Thresors de la Renaissance

Perle évangélique, Trésor incomparable de la sapience divine


Auteur(s) : Van Essche, Nicolas

Généralités

Présentation générale de l'œuvreCet ouvrage est sans doute la traduction d’un ouvrage néerlandais anonyme intitulé Evangelische peerle qui aurait connu une traduction en latin par Nicolas Van Essche, sous le titre de Margarita evangelica : incomparabilis thesaurus divinae sapientiae.
Titre long de la première édition identifiée (ou autre édition)La perle evangelicque tresor incomparable de la sapience divine, nouvellement traduict de latin en françois (veuve Guillaume de la Nouë, 1602)
Information sur l'auteur ou les auteurs
  • Van Essche, Nicolas est l’auteur de la version latine qui donne lieu à traduction en français.
  • Théologien proche des chartreux de Cologne. - Archiprêtre au doyenné de Diest. - Le Dict. spiritualité lui attribue la trad. latine de l’ouvrage anonyme "Evangelische Peerle", trad. qui a été aussi attribuée à son élève Laurent Surius
Informations sur le traducteur
  • Chartreuse de Vauvert
  • F. [3H6]v: "... traduict & mis de Latin en François par les Peres Religieux de la Chartreuse de nostre Dame de Vauuert lez Paris".
Rôle de la traduction dans la constitution de l'œuvreTraduction en français à partir de la traduction latine de Nicolas von Essche. La traduction française aurait été entreprise par les Chartreux de Vauvert (données data.bnf).
Date de la première publication de l'œuvre1602

Transcription et analyse des péritextes

Transcription des péritextes de toutes les éditions
  • A Excellente personne en doctrine et pieté, M. Buchard du Mont, Prestre Professeur de la saincte Theologie, Nicolas Eschius. [Veuve Guillaume de la Nouë, 1602]
    D. S.
    Vous sçavez (personnage tres-subtil & ingenieux) combien tout à faict il importe, qu’il y aye en l’Eglise de Dieu, des livres pieux & devots, comme sont ceux qui impriment & inculquent l’esprit de Jesus Christ en nos ames. Or tels sont ceux qui nous retirent, ou de la grande ardeur des vices, ou du bruit & trouble mondain, à penitence, qui est le premier degré de pieté : ou qui nous enseignent de mortifier nos membres sur la terre, & delivrer nostre esprit, voire des passions & affections (ã 2 r°) mesmes, ce qui est ravir par force le Royaume des cieux : ou qui la chair estant ja aucunement mortifiée nous eslevent en haut pour cognoistre & aimer l’esprit de Dieu, auquel nous venions à nous donner entierement en toutes choses. Ce qui à la verité ne se peut faire, si prealablement nous ne sommes exercez en sainctes meditations, és aspirations internes & pieux desirs vers Dieu, en sorte que nous ayons tousjours en main quelques exercices spirituels, au moyen desquels, non seulement nous arrestions les evagations [sic] de nostre esprit : mais aussi le cultivions de sainctes pensées & cogitations. Car incontinent que nous cessons de profiter, aussi tost necessairement s’ensuit diminution en nous, attendu que nostre ame ne peut durer en un mesme estat : c’est-à-dire, qu’elle ne prenne accroissement ou diminution & dommage en la vertu. Parquoy il nous convient d’un soing infatigable non seulement nous employer tousjours aux exercices de vertu, mais beaucoup plus devons nous perpetuellement d’une grande force & courage bataillier à l’encontre de ces vices, qui nous font le plus la guerre. Car la delectation des passions charnelles bataille bien avec plus de force en nos membres, que ne font les estudes & exercices de vertu en nos ames. Et afin que main- (ã 2 v°) tenant nous bataillions courageusement : (car la vie de l’homme est une guerre sur terre) faut en premier lieu que nous ayons une profonde cognoissance de nous mesmes. Bien souvent les affections & semences de plusieurs vices sont cachez en nous, lesquelles comme nous ne les sentons qu’à peine, ainsi à peine venons nous jamais à les extirper : & qui pis est (chose deplorable) la plus part de nous, à nostre escient, nous flattons nos vices, nous leur pardonnons, & leur donnons nourriture, qui est cause qu’en plusieurs années nous ne parvenons à un seul degré de vertu, & ne livrons la guerre à vice quelconque : (se ce n’est en chose qui paraventure seroit ordre & mal seante devant les hommes[)]. Mais certainement si nous ne voulons estre estimez execrables de nostre Dieu tres-bon & souverain, nous penetrerons de jour à autre de plus en plus les cachetes les plus secretes de nostre cœur, afin de voir & sçavoir, de quelle affection, de quel esprit, de quelle intention chaque chose est faicte, en paroles, en pensée, en conseils, & en œuvres. Je sçay fort bien, qu’à la verité le nombre est fort petit, de ceux de qui on puisse impetrer & obtenir ces choses si justes. Car la maniere de vivre d’aujourd’hui est telle, que chacun regarde aux exemples de la (ã 3 r°) multitude & du peuple, qui ne tient, & qui ne garde aucun ordre de vivre, & qui est conduict non tant par la raison, comme par une certaine impetuosité & coustume. Qui est celuy qui n’est induit par la multitude des pecheurs ? & je vous prie qui n’est sollicité par la multitude de ceux qui perissent à penser. Quoy ?  donques tout le monde perira ? C’est peu de gain certainement de nous vouloir targuer par les exemples de la multitude, & à compter souvent les vices d’autruy pour nostre consolation & defense, comme si nous avions faute d’autres à imiter, lesquels quand ils nous defaudroient icy bas, nous avons assez d’exemple en ceux que nous confessons en tel cas devoir estre imitez, & ce non seulement en Jesus Christ, mais encores és Apostres, és Martyrs, és Vierges, & en un nombre infini d’autres jeunes guerriers de l’un & l’autre sexe, tous lesquels par le mepris des richesses mondaines & des alechemens charnels, ont ravy le Royaume de Dieu : ce qui n’a esté sans avoir prealablement experimenté les moqueries, les fouets, les liens, les prisons, la pauvreté, les angoisses, les afflictions, dressans leurs yeux devers l’autheur de la foy, & consommateur Jesus, qui a joyeusement porté la croix, ayant mesprisé la confusion, & honte du (ã 3 v°) monde. Et nous doncques portans son vitupere, pourquoy, je vous prie, n’allons nous plustost au devant de luy hors du camp, que de continuer à imiter ceux, qui souz le nom de Chrestien meinent une vie mondaine, & qui tesmoignent autre chose par leur profession, autre chose par leur conversation ? Mais cet estude & exercice tres-necessaire au Chrestien, est maintenant au nombre des derniers, & de ceux desquels on fait peu d’estat, & le nombre est aujourd’huy fort petit de ceux qui font profession, & s’exercent à la Theologie mystique, & vie contemplative. La cause est, que la Theologie mystique, ou vie contemplative, requiert une ame pure & nette de tous vices, & ententive à la mortification de ses propres desirs, & outre qui aye le desir & volonté de s’exercer à pensées & meditations spirituelles. Tellement que cela ne nous doit sembler chose admirable, que mesme les hommes doctes & lettrez estiment cet estude, & rare & sans saveur, pourtant que ce leur est chose par trop griefve & fascheuse (comme ils estiment) d’acquerir le repos de l’esprit, par la mortification des passions & affections de l’ame : combien toutesfois  que ce soit chose impossible, que l’ame puisse jamais librement s’eslever vers Dieu son autheur, & (ã 4 r°) s’embrazer de son amour, si preallablement elle ne se rend quitte & libre de tout fardeau & pesanteur de peché. Or combien infiniment ceste estude excede toute volupté & douceur, celuy seul le sçait, qui le prend & le gouste. Or celuy le prend & le gouste, qui selon Jesus-Christ est humble, petit, & pauvre d’esprit, & qui, suivant le Sage, a pitié de son ame, & qui pour plaire à Dieu, tient & recollige son cœur & ses pensées en la saincteté de Jesus-Christ. Cela faisoit le Prophete, quand il meditoit en la loy de nostre Seigneur, jour & nuict, disant cela avec grande confiance à nostre Seigneur : La meditation de mon cœur est tousjours en vostre presence, A quoy n’est dissemblable le passage d’Esaie qui a dit : Je suis toute la journée sur l’eschauguette du Seigneur, & fay le guet & sentinelle sur moy toutes les nuicts. Quelle merveille doncques, si souz la loy de grace, les Chrestiens (la profession desquels est tres-saincte) font d’un esprit coy & tranquille : & si leurs cœurs interieurement s’eschauffent & viennent à brusler en la meditation des choses divines ? Certainement c’est à eux qu’il convient de prier, ayans les yeux interieurs tousjours dressez devers le ciel : Prier (dy je) d’esprit & de cœur, & quand il faut (ã 4 v°) psalmodier ou chanter, chanter d’esprit & de cœur, selon que nous exhorte l’Aspostre. Nous lisons d’Anne mere de Samuel, que multipliant ses prieres devant Dieu, elle parloit en son cœur, & n’y avoit que ses levres qui remuassent, sans que sa voix fust ouie aucunement : car elle avoit espandu son ame en la presence de son Seigneur. Combien à plus forte raison apres tant de benefices receux de la grace divine, l’ardeur & desir de contempler nous devroit-il maintenant absorber, ravir & induire au mespris des choses sensibles, & qui appartiennent à l’ornement du corps, comme choses prophanes, & nous faire estimer toutes choses comme sien, pour acquerir & gaigner nostre seul Seigneur Jesus-Christ, qui est aux pieux & devots, toutes choses en toutes choses. Mais pourquoy estimeras tu cela chose admirable à un homme Chrestien ? Si le philosophe, ignare de vraye pieté, pour toutesfois acquerir une gloire d’un moment, faisoit choses non moindres ? Anaxagoras mesprisa valeureusement ses heritages pour l’amour de la contemplation. Carneades estoit transporté tellement attentif à ce qu’il avoit conceu en son esprit, qu’estant à table il ne se souvenoit ny de manger ny de boire, ni ayant pris la viande en main, la porter jusqu’à sa bouche : mais (ã 5 r°) falloit que Melis sa femme prenant doucement sa main dextre, la portast au service de son corps, qu’il negligeoit & mesprisoit. Or quant à Archimede, un si grand soing & solicitude d’esprit luy avoit clos les yeux & oreilles, que avec l’estude il perdoit ensemblement aussi la vie, & joignoit la mort, au sommeil de contemplation, & veritablement vaine contemplation. Platon fait aussi mention de quelques Prestres à Athenes, ausquels on donnoit de l’argent public, lesquels avoient de coustume de vivre separez & esloignez du peuple, afin que leur chasteté ne fust pollué d’aucune souilleure, par laquelle le repos de leur contemplation & de leurs estudes peust estre interrompu ou troublé d’aucune chose : & estoient ces Prestres tellement ententifs aux choses qu’ils estimoient sacrées, que mesprisans tous les negoces, affaires & soing du monde, jamais ne visitoient leurs parents, jamais n’alloient voir leurs amis, mais pas mesmes leurs enfans : ains seulement presens au Temple, ils appliquoient entierement leurs esprits, & s’addonnoient à la contemplation des choses naturelles, & des astres, apres avoir accomply leurs sacrifices : & n’avoient accoustumé d’user de viandes grasses, ou delicates, ains des plus viles qui se trouvassent : comme d’hysope, de faulx, fleur de febves, (ã 5 v°) (d’où aussi ils estoient appellez Faviers, ou mangeurs de febves) afin que ainsi faisant, ils fussent plus aptes à la contemplation, à la continence, & au chant ? Que sont ces choses comparées & parangonnées aux delices & au luxe des Chrestiens ? que le Chrestien aye honte, que l’homme devot à Jesus-Christ, ou religieux rougisse, qu’il aye (dy-je) honte d’estre moins religieux que n’estoient ces Prestres des Dieux, ou pour mieux dire des demons. Ceux qui confessent qu’ils doivent actions de graces au Pere celestre, & à nostre Seingeur Jesus-Christ (comme nous le confessons tous) qu’ils ayent honte de ne sçavoir que c’est de ces sacrées meditations & contemplations. Beaucoup plus doivent-ils rougir de honte si volontairement ils refusent maintenant d’apprendre icy ce qu’ils ignorent. Et que sera-ce de ceux qui s’aiment en leurs tenebres, & qui ne veulent accepter la lumiere leur estant offerte ? Ils apprendront un jour à leur dame, & trop tard, ce qu’ils ne veulent maintenant salutairement apprendre. Cependant, je sçay bien que cela semble chose difficile, que l’esprit vagabond é distrait soit r’appellé & ramenè à la paix, tranquillité, & solitude : aussi ne deniay-je point qu’en cet esprit ne soit requis, que Jesus Christ promet donner à ceux qui le demanderont, & qui le (ã 6 r°) chercheront : mais si le combat est difficile, la victoire en est plus belle : si le labeur est fascheux, la recompense est grande : la multitude des douleurs est recompensée par la grandeur des consolations de Dieu. Et ce n’est en vain que jadis l’on a dit & creu, que les choses belles sont difficiles, jaçoit qu’il n’y aye rien de si difficile & fascheux, que l’usage & exercice ne rende en fin facile, leger, & plaisant. C’est une vieille sentence : Par le labeur & diligence toute difficulté est amollie. Quoy ? Se peut-il bien trouver quelqu’un si delicat qui aye opinion, que c’est chose difficile & fascheuse de parler avec Jesus Christ, vivre familierement avec les Saincts, & les Anges, admirer Jesus Christ, sinon en tant qu’homme parfaict, du moins le contempler enfant, le baiser enfançon, penser qu’il est humble, ouyr ses enseignemens, & finalement en toutes choses avoir Jesus Christ és oreilles, & devant les yeux ? Mais je vous prie rememorez sa Nativité, Circoncision, Apparition, Oblation, exil, obedience, Baptesme, jeusne, predication, miracles, benefices, & finalement toute sa Passion, quelle difficulté apporte cela au Chrestien ? Il a souffert choses si grandes & si extremes, tant d’années pour l’amour de toy (ô homme) & tu perseveres encores tellement (ã 6 v°) e n ton ingratitude, qu’à grand’peine daignes-tu penser aux tresfascheuses & griefves peines qu’il a souffertes pour toy.

    Certainement qui voudra tant soit peu estre diligent, il y a icy (par manière de dire) la viande maschée, il y a pres de soy un champ fertile & abundant, au milieu duquel, comme parmy tresgracieuses prairies, il peut discourir, se pourmener, & cueillir toutes sortes de fleurs. Premierement comment il se doit contempler exactement soy-mesme, recognoistre les forces, puissances, operations & sens de son ame, & icelles cogneües, voir par quelle maniere il pourra d’esprit, & d’ame, & de corps totalement retourner à Dieu seul sont autheur & createur. En apres par quels moyens il pourra respondre, tant par priere, que par sa bonne vie, aux benefices de la vie & Passion de Jesus Christ, afin que les merites de l’humanité du fils de Dieu nous soient appliquez, nous sauvent & nettoyent, & principalement l’efficace de son tresprecieux sang, par lequel les pechez de tout le monde sont effacez, Outre ce, qu’il considere quelles voyes nous devons tenir, pour nous eslever à la sublimité de Dieu par l’humanité de nostre Sauveur, afin qu’entrans par la vraye porte Jesus Christ, nous soyons sauvez, entrions & sortions, & trou- (ã 7 r°) vions finalement les pasturages : & que ne vivions tant à nous, comme Jesus Christ lui-mesme vivra, & aura vigueur en nous : Afin encores qu’il n’y aye rien plus en nous qui repugne & contrarie à son commandement & volonté, ains qu’il nous soit tout en toutes choses, adherions à luy perpetuellement & fidelement, prenions de sa bouche un baiser tres-salubre : & finalement sentions dedans nous combien il est doux en ses divins embrassemens. Le lecteur, principalement s’il est de ceux qui ont coustume de reprendre, trouvera icy plusieurs choses à redire, & ce n’est merveille, car si és œuvres des Peres, voire des plus saincts, se sont trouvées plusieurs choses, lesquelles facilement ont esté calomniées & reprises : combien à plus forte raison sera il juste & raisonnable de pardonner aux aristarques & censeurs de ce livre cy, si en aucuns lieux il semble discorder, non à l’Eglise (avec laquelle il accorde tousjours) mais bien aux Philosophes en aucuns passages ? Car l’autheur (qui que ce soit) a plustost voulu mettre en lumiere des choses pieuses & devotes, que doctes & fardées, pour autant principalement qu’il escrivoit pour les simples, desquels ce livre a tousjours esté jusques icy tresavidement & desireusement receu : de sorte que souvent il a esté remis de nou- (ã 7 v°) veau soubs la presse avec beaucoup de fruict. Et outre ce qu’une infinité de personnes l’approuvent, plusieurs tres-approuvez & tres-pieux personnages tesmoignent que la lecture leur a souventesfois merveilleusement profité. Ce qui a esté cause qu’avec tout soin ils ont requis que ce thresor fut aussi communiqué aux estrangers, c’est-à-dire, qu’estant mis en Latin il parvint és main d’un chacun, ce qui a esté aussi tost accomply, à la grande expectation de plusieurs. Il ne faut pas, comme j’avois commencé de dire, que l’auctorité de ce livre coure danger ou peril d’estre amoindrie, à raison qu’en tous lieux il ne correspond possible pas aux subtilitez Philosophiques & scholastiques, comme quelqu’un paraventure pourra se pleindre à tort, avoir esté faict en la partition, ou division des forces de l’ame. Mais en ces lieux là nous requerons le lecteur benin qu’il lise en telle façon ces choses, qu’en fin il vienne à diligemment s’accoustumer à ce sainctes meditations, & qu’en les lisant il vienne à se revestir tototalement de Jesus Christ. Quant à l’autheur, il n’importe en rien de dire qu’il est, attendu que cy devant il n’a oncques souffert d’estre nommé (comme tresgrand observateur de toute humilité & modestie) ne que aucune chose de ce sien œuvre luy fut attri- (ã 8 r°) buée, ains tout ce qui semble de bon & pieux en iceluy, le refere & attribue à Dieu, autheur de toutes choses, à la gloire duquel il a amassé toutes ces choses cy, apres s’estre plusieurs années tresdiligemment exercé en icelles, j’ay veritablement voulu ce livre vous estre nommement dedié (tres-celebre M. Bruchard) afin que selon vostre incredible erudition & doctrine vous ingeassiez de ceste version & la defendissiez contre les calomnies des envieux. Nostre Seigneur Jesus, vueille chasser loing de nous toute prudence seculiere, & inserer en nos cœurs, ceste sienne tressage folie, à ce que nous cherchions seulement par ensemble les choses qui sont a nostre edification. (ã 8 v°)

  • Preface de l’autheur sur les livres suyvans. [Veuve Guillaume de la Nouë, 1602]
    Nostre Seigneur Jesus Christ, en toute sa vie, mais principalement en sa tressacrée Passion, nous a à tous montré le vray chemin & sentier de la perfection Evangelique ; duquel sentier de perfection, combien enormement tout le genre humain s’est aujourd’huy des[v]oyé, les pieux & devots ne sçauroient assez le deplorer, fust-ce avec larmes de sang, & non sans cause, attendu que de là ils colligent facilement s’en ensuyvre un horrible mespris & inestimable injure, à nostre Dieu tresbon & souverain. Et outre un trescertain peril de tant d’ames qui negligent leur salut, & qui pour la plus part conduits de leur amour propre & privé, suyvent les commoditez de la chair, ayment la vaine vanité du monde, ont vue certaine sensuelle affection à l’endroit d’aucunes personnes, vaquent à fables & babils, & passent la meilleure occasion & partie du temps, ou à dissolution, ou à solicitudes, ou à l’estude des richesses, ou à l’appetit & desir de vaine (ē 1 r°) gloire & d’honneur : d’autres qui par une amertume de cœur, & distraction envers les choses exterieures, & qui sont hors de nous, s’occupent & s’empeschent vainement : aucuns par l’immortification de leurs passions, aucuns par leur propre sens & prudence, aucuns par un estude desordonné, comme sont ceux, qui d’une affection totalement jeune & froide charité, s’addonnent par trop curieusement à l’estude des lettres, voire mesme sacrées, & exercent leur entendement à certains arts & choses vaines, au reste fort peu soigneux de bien vivre. Outre tous ceux là, dy-je, il y en a d’autres, qui enveloppez de quelques defectuositez, ou adonnez à vaines occupations, en mille façons se trompent & deçoyvent eux-mesmes, se batissans comme un tres-epais mur & parois, entre la grace de Dieu & eux, & sont plusieurs années sans rien profiter en l’esprit : seulement il leur suffit de suyvre une certaine coustume de vivre, & tiennent tousjours un mesme train, selon l’opinion qu’ils ont conceu d’eux-mesmes, & nommément selon que la sensualité leur dicte. Parquoy ce n’est merveille s’ils ne viennent oncques à gouster combien veritablement Dieu est doux & suave à ceux qui l’aiment. Ce n’est (dy-je) merveille si la Theologie mystique, ou divine Sapience (ainsi qu’elle est ici proposée) leur semble paraventure une folie, attendu qu’ils ne mettent peine, ny de mortifier leurs membres, ny de force ravir le Royaume des cieux, ny legitime- (ē 1 r°) ment & vaillamment batailler pour Dieu. Et comment s’esvertueroient-ils, attendu que l’on ne trouve en eux quasi aucune ferveur & desir de plaire & servir à Dieu ? Mais si avec soing & vigilance ils prenoient garde interieurement aux instincts divins : s’ils se renonçoient de bon cœur, s’ils reveroient Dieu tousjours present, & gardoient avec tout soing & solicitude leurs cœurs, il adviendroit qu’ils ne laisseroient passer en eux, non pas mesmes les plus petites defeuctuositez, sans les veoir & cognoistre, ils ne se laisseroient si facilement escouler aux plaisirs sensuels, ils n’aspirereroient pas avec si grand desir à de petites consolations, ils n’auroient pas si grand soing & cure des choses creées. Finalement tout ce qu’ils feroient, ce seroit plus par une devotion vraye, que par une aride & tepide coustume. En apres ils prendroient de la main de Dieu tant les choses prosperes que les adverses, & ne seroient si subitement tirez en tant de diverses affections & perturbations à raison de la diversité des evemens des choses, & ne deviendroient tant instables, cupides, vains, negligens, amers, endormis, legers, dissolus, enflez, soupçonneux, & petulens. Mais helas, combien grande est la multitude des calamitez qui leur sont reservées au jourd du jugement si miserables qu’ils sont, combien grandement seront-ils tourmentez, accablez, & confondus, apres que nostre Seigneur aura illuminé l’obscurité des tenebres, & aura manifesté les conseils des cœurs, (ē 2 r°) qui ont esté plustost ententifs à eux-mesmes, qu’à Dieu leur Createur ? Si telles sortes de gens cognoissent tant soit peu combien finalement sera grande l’horreur, combien grande & inestimable la douleur qui les saisira à l’heure de la mort. C’est merveille si la moelle mesme de leur os ne venoit aussi tost à se desecher en eux : c’est merveille si jour & nuict il ne se deploroient eux-mesmes. Mais afin que nous leur pourvoyons & donnions conseil, puis afin de monstrer aux amateurs de pieté & d’humilité une certaine divine Sapience, par laquelle ils puissent commodement se retourner devers Dieu, nostre premiere origine & fontaine, nous donnerons ces livres des exercices vrayement spirituels des enseignemens, & des meditations, toutes lesquelles choses tenderont à ce que d’un langage tres-simple tous ceux qui auront bonne volonté, comme par un abregé sentier, acquierent & parviennent à la perfection Evangelique, & intime union avec Dieu : Parquoy ce n’est sans cause que livre est intitulé la Marguerite, ou Perle Evangelique, puis qu’ainsi est qu’il contient en soy caché le thresor de toute la sapience Evangelique, & donne un souverain ornement beauté, bien que ceste Marguerite ou Perle ne doive estre maniée de toutes sortes de personnes : Car elle ne veut estre maniée d’une main orde & sale, ains desire que l’homme vertueux le manie vertueusement, qui ayant laissé le peché du vieil homme, souhaitte d’estre totalelement trans- (ē 2 v°) formé en un homme nouveau. Puis qu’ainsi est donc que la principale matiere d’iceluy traicte de l’introversion en l’esprit, c’est à sçavoir, que abstraits & retirez de l’affection & amour de toutes les creatures, nous venions à embrasser & retenir [d]ieu seul des bras nuds d’un pur amour, & imitions parfaicement la tressaincte humanité de Jesus Christ, tant en l’ame qu’au corps. c’est bien sans doute qu’il y a des cœurs seculiers de plusieurs personnes, qui à bon droict ne doivent lire ces choses cy, attendu qu’ils foulent aux pieds le thresor spirituel, & prennent la lecture de l’Escriture pour l’esprit : La Sapience de Dieu se delecte és choses simples, & a en haine les sages du monde. Or les religieux doivent estre estimez les premiers du nombre de ces simples, ausquels ces choses sont simplement escrites. Le principal office & devoir desquels est, qu’addonnez à la vie contemplative, ils facent estat, & ayent en reverence & recommandation avec la Magdalene, ceste une & meilleure partie, ce qu’ils feront en ensuyvant les exercices de la vie contemplative, qui sont icy proposez comme un miroir. Car encore que ce soit le devoir de tous les Chrestiens de renoncer perpetuellement au diable, au monde, & à ses vanitez : ceux toutesfois qui sont appellez spirituels doivent principalement avoir soing de servir à Dieu seul Createur, de toutes leurs forces, & luy adherer, & l’aymer de toute la pureté de leur ame. Ce qui ne peut estre sans une constante abnega- (ē 3 r°) tion de soy-mesme, laquelle consiste en cecy, qu’à l’exemple dAbraham nous sortions volontiers de nostre terre & pays, c’est-à-dire, que nous renoncions & rejettions l’image & proprieté des choses terriennes : Davantage sortions du milieu de nos parens, c’est-à-dire, que nous esloignions de toute pensée deshonneste, & vains desirs. Sortions finalement de la maison de nostre pere, c’est à dire, que mettions entierement en oubly le monde : Ce faisant il adviendra que ce Roy eternel convoitera nostre beauté, & se donnera entierement à nous, fera son soupper avec nous, & doucement couchera chez nous. Et ne faut aucunement penser que ces devottes contemplations donnent empeschement quelconque à la discipline reguliere, ou exercices de la vie active, lesquels sont mesmes merveilleusement confirmez, disposez, aydez, & stabiliez [sic] par icelles, & n’y a personne idoine & digne contemplatif, qui n’a prealablement travaillé aux labeurs de la vie active. En fin pour cognoistre ceux qui sont conduits de l’esprit de Dieu, ou du leur propre, si tant est qu’aucuns se trouvassent vouloir abuser de ces exercices, qu’ils prennent garde s’ils portent patiemment toute injure, s’ils sont debonnaires, & humbles de cœur, s’ils n’ont aucune estime d’eux-mesmes, s’ils ne se vengent du mal ou tort qu’on leur a faict, s’il obeissent à leurs superieurs ; si en tout temps ils conservent la verité, & fuient les erreurs, si (ē 3 r°) d’un cœur gay & joyeux ils embrassent les exercices de penitence, & souffrent volontiers l’austerité de vie, si d’une pieuse confiance en Dieu, ils sont toujours patiens, s’ils sont trouvez pacifiques, traictables & justes, ne gardant rien de propre, ne se cerchant jamais eux mesmes, & ne portant aucune envie à leurs prochains : s’ils ne sont point detracteurs, instables, turbulens, affligez du ver de conscience, orgueilleux, ambitieux, enclins à ire & malice, souillez de mauvaises pensées. Si finalement ils ne se resjouissent du mal de leur prochain. car ceux qui sont tels, sans doute ne sont aucunement conduits de l’esprit de Dieu : ains suivans choses contraires aux fruicts de charité, monstrent qu’ils sont veritablement destituez de l’esprit de Dieu. Il n’y a toutefois personne si nouveau, ignorant, ou vitieux, pourveu qu’il vueille devenir sage, & retourner à soy, qui ne puisse faire profict en ce livre par les plus simples exercices, en commencant par iceux, (comme sont les petits enfant [sic] par le laict) la voie de salut, jusques à ce qu’ayant mis les tres profond [sic] fondement [sic] d’humilité, & ayant aucunement mortifié ses vices & concupiscences, il puisse (comme il est tenu de faire) s’advancer és susdicts fruicts de charité, & oubliant les choses passées, s’apareiller & offrir aux exercices les plus sublimes de ce livre, & de plus en plus se rendre digne de sa vocation : de peur (ce qu’à Dieu ne plaise) que negligeant le talent qui luy a esté donné, il ne merite d’estre (ē 4 r°) vomy de la bouche de nostre Seigneur, d’estre en fin separé de la compagnie des Saincts, & en tres-grieves peines estre mis avec le serviteur paresseux : Dieu nous en vueille garder par la misericorde. Ainsi soit-il. (ē 4 v°)
  • Humble invocation du S. Esprit, pour acquerir ses dons, & obtenir la vertu de surmonter tous vices, laquelle on doit pratiquer ou exercer d’un esprit tranquille & humble. [ē 5 r°-Ì 4 r°][Veuve Guillaume de la Nouë, 1602]
  • À la fin de l’ouvrage, Table des matieres principales, et choses plus notables contenues en ce present livre. (FFF 3 r° - HHH 5 r°) [Veuve Guillaume de la Nouë, 1602]
  • À la fin de l’ouvrage, Approbation. [Veuve Guillaume de la Nouë, 1602]
    Nous soubsignez, Docteurs en Theologie en la Faculté de Paris, certifions avoir veu & leu les quatre livres de la Perle & Marguerite Evangelique, le tout selon la traduction Françoise, & n’y avoir trouvé chose aucune qui ne soit conforme à la doctrine de l’Eglise Catholique, Apostolique & Romaine, & pour l’edification & instruction de ceux qui desirent de plus en plus se perfectionner en la vie spirituelle : c’est pourquoy nous jugeons le tout pouvoir estre mis en lumiere. Faict ce 26. Novembre 1601.
    T. Gallot.
    I. Quatresols. (HHH 5 v°)
  • À la fin de l’ouvrage, Extraict du Privilege du Roy. [Veuve Guillaume de la Nouë, 1602]
    Par grace & privilege du Roy, il est permis à la Vefve Guillaume de la Nouë, Libraire juré en l’Université de Paris, de faire imprimer, vendre & distribuer ce present livre intitulé, La Perle Evangelique, Tresor incomparable de la sapience divine, divisé en quatre livres, traduict et mis de Latin en François par les Peres Religieux de la Chratreuse de nostre Dame de Vauvert lez Paris : & faict deffence à tous Libraires, Imprimeurs & autres de quelque estat, qualité ou condition qu’ils soient, d’imprimer ou faire imprimer ny exposer en vente ladite Perle Evangelique, jusques à six ans finis & accomplis, à compter du jour & datte qui sera parachevé d’imprimer, sur peine de confiscation de tous les exemplaires qui se trouveront imprimez au contraire, de tous despens dommages, interests, & d’amende arbitraire : & outre veut & entend ladicte Veufve, que mettant ce present Extraict de Privilege, il soit tenu pour deuëment signifié, comme plus amplement est porté par les lettres patentes données à Paris le 15. jour de Fevrier 1602. Et de nostre regne le douziesme.
    Par le Conseil, Signé, Goguier. Achevé d’imprimer le 16. Mars, 1602. (HHH 6 r°)
Topoï dans les péritextes
  • exemple de la vie du Christ
  • miroir
  • prairie remplie de fleurs
  • raccourci
  • viande mâchée

Ligne de temps

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Collection créée par Anne Réach-Ngô Collection créée le 26/01/2017 Dernière modification le 15/10/2023