Thresors de la Renaissance

Trésor des grandes richesses de l’Église


Auteur(s) : Blairye, Nicolas (de)

Généralités

Présentation générale de l'œuvreD’après l’Histoire littéraire de la ville d’Amiens, l’ouvrage "dédié à François le Febvre de Caumartin, évêque d’Amiens, contient vingt-et-un chapitres, qui regardent principalement les Sacremens, & 253 pages d’impression, sans l’épître dédicatoire & la préface, après laquelle on lit ce quatrain :
Veux-tu chrétien thésauriser ?
Vis saintement, ne m’escrois rien ;
Veux-tu ton nom éterniser ?
Prens ce tresor, garde-le bien.
L’auteur a tout tiré de l’écriture, des canons, des pères, & des théologiens ; son style est familier, l’ordre en est clair & aisé ; aussi la verité, ajoute-t-il, est simple & se contente de sa naïve beauté, sans farder ou plâtrer son visage. La gloire de Dieu, la destruction des hérésies, & la consolation des ames, sont "le blanc où il a visé". Il répond victorieusement aux objections des prétendus réformés, qu’il compare à la mouche cantharide qui tourne tout en venin. Dans le chapitre du mariage, il prouve que l’homme, chef de la femme par la loi de Dieu, l’est aussi par la nature, qui lui a donné de la barbe, & le rend chauve de bonne heure. Or, "la tête chauve, dont Synosius a fait l’éloge, est la plus propre pour gouverner : les deux premiers Apôtres, Jules César, Hippocrate, & les principaux savans n’avoient presque point de cheveux" et l’auteur nous apprend qu’ "une femme ne perd jamais les siens que par maladie". (p. 120-121).
Titre long de la première édition identifiée (ou autre édition)Le thresor des grandes richesses de l’Eglise. Et ce que doivent faire ceux qui les reçoivent, & les distribuent. Livre fort utile & plein de consolation pour toutes sortes de personnes, & ou les adversaires de l’Eglise doivent prendre occasion de se convertir, s’ils ne sont du tout desesperez (Jacques Hubault, 1618)
Information sur l'auteur ou les auteursBliarye, Nicolas de
Date de la première publication de l'œuvre1618

Transcription et analyse des péritextes

Transcription des péritextes de toutes les éditions
  • A Monseigneur le reverendissime François le Fevre de Caumartin Evesque d’Amiens. [Jacques Hubault, 1618]
    Monseigneur,
    Quand ces mois passez je voyois les visages de tous ceux de vostre Diocèse trempez de larmes, & que parmy le silence qu’ils commencoyent à me presser lors que je les voulois consoler, j’entre-entendois leurs souspirs & leurs sanglots, quand je les voyois tous oppressez de regrets, avec le poulmon haletant, l’action languissante, la voix defaillante, tout le sens émoussé, la raison esgarée, tesmoings des lamentables restreinctes qui leur pressoyent le cœur, à cause de la perte de leur sage, illustre & très-digne Prelat, je doutois tousjours en moy mesme, si je devois me taire ou parler, s’il faut parler (disois-je en moy-mesme) que diray-je ? Iray-je raconter la mort d’un grand Prelat, qui fera redoubler les pleurs & les souspirs de tant de personnes ? Ou bien me tairay-je ? Si je me tais, l’on dira de moy que j’ai peu d’affection à l’honneur, à la mémoire du grand Prélat Geoffroy de la Martonnie [note marginale : Anagrammes faits il y à plus de 40 ans, sur le nom de Geoffroy de la Martonnie.], les mérites duquel à long temps auparavant preveu un des premiers hommes de France, lequel a servy fidelement cinq grand Roys, en ce bel & admirable Anagramme, en monfortie garde la Foy, & en c’est autre Latin qui parle du mes- (ã 2 r°) me subject, Vir magnus fortis Deo [note marginale : Geofridus Martonius] : Il est raisonnable de parler, pensois-je en moy-mesme, le mal est trop violent pour ne le sentir point, la douleur est trop profonde pour la taire, la blessure trop grande pour la cacher, & la perte trop signalée pour m’empescher de la plaindre, puis que tout l’Evesché, puis que toutes les villes & villages, puis que tout le Clergé, puis que toute la Noblesse de ces quartiers, puis que tout le peuple n’est qu’un œil plein de larmes, une bouche pleine de souspirs & qu’un cœur plein de regrets, ainsi me suis-je laissé aller souvent, & souvent en plusieurs compagnies privées & publiques, ay-je parlé d’un tel Prélat, ainsi plusieurs fois ay-je tiré les chaudes larmes de plusieurs, lorsque ne me pouvant contraindre je disois que les bons serviteurs avoyent perdu leur bon maistre, les oüailles leur bon Pasteur, les pauvres leur Pere commun, & l’Eglise d’Amiens estoit toute ternie privée de son lustre & de sa beauté : [Note marginale : Les vertus de feu Monsieur de la Martonnie Evesque d’Amiens.] ce Prelat avoit une bonté & douceur naturelle, qui gagnoit & ravissoit les cœurs de tous, jamais que je sçache, personne ne sortist d’avec luy qu’en louant Dieu & admirant ce Prelat : Il avoit les vertus que S. Paul requiert en un Pasteur, la sobrieté, n’usant du vin, ny des viandes que pour sa grande necessité, Nonius Marcellus à bien Dict que sobrius estoit dict qualisebrius [Note marginale : A Tite 1 chap.], c’est à dire separatus à vino, & estoit tellement ennemy de l’yvrongnerie qu’il disoit souvent qu’il aimoit bien mieux voir & converser avec des personnes qui avoyent faim & soif, qu’avec des hommes yvres & remplis de viandes, quiconque, disoit ce Prélat, veut estre sobre qu’il considere les gestes des honnestes des yvrongnes, qu’il croye que la vigne porte trois espèces de grappe, comme disoit Anacharsis Scytha [Note marginale : Selon Plutar. in institutis la. con. & Dionis. Laer. l.I. chap. I.] la premiere de volupté, la seconde d’yvrongnerie, & la troisiesme de douleur : Mais il avoit principalement la vertu tant recommandable aux Evesques, le mespris du monde & des richesses du monde, estant mort pauvre, enquoy il s’est monstré semblable à un nombre presque infiny d’excellens Pasteurs qui jouyssent à present de Dieu : Il disoit comme Caton l’ancien (ã 2 v°), qu’il avoit indigence de beaucoup de choses, mais qu’il ne desiroit rien, & avec le mesme Caton, s’il avoit chose de laquelle il fallait user, qu’il en usoit, & s’il en estoit privé, qu’il usoit de soy-mesme en se consolant, & quand on luy reprochoit qu’il avoit penurie de plusieurs choses, luy mesme reprochoit à ceux-là qu’ils ne sçavoyent endurer l’indigence, il imitoit S. Paul, lequel crioit tout haut qu’il enduroit aisément la pauvreté, & qu’il ne se mescognust jamais par la grande abondance.
    Le nombre septenaire est remarquable, lequel signifie perfection & université, comme il se void au 2. chapitre de ce livre, il a esté le 70. Evesques d’Amiens, car le nombre de sept multiplié dix fois, faict 70. [Note marginale : Ce que signifie le nombre de sept, et combien il y a eu d’Evesques à Amyens.] Il a vescu en son Pontificat 40. ans, qui est le nombre de penitence, dict S. Hierosme livre 9. sur Ezechiel chap. 19. Le deluge durast 40. jours, le peuple demeurast quarante ans au desert, quarante jours furent donnez aux Ninivites pour faire penitence & pour appaiser l’ire de Dieu, quarante jours le Goliath Philistim bravoit le peuple de Dieu par reproches & rodemontades, mais le quarantiesme jour après, le petit David le mist jus, & luy osta la teste de dessus les espaules. Ce grand Prelat ayant passé l’an 40. de son Pontificat en peines & travaux à instruire & catechiser son peuple, à la recharche [sic] des premiers hommes de la France, pour tonner en sa Chaire contre les vices & les heresies, attendant l’an 50. de son Pontificat qu’il esperoit l’an du Jubilè [Note marginale : Combien d’années il a esté Evesque.] & auquel an il desiroit aller au Ciel, pour recevoir la solde de la recompense, ayant entendu que le S. Pere Paul V. avoit envoyé une pleniere Indulgence, un Jubilé pour toute la Chrestienté, desirant le recevoir bien tost en son Evesché pour en jouyr bien tost, il le reçeust en fin, & estant tombé malade, priast Dieu avec ferveur luy faire la grâce de jouyr d’un si grand bien, Dieu luy accordast sa requeste, [Note marginale : Comme il est mort de la mort des justes.] il fist une confession generale de toute sa vie, avec de grands actes de contrition, il reçeut le corps de Jesus-Christ avec une grande humilité, acceptast fort volontiers ce (ã 3 r°) qu’un docte & sçavant homme qu’il esleut pour Confesseur luy enjoignist, ne pouvant faire à raison de sa grande maladie ce qui estoit porté par le Jubilé, rendist incontinent apres son ame à Dieu, l’an 74. de Pontificat luy a esté reputée pour l’année 50 [Note marginale : En qu’elle année de son aage il est mort.]. Qui estoit l’année du Jubilé parmy les anciens Hebrieux, comme il se list aux chap. 25. & 27. du Levit. & au dernier chap. des nombres, & comme en ceste année 50. du Jubilé parmy les Hebrieux [Note marginale : Ce qui se passoit en l’année Jubilé.], tous les labeurs de l’Agriculture cessoyent, car lors on ne labouroit pas, on ne faisoit pas la moisson, mais chacun vivoit des fruicts & de la recolte de l’année de devant, laquelle Dieu rendoit tres-fertille, & laquelle année il faisoit comme triple, & qui servoit pour trois autres années, pour l’année en laquelle se faisoit la recolte, pour l’année du Jubilé, & pour la suivante, les immeubles vendus, les terres & les maisons se rendoyent à leur premiers maistres, & les pauvres serviteurs rentroyent en liberté : De mesme en cest an du Jubilé il est raisonnable de penser que tous les grands travaux de ce digne Prelat ont cessez, & à commencé de jouyr des fruicts de ses labeurs, a reçeu la recompense de sa foy, de sa grande esperance & de l’amour envers son Dieu, le Ciel d’où il avoit esté autres-fois chassé, luy a esté rendu, & est rentré en une douce & aggreable liberté, son corps est demeuré ça bas attendant la reunion à son ame, & a esté honnoré du plus beau convoy que l’on visa jamais en ces quartiers que je sçache, je pourrois comparer & sans contredict ses pompes funebres à celles des grands Prelats, [Note marginale : La solennité des pompes funebres de l’Evesque deffunct.] qui ont servy de flambeau à l’Eglise de Dieu, mais je m’en deporte craignant d’estre accusé de flaterie, vice que j’abhorre comme la peste : Tite Live & Plutarque rapportent que Brutus ayant chassé de Rome les Tarquins & les Tyrans, ayant faict mille belles choses pour le public fust en fin mal [Note marginale : Mort de Brutus.] - heureusement tué par un sien cousin, le Senat receut le corps massacré avec triomphe solennel, porté sur les espaules des plus Nobles [Note marginale : Pompes funebres de Brutus.], & fust faite dans Rome en ses obseques une oraison funebre, qui fust la premiere (ã 3 v°) jamais faicte dans Rome, & fust enjoinct aux Matrones Romaines de porter le deuil un an durant, qui estoie le terme prefix par Numa Pompilius. Ce grand Prelat ayant banny les vices & les heresies de plusieurs lieux de son Evesché, & ayant servy d’exemple à tous est mort, non d’une mort violente, & tous les Estats de la ville ont reçeu son corps, si j’ose ainsi dire avec quelque forme de triomphe, porté sur les espaules des venerables Chanoines & dignitez de son Eglise, le sermon ordinaire cessat, & fut faicte contre la coustume le Sermon funebre, ou se trouvast une grande assemblée d’Ecclesiastiques, de Nobles, de Justiciers & Magistrats, & de toutes sortes de personnes, & chacun fondant en larmes protestat de porter un deuil non d’un an, mais à jamais, criant tout haut que le marbre, le bronze & l’airain se consomment à l’air, ou se rongent par la rouille, mais la memoire du bon Evesque Geoffroy vivra eternellement.
    Et continuroyent encores ces larmes & sanglots, n’eust esté la joye que tous conçeurent sçachants au vray que sa saincteté à l’instance de sa Majesté vous envoyoit icy pour succeder à leur Evesque : Je le dis, & il est vray, la joye de vostre advenement à l’Evesché a esté si grande, qu’à peine la pourray-je bien exprimer, il est bien raisonnable de le penser ainsi, d’autant qu’en la maison de Dieu la mesure de consolation est de mesme que la mesure de tristesse comme dict le Prophete Royal David [Note marginale : Au Psal. 93. la mesure de consolation est de mesme que celle de tristesse.], & comme il arrive quand le Soleil s’est retiré, que tous les oyseaux sont tristes, & cessent de chanter & gazoüiller se cachants dans leur nids, les hiboux, les chauves-souris, les harpies volent, mais le Soleil faisant paroistre sa belle face, tous les oyseaux retournent & se resjouyssent plus qu’auparavant : De mesmes le Soleil de cest Evesché [Note marginale : Belle similitude.] s’estant caché, tous les gens de bien s’attristoyent, & les meschants qui se resjoüyssent parmy le trouble obscur, se donnoyent du bon temps, mais sa saincteté nous renvoyant un beau & clair Soleil, les meschants ont esté confus, & les bons ont reprins leur premiere joye : Ny plus ny moins que le Pasteur qui est en la montagne pour (ã 4 r°) les troupeaux, quand le Ciel vient à se troubler, quand les vents soufflent de tous costez, que la poudre qui s’esleve obscursist l’air, les esclairs se voyent, le tonnerre s’entend horriblement, & la pluye tombe en abondance, ce pauvre Pasteur se jecte en quelque creux de la terre, les troupeaux s’esgarent qui çà qui là consument en milles endroicts, mais la serenité du temps retournée, revient le Pasteur, va deça delà, crie, appelle & ramasse tous les troupeaux, qui lors prennent un singulier plaisir à la pasture : Ainsi est-il arrivé à tous ceux de ce Diocese grands & petits Pasteurs & autres, [Note marginale : Oeuvre de Dieu quand le troupeau se resjouis de la venuë de son Pasteurs.] lesquelz errants & esgarez pour leur affliction & pour la perte de leur Prelat, vous voyants de present, retournent à la pasture ordinaire, à laquelle ils prennent un merveilleux contentement, & c’est un œuvre de Dieu (Monseigneur) quand le troupeau se resjouit en Dieu de la venuë de son Prelat, qui est celuy qui souvent se presente à Dieu pour luy, qui est le courrier qui diligente son affaire, qui est le baston pour l’appuyer, & la colombe qui doit apporter le rameau d’olive, c’est à dire la paix d’en haut, & la misericorde de Dieu. [Note marginale : Que faict le bon Prelat.]
    Et qu’elle plus grande occasion de resjouyssance, nous sçauroit il arriver, que de voir & d’avoir un Evesque si capable, [Note marginale : Grande loüange du Pasteur.] doüé de science & conscience, & lequel a esté si bien reçeu de sa saincteté, que d’estre estimé pour son aage un des premiers Prelats de la France ? que d’avoir un Pasteur qui vient d’un si sage pere, lequel a prins naissance & sa premiere nourriture en la capitale de c’est Evesché, qui est du milieu de nos freres, & lequel à si fidellement servy tant de nos Roys ?
    Il est vray je le sçay bien qu’Aristote deffend de faire les jeunes hommes chefs des compagnies, d’autant que leur conseil est suspect, je sçay que Solon deffend de recevoir les jeunes hommes à la Republique, mais la prudence & le grand sçavoir, & la probité de vie ne se mesurent pas à l’aage. [Note marginale : Les jeunes hommes ne sont capables de commander. Mais la prudence ne se doit mesurer à l’aage.] Cesar a faict assez cognoistre la verité de ce que je dis, Scipion l’Africain osast en ses jeunes ans demander la dignité Ædiliciale, & respon- (ã 4 v°) dict lors qu’on luy objectat qu’il estoit trop jeune, qu’il avoit de l’aage assez pour faire quelque chose de grand, si le Senat le vouloit dispenser, comme il le fist bien cognoistre, tant & tant d’autres parmy les Romains & nos François en toutes sortes d’Etats, ont bien monstrez que les beaux exploicts qui procedent des grands Esprits, ne se mesurent pas à l’aage, Jeremie fort jeune fust ordonné de nostre Dieu pour planter, arracher, & dissiper, le petit Daniel fust esleu Juge en sa jeunesse, le petit-grand Roy Josias en sa jeunesse fist des actes signalés & dignes d’éternelle memoire, [Note marginale : Loüange de S. Firmin le Martyr.] le premier Evesque d’Amiens & lequel a enrichy ce siege Episcopal de son sang, S. Firmin a bien monstré en sa jeunesse que les jeunes hommes peuvent beaucoup quand il plaist à Dieu leur departir ses graces, quand à l’ange de dix-sept ans il preschoit si doctement, & quand quelques années apres il fust faict Evesque, vray est que le S.Pere doit cognoistre ces jeunes Esprits, comme il a faict le vostre, devant que dispenser de l’aage requis par les Saints-Canons. [Note marginale : C’est au Pape à voir premier que dispenser.]
    Nous essuyons donc nos larmes (Monseigneur) pour vous recevoir avec une face gaye, nous avons mis fin à toute les pompes funebres pour vous bienveigner, car ce seroit chose messeante d’aller au devant de son Evesque avec les pleurs & la tristesse au cœur & au visage, [Note marginale : Pourquoi deffendu au grand Prestre de se trouver aux pompes funebres.] je sçay qu’il estoit deffendu au grand Prestre de la loy Mosaïque de se trouver aux pompes funebres craignant qu’il ne vint à pleurer, à cause qu’il representoit Dieu, qui est sans passion, ainsi avons nous cachez toutes nos actions funebres craignant de vous apporter quelque subject de douleur & de tristesse, qui desires approcher de Dieu, & vous conformer à sa divine volonté sans monstrer aucun desreglement d’esprit.
    Mais (Monseigneur) je me persuade aisément que vous escouterez paisiblement les plainctes & les regrets de tant de Nobles combatans en l’Eglise de Dieu, [Note marginale : Les justes plainctes des Saincts et grands personnages.] nostre Dieu les a escouté autres fois, & j’ose dire avec plaisir, pour y remedier luy qui est l’auteur du salut des hommes & du repos de son Eglise : Ces plainctes (ã 5 r°) & ces regrets ne cesseront jamais, devoir croistre ainsi l’Europe, qui semble offusquer & perdre le fruict de la bonne semence, le champ de l’Eglise reçoit & a reçeu tousjours la bonne semence, il rapporte neantmoins la zizanie, d’où vient cela ? ce doute a faire estonner toutes les creatures Celestes & les hommes qui sont çà bas [Note marginale : Doute qui à estonné toutes les creatures.], l’Eglise est le champ de Dieu. Dieu est le semeur de ce champ, il y a semé de bonne semence, & n’en peut semer d’autre, & toutefois ce champ est tout plein d’yvroye, ô heureux champ (disent les Anges) d’avoir un si sage semeur, mais mal-heureux & infortuné de ce qu’il rend tant de zizanie. L’on s’esmerveille & justement, dequoy David qui estoit juste, qu’il disoit, Non habitabit in medio domus meae qui facit superbiam, a eu de si meschants enfans [Note marginale : Objections.], Amnon & Absalon, l’un incestueux qui violast sa sœur, & l’autre parricide qui voulust oster la Couronne à son pere, dequoy Ezechias qui a faict la guerre au peché, & a ruiné tous les Idoles, & lequel a mesme osté le serpent d’aide Dieu, pour la crainte qu’il avoit qu’il ne fust occasion d’idolâtrer, a eu un si meschant fils Manasses, lequel mist & plantast les Idoles sur l’Autel du Dieu vivant : La responce est facile, ces Roys quoy qu’ils fussent Saincts [Note marginale : Responce à toutes telles objections.], n’estiment toutefois tous puissants, & ainsi beaucoup de choses arrivoyent contre leur volonté. Mais Dieu qui est tout bon, tout puissant, qui hait l’hérésie & le peché, qui a semé depuis le commencement du monde, & continuê tousjours de semer de bonne semence, void contre se volonté l’hérésie & le peché, c’est un doute difficile à soudre [Note marginale : le peché est contre les lois.], Jesus-Christ est mort pour oster le peché & l’infidelité du monde, & le peché regne encores, & l’heresie paroist encores : Le peché est du tout contre la loy divine, contre la loi humaine, contre la loi civile, contre l’Evangile, contre la Philosophie, il est hay d’un chacun, contre le peché est la grace, contre le peché sont les Sacrements, & tous les grands thresors de l’Eglise, faire le peché c’est faire son Dieu du peché, c’est chasser Dieu & en vouloir mettre un autre à sa poste, chose qui ne se peut (ã 5 v°) faire, pecher c’est bastre & fustiger encores Jesus-Christ, c’est le fouler aux pieds, c’est le crucifier de rechef, si le peché est chose si honteuse & si monstrueuse, comment regne il encores ?
    S’il faut parler avec l’hérétique, il est aisé de luy apporter une grande confusion sur le front, Dieu a voulu donner à l’homme la foy, pour captiver son Esprit, & croire tous les mysteres, & le superbe heretique n’en veut rien faire, la foy (dict. S. Augustin) doit preceder l’intellect comme dict Esaye 7. chap. Nisi credideruins non intelligents. [Note marginale : S. Aug. Serm. 4. de verbis Domimi.].
    Tous les Peres anciens n’ont nullement faict estat des raisons, quand il a esté question de la Religion & de mysteres de la foy, d’autant que la foy surmonte tellement les raisons naturelles, qu’elles ne la peuvent atteindre, ny comprendre, la foy propose les choses qui ne se voyent pas [Note marginale : La raison doit céder à la foy.], mais qui sont obscures & cachées du tout, soit qu’on les veuille entendre par la façon de faire de l’intellect humain, soit que l’on consulte les sens, & S. Ambroise chasse tous les arguments humains, quand il faut croire, la dialectique (dict-il) s’apprend aux escholes, elle ne dict mot devant la foy, il faut croire aux pescheurs & non aux Dialecticiens, & le superbe animal heretique ne veut toutesfois croire, il veut tousjours ergoter & disputer [Note marginale : S. Ambr. I. de la Trinité. L’antiquité s’est arrestée au jugement de l’Eglise.] : Toute la sage antiquité s’est tousjours arrestée au jugement de l’Eglise, & l’hérétique rebutte ce jugement de l’Eglise, Jesus-Christ le grand Maistre a dict en S. Matth. 18. de celuy qui n’escoute l’Eglise, qu’il n’en faut faire non plus d’estat que d’un Payen, & l’hérétique se mocque de l’Eglise, chose prodigieuse, S. Cyprian dict que ceux ne peuvent demeurer avec Dieu [Note marginale : Au I. de simpl. Prelat,], qui ne veuillent demeurer unanimes en l’Eglise, & quoy qu’ils endurent (dict-il) cela ne leur profitera de rien, S. Aug. au livre de l’unité de l’Eglise chap. 16. parle en ceste façon, personne ne parvient au salut & à la vie eternelle, s’il n’a Jesus-Christ pour chef, or personne ne pourra avoir Jesus-Christ pour chef, s’il ne demeure au corps de Jesus-Christ qui est l’Eglise, & le mesme au livre 2. Çontre Parmenian chap. 3. Ce que sont les hereti- (ã 6 r°) ques hors de l’unité de l’Eglise, quoy qu’ils le sache diligemment & prudemment, cela ne leur servira de rien contre le courroux de Dieu, & le mesme au livre des mœurs de l’Eglise chap. 31. & au livre 2. contre Julian rapporte beaucoup de belles & graves choses à ce subject [Note marginale : L’heretique s’oppose à toute l’Eglise.], l’heretique neantmoins se mocque de l’Eglise : Tout le monde, les Roys, les Monarques, tous les peuples se sont reglez au jugement de l’Eglise & des Peres anciens, & l’heretique s’en rist, chose digne de larmes de sang : Luther sur la fin de sa vie escrivit un livre contre la foy universelle de toute l’Eglise, il donna pour titre à ce livre De servo arbitrio, il dict là que tous les Peres n’ont veu goutte, quand ils ont creu le franc arbitre [Note marginale : Impudence des hérétiques. Cal. l. 3. de son instit. c. 3. n. 10. c. e. liv. 4. c. 4.], qu’ils n’ont jamais entendu les Sainctes Escritures & qu’ils ont lourdement faillys, & s’ils ne se sont repentis devant la mort qu’ils ne les faut estimer saincts : Calvin rejecte tous les Saincts Peres anciens, toute l’Eglise ancienne, & franchist le saut disant, qu’ils ont tous faillys, le mesme se faict plus docte & luy & les siens que S. Augustin, le mesme se moque de toute l’antiquité, il l’accuse de peché & d’ignorance, Jesus-Christ veut une chose, l’Eglise commande une chose, l’heretique en veut une autre, Jesus-Christ commande de croire ce que l’Eglise croit, l’heretique demande comment cela se peut faire.
    Le sacré texte en S. Matth. 13. soud toute la difficulté disant que Inimicus homo hoc fecit que l’homme ennemy est cause de tous ces grands mal-heurs [Note marginale : Responce a tous ces doutes du peché et de l’hérésie.], que l’homme ennemy a sursemé la zizanie, c’est à dire les pêchez & les heresies, Dieu est autheur & la source de tout bien, la malice est contre la volonté de Dieu, bien souvent Dieu qui la pourroit empescher, la permet justement : L’homme ennemy est celuy qui est appellé par S. Matthieu au mesme chapitre meschant absolument, & par les autres Evangelistes, diable Sathan, lequel ennemy de tout bien, a semé le premier la zizanie dans le Ciel entre les Anges, & lequel continue tousjours de jecter l’yvroye & la mauvaise semé ce parmy le champ & le bon grain de l’Eglise, c’est vrayement l’ennemi, d’autant qu’il à la volonté du tout (ã 6 v°) contraire à Dieu & au bien, vrayement nostre ennemy d’autant qu’il demande nostre ruine nostre perte : Il est appellé homme, d’autant que lors qu’il tente l’homme, il se transforme aux affections humaines pour tromper plus aisément, de c’est homme ennemy parle David [Note marginale : Au Psal. 139. et au Psal. 9.], Eripe me domine ab homine malo, à viro iniquo eripe me, & le mesme, Exurge Domine non confortetur homo, & c’est homme ennemy n’a garde de venir en sa propre forme, car aussi tost on le fuiroit comme l’Enfer, mais il vient avec le vestement de brebis, luy qui est un loup ravissant, il vient de nuict, il vient en cachette, c’est qu’il faict ce qu’il desire par l’entremise d’autrui pour cacher sa tromperie, l’homme ennemy en fin cause le peché en la volonté [Note marginale : L’homme ennemy cause le peché en la volonté.], & l’erreur en l’entendement, toutes ces miseres ne procedent d’ailleurs que du desreglement de la volonté, de laquelle quand l’homme ennemy, qui la peut solliciter & non forcer, s’est une fois emparée, la pousse, la tente, l’esbransle à tant & tant de vices, qu’elle y consent en fin, la volonté de vray est aveugle d’elle mesme, & ne peut rien faire, si elle n’est conduicte de l’entendement, estant l’entendement celuy qui luy sert de flambeau, mais estant depravée & ne voulant obeyr au bransle de la volonté divine, elle corrompt facilement l’entendement, & aveugle qu’elle est se jectant au precipice, y attire quand & foy l’entendement : Les causes sont causes les unes aux autres (disent les Philosophes) les causes s’entre-aydent, l’entendement illustré de la lumière de la verité, conduict la volonté aveugle, la volonté aussi bien conduicte par l’entendement [Note marginale : Il est bon d’avoir la volonté bien réglée pour l’entendement.], ne permet point que l’entendement se laisse porte à chose fausse, ains l’attire à soy & le contrainct de porter tesmoignage de ses mœurs, il est donc bien necessaire d’avoir, la volonté bien reglée, à ce qu’elle contraigne & captive l’entendement, & de là viennent toutes les vertus & tous les pechez des hommes, de là procedent toutes leurs bonnes & mauvaises opinions.
    Contre les pechez & les heresies (Monseigneur) les serviteurs de Dieu & les vostres, ont tousjours crié & criront tousjours contre [Note marginale : Faut crier contre les heresies & pechez.], c’est le comman- (ã 7 r°) dement que j’ay reçeu de Monseigneur vostre predecesseur, depuis 21. ans que j’ay l’honneur le moindre de tous mes freres de porter le poisant fardeau de la parolle de Dieu en vostre Diocese, contre les pechez & les heresies escriront tousjours, prescheront tousjours ceux que cherissent & ayment les grands & doctes Prelats qui vous ressemblent : Pour perdre quelques pechez qui restent, depuis quelques années ay mis au jour un petit livre, au quel sont estalez trois tableaux pour le salut des ames, petit livre de vray, mais utile à beaucoup de personnes de quelque genre de vie qu’ils soyent, chose que j’ay faict à dessein, pour la craincte que j’avais que les pechez qui sont là touchez n’eussent assaillyes quelques-uns, livre qui a esté assez bien reçeu par vostre troupeau, & duquel se sont servis plusieurs pour la délivrance de leurs ames, la gloire en soit à Dieu.
    Pour faire cognoistre voire aux plus simples l’ignorance ou la malice des heretiques, ayant ces mois passez joüy d’un peu de relasche, j’ay à la faveur divine veu & consideré le riche Thresor des grandes richesses que Jesus-Christ nous a donné [Note marginale : L’occasion de l’Autheur à dresser ce petit livre.], lequel aussi tost ay reserré dans le cabinet de ce petit livre, pour estre veu des bons Catholiques, & aussi des hérétiques, qui n’ont tout perdu, & ausquelz il reste encore quelque ressentiment de douleur en une si notable perte qu’ils ont faicte, le blanc ou j’ay visé c’est la gloire de Dieu & la consolation des ames, tout ce qui est là dedans est tiré de la Saincte Escriture, des Saincts Canons de la Sacrée Theologie, & des Peres anciens des cinq cents premieres années [Note marginale : La sincere intention del’Autheur], je ne me suis estudié à la recharche & au triage des belles parolles, mon stile est familier & pour l’utilité & le bien des bons & des simples, aussi la verité est elle simple, & se contente de sa naïfve beauté sans farder ou plastrer son visage, l’ordre que je garde est clair & aisé, & verra aussi tost le lecteur ce qu’il voudra, soit au nombre septénaire, c’est à dire en l’université ou perfection des richesses de l’Eglise [Note marginale : La facilité du livre.], soit aux autres poincts qui y sont traictez pour la consolation des ames Catholiques, & pour la confusion des ames impenitentes, rebelles & huguenottes. (ã 7 v°)
    Mais à qui eusse-je peu plustost présenter ce Thresor sinon à vous (Monseigneur) que le S. Pere & le Roy ont envoyez pour estre le fidelle gardien de ce que Jesus-Christ nous a acquis au prix de son sang [Pourquoy le livre est dedié à un Prelat du quel chacun espère tout bien.], de la foy, de l’Eglise, des richesses qui y sont, de toutes nos ames, lesquelles auront en fin ce apres quoy elles languissoyent ?
    Nous esperons que par vostre moyen & saincte vigilance Dieu sera honnoré, les saincts decrets de l’Eglise inviolablement gardez [Note marginale : Le Concile de Basle tenu l’an 1411 en plusieurs lieux.], que les Ecclésiastiques seront le deu de leur charge, que les Chanoines assisteront à qui mieux mieux aux heures en l’Eglise Cathedralle, comme ils sont tenus, faire sur peine de peché mortel, & de restitution de fruicts, ainsi que les Saincts Canons le commandent, & les Docteurs resoudent : Que tous les Curez & autres beneficiers qui ont charges d’ames resideront actuellement en leurs benefices [Note marginale : Le Concile de Trente ses. 24. ch. 12.], comme le droict divin & humain le commandent [De Rheims ch. 21 Sainct Paul 2. à Ti. 2.], & comme les Docteurs tiennent que ceux qui ne resident pechent grandement, comme pechent aussi ceux qui negligent de les faire resider, & aussi ceux qui les employent & les retiennent pour tousjours sans causes legitimes : Vous sçaves (Monseigneur) les causes qui excusent de residence pour quelque temps : Hélas souvent j’ay veu [Note marginale : Au l. 3. des decrets c. 6.], & Je dis avec les chaudes larmes que les pauvres oüailles sont venuës pleurer & se jecter aux pieds de vostre predecesseur, pour leur donner un Curé, ou pour contraindre celuy qui en recevoit la laine & le profict sans aucun travail [En S. Jean 10. et 21. I. aux Corinth. 15.], de leur venir donner la pasture, ou pour venir à la recousse de plusieurs que les loups avoy et ravies, chose qui tiroit souvent les larmes à ce bon Prelat : Chacun attend de vous de bons & doctes Pasteurs, qui ne soyent subjects à la reproche que Dieu leur faict par la bouche d’Ezechiel chap. 34. [Note marginale : S. Tho. 2.2. q. 100. a. I.2.3.4.5.6. En S. Matt. 10. au Dec. I. q. I. et au liv. 5. des decret. ff. De rej udi - (ã 8 r°) cata 1. sacra loca. ff. de contrah. empt.] & lesquels ne recharchent pas les biens & commoditez temporelles du troupeau, ains leur salut, leur bien spirituel, S. Paul 2. Corinth. 2.
    Nous avons la croyance que bannirez du tout les Simoniaques, Giezistes, confidentaires ou custodinos, lesquels sont contre la loy naturelle, contre la loy (ã 8 r°) divine, contre la loy Ecclésiastique, & humaine, contre la loy civile, & lesquels comme il se void au decret 2. pa. cause 1 q. 1. chap. fertur, quand ils prient, ils provoquent l’ire de Dieu, & que ne permetterez jamais à pas un de vostre Diocese d’avoir plusieurs benefices incompatibles sans cause raisonnable, car lors un seul occupe la place de plusieurs, & le dire de S. Paul est vray 1, Corinth. 11. qu’alors l’un est yvre, & l’autre meurt de faim, & telle pluralité est injuste & contre l’egalité de la justice distributive, & la dispense du Pape sans cause raisonnable n’excuse de peché mortel, d’autant que telle dispense du Pape tombe sur le droict positif non sur le droict divin, ou sur le peché mortel, or la pluralité des benefices sans juste cause est contre le droict divin [Note marginale : Cajetain in verso beneficiú.], & est peché mortel, par le droict divin les biens de l’Eglise doivent estre justement distribuez aux membres & parties d’icelles : Nous esperons que couperez broche à une pernicieuse practique de promettre les Benefices à telz & telz, quand ils viendront à vacquer per Orbitum, & que ne donnerez aucun benefice devant la mort, auquel abus qui est de procurer ou desirer la mort aux beneficiers le Concile de Trente [Note marginale : sess. 24. ch. 19.] a sagement pourveu renouvellant & ratifiant la deffence qui en avoit esté faicte au passé par Boniface VIII. & que refuserez constamment à ceux qui sont trop importuns, & que ferez la mesme responce que fist le Roy Archelaus, auquel quand quelque indiscret luy eust demandé importunément un certain pot d’or, il commanda à un page de prendre le pot & le donner de sa part à un homme de bien appellé Euripides [Note marginale : Les Evesques pères des pauvres cela void 2. pa. dec. can. 12. q. i. S. Paul I, a, Tim. 3. Et à Tite I.], & comme c’est importun s’en fust fasché, le Roy dict, mon amy tu és digne de demander, mais Euripides est digne de recevoir quoy qu’il ne demande rien : Dieu vous face la grace de donner aux bons & Doctes qui ne demandent rien, lesquelz s’ils desirent de l’argent c’est pour donner aux pauvres : Nous croyons que serez le pere des pauvres, car les Evesques sont les vrays peres des pauvres, l’Evesques d’Ephese est fort aigrement reprins en l’Apoc. 2. pour avoir tant soit peu esté négligent envers les pauvres, les portes du Sainct (ã 8 v°) des Saints estoyent de bois d’Olives, au 3. des Roys 6. ces portes du Sainct des Saincts signifient les grands Prelats, par le moyen desquelz, comme par les portes, les hommes entrent au Ciel, & doivent estre de bois d’olives, c’est qu’ils doivent estre les vrayes & asseurées portes de misericorde & de compassion, qui est denotée par l’olive : Et presque tousjours les Hospitaux ou sont les pauvres se trouvent edifiez prez les maisons des Evesques : C’est l’honneur des Evesques d’être appelés peres des pauvres, amis des pauvres, s’ils viennent à les negliger, ils perdent ce beau titre : Comme deux grands amys se furent presentez devant Theophraste, & que ses Disciples les luy eurent dict, que ces deux hommes estoyent grands amys (respondist Theoph.) pourquoy l’un est-il pauvre & l’autre riche ? Voulant dire que la vraye amitié ne pouvoit estre entre ces deux hommes, veu que les richesses de l’un n’aydoyent la pauvreté de l’autre, car entre les bons Peres & les bons enfans, entre les vrays amys toutes choses doivent estre communes. Nous nous resjouyssons quand nous commençons à croire que les flateurs seront chassez bien loin de vous [Note marginale : Les flatteurs perdent les grands.], car telles manieres de gens perdent du tout les grands, les flateurs sont comparez au miroir qui représente la personne tout au rebours, si la personne regarde le miroir du costé de l’Orient, il là sera regarder du costé de l’Occident : Les flateurs de Ptolomée appelloyent ses superstitions, grandes devotions : Les flateurs de Marc Anthoine appelloyent ses vilaines delicatesses [Note marginale : Les Evesques ont de grandes affaires], gentillesses de Prince : Ils se transforment en la volonté des grands, comme faisoyent les Courtisans d’Alexandre, lesquelz dissimuloyent ses vices, & disoyent luy ressembler du tout en ce qui estoit du corps & de l’esprit. J’ai esté plus long que je ne pensois, & ay empesché vos grandes & serieuses occupations [Note marginale : S. Aug. I, de oser. Monach.], car je sçay tres-bien que les Evesques sont occupez en choses grandes & graves, vous pardonnerez (Monseigneur) à celuy qui n’a peu se contenir pour sa grande joye, de parler si familierement avec son Prelat [Note marginale : Cause pourquoy l’Exister est longue.], j’ay faict comme celuy qui apres une grande tristesse rencontrant un subject qui le peut consoler, comme (ē 1 r°) oublieux de luy mesme, se transporte pour la joye qu’il resent : Et puis qu’il a pleu à sa saincteté & à sa Majesté vous envoyer icy pour le gouvernement de noz ames, nous vous promettons (je parle pour tous, & au nom de tous) une souple obeyssance & grande fidelité : Les anciens ont faict si grand estat de la fidelité qu’ils l’ont estimée une Deesse, & Numa Pompilius au rapport de Tite Live, commanda aux Prestres quand ils sacrifiroyent à la fidelité, d’avoir la main droicte couverte d’un voile blanc, pour dire qu’il faut garder la foy promise avec une grande sincerité, & consacroyent la main droicte à la fidelité, pour monstrer qu’il faut tenir sa promesse : & prirons le Prince des Pasteurs (comme parle S. Pierre) qu’il vous donne [Note marginale : I. Pet. 5.], apres que vous aurez gouverné de tres-longues années le troupeau qui vous est donné en charge, & que vous aurez accomply par douze fois, qui est aussi un nombre de perfection & d’université [Note marginale : Du nombre de 12. la glose Rich. a. S. Vict. Ruper.], le nombre septenaire de vostre aage, la Couronne de gloire, laquelle selon S. Augustin au livre unique De agone Christiano, monstre par sa figure ronde l’eternité, & se donne à celuy qui a combatu courageusement contre le monde trompeur, contre les caresses flateuses de la chair, & contre les diables nos ennemis jurez, & quand à moy j’auray la faveur du Ciel de continuer mes vœux & mes prieres pour vous, à ce qu’il vous comble de ses sainctes graces & Benedictions pour le bien de tout ce pays, qui suis & seray jusques au tombeau,
    Monseigneur
    Vostre très-humble & tres-affectionné serviteur,
    N. De Blairye. (ē 1 v°)
  • Preface au lecteur. [Jacques Hubault, 1618]
    Amy Lecteur, je me persuade aisément que tu trouveras estrange à la façon de tous les bons & les sçavants, qu’ils se trouvent encores en ce siecle de fer des heretiques, veu que les poincts ne furent jamais si bien expliquez & esclaircis [Note marginale : Façon de l’heresie], mais quoy c’est la façon de l’heresie de dissimuler, & ne voir goutte en plain midy, & parmy la plus grande lumiere [Note marginale : Heretiques comparez aux Soldats de Zenoph.], les heretiques sont semblables aux Soldats de Zenophanes, lesquelz ayants passez par les neiges devindrent quasi tous aveugles, ils ont veu tant & tant de fois, & si long temps la lumiere de la verité, & la blancheur & netteté des poincts ausquelz ils contrarient opiniastrement, que ceste grande lumiere leur a apporté un aveuglement, comme il arrive souvent à certains qui perdent la veuë à cause d’une excessive lumiere qui dissipe les esprits, & les prive de voir jamais ce bel astre du Soleil : Les heretiques sont comparez aux prisonniers que tenoit Denys Tyran de Sicile, lesquels il aveugloit en ceste sorte, c’est que les ayant enfermez dans un cachot obscur, les faisoit tout soudain conduire en un lieu bien clair, & par ce moyen perdoyent tous la veuë, aussi les religionnaires ayant esté retenus long temps dans les espoisses tenebres de l’ignorance & de l’infidelité, venants à voir tout à coup le brillant & la clarté du Soleil lumineux de l’Eglise Catholique, perdent la veuë spirituelle, & se jectants au precipice du desespoir, protestent de ne voir & de ne vouloir jamais voir la lumiere de la Foy, de la vraye Eglise, & ainsi comme dict le Prophete Isaye chap. 59. sont vrays aveugles qui vont à taston en plein midy, & sont cause de leur aveuglement, de leur perte, aimants mieux les tenebres que la lumiere. en S. Jean I. chap. & seroit injustement si ces personnes accusoyent nostre Dieu [Note marginale : Dieu Auteur de tout bien.], lequel est Autheur de tout bien, & au salut de l’homme, mais quand l’homme ne le veut escou- (ē 2 r°) ter [Note marginale : Le bien ou le mal arrive à l’homme selon sa disposition.], ne se faut esbahir s’il permet qu’il se perde, le malheur ou le bon-heur arrive à l’homme selon sa disposition, nous voyons qu’une mesme cause produict divers effects, le Soleil agrée aux yeux bien sains, il offense les chassieux, le feu amolist la cire, il endurcist la bouë, la vigne en fleur plaist & profite aux hommes, elle nuict & faict tort aux crapaux & bestes venimeuses, pour la mesme parolle de Dieu preschée à plusieurs, les uns se corrigent, & les autres en deviennent pires, plusieurs reçoivent le mesme corps de Jesus-Christ [Note marginale : Une nesme cause produict divers effects, selon la disposition des subjects.], les uns par telle sacrée viande se sauvent, le. (sic) autres se damnent, S. Pierre & Judas receurent d’une mesme main le sacré morceau, comme l’appelle Origene, l’un à sa consolation & l’autre à sa condamnation, S. Pierre le recevant s’escrioit, ô ma grace, ô mon soulas, escalier pour monter au Ciel, & Judas au contraire crioit, ô mon mal-heur, ô mon affiction, ô mon precipice aux Enfers, une mesme Medecine apporte la santé à l’un, & à l’autre la mort, d’où vient cela ? de la disposition des subjects [Note marginale : Causes qui ont poussé l’Autheur à faire ce Traicté.]. Contre tel aveuglement & pour ramener ceux qui ont encores quelque peu de lumiere, & pour la consolation des Catholiques, j’ay ces mois passez parmy plusieurs grandes occupations mis au jour ce Thresor des grandes richesses de l’Eglise : Ce qui m’a poussé d’ailleurs à ce faire, c’est que je voyois & entendois les langues huguenottes parler contre ces richesses, & tromper & seduire quelques uns, & à mon grand regret je considerois les Catholiques, voire plusieurs Ecclesiastiques ne pouvoir respondre à ce qu’objectoyent les heretiques contre ces grandes richesses : Je sçavois que le plus grand Thresor que nous ayt jamais acquis nostre Seigneur, cest celuy duquel je parle icy, je pleurois & lamentois de voir ces grandes & infinies richesses si peu estimées des Chrestiens : Use donc de ce traicté que je t’offre (Catholique Lecteur) & excuse le manquement qui y peut estre arrivé [Note marginale : L’intention de l’Autheur.], j’ay passé tout à dessein plusieurs choses, & pense avoir rapporté ce que j’ay creu estre pour le bien & l’utilité de ceux qui n’ont faict de grandes estudes, le style duquel j’ay usé est facile, j’ay rejecté tant qu’il m’a esté possible la curiosité & recharché des parolles triées & choisies, aussi la verité est elle simple, & n’a besoin d’aucun autre ornement (ē 2 v°) pour se faire cognoistre, tout ce qui est icy est tiré de l’Escriture Saincte, & des Peres & Docteurs des cinq premiers siecles, affin que cela ayt plus de force & de poids contre les mescreants [Note marginale : Sommaire de toute l’œuvre.], & t’affermisse davantage en la vraye Religion de tes Peres, tu verras en trois fois sept chapitres l’immensité & grandeur des richesses du nombre septenaire, & de tant de belles choses données par Jesus-Christ au Royaume de son Eglise par les sept Sacrements, là tu trouveras occasion de loüer & remercier ton Dieu à jamais : Ne trouve mauvais ou il a esté besoing de citer quelques mots Grecs & Hébreux si l’imprimeur n’a usé de characteres Grecs ou Hebreux [Note marginale : Advertissement au Lecteur.], ainsi là il fallu faire pour la penurie de ces characteres en ce lieu. Au reste prens en bonne part la bonne volonté que j’ay de servir au public, & prie Dieu je te supplie de me là conserver, & crois que par la grace de Dieu, je n’ay jamais eu & ne veux avoir autre but & visée que l’honneur de Dieu , & le salut des ames. Que si d’adventure il se trouve quelque detracteur qui ayt quelque sinistre opinion de moy, je te prie n’y adjouster foy, il se pourra faire quelque rencontre ou d’heretiques ou de Catholique trop faciles à persuader, qui diront que j’ay parlé trop librement contre les heretiques, respons pour moy, sers moy de caution, tu me trouveras tousjours pour payer, je me suis tousjours donné de garde d’offenser personne, & puis ma mere l’Eglise parle ainsi librement, les Peres anciens, les saincts Docteurs, qui s’attaquent aux vices & non aux personnes, ont dict de leur temps, mille choses contre les heretiques, comme S. Chrysostome, S. Augustin, S. Hierosme, S. Ignace en tant de lieux, S. Irenée [Note marginale : S. Chryso. hom. 50. ad pop. ant S. Aug. c. 25. I. 21. de la Cité de Dieu. S. Hierosme I. 7. Sur Is. S. Ign. ad Mag. ad Smirn. S. ìren. li. 1. ch. 5]: Nos Peres vieux & modernes en chasque siecle se sont opposez à leur possible à toutes les heresies [Note marginale : En tous les siecles les S. Peres se sont opposez aux heresies.], & n’ont rien espargnés pour les rembarrer, tant de Papes qui ont deffendu l’Eglise contre ces monstres d’heresies, un nombre infiny d’Evesques qui a crié contre, une grande multitude de Docteurs qui a escry contre, tant de grands Predicateurs qui ont tonnez contre, tant d’Empereurs & de grands Roys qui ont faicts des Edicts contre, tant de personnes layques qui ont publiquement prié Dieu contre [Note marginale : Deux choses rendent la peste espouventable.] : L’heresie est une vraye peste, deux choses rendent la peste espouventable, l’une (ē 3 r°) c’est [illisiblle] moment elle respand son venin jusques au cœur [illisible] aussi tost apporte la mort, l’autre c’est qu’en faisant mourir une personne, elle en infecte & empeste une centaine d’autres, & s’espand si tost par tout qu’en moins de rien elle gagne toute une ville, ainsi en faict l’heresie laquelle aussi tost qu’elle à gagné l’ame, là faict mourir, & faisant mourir toute une contrée, se respand aussi tost par tout, l’Apostre le criant que hereticorum sermo serpit ut cancer, partant commandoit S. Cyprian en ceste sorte, Simus ab eis tam separati, quam sunt illi de Ecclesia profugi : Davantage c’est la coustume des Catholiques de discerner les choses, & les nommer par leur noms, nos Roys, nos Princes, nos Gouverneurs se fachent de voir ces personnes opiniastres [Note marginale : Saincte coustume des Catholiques.], & ne croire pas, ils veulent qu’on les appelle heretiques, ils s’attristent de voir que ces gens ne veulent suivre la vraye Religion, ils permettent qu’on les nomme Religionnaires, personnes qui sont de la Religion pretenduë reformée : Lasthenes Olinthyen avoit aydé Philippe Roy de Macedoine pour se rendre maistre de la ville d’Olynthe ville de Thrace, quelques mignons de Court l’appelloyent traistre, s’en estant plaint au Roy, le Roy luy respondist, mon amy les Macedoniens sont gens qui ne sçavent guaire dissimuler, ils appellent une mare, une mare, un figuier, un figuier, en fin ils nomment les choses par leur noms, ainsi c’est la coustume des bons d’appeller le bien, bien, & le mal, mal, c’est leur coustume de louer ceux qui croyent & sont bien [Note marginale : Les heretiques sont causes de leur malheur.], & de vituperer ceux qui ne veullent croire & sont si mal, & pour dire vray les Catholiques ne donnent pas ces noms aux heretiques, c’est leur opiniastreté, c’est le manquement de foy qui est en eux, qu’ils ostent la cause, & ces noms leur seront ostez. Je prie Dieu de tout mon cœur qu’il te veuille illuminer l’entendement, & regler ta volonté selon ses saincts commandements, affin que mourant au champ de bataille en l’Eglise Catholiques, Apostolique & Romaine, hors laquelle & sans laquelle il n’y à pas de salut, tu jouysse en fin du Ciel avec les bien-heureux. A Dieu. (ē 3 v°)
  • Le sommaire des chapitres ou des matieres. [Jacques Hubault, 1618] (1 page et demie) (ē 4 r°-ē 4 v°)
  • Quatrain. [Jacques Hubault, 1618]
    Veux-tu, Chrestien, thesauriser ?
    Vis sainctement, ne mescrois rien,
    Veux-tu ton nom eterniser ?
    Prens ce Thresor, garde le bien. (ē 4 v°)
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Collection créée par Anne Réach-Ngô Collection créée le 27/06/2018 Dernière modification le 15/09/2021