Thresors de la Renaissance

Trésor céleste


Auteur(s) : Antoine de Menne

Généralités

Présentation générale de l'œuvreLe Thresor celeste est un traité spirituel rédigé par Antoine de Menne qui propose un résumé de ses conférences spirituelles à Commercy et à Saint-Mihiel. Selon ,Antoine de Menne y a choisi de mettre à la portée de laïcs cultivés la pensée d’Augustin, de Bernard et d’Anselme, du pseudo-Denys, de Thomas d’Aquin, d’Alexandre de Halés et de Bonaventure. "Le Thrésor céleste montre comment la direction spirituelle s’adapte au contexte laïc et lorrain pour conforter les Urre dans leur choix de la réclusion" (Fabienne Henryot, "Un cénacle spirituel à Commercy au début du XVIIe siècle", Revue d’histoire et de philosophie religieuses, 2017, tome 97, n° 2, p. 230).
Titre long de la première édition identifiée (ou autre édition)Thresor celeste, contenant les richesses inestimable des benefices de Dieu, exhibés aux creatures : ensemble l’ingratitude des meschants, qui l’offencent abusants de tels benefices avec la consurrection de l’ame des bons, qui le loüangent admirants la grandeur d’iceux. Composé par F. A. de Monne Cremonese, religieux de l’ordre des Chartreux, theologien. Avec sommaire des chapitres, et une table alphabetiq des matieres (Sebastien Philippe, 1611)
Information sur l'auteur ou les auteursAntoine de Menne
Date de la première publication de l'œuvre1611

Transcription et analyse des péritextes

Transcription des péritextes de toutes les éditions
  • Au tres-heureux Sainct Bruno. [1611]
    Père Tres-heureux, Tres-sainct, & Tres-debonnaire, qui estes chef, le conducteur, l’intercesseur, & protecteur de tous ceux qui marchent & vous suyvent, soub l’enseigne & l’observance de voz Saincts Instituts : Vous dis-je qui estes hors de la mer turbulante & orageuse de ce siecle pervers, où l’on ne voit que naufrage & perdition des ames, estant d’ailleurs asseuré de l’estat heureux que vous possedez & possederez perpetuellement en la compagnie de ceux qui demeurent avec vous en la patrie Celeste, là vous jouyssez du bien souverain en estat tres-parfaict de beatitude qui consiste en la claire vision, & parfaicte fruition de l’essence divine, en laquelle vous voyez & contemplez par l’intermis de la lumiere de gloire, la tressacrée Trinité, scavoir Dieu le Père, son Fils uni- (* 2 r°) que le verbe Eternel, (qui est le miroir resplandissant & la splendeur de la majesté Paternelle) & le sainct Esprit qui est le lien d’amour du Pere & du Fils : en icelle vous cognoissez toutes les choses que competent & appartiennent à la plenitude de vostre gloire dont vous estes entierement tres-heureux & parfaictement rassasiez, sans plus rien desirer, C’est que Dieu tres-bening & tres-misericordieux qui communique sa bonté immense non seulement aux citoyens du Ciel, mais aussi aux hommes qui demeurent en Terre, a uny à vostre gloire le desir du salut du monde, autant qu’il estoit necessaire pour vostre entiere felicité & heureux contentement : Et si la charité parfaicte que vous possedez en estat de gloire en l’association des bien-heureux (qu’est un amour excessif, & tres-ardent envers Dieu & envers le prochain) requiert que vous congnoissez ce qu’est necessaire pour le bien & le salut des hommes, scavoir les necessitez, calamitez, indigences, adversitez & autres maux semblables, que nous pauvres voyageurs, parmy les flots de la mer de ceste vie mortelle, endurons sans cesse, afin de nous secourir par les merites & intercessions du tres-aggreable service que luy avés faict pendant le cours de vostre vie tressaincte. A quoy il n’a manqué vous faisant veoir clairement en soy mesme toutes ces choses, suyvant ce que dit le Docteur moral, qu’est ce que vous ne voyez pas, (* 2 v°) puis que voyez celuy qui voit toutes choses en soy mesme ? & ce d’autant que ceste congnoissance, ceste ayde & faveur nous estoit tres necessaire. Car nous demeurants en ceste vie entourée de mille hazards, à tous moments tomberions aux abysmes du naufrage sans esperance d’en pouvoir eschapper, ou de pouvoir toucher le port de salut, si ce n’estoit que sommes aydez & secourus par l’assistance & faveur qui nous vient d’en haut, par les merites & intercessions de ceux qui joüyssent de la gloire de Dieu : comme aussi ne pouvons conduire nos œuvres par la droicte voye en l’observation des divins commandements, & selon le vouloir du tres-haut, si n’estions assistez de l’ayde & faveur de la lumiere souveraine, laquelle nous recevons par Jesus Christ Redempteur : & par l’intercession des bien heureux qui en sont esclairez en la partie Celeste ; c’est doncque pourquoy noz necessitez vous sont representées au miroir eternel de la divinité, afin d’exercer la flamme de la charité, que vous recevez de la fournaise tres-ardente de la bonté infinie, & afin que les indigents & necessiteux voyageurs de ceste vie miserable, participent aux effects d’icelle : c’est encor pour nous humilier & asseurer de l’esperance que nous avons de vostre charitable secours, lequel nous implorons par prieres ordinaires & devotes supplications, scachant que ne pouvez nous aymer, & nous delaisser en noz (* 3 r°) necessitez. Au moyen dequoy tres-heureux & debonnaire Pere, moy qui suis vostre pauvre & indigne enfant, le moindre de tous les plus petits, qui suyvent vostre sainct Institut, je recours à vous en toute l’humilité & submission de mon cœur, pour vous presenter ce petit œuvre composé de mon labeur & travail, il est petit à vray dire quant est des discours curieux & relevez, & encore moindre en valeur & merite, mais je vous l’offre tel qu’il soit d’une grande allegresse & religieuse affection, suppliant les gracces de vostre saincte Paternité, que pour ses merites & faveurs, ceste bonne volonté soit receuë, & aggreée de celuy qui en est le premier & principal autheur, & qu’il luy plaise que par la lecture d’iceluy, plusieurs pauvres fidels [sic] errants au milieu des tenebres de ce monde maling soyent esclaircys de la lumiere de la verité, & reduits en estat de salut : En le façonnant mon intention a esté de tesmoigner le zele, & la charité ardente qu’aviez tousjours demonstré à moyenner le salut des hommes. Ainsi que de vostre tendre jeunesse & par tout le temps qu’avez vescu en ceste vallée de misere, l’avez faict paroistre vous estant eslongné de la conversation du monde & ayant renoncè [sic] à toutes ses vanitez, & concupiscences, avez cherchez & habitez les lieux deserts & solitaires, pour y consommer vostre vie en toutes sortes d’austeritez, & penitences, c’estoit afin de rendre l’esprit plus (* 3 v°) prompte [sic] & disposé à la contemplation des biens Celestes, & pour accumuler merites en la vie presente, attendant la remuneration de la gloire en la future : mais encore pretendiez vous par là gaigner les ames fidelles au Royaume de Dieu, tant par l’exemple de vostre vie juste, saincte & vertueuse, que par vos prieres & sacrifices salutaires, desirant que le bien qu’estoit en vous descoulà & soit communiqué à ceux qui estoyent enveloppez parmy les marez du monde, selon que la charité Chrestienne le requiert, laquelle ne cherche ses propres commoditez, ains faict que tous & signamment ceux qui sont de bonne volonté & craingnants Dieu, procurent le bien des autres, ce que ne font les aveugles pecheurs, comme dit le sage[1] : Celuy qui est mauvais en soy-mesme, à qui sera il bon ? aussi ne sera il point joyeux en ses biens : Partant doncque ô bon Père, vous ne vouliez pas que vostre solitude soit sterile & infructueuse, veu qu’elle apportoit au monde tous les bons fruicts de vie par les moyens sus declarez, mais bien d’avantage, combien de bons disciples enclos dans les cellules de leur estroicte solitude, ont presché au monde, non pas de bouche, mais par les Doctes & Religieux escrits, qu’ils ont faict veoir au jour, poussez non d’ambition de gloire, mais afin de retirer les ames esgarées à la penitence, conduire les ignorants à la cognoissance de la verité, & les imparfaicts au (* 4 r°) sommet de la perfection, pour retirer en fin les aucuns du mal & exciter les autres au bien, afin que tous par ces beaux moyens suyvent la voye du Ciel, & qu’ils parviennent au comble & à la jouyssance de la gloire. Tels estoyent leurs exercices conformant leurs actions à la reigne de l’exemple de la tres-saincte vie qu’avez mené en vostre solitude, en laquelle, selon qu’il est escrit, vous mangiez le premier les fruicts de vos labeurs[2], & beuviez l’eau de vostre cysterne[3], en joüyssant desja de la fruition du bien souverain, par affluence de ses dons & de ses graces, & beuvant doucement l’eau d’escoulante de l’eternelle Sapience, par l’estude des lettres divines, & contemplations relevées qui devoyent par apres estre espandues en diverses ruisseaux pour arrouser la seicheresse des ames endurcies, comme il est arrivé tres heureusement, veu que plusieurs ont delaissez le monde, attirez & gaignez par l’exemple d’une vie tant saincte & vertueuse, qu’elle ravit les esprits en admiration, dont tous vos addectionnez disciples qui se maintiennent dans les bornes de voz salutaires ordonnances, & ne s’esloignent tant soit peu de vostre sacré Institut, exerceants chacun le talent qui leur est donné d’enhaut, loüent & benissent devotement le Dieu vivant qui exalte ainsi ses serviteurs & meilleurs amys, de ses dons & de ses graces, qui est la matiere & le subject principal de (* 4 v°) cet œuvre, lequel servira à ma petitesse d’un petit quadrin pour mettre au tronc de la saincte Eglise, que desire estre presenté & offert à Dieu par les mains de vostre saincte protection, que je supplie en toute l’humilité de mon cœur, & par la grandeur de vos merties & faveurs qu’il luy soit aggreable, & digne d’estre enregistré au livre de vie, c’est-à-dire, en mémoire eternelle : et qu’en fin soub la mesme protection il soit communiqué au publiq ; pour le profit universel des fidels [sic], à ce que par la lecture d’iceluy ils recognoissent l’autheur souverain de tous biens, & que de là ils apprennent de le loüer & de le benir à tousjours mais, qui vit, & regne au siecle eternel.
    Pour vous honorer, reverer, & supplier tres-heureux, & debonnaire Pere.
    F. Antoine de Menne, Religieux de l’ordre des Chartreux. (* * 1 r°)
    [1] Eccl. 14.5.
    [2] Esa. 3.9.
    [3] Prov. 6.16.
  • Preface. [1611]
    Dieu Eternel, Tres-haut & tres-puissant, tres-bon & tres-misericordeux, tres-juste, tres-secret, & tousjours present, tres-beau, tres-fort, stable, incomprehensible, invisible voyant toutes choses, immuable changeant tout, immortel n’ayant lieu prefix, inenarrable, infiny, inestimable, indicible, inscrutable, ineffable, redoutable, terrible, venerable, jamais neuf, jamais vieil renouvellant tout, tousjours en action sans mouvement, portant tout sans charge, remplissant toutes choses sans estre enclos, creant, deffendant, nourrissant, cerchant, & mettant tout à profit, auquel rien ne deffaut, aymant sans passion, jaloux & estant bien asseuré ; Et pour dire en un mot, il est un bien tout parfaict qui n’a ny commencement ny fin. Iceluy est Dieu souverain qui est une Trinitè, & une Trine unitè, il est Trine en personne, scavoir le Pere, le Fils, & sainct Esprit, & les trois ne sont qu’un Dieu seul en essence, (* * 1 v°) & nature. Le Pere est naturellement Dieu, le mesme est le Fils, & aussi le sainct Esprit, & toutesfois ne sont point trois Dieux, mais seulement un, par essence & par nature, la puissance duquel possede, regit, & conserve tout ce qu’il a creè : donc en ce Trine respect des personnes en unitè essentielle, Dieu est seant au haut Throsne de sa Majestè, tres-heureux, & tres parfaict, joüyssant de sa gloire Eternelle & infinie, laquelle il possede de soy, & par soy mesme, & non pas d’ailleurs, que faict qu’il n’a besoing d’aucune chose hors de luy ; car en ce que son essence est infiniement bonne & parfaicte, nulle chose ne luy peut accroistre ny diminuer de ce qu’il est. Dont ce qu’il est maintenant, il estoit le mesme de toute Eternité, avant que le monde fut creé, & aussi sera il eternellement, edmeurant en toute felicitè & gloire. Que s’il s’est retrouvè quelque defaut, il est arrivé du costè des Creatures, & singulierement de celles qui avoyent estè faictes capables, pour jouyr de sa beatitude, lesquelles demourantes en l’imperfection de leur subsistance naturelle, ne pouvoyent recognoistre Dieu, ny l’aymer, ny au prealable joüyr de sa grandeur & de sa gloire, dont il fut necessaire que ceste bonté se communiqua ausdictes Creatures, en toutes les manieres possibles & convenables à leur capacité & condition, selon que la providence divine avoit preveu & preordonné de faire toutes choses en ordre & mesure, au model de son inscrutable sapience : Et (** 2 r°) sur toutes les autres avoit donné le dessus aux Creatures intellectuelles, qui sont les Anges & les hommes, lesquels il voulut enrichir de deux excellentes facultès, sçavoir, contempler le bien souverain qui est Dieu, & pour l’aymer sur toutes choses : La nature Angelique qui est d’une substance du tout spirituelle, tient le premier rang entre les Creatures, laquelle fut créèe au Ciel Empiré, là où elle devoit demeurer eternellement, pour joüyr de sa gloire & felicitè : L’autre, qui est l’homme, fut créèe en ce bas monde, & formée de terre, qui luy fut assignée pour parfaire le Pelerinage de sa vie mortelle, en laquelle il devoit accumuler merites pour la gloire advenir : Celle fut la cause pourquoy elle fut composée de deux sortes de substance, l’une materielle, l’autre spirituelle, sçavoir de l’ame & du corps, à ce que demeurant en terre par sa materialitè corporelle, elle conversà au Ciel avec les Anges en esprits ; que le corps demeurant en terre, l’Esprit fust eslevè à la contemplation des biens celestes, par l’intermis de la beauté & excellence des œuvres de Dieu, qui paroissent & remplissent tout l’univers de ceste machine mondialle, que les mieux advisez doyvent serieusement considerer, & admirer les admirables & excellentes perfections divines, cachées dans ces vases de terre, qui au milieu de ces matieres grossieres, comme lumiere brillante, scintillantes & evaporantes, descouvrent & manifestent clairement la grandeur de sa gloire : Et ceux qui ouvriront les (** 2 v°) yeux de leurs Ames, pour mediter sur ce subject, ils verront que Dieu ayant creé tout l’univers de rien, par son infinie puissance & sapience, qu’il n’a esté contraint d’ailleurs, mais seulement meu & excitè par sa simple & libre volontè, & bontè ineffable : Et par consequent entendront qu’il possede toutes choses sans aucune indigence, qu’il les gouverne sans labeur, & les regit sans fascherie, & qu’il ny a chose quelconque, soit au Ciel ou en terre, qui trouble le bel ordre de son Empire : Il est en tous lieux sans lieu, contient toutes choses sans circuit, & est par tout present, sans situation ny mouvement ; La grandeur de sa Majesté souveraine est telle (comme nous le comprenons) qu’elle est dans toutes choses, & non excluse d’icelles, elle est dans elles pour les contenir, & hors d’elles pour les enclore, par son indicible & admirable immensité : Doncque il tient tout, remplit tout, environne tout, & soustient toutes choses, il ne les soustient pas d’une partie, pour estre surmontè de l’autre, ny remplit d’une part, pour estre environnè de l’autre, mais en environnant, il remplit, & en remploissant il environne, & en soustenant il surmonte, & en surmontant il soustient toutes choses : qui attaint d’un bout à l’autre, & dispose toutes choses doucement, qui n’est estendu par lieux, ny changè par successions des temps, qui ne vad, (** 3 r°) ny ne vient, mais il habite la lumiere inacessible, que nul des vivants n’a veu, & ne le pourra jamais veoir. Et avec ceste ferme & stable demeure il environne tout, par tout, & toutes choses sont encloses en luy non pas par grandeur de lieu, mais par la presence de sa toute puissance, laquelle est par tout presente, & toutes choses sont à elle presentée : c’est afin de nous faire entendre que nulle chose n’est sans luy, & que luy n’est loing de nous : De ceste consideration la Creature raisonnable illustrée de l’image & semblance de Dieu pendant qu’elle fera sa demeure en ceste vie mortelle, aura ce bel object pour le contentement de son esprit, auquel elle trouvera pasture tres-abondante, pour se rassasier en la grandeur de la beneficence de la bontè divine : Car de quel costè elle se puisse tourner, autour & dehors d’elle, elle verra ceste belle machine du monde enrichie & decorée d’un nombre estrange & diversitè de Creatures, miroir tres-clair representant les perfections divines, & singulierement sa grande charité & amour incroyable, duquel & par lequel, toutes choses ont estè faictes, & en iceluy se conservent & maintiennent : Par apres profondant plus avant, par la vivacitè de son esprit, en la recerche de toutes les autres ses admirables, & excellentes perfections, que sont espandues, & parsemées par toutes les Creatures, comme dict est, elle trouvera lors subject plus grand d’admirer, & de (** 3 v°) s’esjouyr en la contemplation de la grandeur & magnificence de l’autheur souverain de toutes ces choses. Mais pour la fin de ce discours, si elle veut par reflexion r’entrer en soy mesme, & considerer les signalez & ineffables Benefices qu’lle a a reçeu de la tres-abondante charitè, & amour Paternelle de son Createur, & entre autre, qu’il l’a attendu si long temps à penitence, dissimulant ses pechez : qu’il a procurè son salut par des voyes & manieres incomprehensibles, & une infinitè d’autres graces & biensfaicts que la langue ne peut exprimer, que la plume ne peut escrire, & si l’entendement n’est capable de les comprendre, il n’y a doute qu’elle qu’elle ne doyve se transporter en une allegresse & joye demesurée qui luy fera ouvrir la bouche pour rendre graces & loüanges à un Dieu qui est bon & liberal. De maniere qu’entrant chez soy, & sortant hors de soy, qu’elle trouvera viande tres-delicieuse ès œuvres de ce Dieu, qui l’enflammeront en un amour tres-ardent, & dilection tres-parfaicte envers luy, conformement à son intention & au desir qu’il a d’estre aymè de toutes ses Creatures, mesme de celles que maintenant joüyssent de la gloire Celeste : il veut qu’elles le cognoissent, & qu’elles l’ayment, à celle fin qu’elles soyent heureuses, & puissent joüyr de sa beatitude, comme le font ceux qui l’ayment d’un amour ardent ; & charité parfaicte, en quoy consiste la felicité desirable de toutes les Creatures : il veut aussi bien estre cognus & aymè de ses Creatu- (** 4 r°) voyageres, à celle fin de les exemplter du malheur, & des peines qu’endurent celles qui ne le cognoissent, & ne l’ayment comme leur vray bien, lesquelles pendant ceste vie, sont bourelées de peines continuelles, & tourments insupportables ; et en l’autre vie au milieu des tenebres des Enfers, auront le comble de toutes sortes de malheurs : ce que nostre Seigneur vouloit signifier par les parolles du Sainct Evangile, Je suis venu mettre le feu en terre, & mon desir & ma volonté n’est sinon qu’il brusle, voulant dire, que tous les Benefices, les dons, les graces, faveurs & biensfaicts que l’homme trouvera en la consideration des Creatures, soyent temporels ou spirituels, sont à la guyse de charbons allumez, pour esclairer & eschauffer son esprit à la congnoissance de la veritè, & à l’amour de Dieu son bien souverain, gardant ainsi le vray ordre de la charitè, comme aux Cantiques il est escrit de l’ame fidelle, laquelle s’esjoüyssant de la beneficience de son Dieu bien aymè, disoit : Il m’a mené au Celier du vin, sçavoir, en l’affluence de sa grace divine, & a ordonné charitè en moy, hors l’ordre de la Charité divine : c’est suyvant les parolles escrites en l’Eclesiaste, que les fleuves retournent au lieu d’où ils sortent, afin que de rechef ils coulent : c’est cela que Dieu requiert de nous, sçavoir que tous les benefices qui sortent de la Mer immensurable de sa bonté, pour le bien & utilité des Creatures, soyent rapportez à lui en recognois- (** 4 v°) sance de ses faveurs, & à la loüange de sa grandeur & Majestè, afin que de rechef il les influe, & distille ès ames recognoissantes, en accroissement de merites pour la gloire eternelle. Celle est la cause qu’ayant esté inspirè & excitè par la grace divine, de m’employer à la meditation de ces œuvres, j’ay entreprins ce petit labeur, & prins resolution de le mettre en lumiere, lequel j’ay composé selon la petitesse & faculté de mon esprit, à intention de satisfaire à plusieurs ames devotes & fidelles, qui desirent ardemment de profiter en la cognoissance de Dieu, de ses Benefices, dons, & graces, & le recognoissant de luy rendre loüange, & humbles actions de graces. A ceste fin j’ay taschè d’esclaircir, & declairer selon ma petite portée, l’infinie bontè, Clemence & beneficence de Dieu, à ce que par telle voye, il soit en premier lieu honoré, exaltè & benit de ses Creatures, & qu’elles par ce moyen luy plaisent, & lui soyent aggreables, ne se rendants ingrates ny mescognoissantes des faveurs reçeus de l’Autheurs de tous biens, & afin que moy pauvre & indigne Religieux je puisse participer à leurs bonnes œuvres, & merites devant Dieu. Que si en ce traictè se retrouvent choses bonnes & profitables, j’entens que le tout soit rapportè à la gloire de Dieu, & au salut des ames ; comme à la fin pourquoy il a esté faict, mais s’il se rencontre chose digne de correction (ce qu’à Dieu ne plaise) je le submet en toute humilitè (*** 1 r°) aux Superieurs de la Saincte Eglise, comme à ceux qui ont l’auctorité de redresser les abusez, les supplians toutesfois affectueusement de considerer le tout avec Charitè, se representant l’intention de l’Autheur qui leur desire, & à tous ceux qui voudront prendre la peine de le lire, accroissement de graces & des merites en la vie presente, pour avoir en l’autre la plenitude de gloire, & joüyr d’icelle avec les bien-heureux au Siecle Eternel. Ainsi soit il. (*** 1 v°)
  • Sommaire des chapitres contenus au present livre. [11 pages]

  • Facultas reverendissimi patris generalis. [1/2 page] [1611]
    Damus tenore presentium facultatem Venerabili Patri Priori Carthusiæ Threvirensis Visitatori Provinciæ Rheni, ut nostrà authoritate faciat licentiam Venerabili Patri D. Antonio de Menna Professo Carthusiæ Rutilanæ, edendi libros à se compositos, priùs tamen examinatos & approbatos à Theologis, iuxta ritum Sanctæ Romanæ Ecclesiæ, sedente Capitulo, Anno Domini Millesimo sexcentesimo nono.
    F. Bruno Prior Carthusia.

  • Licentia Reverendi P. visitatoris provinciæ rheni. [1/2 page] [1611]
    Acceptà hac cum debita reverentia, proprio motu, manùque exarata facultatis scæda Revenredis. Nostre Generalis Moderatoris, super admodum venerandi Patris D. Antonii de Menna, Charissimi Confratris nostris edendis à se compositis libris, atque optimè sciens, quàm incessanter propagationi Divini honoris, animabúsque lucrandis studeat, piissimum librum ab eo compositum, intitulatum, Thesaurus cœlestis in se continens inestimabiles divitias divinorum Beneficiorum Creaturis collatorum &c. à me visum ; & ad hoc quàm aptissimum judicatum, lubens ac gaudens auctoritate prælibari Revenredissimi Patris Generalis, licentiam edendi fecio, In Carthusia Treverica, vigesima quarta Julii, Anno 1609.
    F. Hector ibidem Prior vocatus Ordinis Carthusiensis Provinciæ ad Rhenum Visitator.

  • Mandatum reverendissimi domini D. epispcopi et comitis Tullen. S. R. I. Principis [1 page] [1611]
    Joannes Porcelletus, Dei & Sanctæ Sedis Apostolicæ gratiâ, Episcopus & Comes Tullensis, S. R.I. Princeps. Venerabilibus & Religiosis viris D. D. Claudio Richquechier Presbytero Monasterii Sancti Apri de Sancto Apro, prope & extra muros Tullen. Ordinis Sancti Benedicti, Sacræ Theologiæ Doctori, & Domno Hieronymo Murville Monasterii Sancti Mansueti de Sancto Mansueto prope & extra muros Tullen. ejusdem Ordinis Sancti Benedicti respectivè Prioribus, salutem in Domino. De singulari pietate & doctrina vestra plenissimè in Domino confisi, discretioni vestræ per presentens committimus & mandamus, quatenus librum quendam de Beneficiis Christiano collatis inscriptum, compositum per Religiosum virum Patrem Antonium de Menne, Theologum Carthusianum, videatis & relegatis, examinetísque sit ne opus fidei nostræ orthodoxæ consonum, & à bonis moribus non alienum, dignúmque quod typis ad publicam utilitatem mandetur. Et quicquid inde repereritis nobis fideliter renuntietis. Datum in Palatio nostro Episcopali Tullensi, sub sigillo Curiæ nostræ, & signo manuali Secretarii Cameræ nostræ Episcopalis. Anno Domini millesimo sexcentesimo decimo, die decima quarta Julii.
    I. Episc. et comes tullen.
    De mandato Revenrediss. Domini D. mei supradicti.
    Signatum. Io. Midot.
  • Approbation des docteurs [1 page] [1611]
    Frere Claude Richquechier Docteur en Theologie de la faculté de Paris, & Prieur Claustral du Monastere de Sainct Epure les Toul : par le commandement & commission de Monseigneur le Reverendissime Evesque dudit Toul, a veu & leu diligemment le livre intitulé Thresor Celeste, contenant les richesses inestimables des Benefices Divins exhibez aux Creatures &c. Composé par le R. P. Antoine de Menne Religieux de l’ordre des Chartreux, auquel non seulement il n’a trouvé aucune doctrine contraire ou repugnante aux bonnes mœurs, au commun consentement des Peres, ny aux definitions de l’Eglise Catholique Apostolique & Romaine, mais y a apprins & remarqué plusieurs sublimes, & rares enseignements, tres-utils [sic] à toute sorte  de personnes Seculiers ou Reguliers, mesme aux plus simples pour esclaircir leurs entendements à la cognoissance familiere des matieres plus relevées de la Saincte Theologie : & pour enflammer leurs volontez, en l’amour, crainte, recognoissance, & service de Dieu, Bien-faicteur munifique, Redempteur & Justificateur tres-misericordieux. Thresor qui ne pourroit estre caché, sinon au grand interest & dommage du public. Partant il juge qu’il doit estre mis au jour, afin que plusieurs participent aux tres grands fruicts qu’il contient. Tesmoing son nom icy mis le 7. Septembre, Mil six cent & dix.
    Claude Richquechier.

    Je soubscript Prieur Claustral du Monastere de Sainct Mansuet lez Toul, certifie qu’en vertu de l’ordonnance & mandement de Monseigneur le Reverendissime Evesque dudit Toul, j’ay leu un livre intitulé Thresor Celeste, contenant les Richesses inestimables des Benefices Divins exhibés aux Creatures &c. Composée par R. P. Dom Antoine de Menne Religieux profés de l’ordre des Chartreux, auquel je n’ay trouvé chose aucune desrogeante à la Foy Catholique, ains plusieurs doctes & subtiles considerations tres-necessaires à ceux qui desirent dignement s’acquitter de leur devoir, touchant la recognoissance des graces & benefices qu’ils ont receus de Dieu, qu’ils en reçoyvent, & pretendent recevoir à l’advenir. Partant ledit Thresor est digne de veoir le jour, & d’estre veu de tout le monde. En soy dequoy j’ay signé la presente le tresiesme Octobre, Mil six cent & dix.
    F. Hierosme Murville.
  • À la fin du volume [1611]

    « Table alphabetique des matieres plus remarquables contenues en cestuy present Traicté, la lettre B. signignifie le nombre des Benefices, le C. le Chapitre, & le P. la page où elle est contenue. »
Topoï dans les péritextesbien public
Collection créée par Anne Réach-Ngô Collection créée le 26/01/2017 Dernière modification le 27/07/2021