additions et impressions. Au lieu qu’aucuns venans ja sur aage devoient mettre toute peine de les supprimer et exterminer autant qu’en eux est. Ainsi que feit ce tresgrand personnage [38]Eneas Sylvius poëte laurée, depuis nommé Pie deuxiéme Pape de Rome, revocant toutes les poësies d’amours qu’il avoit escrites en sa jeunesse, (ã 7 r°) usant de ces termes, Certes, dit il, il me desplait amerement et suis troublé de honte, d’avoir jadis escry estant jeune d’aage et d’entendement quelques traictez d’amours : je vous prie, dit il, hommes mortelz, faictes vous en quictes ! croyans plus tost à ce que je vous en dy en ma vieillesse, qu’a ce que j’en ay escry en ma jeunesse ; ne faictes point plus de cas d’un homme privé que d’un Pape, rejectez Eneas, qui est un nom de Payen, et embrassez Pie qui est un nom de Chrestien en dignité Apostolique ! adjoustant beaucoup d’aultres propos, pour donner à cognoistre l’extreme desir qu’il avoit que telles jeunes follies fussent mises bas. Comme feit pareillement ce tresillustre et tresdocte [39]Prince Jean Picus Comte de la Mirandole, lequel ayant attainct l’aage de xxvi à xxviij ans, brusla les cincq livres d’amours qu’il avoit composez en vers Latins, treselegans et tresexcellens ; et avec cela toutes les poësies Italiennes qu’il avoit aussi faictes de pareille matiere. Enquoy certes ilz donnent à cognoistre à ces poëtes doüilletz et lubriques de nostre temps, lesquelz nous mettent en avant tant soigneusement leurs amours, mesme avec commentaires et à ces composeurs de fables, ce qu’ilz devroient faire s’ilz veullent retenir le nom de Chrestien Catholique, voir le nom d’hommes de bien. Car si aucuns graves autheurs ont prins occasion de douter du salut eternel de ce grand et sage Salomon (lequel semble neantmoins avoir escrit le livre de son Ecclesiaste ou Prescheur, pour sa penitence) pour-ce qu’estant Roy tres-puissant, il ne feit point desmolir et ruiner avant sa mort les haultz lieux qu’il avoit faict dresser pour follatrer avec ses putains, que pourra-t-on, je vous prie, dire et juger d’eux en cest endroit ? [40]S. Augustin lequel a escry tant de livres, et tant excellentement, a bien voulu retraicter mesmes plusieurs propos qu’il avoit couché puis en un costé puis en l’aultre, lesquelz ne lui sembloient avoir esté si bien assaisonnez comme il conve- (ã 7 v°) noit. Davantage, monstrant en cela sa profonde humilité, il n’a pas esté honteux publier et donner à cognoistre à tout le monde les faultes par lui inconsiderement commises en sa jeunesse ; se dueillant aussi d’avoir esté par trop adonné à ces poëtes et fables lascives, ainsi que l’on voit par le discours de ses Confessions : Et au contraire, ce [sic] bons Poëtes et ces gentilz escrivains sont tant amoureux de leurs folles inventions, que mesmes ilz s’estudient journellement à les accroistre et polir, monstrant en cela leur orgueil et leur impenitence toute evidente : tant s’en faut qu’ilz en demandent pardon à Dieu, comme ilz devroient faire s’ilz estoient bons Chrestiens ! Or je laisse ce poinct à examiner plus reservément et à loysir à ceux qui ont quelque soing de leur salut. Qu’ilz considerent seulement s’il leur plait, sçavoir-mon [sic] s’il est expedient en une vie tant breve et tant importante ; estant l’art et l’apprentissage de vertu tant longue ; l’occasion si precipitante et bien souvent entre-couppée quand on y pense le moins ; l’experience tant douteuse et dangereuse, et le jugement en toutes choses tresdifficile, à qui ne s’arreste sur le fondement de la vive foy ; Qu’ilz considerent, di-je, s’il est besoin de niaiser encore apres les vanitez de ce monde, et de s’y arrester, principalement ayans à faire à tant de cruelz ennemys qui nous assaillent et dedans et dehors, tant rusez et aguerrys, et qui veillent continuellement et sans cesse pour nous ruiner et destruire eternellement. [41]Au surplus, s’il est question d’avoir des livres pour donner contentement et quelque recreation honneste à l’esprit humain (comme certes il semble estre quelque-fois necessaires) les poëtes pudiques et honnestes, avec les aultres livres plein de moralitez, peuvent suffire en cest endroit, ensemble pour apprendre à bien parler et discourir comme il est convenable. D’autant que nous avons avec cela encore une infinité de (ã 8 r°) graves autheurs, vieux et nouveaux, soit d’histoires, soit d’aultres traictez en langue Françoise, desquelz l’on pourroit apprendre à parler et haranguer disertement ; ensemble à bien escrire cartelz, missives et toutes autres choses politiques, comme il est bien-seant et requis à gens qui font profession du Christianisme. [42]Plutarque en preut, mis en François, tant joliement et poliment par le Seigneur Jacques Amyot, peut donner contentement, voir aux plus curieux : Pareillement la Theologie naturelle, ou le livre des Creatures, de Raymond Sebon, traduit par cest Illustre Seingeur Michel de Montaigne ; [43]tant à cause de sa rondeur à bien parler François, comme pour la singuliere erudition qui est qui est au livre. lequel j’ay souventefois ouy hault-loüer par [44]D. Jean Lentailleur naguere Abbé d’Anchin, homme de rare prudence et pieté, comme un V.S.R.me a fort bien cognu, luy ayant esté amy tant affectionné ; Ensemble aussi les histoires de ce brave et Illustre Capitaine Juif, [45]Josephe, faictes Françoises par ce docte Jean le Frere de Laval ; avec un grand nombre d’aultres livres pareilz, ésquelz l’on pouroit beaucoup mieux employer le temps, que nous à la lecture de ces livres vains, lesquelz ne servent que pour abastardir et corrompre les espritz genereux, et pour induire les chastes dames qui les lisent à prostituer leur honneur. A la mienne volonté, Monseigneur, que ce poinct fut un peu plus vivement examiné et consideré par ceux qui ont l’auctorité en main, pour y remedier. Oultre ce que cela serviroit de beaucoup à la chose publique, ce seroit une occasion pour remettre en credit les bons livres, et pour faire reflorir et revenir és mains des hommes les vies des Sainctz, tant utiles et necessaires pour former et façonner leur vie au moule et patron de leur vertu. Car tout ainsi que la hantise et conversation des hommes saincts est fort utile et recommandable, il n’y a (ã 8 v°) point de doute que la leçon frequente des faictz et dictz d’iceux, ensemble la memoire de leur constance et perseverance servent grandement à ceux qui les lisent et considerent pieusement. Et de vray, si nous estions autant studieux et devotz à fueilletter et lire les vies de ces Sainctz, à avoir en nostre memoire et souvenance les memorables exemples de leurs hault-faictz pleins de triomphe et de gloire, comme nous sommes apres ces livres profanes tissus de vanitez, pour y passer le temps (comme l’on dit) nous serions un peu plus proches du royaume de Dieu. Et si ne serions nous pas tant legers apres ces nouveautez, nous laissant ainsi emporter à tous vents de doctrine. D’autant que les enseignemens et exemples de leurs vertus nous estans plus familiers, nous tiendroient beaucoup mieux en bride que ne font pas les enseignemens et les exemples tirez ces livres profanes, quoy qu’ilz soyent civiles et politiques, traictans de la beauté et excellence de la vertu, qui n’est point animée de vive foy. C’est la raison pourquoy comme je voy ces jeunes espritz de nostre temps estre tant apres cest Amadis et autres livres pestilentieux, à cause des delices et de la beauté du langage François, comme ilz disent, (quoy que ce soit apres le mensonge qu’ilz en ont, à raison de la corruption de nature, laquelle n’estant reformée par une vraye generation de l’esprit de Dieu, besongne secretement en eux, produisant tousjours ses effectz tendans apres la vanité.) [46]Je souhaittoy’ pour le bien de l’Eglise Catholique, affin d’oster à ces hommes curieux toute couverture et excuse (comme la France abonde pour le jourd’huy en tresgrand nombre d’hommes sçavans, bien polys, et bien emparlez) que nous eussions les vies des Sainctz mises en abregé, ou pour le moins une partie d’icelles des plus remarquables, par quelque excellent personnage versé et accomply en la langue Françoise, soubz l’adveu (ẽ 1 r°) et auctorité de [47]ceux qui tiennent les premiers rangs en l’Eglise ; et qu’ilz s’employassent autant courageusement à cest ouvrage, qu’ilz ont faict à nous faire parler François par excellence, un Diodore et un Jules Cesar ; un Tite Live, et un Plutarque ; affin d’attirer par ce moyen la jeunesse et toutes sortes de gens amateurs de ceste langue, à les lire, au lieu de ces livres vains et curieux, enquoy certes leur peine seroit de tant mieux employée, d’autant que les histoires sainctes et sacrées surpassent les profanes. En faisant un grand et singulier bien à la chose publique Chrestienne, ilz s’acquereroient aussi une immortalité solide, et toute autre vers Dieu et les hommes, qu’ilz ne font en donnant dedans ces histoires profanes, quoy qu’elles soient aussi recommandables selon leur poix et mesure. Quant est de moy, en parlant à correction, il m’est advis entre aultres (comme il y en a plusieurs fort excellens) s’il y en a un qui pourroit ce faire au contentement de chacun, que ce grand Aulmosnier de France Jacques Amyot, Evesque d’Auxerre, le pourroit faire fort loüablement, s’il est encore vivant : tant à cause de son erudition, comme à raison de son eloquence à bien discourir et escrire en langue Françoise. en laquelle il emporte le pris au jugement des hommes sçavans, selon que je l’ay autre-fois ouy dire familierement à feu Messire François Richardot naguere Evesque d’Arras, personnage de tresgrand sçavoir. lequel en pouvoit juger comme clercq, estant lui-mesme un des plus diserts et des plus eloquens prescheurs Latin et François de nostre Gaulle Belgicque, comme V.S. a font bien cognu. Par-ainsi donc, ruminant et remaschant longuement cest affaire en mon entendement, comme nous devons estre tous desireux de voir ces vies des Saincts remises entre les mains de chacun, et plus amateurs de livres qui meuvent l’affection et instruisent l’entende- (ẽ 1 r°) ment tout ensemble, que de ceux qui instruisent seulement ; ayant esté sollicité passez quelques ans d’aucuns hommes d’auctorité zelateurs du bien publique, de mettre en François Les faictz et dictz memorables des hommes Saincts et Illustres, recueillys en six livres Latins par Marc Marulus, pour s’en servir comme d’un Valere le Grand entre les Caholiques ; Considerant que cela pourroit estre ainsi qu’un abbregé des vies des Saints, en attendant que quelcun de ces sçavans et grave François de meilleure marque nous auroit satisfait en cest endroit ; Je me suis laissé persuader que j’y pourroy quelque chose, affin d’aucunement contenter mon desir. Au reste, quant au livre, ayant icelui esté visité, reveu et corrigé fort diligemment par aucuns doctes et experimentez Theologiens de ceste Université, c’est une œuvre dont ilz font grand cas. aussi sont-ce thresors recueillys de toutes parts, tant du vieil et nouveau Testament, comme d’aultres autheurs notables et exquis[48]En signe de quoy, les Allemans ayans gousté les fruictz d’icelui, l’ont ja traduit en leur langue Tudesque par deux diverses fois. Christinaus Kemnerus l’a premierement traduit et faict imprimer à Coulongne, dés l’an mille cincq cens soixantehuict, et du depuis Herman Beaumgater citoyen et bourgeois d’Ausbourg, l’a translaté et faict imprimer à Dilinge en l’an mille cincq cens lxxxij. A raison dequoy, il semble qu’il pourra fort bien tenir son rang, et servir en la Republique Chrestienne mis en nostre langue Belgique. à cause qu’estant plein d’exemples et de doctrine de vertu comme il est, il viendra bien à poinct en deux sortes : [49]assçavoir pour reformer les meurs, et pour confirmer la saincte doctrine Catholique. Pour reformer les meurs, par les illustres exemples de vertu que l’on y trouvera, lesquelz pourront inciter à bon escient ceux qui les liront d’affection à les ensuivre et imiter : (ẽ 2 r°) à cause que les exemples meuvent et incitent ordinairement plus que les parolles. Et pour asseurer et confirmer les plus douteux en la foy Catholique, par la continue suitte de doctrine qu’ilz y pourront remarquer, quasi sur tous les poincts qui sont pour le jourdhuy contentieux. Lesquelz se trouevent icy confirmez par les exemples des hommes sainctz qui ont vescus en divers temps, et en divers endroitz esloignez l’un de l’autre, pratiquans la mesme doctrine que pour le present nous maintenons en l’Eglise Catholique. Qui est un argument bien preignant et concluant alencontre de ces nouveliers, s’ilz y veullent bien penser. En somme, il sera fort recommadable et utile à quiconque y vouldra vaquer à bon esceint, si je ne me trompe. Car si l’on faict tant de cas entre les livres profanes de ceux qui contiennent les faictz et dictz des hommes illustres, qui ont esté bien souvent pleins d’orgueil et de vanité, avec leurs Apophtegmes et dictions ; si comme d’un Diogenes Leartius et d’un Macrobe ; d’un Plutarque et d’un Valere le grand, à bon droit devra-on embrasser cestiu-cy. D’autant qu’il contient les faictz et dictz plus remarquables des hommes Sainctz et Illustres des ancien et nouveau Testamens, pleins d’humilité, d’honneur et de gloire ; ensemble un sommaire de leurs vertus ainsi qu’un abbregé de leurs vies. Choses pour vray dont tous Chrestiens amateurs de verité et de leur salut doivent faire grand estime. Le livre devra estre aussi bien receu à cause de l’autheur d’iceluy, nommé comme j’ay dit, Marc Marulus, noble bourgeois de la ville de Sapalato en Illirie, dite à present Esclavonie, païs jadis de S. Hieromme, ayant vescu en l’an 1480, selon que se trouve par le discours de ses livres. a raison que ce a esté un personnage fort sçavant, et avec ce de singuliere et admirable pieté, ainsi que tesmoignent ceux qui ont vescu en son temps, et ses œuvres aussi. Car quictant (ẽ 2 v°) iceluy le monde avec tous ses honneurs et ses richesses, il se retira en la solitude, et vescut en l’hermitage, où il a composé apparamment la plus part de ses œuvres. si comme, son Evangelistarium, ses cincquante Paraboles, l’autre du mespris du monde, et ce present livre ; monstrant de faict le fruict qu’il avoit cueilly des exemples qu’il a tant proprement agencez, et par lesquelz l’on peut cognoistre assez l’energie de l’esprit de Dieu qui le conduisoit, ensemble la crainte qu’il avoit de son jugement : de l’advenement dernier duquel et des signes qui le precederont, [50]il a discouru en son sixiéme livre fort divinement et admirablement, estonnant terriblement ceux qui le lisent avec affection. A raison qu’il traicte de tout bien particulierement, parlant de ces signes espouvantables, de la venue horrible de l’Antechrist, de la vie et de la mort, ensemble des lieux de la peine et de la recompense eternelle tant haultement et entendiblement qu’il est quasi impossible d’en dire davantage et plus ouvertement. le tout neantmoins par le tesmoignage de la saincte Escriture. Voyla, Monseigneur, ce qui m’a semblé que je devoy dire, selon ma petite portée, de la vanité de tant de livres que nous pour le jourd’huy qui corrompent la jeunesse, et qui empeschent que les bons livres ne sont point en credit comme ilz meritent ; ensemble de la traduction de ce livre et de son autheur, selon l’occurrence de l’argument qui s’est presenté ; Le tout soit à la gloire et honneur de Dieu, et pour l’advancement du bien publique. Si par-aventure mon petit travail ne rencontre la dignité et gravité du livre, à cause de la bassesse de mon stile, je prie que l’on le vueille prendre de bonne part, acceptant l’affection que j’ay eu, mettant dedans le tronc une maillette selon ma petite puissance ; [51]à l’imitation de ceste pauvre femme Evangelique. Au demourant, je me suis ja pieça resolu le vous dedier, et le met- (ẽ 3 r°) tre en lumiere avec le bandeau d’honneur de vostre nom, pour le vous presenter ; pour deux causes principalement. la premiere, affin de satisfaire au grand desir que j’avoy passez quelques ans, de recognoistre l’obligation que je doy à vostre Reverendissime Seigneurie, en lui faisant quelque present litteraire aggreable et de durée, comme j’espere sera cestui-cy, à cause de l’argument, et pour l’affection que vous portez aux lettres, à la vertu, et à la chose publique. Et la deuxiéme, à ce que le livre soit mieux receu de chacun, soubz la faveur de vostre nom tant cognu et renommé, de tant plus que vous estes à present un chef en l’Eglise, en laquelle vous avez travaillé si longuement. Vous di-je, qui avez tousjours esté grand Vicaire de Monseigneur, Monseigneur l’Illustrissime Cardinal de Granvelle ; et que par ainsi le livre puisse estre par vostre moyen le plus utile et plus proffitable à beaucoup de gens. Je vous prie donc, Monseigneur, prendre de bonne part le petit present venant de celui qui vous est tres-humble et affectionné serviteur, sans avoir esgard à sa petitesse, ce que j’espere vous ferez usant de vostre accoustumée humanité. A raison dequoy, faisant fin de ce discours, je prieray le souverain Createur donateur de tous dons, qu’il lui plaise vous vouloir tellement enrichir et combler de ses graces, que vous puissiez heureusement porter le fardeau que l’on vous a mis sur les espaules, le tout à la gloire et honneur de Dieu, à l’exaltation de son Eglise Catholique Apostolique et Romaine, et à vostre salut. A Douay, de vostre maison de sainct Amand, ce vingtiéme d’Aoust 1585.
    De vostre S.rie R.me treshumble et obeissant serviteur
    Paul du Mont. (ẽ 3 v°)

    [1] Discours de la vanité et multitude des livres que nous avons de nostre temps.
    [2] Sapien. 6 ver. 25.
    [3] Eccles. 14, ver. 12.
    [4] Il n’y eut jamais tant de livres que pour le jourdhuy.
    [5] Les bons livres sont tousjours recommandables.
    [6] Eccl. 3. ver.11.
    [7] Les poetes lascifs et les livres curieux et legers doivent estre rejectez d’entre les Chrestiens.
    [8] Amadis livre tresdangereux et pernicieux.
    [9] 2. Thes.2. Ver.10.11.
    [10] Alexandre d’Alexandre lib.2.c.25.
    [11] Platon ne vouloit pas que l’on abbreuva les petis enfans de bourdes.
    [12] Pierre Messie en la vie de Constantin, et Illescas en la preface de son histoire.
    [13] Jean Loys vives excellent philosophe Chrestien, deteste Amadis es aultres semblables.
    [14] Voyez en son livre premier de la femme Chrestienne.
    [15] M. Jean Gerson a eu en mesprit de son temps le Roman de la Rose.
    [16] Voyez au livre qu’il a escrit contre Romatium de Rosa, et au sermo.4. des advens ???, Tome 4.
    [17] La verité, l’œil, la renommée et la chasteté ne peuvent endurer le jeu.
    [18] Les histoires fabuleuses corrompent les bons espritz, et les poëises lascives pareillement.
    [19] Democrite.
    [20] Boèce lib. 1 prose 1.
    [21] S. Augustin lib. 1. Des Confess. c.16.
    [22] S. Hierome.
    [23] Psal. 77.
    [24] Psal. 104.
    [25] Les livres vains gastent les esprits des Princes.
    [26] I. Tim. 4 ver. 7.
    [27] 2. Tim. 4 ver. 3.4.
    [28] [note illisible, erreur de numérisation]
    [29] Response à ceux qui louent ces poemes lascifz et Amadis.
    [30] I. Pier. 1. ver. 9.
    [31] David.
    [32] S. Ambroise. Prudence. Paulin. Juvencus. Boece. Vidas. Mantuan.
    [33] Les livres lascifs defenduz par le sainct Concile de Trente, regle 7.
    [34] Platon chasse les Poëtes de sa Repub.
    [35] Les Ephesiens demy Chrestiens bruslent les livres curieux.
    [36] Act. C. 19. ver 15.
    [37] Heliodore Evesque, en Nicephore l. 12 c. 34. pour avoir escry l’histoire Ethiopique est desmis de son estat.
    [38] Eneas Sylvius poete laurez revoquez [sic] toutes ses poesies lascives, comme se peut voir par une sienne epist. 395. en ses œuvres.
    [39] Picus Mirandula brusla toutes ses poesies lascives. Voyez en sa vie escrite par Jean Franc. Picus.
    [40] Ceux qui n’exterminent ou revoquent leurs poesies lascives ou folz escris n’en sont point apparamment repentans.
    [41] Les poetes pudiques et les livres moraux sont louables pour recreer l’esprit.
    [42] Plutarque mis en François par J. Amyou, fort disertement.
    [43] La Theologie naturelle de Sebon, par Michel de Montaigne.
    [44] D. Jean Lentailleur Abbé d’Anchin [.].
    [45] Joseph mis en François par Jean le Frere.
    [46] Soubshait du translateur touchant les vies des Saints [.]
    [47] France abonde en hommes sçavans.
    [48] Ce livre de Marulus est traduit en Alleman.
    [49] Ce Marulus est utile pour rembarrer les heretiques, et pour reformer les meurs.
    [50] Le vi. lib. de cest œuvre traicte du dernier jugement fort admirablement.
    [51] S. Marc c. 12.

  • Sonnet sur la traduction de Marulus, par R. P. Baudin Deglen, Abbé de Hennin. [Jean Bogard, 1585]
    L’Homme charnel, le fangeux Epicure
    Qui ne ressent que son limon bourbeux,
    Vers le vray bien, ne sçauroit vertueux
    Dresser son cœur ; trop se plaît en ordure.

    L’homme divin n’a de ce monde cure,
    Fuit de la chair les plaisirs chatoüilleux,
    Se plait en Dieu, en Dieu se trouve heureux
    Comme en celuy qui tout bien luy procure.

    L’un de la chair accuse les effortz ;
    L’autre s’en rit : et reçoit tous confortz
    Par l’Esprit sainct, qui luy fournit halene.

    Docte Du Mont, ton Marule au dernier
    Donne le pris, confondant le premier
    Par mille faicts, par raisons qu’il amene. (ẽ 4 r°)

  • Discours du Seigneur de Betencourt, Gentihomme de la maison du Roy, sur cest œuvre excellent et divin de Marule, tourné du Latin par Paul du Mont. [Jean Bogard, 1585]
    Si d’un tiltre d’honneur nous haussons jusqu’aux cieux
    La force, la vaillance, et les faicts glorieux
    De Xerxes, de Cesar, d’Annibal, de Pompée,
    Qui le harnois au dos, en la dextre l’espée,
    Soit la rondache au bras, ou la cuisse en l’arçon
    Tranchoient leurs ennemis, ainsi que la moisson
    Tombe dessoub la faux quant la Chienne etherée
    Brusle le sein beant de la terre alterée,
    Qui n’avoient autre but qu’un peu d’honneur mondain
    Qui passe comme vent en moins d’un tourne-main,
    Et masquez seulement de quelques vertus vaines,
    Qui n’on peu les sauver des etermelles peines.
    Combien plus devons nous celebrer ces guerriers,
    Ces Martyrs empourprez, ces luisants Chevaliers,
    Qui non pompeux d’habits (comme ce glouton riche
    Trop prodigue vers soy, au Lazare trop chiche)
    Ni revestus d’acier, ains de cendre affublez,
    D’une haire, ou d’un sac, à grands coups redoublez,
    (O saincte cruauté) se plombants la poictrine
    Ont rembarré Sathan, dompté la chair mutine,
    Foulé le monde aux pieds d’eux-mesmes les vaincqueurs
    D’une gloire immortelle, et ces grands belliqueurs
    Par le fer, par le sang, par vaillances extremes,
    Victorieux d’autruy estoient vaincus d’eux-mesmes.
    O esprits bien-heureux qui avez combatu,
    Remparez du plastron de la saincte vertu,
    Et ores jouissez en la celeste plaine
    Du guerdon merité du fruict de vostre peine !
    Christ devoit, comme il est, estre vostre loyer,
    Estre vostre couronne, estre vostre laurier,
    Puis que vous batailliez pour un si grand Monarque
    Qui en son trosne assis poise, sonde, et remarque (ẽ 4 v°)
    Les fideles devoirs que ses serviteurs font.
    Ainsi qu’un Chef de camp qui planté sur un mont
    Non loing des murs batus que l’effroyable fouldre
    De ses canons fumeux a faict voler en pouldre,
    Considere, attentif, ses soldats assaillants,
    Afin de guerdonner ceux qui sont plus vaillants.
    Mais ceux qui pour le monde ont hazardé leur peine,
    Comme le monde est vain aussi leur gloire est vaine.
    Car, helas ! ô malheur, qu’est-ce qu’ell’ leur valut,
    Puis qu’ilz l’ont achetée au pris de leur salut ?
    Ilz vouldroient maintenant avoir besché la terre
    Plustot qu’avoir versé tant de sang par la guerre,
    Plustot qu’avoir porté les enseignes des Rois,
    Et de leurs ennemis triumphé tant de fois.
    Ilz cognoissent à l’œil que vaut le diademe,
    Les lingots Indiens, l’authorité suprême,
    Ilz voyent, bien que tard ce que leur a servi
    D’avoir dessoub leurs loix tout un monde asservi,
    Puis qu’ilz n’ont pas marché soub le Dieu des armées
    Ni rangé pour son nom leurs trouppes animées,
    Car c’est vrayment regner que servir ce grand Roy,
    Maniant vaillament les armes de la Foy,
    Le reste n’est que vent : toute chose mondaine
    Ce n’est que vanité, voire vanité vaine,
    He ! que sont devenus tant de palais dorez ?
    Qui sembloient voisiner les cercles etherez,
    He ! que sont devenus le tombeau de Carie ?
    Les murs de Babylon, les pointes de Pharie,
    Thebes au cent portaux, le temple Ephesien,
    Le Rhodien Collosse ? ils sont reduits à rien.
    L’orgueil de tant de Rois, qu’est-ce qu’un peu de cendre ?
    L’insatiable cœur de ce grand Alexandre
    A qui tout l’Univers sembloit estre petit,
    Est content d’un tombeau qu’un venir luy bâtit.
    Que travaillez-vous tant ô amateurs du monde ?

    Quant vous aurez conquis toute la terre ronde (ẽ 5 r°)
    Si n’auriez vous rien faict, car son pourpris n’est point
    Au ciel paragonné un tout seul petit point.
    Où sont les voluptez, les parfums, les delices
    D’un mol Sardanapal’ abismé en tous vices ?
    Où sont tant de thresors ? tant d’habitz precieux
    Dont l’esclat faisoit honte à la lampe des cieux ?

    Il me desplait de veoir ces follastres menades
    Qui vont hurtant le ciel de leurs rattepennades.
    Il me desplait de veoir ces mignons godronnez,
    Parfumez, crespelus, fardez, effeminez.
    Puis donc que nous voyons que toute chose est vaine,
    Que tout ce que dêpend de ceste vie humaine
    N’est qu’une fleur des champs qui au matin nous rit,
    Et le soir arrivé aussi tost se flestrit,
    Et que rien n’est colé de liaison si ferme
    Qui ne sente soudain son declin, et son terme,
    Pourquoy nous, à qui Dieu a eslevé les yeux
    Vers le cristal poly de la voute des cieux,
    Demouron nous plongez au bourbier des richesses,
    Des sales voluptez, des grandeurs tromperesses ?
    Pourquoy demouron nous comme animaux panchez
    Vers le centre terreux souillez en nos pechez ?
    Comme s’il n’y avoit une vie eternelle,
    Comme s’il n’y avoit une mort immortelle,
    Comme si ce grand Dieu vestu de nostre chair
    Ne deust la lampe en main nos vices esplucher.
    Si les Gentils croyoient aux Idoles menteuses
    Qui ne leur prononcoient que parolles douteuses,
    S’ils craignoient ces faux dieux que leurs artistes doigts
    Avoient êlabourez d’or, d’argent, ou de bois,
    Sans oreilles, sans yeux, sans puissance, sans ame,
    Mesmes subjects au temps, au fer, et à la flamme :
    Nous qui sommes lavez au sang de Jesus-Christ,
    Nourris en son escole, enseignez de l’esprit
    Qui ne peut onc mentir, et qui est nostre guide
    Par les bans brise-nefz de ceste plaine humide (ẽ 5 v°)
    Qui a bati ce Tout, et en peut d’un seul mot
    Renverser s’il luy plait, l’un et l’autre pivot.
    Devons nous pas le croire, et d’une ame epeurée
    Trembler soub le povoir de sa verge ferrée ?
    Pour Dieu reveillon-nous, empoignon le flambeau
    De la verité saincte, arrachon le bandeau
    Qui nous voile les yeux d’une noirâtre nuë,
    Et suivons le sentier de cestre trouppe esluë,
    Qui par soif, qui par faim, qui par mille combats
    Ont assailly les cieux comme vaillants soldats,
    Et s’en sont emparez : la celeste barriere
    Ne se gaigne jamais que par force guerriere.
    Si le sang de la grappe, ou le sang du meurier
    Estant jadis monstré à l’Elephant guerrier
    L’animoit au combat ; si le cheval persuade,
    S’il hennit, s’il bondit, si de mainte ruade
    Il frappe l’air sifflant, s’il evente son crin,
    Si fierement joyeux il argente son frein
    D’une bave escumeuse, et bat du pied la terre
    Lors que l’airain l’appelle au mestier de la guerre :
    En voyant tant de sang (sans maintenant parler
    Du sang du Sainct des Saincts) ainsi qu’eau ruisseler,
    Seron nous pas esmeus à empoigner les armes,
    Et nous fourrer, Lyons, au millieu des allarmes
    Du Tyran des enfers, et d’un courage fort
    Remporter le Laurier d’une honnorable mort ?
    Au son de leurs vertus et de tant de merveilles
    Auron nous les cœurs sourds, et sourdes les aureilles ?
    Tu as docte Marul (ha ! que n’ay-je la voix
    Du Cigne mieux-chantant sur les fleuves François
    Pour peranner ton los) achevé cest ouvrage,
    Plus durable que fer, que cuivre, que la rage
    Du Temps devore-tout : et toy mon cher Du Mont
    Quel rameur porte-honneur encernera ton front,
    Quel ciseau gravera ton beau nom et ta gloire
    Sur le marbre plus dur du Temple de Mémoire, (ẽ 6 r°)
    Pour nous avoir tourné ce gentil escrivain
    Qui au sein de vertu nous conduit par la main,
    Et nous enseigne au doy le chemin qu’il faut suivre
    Pour mourir en vivant et pour en mourant vivre ?
    Ha ! que je suis marry que tant de bons esprits
    Infectent ainsi l’air d’un tas de vains escrits,
    Empoisonnent noz cœurs, paissent noz fantasies
    De vent, de vanitez, et de fables moisies,
    Mais sur tout je me deulx qu’un vers si triumphant
    Celebre une paillarde, et son paillard d’enfant.
    Qui pourroit veoir d’œil sec tant de divins Poëtes
    Qui debvroient du grand Dieu estre les interpretes,
    Les truchemens du Ciel, soüiller ainsi leurs vers
    Au bourbier limoneux de leurs amours divers ?
    Sathan leur fournissant de lampe, d’ancre et plume,
    Et leurs vers mal-fourbis remettant sur l’enclume.
    Pensez, Poëtes, pensez quel compte vous rendrez
    A vostre juste Juge, au jour que vous viendrez
    Devant sa Majesté, d’un si grand nombre d’ames
    Que vous avez plongé aux infernales flammes.
    Quoy ? foullez vous ainsi le sang du testament
    Qui les a racheté si charitablement ?
    Retractez vos escrits, et lavez-les en larmes,
    Et contre vostre autheur n’affilez plus voz armes,
    Ains reparant la faulte, employez vostre esprit
    Qui a chanté le monde, à chanter Jesus-Christ.
    Ses cloux soyent vostre plume, et la source divine
    Qui saillit de son flanc soit vostre eau chevaline,
    Vostre encre soit son sang, sa croix vostre papier,
    Son chappeau espineux vostre gentil Laurier.
    Le feu de son amour eslancé dans vostre ame,
    Soit la saincte fureur qui vous pousse et enflamme.
    Sus donc sacrez à Dieu, l’immortel de voz vers
    Si que vostre Uranie estonne l’Univers,
    Et vous meriterez la celeste couronne
    Qui sur les frontz marquez eternelle fleuronne.
    Virtute, non sanguine. D’esne. (ẽ 6 v°)

  • Discours de Jean le Gillon Advocat au siege Presidial d’Abbe-ville, à Paul du Mont son ancien amy, sur sa traduction de Marulus. [Jean Bogard, 1585]
    Le soigneux metalliste és veines plus secretes
    Perçant les divers licts des terreuses cachettes,
    Va sondant les thresors pierres et mineraux,
    Justement loing de nous comme mis és tombeaux.
    Le medecin expert fleurette en mainte sorte
                    Les remedes sublims [sic] que la terre rapporte,
                    Triant de mille endroits d’un art laborieux
    Pour combattre la mort, les moyens precieux.
                    Et l’accort jardinier ains qu’il dresse un par terre
    Plantes, semences, fruicts, de toutes parts va querre,
    Et de climats divers semond les arbrisseaux
    Pour orner ses parquets de fleurs et fruicts nouveaux.
    Ainsi le philosophe industrieux pourchasse
    Mille subtils moyens pour nostre humaine race.
    Redresser és sentiers des plus parfaictes mœurs,
    Qui facent escarter de tous vices les cœurs.
    A ce veilla l’Indois, et Chaldean antique,
    L’Egypte, le Brachmanne, et le Mage persique,
    Puis les Grecs et Romains tallonnans ces ayeux
    Puiserent leurs thresors des sources des Hebrieux.
    Or les sages mondains seulement pour l’image
    D’un passager bon-heur, et pour calmer leur aage,
    Espurerent leurs mœurs, oublians le plus beau,
    Le loyer eternel survivant au tombeau.
    Mais le Chrestien instruict en plus sçavante escole
    Du monde attire-cœurs jectant l’espoir frivole,
    Au ciel donne liesse aspirant chasques jours,
    Compasse ou vray niveau de sa vie le cours.
    Puis comme s’esgayant en campagnes bien amples
    Recherche à ce dessein preceptes et exemples.
    Mieux qu’Aleyde ne feist les fruicts Hesperiens,
    Ny d’Argon les nôchers les thresors Colchiens.
    Ainsi ce brave aucteur plus que l’aultre Marule,
    Mieux que Pline, Laërce, et qu’Eunâpe incredule
    Que Valere, Fulgose, Egnace, aultres aussi,
    Les exemples tresbeaux des mœurs amasse icy.
    Tissant, comme un chapeau de fleurons delectables
    Les dicts avec les faicts, des peres, memorables.
    Par tous les temps du monde industrieux marchant
    Les perles et thresors nous a esté cherchant,
    De Charité, Justice, et Constance, et d’humblesse,
    Un riche Magazin de trophées il dresse.
    Dieu ne permettant moins les illustres vertus
    De ses cheris herôs de gloire revestus
    Bruyre par doctes voix et trompettes chantées
    Que des superbes Rois les victoires vantées.
    Icy toutes vertus en leurs rangs choisiras,
    Icy de cent couleurs peinctes les marqueras,
    Et si des mariniers l’experte oultrecuidance
    Tenter nous fait des flots inclemens l’inconstance,
    Combien feront des Saincts les labeurs courageux
    Du monde mespriser les dangers naufrageux ?
    Or ce qu’à peu de gens cest aucteur Dalmatique
    En peu vulguaires mots avare communique
    Tu l’as, Du Mont, rendu à châcun familier,
    Desployant liberal ce thresor singulier. (ẽ 7 v°)
    A toute nation qui du François langage
    Par maints doctes discours embrassera l’usage.
    Douay païs doüé de studieux esprits
    Dés que Minerve en toy sa demourance a pris
    Tu nous as deffriché maints grotesques antiques,
    Artiste les ornant de gazes magnifiques,
    La muse bien-disante et triple faculté
    Sur tes flots Scarpiens leur enseigne ont planté.
    Seule de ton climat qui combats l’ignorance
    Es tourbillons de Mars, seule appuy de science.
    Chey, Du Mont, ton heur, dont la vie respond
    A la voix, et la voix à son sçavoir fecond. (ẽ 8 r°)
  • Le Translateur à ce livre. [Jean Bogard, 1585]
    Livre viença, escoute et tens l’oreille,
    Entens-tu bien ? Va t’en donc, c’est tout dict :
    Tiens-le secret ; tu gaigneras credit
    En espandant ton odeur non-pareille.

    Si de chascun tu n’es point caressé,
    L’antiquité rend ton bruict authentique,
    Contente toy ; tu seras embrassé
    Finablement de tout bon Catholique. (ẽ 8 r°)

Topoï dans les péritextes
  • abondance des livres
  • comme un "abrégé de vie de saints"
  • constitution d’un "riche Magazin de trophées"
  • exemplarité
  • récolte de trésors dans différentes sources
  • traducteur comme collecteur de trésors
  • traducteur en métalliste qui accède aux biens précieux dans la terre
  • traduction
  • trop de livres lascifs corrompent la jeunesse
  • utilité
  • utilité publique
Collection créée par Anne Réach-Ngô Collection créée le 16/10/2016 Dernière modification le 19/07/2022